Le Livre 010101: Enquête (2024)

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Title: Le Livre 010101: Enquête

Author: Marie Lebert

Release date: October 26, 2008 [eBook #27036]
Most recently updated: January 4, 2021

Language: French

Credits: Produced by Al Haines

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Produced by Al Haines

MARIE LEBERT

NEF, University of Toronto, 2001

Copyright © 2001 Marie Lebert

Datée de septembre 2001, une enquête sur le livre numérique menée auprès de tousses acteurs: auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires-documentalistes,professeurs, traducteurs, linguistes, concepteurs de machines de lecture, etc.La version originale est disponible sur le NEF:http://www.etudes-francaises.net/entretiens/00livre.htm

TABLE

1. Introduction

2. Chronologie

3. Qu'apporte l'internet aux auteurs?

4. Presse en ligne et cyberpresse

5. Le respect du droit d'auteur sur l'internet

6. L'édition électronique

7. Le livre numérique se généralise

8. Le livre électronique émerge

9. Livre numérique, livre braille et livre vocal

10. Les librairies "classiques" et cyber

11. Bibliothèques "en dur" et bibliothèques numériques

12. Apprendre et enseigner

13. Quel avenir pour l'imprimé?

14. La multiplicité des langues: barrière ou richesse?

15. La traduction automatique

16. Le livre et l'internet: quelques sagas

17. L'avenir du réseau

18. Cyberespace et société de l'information

19. Expériences et souvenirs

20. Répertoire de sites web

21. Glossaire

22. Personnes citées

23. Adresses web

24. Index

1. INTRODUCTION

Le développement de l'internet depuis quelques années, la généralisation deslivres numériques (versions numérisées d'un livre) depuis trois ans etl'apparition des livres électroniques (appareils de lecture permettant de lire àl'écran des livres numériques) depuis quelques mois amènent de profondschangements dans le monde du livre.

Le grand vecteur du numérique est le web, qui est la partie visible de l'iceberget joue souvent le rôle de vitrine. S'il est peut-être contaminé par l'emprisedes multinationales, le web n'en est pas moins devenu une gigantesqueencyclopédie, une énorme bibliothèque, une immense librairie et un organe depresse des plus complets. Il est aussi une discothèque, une vidéothèque et uneartothèque. Le web est relayé par les autres services procurés par l'internet, àcommencer par le courrier électronique, les listes de diffusion, les forums dediscussion, etc. A ceci s'ajoutent un certain nombre de services purementinformatiques, notamment la production de textes électroniques sous diversesformes et divers formats, et la numérisation des oeuvres imprimées en mode texteet en mode image.

Le numérique secoue durement le monde de l'imprimé, réputé jusque-là pour sastabilité. Le livre n'est pas menacé pour autant, loin s'en faut, mais il seconvertit: publication de livres en version numérique, avec impressionuniquement à la demande, oeuvres multimédias et hypermédias, éditeursélectroniques, librairies en ligne, bibliothèques numériques, dictionnaires etencyclopédies en ligne, logiciels de traduction automatique, appareils delecture de la taille d'un livre, etc.

Point n'est besoin de pleurer la mort du papier. On a désormais deux supports(papier et numérique) au lieu d'un (papier). Plutôt que de se lamenter sur lebon (?) vieux temps, beaucoup ont choisi d'explorer les avantages du numérique.Cependant, jusque-là, peu de professionnels sont devenus des adeptes du "zéropapier". Le plus souvent, l'imprimante reste la fidèle compagne de l'ordinateur.Certains s'accordent à dire qu'ils n'ont jamais autant imprimé. Tousreconnaissent l'utilité du numérique pour ses qualités pratiques, mais restentamoureux du papier et de l'imprimé pour le plaisir de l'objet.

Le livre imprimé a cinq siècles et demi. Le livre numérique est plus difficile àdater. Si on le considère comme un texte électronique, il aurait trente ans etserait né avec le Projet Gutenberg, créé par Michael Hart en 1971 alors qu'ilétait étudiant à l'Université d'Illinois, pour répandre le plus largementpossible les oeuvres du domaine public sous la forme de documents électroniquesau format texte. Si on le réduit à son aspect commercial, le livre numériquen'aurait que trois ans et serait né en mai 1998 avec la mise en vente despremières versions numériques commercialisées par les éditions 00h00.com.

La boucle semble maintenant bouclée, ou plus exactement l'imprimé et lenumérique se sont maintenant rejoints puisque, depuis le 23 novembre 2000, laversion numérique de la Bible de Gutenberg, premier ouvrage à avoir jamais étéimprimé (en 1454-1455) est en accès libre sur le site de la British Library,soit très exactement 546 ans plus tard. Dans quelques années, il deviendraprobablement ridicule de distinguer l'imprimé du numérique, si ce n'est pourchoisir un support, et ceci d'autant plus quand le papier électronique deviendramonnaie courante.

Comment s'effectue le passage vers le numérique pour les différents acteurs dumonde du livre: écrivains, journalistes, éditeurs, libraires, bibliothécaires,documentalistes, traducteurs, chercheurs, professeurs, linguistes, etc.? Quelusage font-ils de l'internet? Comment voient-ils l'avenir? Utilisent-ils encorebeaucoup l'imprimé? Quelle est leur opinion sur le livre électronique? Quepensent-ils des débats en cours sur le respect du droit d'auteur sur l'internet?Quels avantages voient-ils à la multiplicité des langues sur le web? Commentdéfinissent-ils le cyberespace et la société de l'information?

Pour des raisons pratiques, dans les pages qui suivent, on utiliseral'expression "professionnels du livre" pour englober tous ces acteurs."Professionnels de l'imprimé" n'est plus très opportun à l'ère du numérique."Professionnels de l'information et de la documentation" est un peu long, demême que "professionnels du livre et de la presse". Comme l'internet fait partiede notre vie quotidienne depuis plusieurs années maintenant, on a choisi de neplus lui attribuer de majuscule mais de le considérer comme un nom commun. Lamême remarque vaut pour "net", "web" et "réseau".

Le Livre 010101 se base principalement sur des entretiens conduits par courrierélectronique auprès de nombreux professionnels ayant des profils très variés.Les participants n'ont en aucune façon été choisis en fonction de leurnotoriété. Ils ont été choisis en fonction de leur expérience du numérique et del'intérêt de celle-ci. Si certains ont de gros moyens financiers et bénéficientde l'appui des médias, d'autres se débrouillent avec conviction et sans moyensdans un anonymat relatif ou total, et il est grand temps de leur donner aussi laparole. Ce livre s'y emploie. Tout comme les entretiens, il est publié en ligneen juillet 2001 sur le Net des études françaises.

Débutés en juin 1998, les premiers entretiens ont constitué la trame de deuxétudes, De l'imprimé à internet (00h00.com, Paris) et Le multilinguisme sur leweb (CEVEIL, Montréal), toutes deux publiées début 1999. Les entretiens se sontensuite poursuivis, chacun relatant sa propre expérience au fil des ans. Ceuxqui le souhaitaient ont reçu de nouvelles questions chaque année, avec réponse àtout ou partie des questions dans le délai souhaité: quelques jours, quelquessemaines ou quelques mois. De nouveaux participants sont régulièrement venus sejoindre aux "anciens".

Le but des entretiens est aussi de connaître l'avis des professionnels du livre(et apparentés) sur un sujet donné (le livre électronique, le droit d'auteur, lemultilinguisme, l'avenir du réseau, l'avenir de l'imprimé, etc.), d'où l'intérêtde poser les mêmes questions aux uns et aux autres. Comme on le verra, lespoints de vue sont très différents, ce qui ajoute à la richesse du livre. Quetous soient ici chaleureusem*nt remerciés pour leur participation et leurfidélité.

= Marie, Russon, Greg et Maria Victoria

Marie Lebert, l'auteur de ce livre, est traductrice et documentaliste(spécialisée dans les catalogues, bibliographies et index) auprèsd'organisations internationales, pour gagner sa vie. Depuis janvier 1998, grâceà l'internet, elle travaille exclusivement à distance. Elle est égalementchercheuse, écrivain et journaliste. Depuis toujours, elle est une nomadeimpénitente.

Russon Wooldridge, éditeur en ligne, est professeur au département d'étudesfrançaises de l'Université de Toronto. Il est le créateur de sites dans ledomaine des études françaises, dont le Net des études françaises, sur lequel celivre est publié. Il est également chercheur (histoire de la langue, évolutiondes médias du papier et du web).

Greg Chamberlain, journaliste et traducteur anglais, et Maria VictoriaMarinetti, mexicaine, professeur d'espagnol en entreprise et traductrice,vérifient et améliorent les traductions de Marie Lebert vers l'anglais etl'espagnol. Si tous les entretiens reçus en anglais et en espagnol sontsystématiquement traduits en français, on considère que les participantsanglophones et hispanophones ne comprenant pas le français ont eux aussi ledroit de savoir ce que pensent les francophones, d'où l'intérêt de cestraductions, malheureusem*nt trop peu nombreuses.

2. CHRONOLOGIE

Cette chronologie présente les principales balises du développement du numériquedans le domaine du livre et de la presse. Mis à part le Projet Gutenberg, apparudès 1971, le développement du numérique est lié à celui du web, et ne prend doncson essor qu'en 1993-1994, avec une accélération sensible depuis août 2000.Cette accélération préfigure sans doute le passage prochain au "tout numérique",au moins pour le stockage et la diffusion des données.

1971: Création du Projet Gutenberg, première bibliothèque numérique au monde

Créé par Michael Hart en 1971 alors qu'il était étudiant à l'Universitéd'Illinois, le Projet Gutenberg a pour but de mettre gratuitement à ladisposition de tous le plus grand nombre possible d'oeuvres du domaine public.Lorsque l'utilisation du web se généralise, le projet trouve un second souffleet un rayonnement international. La plus ancienne bibliothèque numérique surl'internet propose désormais 3.700 oeuvres (chiffres de juillet 2001) qui, aufil des années, ont été patiemment numérisées en mode texte par des volontairesde nombreux pays (600 volontaires actifs en 2000). D'abord essentiellementanglophones, les collections deviennent peu à peu multilingues.

1993: Création d'ABU: la bibliothèque universelle, première bibliothèquenumérique francophone

La première bibliothèque numérique francophone voit le jour en 1993, àl'initiative de l'Association des bibliophiles universels (ABU, Paris). Sesmembres, bénévoles, scannent ou dactylographient eux-mêmes des oeuvresfrancophones du domaine public. A ce jour, les collections comprennent 283textes de 100 auteurs (chiffres de juin 2001).

Novembre 1994: Premier numéro des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadairedes actualités de l'internet

Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, lance en novembre 1994 LesChroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, sousla forme d'une lettre hebdomadaire envoyée par courrier électronique (5.000abonnés en 2001). A partir d'avril 1995, on peut également lire les Chroniquesdirectement sur le web. Depuis bientôt sept ans maintenant, elles font référencedans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre.

Février 1995: Mise en ligne du site web du Monde diplomatique

Monté dans le cadre d'un projet expérimental avec l'INA (Institut national del'audiovisuel) et présenté en février 1995 lors du forum des images Imagina, lesite web du mensuel Le Monde diplomatique est le premier site d'un périodiqueimprimé français. A sa suite, rapidement, des quotidiens imprimés créent un siteweb: Libération fin 1995, Le Monde et L'Humanité en 1996, etc.

Avril 1995: Création d'Editel, pionnier de l'édition littéraire francophone

En avril 1995, Pierre François Gagnon, québécois, crée Editel, le premier siteweb d'auto-édition collective de langue française, devenu ensuite un site decyberédition non commerciale en partenariat avec les auteurs maison (25 textestéléchargeables en janvier 2001) et un webzine littéraire.

Juillet 1995: Naissance du libraire en ligne Amazon.com, futur géant du commerceélectronique

En juillet 1995, Amazon.com est fondé par Jeff Bezos suite à une étude de marchédémontrant que les livres sont les meilleurs "produits" à vendre sur l'internet.Il crée donc une librairie en ligne qui débute avec dix employés et troismillions d'articles, et devient vite une référence dans le domaine du commerceélectronique. Cinq ans plus tard, en novembre 2000, Amazon.com compte 7.500employés, 28 millions d'articles, 23 millions de clients et quatre filiales(Royaume-Uni, Allemagne, France et Japon). Admiré par certains, son modèleéconomique est violemment contesté par d'autres, notamment en matière de gestiondu personnel.

Février 1996: Naissance de LMB Actu (Le Micro Bulletin Actu), qui devient
Internet Actu en septembre 1999

En février 1996, François Vadrot, directeur des systèmes d'information du CNRS(Centre national de la recherche scientifique, France), crée LMB Actu (Le MicroBulletin Actu), lettre d'information hebdomadaire consacrée à l'actualité del'internet et des nouvelles technologies. Trois ans plus tard, en août 1999, ilcrée la société de cyberpresse FTPress (French Touch Press). En septembre 1999,LMB Actu est remplacé par Internet Actu (environ 55.000 abonnés en juin 2001pour l'ensemble des éditions hebdomadaires et quotidiennes). D'autrespublications suivent, ainsi que des réalisations multimédias, des émissions detélévision, etc., dont certaines suivent de près l'actualité du livre.

Août 1996: Création de CyLibris,premier éditeur en ligne français

Créé en août 1996 par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris, livre)décide d'utiliser l'internet et le numérique pour s'affranchir des contraintesliées à l'économie traditionnelle du livre. L'éditeur peut ainsi se consacrer àla découverte et à la promotion de nouveaux auteurs littéraires, et à lapublication de leurs premières oeuvres. Vendus uniquement sur le web, les livres(52 titres en juin 2001) sont imprimés à la commande et envoyés directement auclient, ce qui permet d'éviter le stock et les intermédiaires. CyLibris devientmembre du Syndicat national de l'édition (SNE) au printemps 2000.

Octobre 1996: Création du concept d'@folio, support numérique de lecture nomade

En octobre 1996, Pierre Schweitzer crée le concept d'@folio (prononcer a-folio),support numérique de lecture nomade, dans le cadre d'un projet de design déposéà l'Ecole d'architecture de Strasbourg. Le projet a beaucoup progressé depuis etla commercialisation d'@folio ne devrait plus tarder. Léger, et très simple defabrication et d'utilisation (son prix serait donc modique), @folio permetd'emporter avec soi des textes glanés sur l'internet. Sa mémoire, extensible,lui permet de stocker des centaines de pages reliées en hypertexte. Soninterface, ergonomique et intuitive, mime les gestes traditionnels de lalecture: tourner ou effleurer la page.

Octobre 1997: Création de Gallica, bibliothèque numérique de la Bibliothèquenationale de France (BnF)

Mise en ligne en octobre 1997 par la Bibliothèque nationale de France (BnF),Gallica est à l'échelon mondial une des plus importantes bibliothèquesélectroniques existant sur le réseau, avec 80.000 documents - imprimés et imagesfixes - allant du Moyen-Age au début du 20e siècle. Les imprimés sontessentiellement numérisés en mode image.

Mai 1998: Naissance des éditions 00h00.com, pionnier de l'édition numérique

"Zéro heure" est un nom choisi à dessein par Jean-Pierre Arbon et Bruno de SaMoreira, fondateurs des éditions 00h00.com, pour évoquer "cette idée d'origine,de nouveau départ". En mai 1998, 00h00.com fait le pari de concilier éditionélectronique et commerce, en vendant des livres en version numérique (quireprésentent 85% des ventes) et en version papier, imprimée à la demande. Pas destock, pas de contrainte physique de distribution, mais un très beau site, surlequel on lit: "internet est un lieu sans passé, où ce que l'on fait ne s'évaluepas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières defaire les choses."

Octobre 1998: Création du format Open eBook (OeB)

Apparu en octobre 1998, l'OeB (Open eBook) est un format de livre numérique basésur les formats HTML et XML. La première version (1.0) de l'Open eBookPublication Structure (OEBPS) est disponible en septembre 1999. Elle estremplacée en juillet 2001 par la version 1.0.1. Le format OeB est utilisénotamment par le Reader de Microsoft, le Gemstar eBook et le Mobipocket. Créé enjanvier 2000, l'Open eBook Forum (OeBF) développe le format OeB afin qu'ildevienne le standard majeur, sinon unique, de publication des livres numériques.Ce consortium international réunit plusieurs dizaines d'entreprises: desfabricants de livres électroniques, des éditeurs, des fabricants de logiciels etde matériels, des libraires en ligne, etc.

Décembre 1999: Mise en ligne de WebEncyclo, la première encyclopédie francophonedisponible gratuitement sur le web

En décembre 1999, les éditions Atlas mettent en ligne gratuitement leurencyclopédie WebEncyclo. La recherche est possible par mots-clefs, thèmes,médias (cartes, liens internet, photos et illustrations) et idées. La section"Webencyclo contributif" regroupe les contributions envoyées par desspécialistes.

Décembre 1999: Mise en ligne de l'Encyclopaedia Britannica, la premièreencyclopédie anglophone disponible gratuitement sur le web

Créé en décembre 1999, le site Britannica.com propose en accès libre et gratuitl'équivalent des 32 volumes de la 15e édition de l''Encyclopaedia Britannica,encyclopédie de référence de langue anglaise. Le site propose aussi l'actualitémondiale, une sélection d'articles de 70 magazines, un guide des meilleurs sitesweb (plus de 125.000 sites), une sélection de livres, etc., le tout étantaccessible à partir d'un moteur de recherche unique. Depuis septembre 2000, lesite fait partie des cent sites les plus visités au monde.

Juillet 2000: Autopublication sur l'internet de The Plant, de Stephen King,premier auteur de best-sellers à se lancer dans un tel pari

L'américain Stephen King, maître du suspense, est le premier auteur à succès àdistribuer une oeuvre uniquement sur l'internet. Riding The Bullet, une nouvellede 66 pages, provoque un véritable raz-de-marée lors de sa "sortie" sur le weble 14 mars 2000. 400.000 exemplaires sont téléchargés en 24 heures sur les sitesdes libraires en ligne qui la vendent. Suite à ce succès médiatique etfinancier, Stephen King décide de se passer des services de Simon & Schuster,son éditeur habituel. Il crée un site web spécifique et débute la publication enépisodes de The Plant le 24 juillet 2000. Le premier chapitre est téléchargeableen plusieurs formats (PDF, OeB, HTML, texte, etc.). Enthousiastes, sceptiques ouinquiets, les professionnels du livre suivent l'expérience de près. En novembre2000, après la parution du sixième chapitre, Stephen King décide d'arrêter lapublication pendant un an ou deux, le nombre de téléchargements et de paiementsayant régulièrement baissé au fil des chapitres.

Août 2000: Le Microsoft Reader disponible pour les ordinateurs de bureau

En mars 2000, une première version du Microsoft Reader (qui utilise le formatOeB) permet la lecture de livres sur les ordinateurs de poche. En août 2000, leMicrosoft Reader est utilisable sur un ordinateur de bureau. Des partenariatssont prévus avec les deux grands libraires en ligne, Barnes & Noble.com etAmazon.com, dans le cadre de l'ouverture prochaine de leurs librairiesnumériques (respectivement le 8 août et le 28 août 2000).

Septembre 2000: Rachat des éditions 00h00.com par l'américain Gemstar

Société leader dans le domaine des technologies et des systèmes interactifs pourles produits numériques, l'américain Gemstar étend son empire. En janvier 2000,il rachète les deux sociétés américaines à l'origine des premiers modèles delivres électroniques, NuvoMedia, créatrice du Rocket eBook, et Softbook Press,créatrice du Softbook Reader. Le 15 septembre 2000, il rachète les éditions00h00.com, fondées à Paris en mai 1998 par Jean-Pierre Arbon et Bruno de SaMoreira. Ce rachat permet à Gemstar d'accéder à l'édition numérique francophone,dont 00h00.com est devenu depuis son lancement le site de référence avec plus de600 titres, essentiellement des rééditions électroniques d'ouvrages publiés pard'autres éditeurs.

Septembre 2000: Mise en ligne gratuite du Grand dictionnaire terminologique
(GDT), dictionnaire bilingue français-anglais

Le GDT rassemble un fonds terminologique de 3 millions de termes français etanglais du vocabulaire industriel, scientifique et commercial, dans 2.000domaines d'activité. Son volume représenterait 3.000 ouvrages de référenceimprimés. La mise en ligne gratuite du GDT le 18 septembre 2000 est le résultatd'un partenariat entre l'Office de la langue française du Québec, auteur dudictionnaire, et la société Semantix, spécialisée dans la mise au point desolutions logicielles pour l'intégration de fonctions linguistiques. Cette miseen ligne est un succès: dès le premier mois, le dictionnaire est consulté par1,3 million de personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes.

Octobre 2000: Lancement du Gemstar eBook à New York

Lancé le 12 octobre 2000 à New York, le Gemstar eBook est le successeur duRocket eBook (de NuvoMedia) et du Softbook Reader (de SoftBook Press), suite aurachat de leurs sociétés par Gemstar en janvier 2000. Commercialisés en novembre2000 aux Etats-Unis, les deux modèles - REB1100 (modèle noir et blanc, sucesseurdu Rocket eBook) et REB1200 (modèle couleur, sucesseur du Softbook Reader) -sont construits et vendus sous le label RCA (appartenant à Thomson Multimedia).La commercialisation en Europe est prévue courant 2001.

Octobre 2000: Le eBookMan de Franklin reçoit le eBook Technology Award de laFoire internationale du livre de Francfort

Créé par Franklin, société leader spécialisée dans les PDA (personal digitalassistants) et les dictionnaires de poche, le eBookMan reçoit le 20 octobre 2000le eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort(13-17 octobre 2000). Un mois après, la version test (beta) du eBookMan estprésentée au Comdex Trade Show de Las Vegas (13-17 novembre 2000). Trois modèles(EBM-900, EBM-901 et EBM-911) sont commercialisés début 2001 aux Etats-Unis.

Novembre 2000: La Bible de Gutenberg disponible en ligne sur le site de la
British Library

Depuis le 22 novembre 2000, la version numérique de la Bible de Gutenberg est enaccès libre sur le site de la British Library. Cette Bible est le premierouvrage que Gutenberg ait imprimé, en 1454-1455, dans son atelier de Mayence(Allemagne). Il l'aurait imprimé en 180 exemplaires, et 48 exemplaires (dontcertains incomplets) existeraient toujours. La British Library en possède deuxversions complètes, et une partielle.

Janvier 2001: Commercialisation du Cybook, livre électronique conçu par lasociété Cytale

Conçu par la société Cytale, le Cybook est le premier livre électroniqueeuropéen à être mis sur le marché. Olivier Pujol, PDG de Cytale, le présente le15 décembre 2000 à un groupe de professionnels: auteurs, éditeurs, spécialistesdes nouvelles technologies, etc. Distribué depuis le 23 janvier 2001, le Cybookne nécessite qu'une prise téléphonique pour la connexion à l'internet. Letéléchargement des ouvrages s'effectue à partir de la librairie électroniquesituée sur le site web.

3. QU'APPORTE L'INTERNET AUX AUTEURS?

[Dans ce chapitre:]

[3.1. Auteurs "classiques" / Des échanges accrus / Un outil de recherche etd'ouverture sur le monde / Une source d'inspiration romanesque // 3.2. Auteursmultimédias et hypermédias / Un rapport différent à l'écriture / Deshyper-romans publiés en feuilleton sur le web / Un espace d'écriture hypermédia/ Vers un nouveau genre littéraire?]

3.1. Auteurs "classiques"

= Des échanges accrus

De l'avis général, l'internet renforce considérablement les relations del'auteur avec le lecteur. Site web et courrier électronique permettent demultiplier les échanges, sans contrainte de temps et de lieu.

Nicolas Ancion utilise l'internet comme outil de communication et de créationdepuis 1997: "Je publie des textes en ligne, soit de manière exclusive (j'aipublié un polar uniquement en ligne et je publie depuis février (2001) deuxromans-feuilletons écrits spécialement pour ce support), soit de manièrecomplémentaire (mes textes de poésie sont publiés sur papier et en ligne). Jedialogue avec les lecteurs et les enseignants à travers mon site web."

En avril 2000, Anne-Bénédicte Joly, écrivain, décide d'auto-publier ses oeuvresen utilisant le web pour les faire connaître. "Mon site a plusieurs objectifs,écrit-elle. Présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) àtravers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l'ontrouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter monparcours (de professeur de lettres et d'écrivain), permettre de commander mesouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d'or,guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires. (…) Créer unsite internet me permet d'élargir le cercle de mes lecteurs en incitant lesinternautes à découvrir mes écrits. Internet est également un moyen pour élargirla diffusion de mes ouvrages. Enfin, par une politique de liens, j'espèresusciter des contacts de plus en plus nombreux. (…) Internet devra mepermettre d'aller à la rencontre de lecteurs (d'internautes) que je n'aurai pasl'occasion en temps ordinaire de côtoyer. Je pense à des pays francophones telsque le Canada qui semble réserver une place importante à la littératurefrançaise. Je suis déjà référencée dans des annuaires et des moteurs derecherche anglo-saxons, et en passe de définir des accords d'échange de liensavec des sites universitaires et littéraires canadiens."

Poète et plasticienne, Silvaine Arabo débute en mai 1997 la cyber-revue Poésied'hier et d'aujourd'hui. "Pour ce qui est d'internet, je suis autodidacte (jen'ai reçu aucune formation informatique quelle qu'elle soit), explique-t-elle.En 1997 j'ai eu l'idée de construire un site littéraire centré sur la poésie:internet me semble un moyen privilégié pour faire circuler des idées, pourcommuniquer ses passions aussi. Je me suis donc mise au travail, trèsempiriquement, et ai finalement abouti à ce site sur lequel j'essaye de mettreen valeur des poètes contemporains de talent, sans oublier la nécessaire prisede recul (rubrique 'Réflexions sur la poésie') sur l'objet considéré."

L'utilisation de l'internet a-t-elle des incidences sur son activité de poète?"Disons que la gestion d'un site internet - si l'on veut qu'il demeure vivant -requiert beaucoup de temps. Mais je fais en sorte que ma création personnellen'en souffre pas. Par ailleurs, internet m'a mise en contact avec d'autrespoètes, dont certains fort intéressants… Cela rompt le cercle de la solitudeet permet d'échanger des idées. On se lance des défis aussi… Internet peutdonc pousser à la créativité et relancer les motivations des poètes puisqu'ilssavent qu'ils seront lus et pourront même, dans le meilleur des cas,correspondre avec leurs lecteurs et avoir les points de vue de ceux-ci sur leurstextes. Je ne vois personnellement que des aspects positifs à la promotion de lapoésie par internet: tant pour le lecteur que pour le créateur. "En mars 2001,elle crée sur support papier, Saraswati: revue de poésie, d'art et de réflexion.Cyber-revue et revue papier, "les deux créations se complètent et sont vraimentà placer en regard l'une de l'autre."

Murray Suid écrit des livres pédagogiques et des livres pour enfants. Il estégalement l'auteur d'oeuvres multimédias et de scénarios. "L'internet est devenumon principal instrument de recherche, et il a largement - mais pas complètement- remplacé la bibliothèque traditionnelle et la communication de personne àpersonne pour une recherche précise. A l'heure actuelle, au lieu de téléphonerou d'aller interviewer les gens sur rendez-vous, je le fais par courrierélectronique. Du fait de la rapidité inhérente à la messagerie électronique,j'ai pu collaborer à distance avec des gens, particulièrement pour desscénarios. J'ai par exemple travaillé avec deux producteurs allemands. Cettecorrespondance est également facile à conserver et à organiser, et je peux doncaisément accéder à l'information échangée de cette façon. De plus, le faitd'utiliser le courrier électronique permet aussi de garder une trace des idéeset des références documentaires. Ce type de courrier fonctionnant bien mieux quele courrier classique, l'internet m'a permis de beaucoup augmenter macorrespondance. De même le rayon géographique de mes correspondants s'estbeaucoup étendu, surtout vers l'Europe (Murray Suid habite en Californie, ndlr).Auparavant, j'écrivais rarement à des correspondants situés hors des Etats-Unis.C'est également beaucoup plus facile, je prends nettement plus de temps qu'avantpour aider d'autres écrivains dans une sorte de groupe de travail virtuel. Cen'est pas seulement une attitude altruiste, j'apprends beaucoup de ces échangesqui, avant l'internet, me demandaient beaucoup plus d'efforts."

Dès 1998, Murray Suid préconise une solution désormais choisie par de nombreuxauteurs. "Un livre peut avoir un prolongement sur le web - et donc vivre enpartie dans le cyberespace. L'auteur peut ainsi aisément l'actualiser et lecorriger, alors qu'auparavant il devait attendre longtemps jusqu'à l'éditionsuivante, quand il y en avait une. (…) Je ne sais pas si je publierai deslivres sur le web, au lieu de les publier en version imprimée. J'utiliseraipeut-être ce nouveau support si les livres deviennent multimédias. Pour lemoment je participe au développement de matériel pédagogique multimédia. C'estun nouveau type de matériel qui me plaît beaucoup et qui permet l'interactivitéentre des textes, des films, des documents audio et des graphiques tous reliésles uns aux autres. Un an après, en août 1999, il relate: "En plus des livrescomplétés par un site web, je suis en train d'adopter la même formule pour mesoeuvres multimédias - qui sont sur CD-Rom - afin de les réactualiser etd'enrichir leur contenu." Depuis, Murray Suid participe à des réalisationsmultimédias à caractère pédagogique conçues pour le réseau. Il travaillenotamment pour EDVantage Software qui, de société multimédia, est devenue unesociété internet de logiciels éducatifs.

= Un outil de recherche et d'ouverture sur le monde

Michel Benoît écrit des nouvelles policières, des récits noirs et des histoiresfantastiques. "L'internet s'est imposé à moi comme outil de recherche et decommunication, essentiellement. Non, pas essentiellement. Ouverture sur le mondeaussi. Si l'on pense: recherche, on pense: information. Voyez-vous, si l'onpense: écriture, réflexion, on pense: connaissance, recherche. Donc on va sur latoile pour tout, pour une idée, une image, une explication. Un discours prononcéil y a vingt ans, une peinture exposée dans un musée à l'autre bout du monde. Onpeut donner une idée à quelqu'un qu'on n'a jamais vu, et en recevoir de même. Latoile, c'est le monde au clic de la souris. On pourrait penser que c'est un beaucliché. Peut-être bien, à moins de prendre conscience de toutes les implicationsde la chose. L'instantanéité, l'information tout de suite, maintenant. Plusbesoin de fouiller, de se taper des heures de recherche. On est en train defaire, de produire. On a besoin d'une information. On va la chercher,immédiatement. De plus, on a accès aux plus grandes bibliothèques, aux plusimportants journaux, aux musées les plus prestigieux. On pense à une toile d'ungrand peintre, un instant plus tard, on l'a devant les yeux, on peut l'imprimerpour l'étudier plus en détail. Il y a une guerre quelque part dans le monde, uninstant plus tard, on lit les communiqués de propagande d'un côté et de l'autre.La toile, le web, est en train de donner son vrai sens au village global, Gaïa,la terre-mère. (…)

Mon avenir professionnel en inter-relation avec le net, je le vois exploser.Plus rapide, plus complet, plus productif. Je me vois faire en une semaine cequi m'aurait pris des mois. Plus beau, plus esthétique. Je me vois réussir destravaux plus raffinés, d'une facture plus professionnelle, même et surtout dansdes domaines connexes à mon travail, comme la typographie, où je n'ai aucunecompétence. La présentation, le transport de textes, par exemple. Le travailsimultané de plusieurs personnes qui seront sur des continents différents.Arriver à un consensus en quelques heures sur un projet, alors qu'avant le net,il aurait fallu plusieurs semaines, parlons de mois entre les francophones. Plusle net ira se complexifiant, plus l'utilisation du net deviendra profitable,nécessaire, essentielle."

= Une source d'inspiration romanesque

Dans son roman Sanguine sur toile (Le Choucas, 1999), l'internet est unpersonnage en soi, explique Alain Bron, consultant en systèmes d'information etécrivain. "Plutôt que de le décrire dans sa complexité technique, le réseau estmontré comme un être tantôt menaçant, tantôt prévenant, maniant parfoisl'humour. N'oublions pas que l'écran d'ordinateur joue son double rôle: ilmontre et il cache. C'est cette ambivalence qui fait l'intrigue du début à lafin. Dans ce jeu, le grand gagnant est bien sûr celui ou celle qui saits'affranchir de l'emprise de l'outil pour mettre l'humanisme et l'intelligenceau-dessus de tout."

En quoi consiste l'intrigue? "La "toile", c'est celle du peintre, c'est aussil'autre nom d'internet: le web - la toile d'araignée, explique l'auteur."Sanguine" évoque le dessin et la mort brutale. Mais l'amour des couleursjustifierait-il le meurtre? Sanguine sur toile évoque l'histoire singulière d'uninternaute pris dans la tourmente de son propre ordinateur, manipulé à distancepar un très mystérieux correspondant qui n'a que vengeance en tête. J'ai vouluemporter le lecteur dans les univers de la peinture et de l'entreprise, universqui s'entrelacent, s'échappent, puis se rejoignent dans la fulgurance deslogiciels. Le lecteur est ainsi invité à prendre l'enquête à son propre comptepour tenter de démêler les fils tressés par la seule passion. Pour percer lemystère, il devra répondre à de multiples questions. Le monde au bout desdoigts, l'internaute n'est-il pas pour autant l'être le plus seul au monde?Compétitivité oblige, jusqu'où l'entreprise d'aujourd'hui peut-elle aller dansla violence? La peinture tend-elle à reproduire le monde ou bien à en créer unautre? Enfin, j'ai voulu montrer que les images ne sont pas si sages. On peuts'en servir pour agir, voire pour tuer."

Autre roman dans lequel le web est omniprésent, La Toile, de Jean-Pierre Balpe,directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8. Publié en 1999 parCyLibris, maison d'édition en ligne, cet roman est une projection dans l'avenir."Notre internet (…) fait pâle figure auprès de l'omniprésente toileélectronique sur laquelle repose le monde de 2015, lit-on sur le site del'éditeur. Chacun vit, travaille, communique, s'instruit à travers le réseau…Chacun? Non, car le système engendre aussi ses exclusions, et rejette dans lamarginalité les non-intégrés, ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas être"citoyens du web". Dans cet avenir plus que probable, un "web artist" ouzbèque,Khamid Khan Kharamidov, est retrouvé assassiné dans une chambre d'hôtel deMontréal. Pour la police, ce n'est d'abord qu'une affaire de routine. PourBlaise Carver, universitaire spécialisé en sciences de la communication ethisorien du réseau, enquêter sur la mort de Kharamidov et jouer les détectivesamateurs n'est d'abord qu'un pari amical. Mais bientôt, tous réalisent que lamort du 'web artist' n'est que le sommet de l'iceberg, et que derrière ce crimes'étendent une infinité de ramifications qui, du Canada à l'Angleterre, de laSibérie à l'Australie, de Paris à Sion, mettent en péril l'équilibre du mondeentier. Tandis que, devant sa console, Blaise Carver commence à entrevoirl'effrayante vérité, un compte à rebours, quelque part, est déjà enclenché…"

3.2. Auteurs multimédias et hypermédias

Principe de base du web, le lien hypertexte permet de relier entre eux desdocuments textuels et des images. Quant au lien hypermédia, il permet l'accès àdes graphiques, des documents audio et vidéo et des images animées. L'hyperlienouvre de nombreuses perpectives pour la création en général et la littérature enparticulier. Des écrivains n'ont pas tardé à en explorer les possibilités.

= Un rapport différent à l'écriture

Jean-Paul, écrivain et musicien, est le webmestre du site des cotres furtifs,qui raconte des histoires en 3D. "La navigation par hyperliens se fait en rayon(j'ai un centre d'intérêt et je clique méthodiquement sur tous les liens qui s'yrapportent) ou en louvoiements (de clic en clic, à mesure qu'ils apparaissent,au risque de perdre de vue mon sujet). Bien sûr, les deux sont possibles avecl'imprimé. Mais la différence saute aux yeux: feuilleter n'est pas cliquer.L'internet n'a donc pas changé ma vie, mais mon rapport à l'écriture. On n'écritpas de la même manière pour un site que pour un scénario, une pièce de théâtre,etc.

En fait, ce n'est pas sur la toile, c'est dans le premier Mac que j'ai découvertl'hypermédia à travers l'auto-apprentissage d'Hypercard. Je me souviens encorede la stupeur dans laquelle j'ai été plongé, durant le mois qu'a duré monapprentissage des notions de boutons, liens, navigation par analogies, parimages, par objets. L'idée qu'un simple clic sur une zone de l'écran permettaitd'ouvrir un éventail de piles de cartes dont chacune pouvait offrir de nouveauxboutons dont chacun ouvrait un nouvel éventail dont… bref l'apprentissage detout ce qui aujourd'hui sur la toile est d'une banalité de base, cela m'a faitl'effet d'un coup de foudre (il paraît que Steve Jobs et son équipe eurent lemême choc lorsqu'ils découvrirent l'ancêtre du Mac dans les laboratoires de RankXerox).

Depuis, j'écris (compose, mets en page, en scène) directement à l'écran. L'état'imprimé' de mon travail n'est pas le stade final, le but ; mais une forme parmid'autres, qui privilégie la linéarité et l'image, et qui exclut le son et lesimages animées. (…) C'est finalement dans la publication en ligne(l'entoilage?) que j'ai trouvé la mobilité, la fluidité que je cherchais. Lemaître mot y est "chantier en cours", sans palissades. Accouchement permanent, àvue, comme le monde sous nos yeux. Provisoire, comme la vie qui tâtonne, secherche, se déprend, se reprend. Avec évidemment le risque souligné par lesgutenbergs, les orphelins de la civilisation du livre: plus rien n'est sûr. Iln'y a plus de source fiable, elles sont trop nombreuses, et il devient difficilede distinguer un clerc d'un gourou. Mais c'est un problème qui concerne lecontrôle de l'information. Pas la transmission des émotions."

Jean-Paul a participé au websoap, un projet d'écriture hypertextuelle conçu pourl'internet par Olivier Lefèvre, mis en ligne le 17 novembre 2000 et interrompu(provisoirement?) quelques semaines après. Il s'agit d'"un jeu de rôleshypermédias dont l'avenir me paraît prometteur, parce qu'il est en rapportétroit avec les lois de fonctionnement du 'cyberespace': www.thewebsoap.net.Cette adresse renvoie à une constellation de sites centrés chacun sur unindividu. Ils communiquent et interagissent par leur boîte à lettres, ouverte aupublic. L'internaute a ainsi accès à plusieurs portes d'entrée dans l'histoire.La nouveauté du feuilleton est qu'il se déroule en 'temps réel' (ce qui estimpossible dans le monde de l'imprimé; quant aux séries télé, elles aussi sontcantonnées à la forme de l'épisode à horaire fixe). Les personnagescorrespondent quotidiennement, en quasi-direct, ce qui instaure pour les auteursun rapport presque journalistique à leur imaginaire et à leur écriture.L'internaute suit, à son propre rythme, libre de s'intéresser ou non àl'intégralité des différentes intrigues (amours, galères, showbiz, ombresmaléfiques, mystères et rebondissem*nts) ou à l'ensemble de tous lespersonnages. C'est avant tout cette fluidité générale (apparente! c'est en faitun sacré travail!) qui m'a fait y participer. Elle permet de garder le côtéimpro-jazz que j'aime dans la mise en net."

"Les possibilités de l'écriture spécifiques à l'internet sont multiples (si pasinfinies, on est en tout cas loin d'en avoir fait le tour)", écrit AlexAndrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte. Al'origine, il s'intéresse surtout à "l'écriture de mail (…): des mailsfictifs". Tout comme Jean-Paul, il participe au websoap, qui "a commeparticularité d'utiliser exclusivement les moyens du web pour raconter lesrécits qu'il se donne comme objectif de mettre en place. Le défi que lance à sesauteurs notre réalisateur/intégrateur Olivier Lefèvre est de taille. En effet,habituellement, l'écriture, qu'elle soit de roman, de scénario ou de théâtre,implique des descriptions, des indications de mise en scène (ou des didascaliespour le théâtre). Ici, rien de tout ça. Tout doit se dire sous forme d'adresse àun autre personnage. Il faut ensuite rebondir sur la ou les réponses, ets'arranger pour que le nécessaire soit dit. De plus, logiquement, une adresse àun tiers est le plus souvent succinte, pleine de référence et de sous-entendus,entre le ton parlé, un ton un peu littéraire, un ton un peu dépersonnalisé parrapport à la parole, mais proche quand même de son interlocuteur. On est plusproche du roman "épistolaire" du 19e (siècle, pas l'arrondissem*nt qui n'a rienà voir), que d'une continuité dialoguée… Donc, exercice difficile pour tout'tchatcheur', être court, mais tout dire, tout en restant léger… Heureusem*nt,de temps à autre nous sommes aidés par un concept qui nous vient droit du jeu derôle (d'autres auteurs du websoap nous viennent de ce secteur): le PNJ, lepersonnage non joué. Des adresses à ce personnage, proche du second rôle d'unefiction classique, mais non joué par un des "joueurs-auteurs", permet depréparer "le" mail décisif à un autre personnage principal, en mettant en placela situation. Attention tout de même: il faut rester dans la cohérence du récitet assurer stabilité et visibilité! En fait, un peu comme dans la dramaturgiecinématographique ou théâtrale, où l'importance du hors champ n'est plus àinventer, le sens saute d'un mail à l'autre. Plus clairement, un mail qui a unsens très positif en tant que tel, peut en prendre un tout autre, lorsqu'il estcomplété par une information distillée par un autre mail. Dans cette nouvelleforme d'écriture, tout s'invente en temps réel. Et c'est ce qui estpassionnant…"

Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre, fait elle aussipartie de l'équipe du websoap. "Aux côtés d'Olivier Lefèvre, qui est leconcepteur du projet, j'ai créé le personnage principal, Mona Bliss, autourduquel gravitent une galaxie d'autres personnages, tous doués d'une vie propre,c'est-à-dire, sur la toile, d'un site personnel et d'une boîte aux lettresélectronique dont le contenu est accessible à tous sur le Blue Mailer (site quipermet au lecteur de lire sur le web le contenu des différentes boîtes auxlettres, ndlr)."

Plus généralement, "j'ai toujours baigné dans l'écriture, raconte-t-elle, maisje n'ai produit de textes dignes de ce nom que grâce à l'ordinateur, qui aprofondément modifié ma façon d'écrire et de penser. Quand il m'arrive parhasard de retourner au stylo et au papier, je suis perdue, mon écriture, commeintrinsèquement hypertextuelle, part (apparemment) dans tous les sens sur lapage blanche. La structure n'est plus la même. Bien sûr, avec ma formationclassique (hypokhâgne, latin-grec) je pourrais rapidement retrouver l'écriturelinéaire, mais franchement, je n'en ai plus envie. Je me sens en parfaiteadéquation avec l'hypertexte, tout simplement. Peut-être parce que j'ai l'espritd'escalier…"

= Des hyper-romans publiés en feuilleton sur le web

Lucie de Boutiny est l'auteur de Non, roman multimédia publié en feuilleton surle web par Synesthésie, revue en ligne d'art contemporain. "NON prolonge lesexpériences du roman post-moderne (récits tout en digression, polysémie avecjeux sur les registres - naturaliste, mélo, comique… - et les niveaux delangues, etc.), explique-t-elle. Cette hyperstylisation permet à la narrationdes développements inattendus et offre au lecteur l'attrait d'une navigationdans des récits multiples et multimédias, car l'écrit à l'écran s'apparente à unjeu et non seulement se lit mais aussi se regarde. Quant au sujet: NON est unroman comique qui fait la satire de la vie quotidienne d'un couple de jeunescadres supposés dynamiques. Bien qu'appartenant à l'élite high-tech d'uneindustrie florissante, Monsieur et Madame sont les jouets de la dite révolutionnumérique. (…) Les personnages sont de bons produits. Les images et le stylegraphique qui accompagnent leur petite vie conventionnelle ne se privent pas dedétourner nombre de vrais bandeaux publicitaires et autres icônes qui fontl'apologie d'une vie bien encadrée par une société de contrôle."

Lucie de Boutiny publie aussi bien sur papier que sur écran. "D'une manièregénérale, mon humble expérience d'apprentie auteur m'a révélé qu'il n'y a pas dedifférence entre écrire de la fiction pour le papier ou le pixel: cela demandeune concentration maximale, un isolement à la limite désespéré, une patienceobsessionnelle dans le travail millimétrique avec la phrase, et bien entendu, enplus de la volonté de faire, il faut avoir quelque chose à dire! Mais avec lemultimédia, le texte est ensuite mis en scène comme s'il n'était qu'un scénario.Et, si à la base, il n'y a pas un vrai travail sur le langage des mots, tout legraphisme et les astuces interactives qu'on peut y mettre fera gadget. Parailleurs, le support modifie l'appréhension du texte, et même, il faut lesouligner, change l'oeuvre originale."

Les possibilités offertes par l'hyperlien ont néanmoins changé son moded'écriture. "Ce qui a changé: le bonheur d'écrire autrement, car ce qu'il sepasse, depuis l'avènement d'ordinateurs multimédias, relativement peu coûteux,connectés au web, est qu'un certain nombre d'artistes éclairés par la féeélectricité ont besoin d'être illuminés. Quelles que soient leurs confessionsd'origine (arts visuels, littérature, poésie sonore, expérimentale…),elles/ils utilisent le média numérique comme un outil de création dont il fautdécouvrir les possibles. Le net étant évolutif, les artistes proposent le plussouvent des tentatives, c'est curieux, des works in progress, c'est opiniâtre,ou des pièces plus ambitieuses qui se construisent dans le temps, en fonction del'amélioration du web (sa fluidité, sa résolution d'images, etc.). Ainsi lecyberartiste propose souvent des actualisations et des versions O.x. Voilà quiest intéressant et qui nous sort du marché."

Roman d'Anne-Cécile Brandenbourger, La malédiction du parasol s'est d'abordintitulée Apparitions inquiétantes. "Longue histoire à lire dans tous les sens,un labyrinthe de crimes, de mauvaises pensées et de plaisirs ambigus", laversion originale s'est développée sous forme de feuilleton pendant deux ans surle site d'Anacoluthe, en collaboration avec Olivier Lefèvre. L'histoire estpubliée en février 2000 aux éditions 00h00.com, en tant que premier titre de lacollection 2003, consacrée aux nouvelles écritures numériques. Suite au succèsdu livre, six mois après, en août 2000, le roman est réédité en version impriméeaux éditions "Florent Massot présente", avec une couverture en 3D et un nouveautitre.

"Les possibilités offertes par l'hypertexte m'ont permis de développer et dedonner libre cours à des tendances que j'avais déjà auparavant, écrit l'auteur.J'ai toujours adoré écrire et lire des textes éclatés et inclassables (comme parexemple La vie mode d'emploi de Perec ou Si par une nuit d'hiver un voyageur deCalvino) et l'hypermédia m'a donné l'occasion de me plonger dans ces formesnarratives en toute liberté. Car pour créer des histoires non linéaires et desréseaux de textes qui s'imbriquent les uns dans les autres, l'hypertexte estévidemment plus approprié que le papier. Je crois qu'au fil des jours, montravail hypertextuel a rendu mon écriture de plus en plus intuitive. Plus'intérieure' aussi peut-être, plus proche des associations d'idées et desmouvements désordonnés qui caractérisent la pensée lorsqu'elle se laisse aller àla rêverie. Cela s'explique par la nature de la navigation hypertextuelle, lefait que presque chaque mot qu'on écrit peut être un lien, une porte qui s'ouvresur une histoire."

= Un espace d'écriture hypermédia

Mis en ligne en juin 1997, oVosite est l'oeuvre d'un collectif de six auteursissus du département hypermédias de l'Université Paris 8: Chantal Beaslay, LaureCarlon, Luc Dall'Armellina, Philippe Meuriot, Anika Mignotte et Claude Rouah.oVosite est conçu et réalisé "autour d'un symbole primordial et spirituel, celuide l'oeuf, explique Luc Dall'Armellina. Le site s'est constitué selon unprincipe de cellules autonomes qui visent à exposer et intégrer des sourceshétérogènes (littérature, photo, peinture, vidéo, synthèse) au sein d'uneinterface unifiante."

Les possibilités offertes par l'hypertexte ont-elles changé son mode d'écriture?

"Non - parce qu'écrire est de toute façon une affaire très intime, un mode derelation qu'on entretient avec son monde, ses proches et son lointain, sesmythes et fantasmes, son quotidien et enfin, appendus à l'espace du langage,celui de sa langue d'origine. Pour toutes ces raisons, je ne pense pas quel'hypertexte change fondamentalement sa manière d'écrire, qu'on procède partouches, par impressions, associations, quel que soit le support d'inscription,je crois que l'essentiel se passe un peu à notre insu.

Oui - parce que l'hypertexte permet sans doute de commencer l'acte d'écritureplus tôt: devançant l'activité de lecture (associations, bifurcations, sauts deparagraphes) jusque dans l'acte d'écrire. L'écriture (significatif avec deslogiciels comme StorySpace) devient peut-être plus modulaire. On ne vise plustant la longue horizontalité du récit mais la mise en espace de ses fragments,autonomes. Et le travail devient celui d'un tissage des unités entre elles.L'autre aspect lié à la modularité est la possibilité d'écritures croisées, àplusieurs auteurs. Peut-être s'agit-il d'ailleurs d'une méta-écriture, qui meten relation les unités de sens (paragraphes ou phrases) entre elles."

Cette double réponse est aussi celle de Xavier Malbreil, auteur multimédia etmodérateur de la liste e-critures: "Oui: j'ai développé une écriturehypertextuelle spécifique sur mon site www.0m1.com dans les rubriques '10 poèmesen 4 dimensions' et 'Formes libres flottant sur les ondes'. Non: mon écrituretraditionnelle (roman, nouvelles) n'a pas été modifiée par l'hyperlien."

= Vers un nouveau genre littéraire?

Pour Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel, "les écrivains français, c'esthistorique, sont dans leur majorité technophobes. Les institutions culturelleset les universitaires lettrés en revanche soutiennent les démarcheshyperlittéraires à force de colloques et publications diverses. Du côté desplasticiens, je suis encore plus rassurée, il est acquis que l'art en ligneexiste."

"Je viens du papier, ajoute-t-elle. (…) Mes 'conseillers littéraires', desamis qui n'ont pas ressenti le vent de liberté qui souffle sur le web,aimeraient que j'y reste, engluée dans la pâte à papier. Appliquant le principede demi-désobéissance, je fais des allers-retours papier-pixel. L'avenir nousdira si j'ai perdu mon temps ou si un nouveau genre littéraire hypermédia vanaître. (…) Si les écrivains français classiques en sont encore à se demanders'ils ne préfèrent pas le petit carnet Clairefontaine, le Bic ou le Mont-Blancfétiche, et un usage modéré du traitement de texte, plutôt que l'ordinateurconnecté, voire l'installation, c'est que l'HTX (littérature hypertextuelle,ndlr) nécessite un travail d'accouchement visuel qui n'est pas la vocationoriginaire de l'écrivain papier. En plus des préoccupations du langage (syntaxe,registre, ton, style, histoire…), le techno-écrivain - collons-lui ce labelpour le différencier - doit aussi maîtriser la syntaxe informatique etparticiper à l'invention de codes graphiques car lire sur un écran est aussiregarder."

"L'avenir de la cyber-littérature, techno-littérature ou comme on voudral'appeler, est tracé par sa technologie même", écrit Jean-Paul, webmestre dusite des cotres furtifs. Il est maintenant impossible à un(e) auteur(e) seul(e)de manier à la fois les mots, leur apparence mouvante et leur sonorité.Maîtriser aussi bien Director, Photoshop et Cubase, pour ne citer que les plusconnus, c'était possible il y a dix ans, avec les versions 1. Ça ne l'est plus.Dès demain (matin), il faudra savoir déléguer les compétences, trouver despartenaires financiers aux reins autrement solides que Gallimard, voir du côtéd'Hachette-Matra, Warner, Pentagone, Hollywood. Au mieux, le statut du…écrivaste? multimédiaste? sera celui du vidéaste, du metteur en scène, dudirecteur de produit: c'est lui qui écope des palmes d'or à Cannes, mais iln'aurait jamais pu les décrocher seul. Soeur jumelle (et non pas clone) ducinématographe, la cyber-littérature (= la vidéo + le lien) sera une industrie,avec quelques artisans isolés dans la périphérie off-off (aux droits d'auteurnégatifs, donc)."

"La couverture du réseau autour de la surface du globe resserre les liens entreles individus distants et inconnus, explique Luc Dall'Armellina, co-auteur etwebmestre d'oVosite. Ce qui n'est pas simple puisque nous sommes placés devantdes situations nouvelles: ni vraiment spectateurs, ni vraiment auteurs, nivraiment lecteurs, ni vraiment interacteurs. Ces situations créent des nouvellespostures de rencontre, des postures de 'spectacture' ou de 'lectacture'(Jean-Louis Weissberg). Les notions de lieu, d'espace, de temps, d'actualitésont requestionnées à travers ce médium qui n'offre plus guère de distance àl'événement mais se situe comme aucun autre dans le présent en train de sefaire. L'écart peut être mince entre l'envoi et la réponse, parfois immédiat(cas de la génération de textes). Mais ce qui frappe et se trouve repérable nedoit pas masquer les aspects encore mal définis tels que les changementsradicaux qui s'opèrent sur le plan symbolique, représentationnel, imaginaire etplus simplement sur notre mode de relation aux autres. 'Plus de proximité' necrée pas plus d'engagement dans la relation, de même 'plus de liens' ne créentpas plus de liaisons, ou encore 'plus de tuyaux' ne créent pas plus de partage.Je rêve d'un internet où nous pourrions écrire à plusieurs sur le mêmedispositif, une sorte de lieu d'atelier d'écritures permanent et quiautoriserait l'écriture personnelle (c'est en voie d'exister), son partage avecd'autres auteurs, leur mise en relation dans un tissage d'hypertextes et unespace commun de notes et de commentaires sur le travail qui se crée. Je rêveencore d'un internet gratuit pour tous et partout, avec toute l'utopie que celareprésente. Internet est jeune mais a déjà ses mythologies, ainsi Xanadu devaitêtre cette cité merveilleuse ou tout le savoir du monde y serait lisible entoutes les langues. Loin d'être au bout de ce rêve, internet tient tout de mêmequelques-unes de ces promesses."

4. PRESSE EN LIGNE ET CYBERPRESSE

[Dans ce chapitre:]

[4.1. Presse "classique" et cyber // 4.2. Trois exemples / Ouest-France,quotidien imprimé présent sur le web / Les Chroniques de Cybérie, lettreélectronique hebdomadaire / FTPress, société de cyberpresse]

Bien que cet ouvrage concerne essentiellement le livre, il semble essentiel deconsacrer un chapitre à la presse en ligne, que ce soit la presse impriméeprésente sur le web ou la cyberpresse. Pourquoi? D'abord parce que le monde dulivre et celui de la presse ont toujours été très liés. Et ensuite parce qu'ilest possible que la différence entre le livre et la presse s'amenuise au fil desans, au moins dans le domaine de la presse spécialisée. Depuis peu, chezcertains éditeurs de documentaires, les livres peuvent être vendus en chapitresindépendants les uns des autres (voir 6.1), un élément que les auteurs ontdésormais à l'esprit lors de la rédaction. Aussi la frontière nedeviendra-t-elle pas de plus en plus ténue entre le chapitre et l'article?

4.1. Presse "classique" et cyber

Les premières éditions électroniques de journaux sont disponibles par le biaisde services commerciaux tels que America Online ou CompuServe. Puis les éditeursde ces journaux créent des serveurs web. La plupart des journaux et magazinessur papier ont maintenant leur site web sur lequel ils proposent une sélectiond'articles ou bien la version intégrale de leur dernier numéro, ainsi que desforums, des dossiers et des archives. D'autres journaux et magazines sontpurement électroniques.

Monté dans le cadre d'un projet expérimental avec l'INA (Institut national del'audiovisuel) et présenté en février 1995 lors du forum des images Imagina, lesite web du mensuel Le Monde diplomatique est le premier site d'un périodiqueimprimé français. Il permet l'accès à l'ensemble des articles depuis 1998, pardate, sujet et pays. L'intégralité du mensuel en cours est consultablegratuitement pendant les deux semaines suivant sa parution. Un forum permanentde discussions en ligne permet des échanges avec les lecteurs. Le site comprendaussi des bases documentaires comprenant des textes de référence et des dossiersd'actualité. A sa suite, rapidement, des quotidiens imprimés créent un site web:Libération fin 1995, Le Monde et L'Humanité en 1996, etc.

La presse doit maintenant compter avec l'internet pour les diverses ressourcesqu'offre le réseau: rapidité de propagation de l'information, accès à denombreux sites d'information, liens à des articles et sources traitant du mêmesujet, bases de données documentaires allant du général au spécialisé etréciproquement (cartes, textes officiels, informations d'ordre politique,économique, social, culturel, etc.), bases de données iconographiques (photos,images, figures, graphiques, etc.), archivage avec moteur de recherche. Leréseau permet une information en profondeur qu'aucun organe de presse ne pouvaitdonner jusqu'ici. Derrière l'information du jour se trouve toute uneencyclopédie qui aide à la comprendre.

Signe des temps, en novembre 2000, à Lille, la Fédération nationale de la pressefrançaise (FNPF) organise un congrès consacré à l'avenir de la presse face audéveloppement de l'internet et des nouvelles technologies ("Demain la presse",13e congrès de la FNPF, 23-24 novembre 2000, Lille). 500 acteurs de la pressefrançaise y échangent leurs expériences. Le congrès précédent s'était tenu enoctobre 1991, soit dix ans auparavant. "En dix ans, il s'est passé beaucoup dechoses, souligne Alain Boulonne, président de la FNPF (cité par l'AFP). Avec lamontée en puissance des nouvelles technologies, nous sommes confrontés à unavenir extrêmement improbable, dans lequel la presse doit se battre pour trouversa place." Trois questions dominent les travaux: à qui appartiendra demainl'entreprise de presse, les problèmes de labellisation des contenus sur le web,et l'internet en tant qu'opportunité pour valoriser les fonds éditoriaux.

4.2. Trois exemples

Voici trois exemples représentatifs de la presse en ligne: Ouest-France,quotidien imprimé présent sur le web depuis juillet 1996 (4.2.1), Les Chroniquesde Cybérie, lettre électronique hebdomadaire créée dès novembre 1994 et présentesur le web depuis avril 1995 (4.2.2), et enfin FTPress, société de cyberpressecréée en septembre 1999 (4.2.3).

= Ouest-France, quotidien imprimé présent sur le web

Ouest-France, le grand quotidien de l'ouest avec ses 42 éditions différentes,ouvre son serveur internet en juillet 1996. Bernard Boudic en a été leresponsable éditorial jusqu'en décembre 2000. "TC-Multimédia a été créée en1986, explique-t-il. Elle prennait la suite de l'Association télématique del'ouest qui avait expérimenté le minitel (créé à Rennes). D'abord spécialiséeexclusivement dans les services vidéotex, elle a fait aussi de l'internet àpartir de juillet 1996. Elle est chargée d'exploiter sur ce média l'ensemble dela production du journal Ouest-France."

"A l'origine, l'objectif était de présenter et relater les grands événements del'Ouest en invitant les internautes à une promenade dans un grand nombre depages consacrées à nos régions (tourisme, industrie, recherche, culture), écritBernard Boudic en juin 1998. Très vite, nous nous sommes aperçus que cela nesuffisait pas. Nous nous sommes tournés vers la mise en ligne de dossiersd'actualité, puis d'actualités tout court. Aujourd'hui (en juin 1998, ndlr) nousavons quatre niveaux d'infos: quotidien, hebdo (tendant de plus en plus vers unrythme plus rapide), événements et dossiers. Et nous offrons des services(petites annonces, guide des spectacles, presse-école, boutique, etc.). Noustravaillons sur un projet de journal électronique total: mise en ligneautomatique chaque nuit de nos quarante éditions (450 pages différentes, 1.500photos) dans un format respectant typographie et hiérarchie de l'information etautorisant la constitution par chacun de son journal personnalisé (critèresgéographiques croisés avec des critères thématiques)."

"Internet a changé ma vie professionnelle d'abord parce que je suis devenu leresponsable éditorial du site, ajoute-t-il à la même époque. Les retombées surle travail quotidien des journalistes d'Ouest-France sont encore minces. Nouscommençons seulement à offrir un accès internet à chacun (la rédactiond'Ouest-France comprend 370 journalistes répartis dans soixante rédactions, surdouze départements… pas simple). Certains utilisent internet pour lamessagerie électronique (courrier interne ou externe, réception de textes decorrespondants à l'étranger, envoi de fichiers divers) et comme sourced'informations. Mais cette pratique demande encore à s'étendre et à segénéraliser. Bien sûr, nous réfléchissons aussi à tout ce qui touche àl'écriture multimédia et à sa rétroaction sur l'écriture imprimée, auxchangements d'habitudes de nos lecteurs, etc. (…) Internet est à la fois unemenace et une chance. Menace sur l'imprimé, très certainement (captation de lapub et des petites annonces, changement de réflexes des lecteurs, perte du goûtde l'imprimé, concurrence d'un média gratuit, que chacun peut utiliser pourdiffuser sa propre info, etc.). Mais c'est aussi l'occasion de relever tous cesdéfis et de rajeunir la presse imprimée."

Trois ans après, en janvier 2001, quelles sont les perspectives? "Nous avons lachance de disposer d'un gisem*nt d'informations déjà utilisées pour le papier(Ouest-France publie dans ses 42 éditions 550 pages différentes toutes lesnuits) et de petites annonces. Nous avons une marque connue et respectée. Maisle modèle économique n'est pas trouvé. Nous pensons développer un service payantà destination des centres de documentation qui leur permettrait de rechercherdans les 42 éditions n'importe quel article correspondant à une requête parmots-clés."

En ce qui concerne le journal imprimé en général , "mon avis est que lejournal-papier est menacé à terme (20 ans ?) s'il ne se renouvelle pas dans laforme et dans le fond. La prise en mains du journal se fera de plus en plus tard(40-45 ans?). Il y aura des arbitrages avec la télévision (satellite, câble,numérique hertzien), avec l'internet rapide (ADSL, câble, boucle locale radio,satellite?). Il n'y aura pas de publicité disponible pour faire vivre tout lemonde."

= Les Chroniques de Cybérie, lettre électronique hebdomadaire

Jean-Pierre Cloutier, journaliste québécois, lance Les Chroniques de Cybérie,chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, en novembre 1994 sous laforme d'une lettre hebdomadaire envoyée par courrier électronique (environ 5.000abonnés en 2001). A partir d'avril 1995, on peut également lire les Chroniquesdirectement sur le web. Depuis bientôt sept ans maintenant, elles font référencedans la communauté francophone, y compris dans le domaine du livre.

Quel est l'historique des Chroniques? "Il y a deux choses ici, dans mon cas,relate Jean-Pierre Cloutier en juin 1998. D'abord une époque où j'étaistraducteur (après avoir travaillé dans le domaine des communications). Je mesuis branché à internet à la demande de clients de ma petite entreprise detraduction car ça simplifiait l'envoi des textes à traduire et le retour destextes traduits. Assez rapidement, j'ai commencé à élargir mon bassin declientèle et à avoir des contrats avec des clients américains.

Puis, il y a eu carrément changement de profession, c'est-à-dire que j'ai mis decôté mes activités de traduction pour devenir chroniqueur. Au début, je lefaisais à temps partiel, mais c'est rapidement devenu mon activité principale.C'était pour moi un retour au journalisme, mais de manière manifestement trèsdifférente. Au début, les Chroniques traitaient principalement des nouveautés(nouveaux sites, nouveaux logiciels). Mais graduellement on a davantage traitédes questions de fond du réseau, puis débordé sur certains points d'actualiténationale et internationale dans le social, le politique et l'économique.

Dans le premier cas, celui des questions de fond, c'est relativement simple cartoutes les ressources (documents officiels, dépêches, commentaires, analyses)sont en ligne. On peut donc y mettre son grain de sel, citer, étendre l'analyse,pousser des recherches. Pour ce qui est de l'actualité, la sélection des sujetsest tributaire des ressources disponibles, ce qui n'est pas toujours facile àdénicher. On se retrouve alors dans la même situation que la radio ou la télé,c'est-à-dire que s'il n'y a pas de clip audio ou d'images, une nouvelle mêmeimportante devient du coup moins attrayante sur le plan du médium."

Toujours en juin 1998, quelles étaient les perspectives? "Dans le cas desChroniques de Cybérie, nous avons pu lancer et maintenir une formule en raisondes coûts d'entrée relativement faibles dans ce médium. Cependant, tout dépendrade l'ampleur du phénomène dit de 'convergence' des médias et d'une haussepossible des coûts de production s'il faut offrir de l'audio et de la vidéo pourdemeurer concurrentiels. Si oui, il faudra songer à des alliances stratégiques,un peu comme celle qui nous lie au groupe Ringier (entre avril 1998 et mars2001, ndlr) et qui a permis la relance des Chroniques après six mois de mise enveilleuse. Mais quel que soit le degré de convergence, je crois qu'il y auratoujours place pour l'écrit, et aussi pour les analyses en profondeur sur lesgrandes questions."

Deux ans après, en août 2000, Jean-Pierre Cloutier écrit: "Fin juillet 1998, àpeu près au moment où nous avions notre tout premier entretien, j'écrivais:"Quelqu'un me demandait récemment quelles étaient les grandes tendancesd'internet et si quelque chose avait changé dans la couverture journalistique del'espace cyber. Après avoir feint de ne pas avoir entendu la question, questionde songer à une réponse adéquate, je lui ai répondu qu'au début, un bonchroniqueur se devait d'avoir les deux pieds bien ancrés dans le milieu destechnologues et des créatifs. Maintenant, il importe d'avoir un bureau àmi-chemin entre le Palais de justice et la Place de la bourse, et de cultiverses amis avocats et courtiers." (Chroniques de Cybérie, 28 juillet 1998) Jeconstate que, depuis ce temps, mais surtout depuis un an, cette tendance s'estconfirmée. Les considérations financières comme les placements initiaux detitres (les IPO - initial public offers), les options d'achat d'actions, lamontée fulgurante du Nasdaq fin 1999 et début 2000, puis la correction boursièredu printemps, bref, toute cette activité a dominé grandement l'actualité ducyberespace.

Puis, sur le plan juridique, il y a eu l'affaire Microsoft (qui n'est pas encoreterminée en raison des appels). C'est la plus visible, celle qui a monopolisél'attention pendant des mois. Plus récemment, c'est l'affaire Napster quiretient l'attention (là aussi, on attend les décisions en appel). L'affaire UEJF(Union des étudiants juifs de France) - LICRA (Ligue internationale contre leracisme et l'antisémitisme) - Yahoo! en France est aussi, à mon avis, éminemmentimportante car elle implique le concept de censure 'géographique', à partir d'unterritoire donné. Mais outre ces 'causes célèbres', il ne se passe pas unejournée sans que les fils de presse ne rapportent des décisions de tribunaux quiont des incidences sur l'avenir d'internet. Ce sont donc les manoeuvresboursières et les objets de litiges portés devant les tribunaux qui façonnent lemode de vie en réseau, et ce au détriment d'une réflexion et d'une actionprofonde sur le plan strict de la communication."

= FTPress, société de cyberpresse

En février 1996, François Vadrot, alors directeur des systèmes d'information duCNRS (Centre national de la recherche scientifique, France), crée LMB Actu (LeMicro Bulletin Actu), lettre d'information hebdomadaire consacrée à l'actualitéde l'internet et des nouvelles technologies. Trois ans plus tard, en août 1999,il crée FTPress (French Touch Press), société française de cyberpresse. Enseptembre 1999, LMB Actu est remplacé par Internet Actu (environ 55.000 abonnésen juin 2001 pour l'ensemble des éditions hebdomadaires et quotidiennes).D'autres publications suivent, ainsi que des réalisations multimédias, desémissions de télévision, etc., dont certaines suivent de près l'actualité dulivre.

"En (très) résumé, mon activité consiste à développer une société, FTPress,spécialisée dans la presse online (enfin pour l'instant, car tout bougetellement vite que ce pourrait bien ne plus être le cas dans quelques mois),explique François Vadrot en mai 2000. Le concept de FTPress est de réaliser desmédias professionnels spécialisés chacun dans un secteur économique: la santé,l'automobile, l'image numérique, les ressources humaines, la logistique, etc.Chaque média traite de l'économie, de la technologie, des aspects politiques etsociaux, d'un secteur modifié par l'arrivée des nouvelles technologies etd'internet. Le premier a été Internet Actu, créé au CNRS en février 1996, suivide Pixel Actu (en janvier 2000, devenu Objectif numérique en décembre 2000,ndlr), puis de eSanté Actu (en mai 2000, devenu Interactive santé en janvier2001, ndlr). Nous sommes partis de l'écrit, mais nous allons maintenant vers lemultimédia, avec prochainement des émissions de télévision. FTPress réaliseaussi des médias pour des tiers."

"Mon avenir professionnel, je le vois comme un présent professionnel, poursuitFrançois Vadrot. Si vous m'aviez posé cette question il y a deux ans (mai 1998),je vous aurais répondu qu'à force de travailler avec internet (en tant quedirecteur aux systèmes d'information du CNRS) et à propos d'internet (en tantque directeur de la publication LMB Actu), je rêvais de créer une entrepriseinternet. Mais je me demandais alors comment m'y prendre. Si vous me l'aviezposée il y a un an (mai 1999), je vous aurais répondu que j'avais fait le saut,que les dés étaient jetés, et que j'avais annoncé mon départ del'administration… pour créer FTPress. Je ne pouvais plus supporter de resteroù j'étais. Je devenais aigre. C'était créer mon entreprise ou bien… prendreune année sabbatique à ne rien faire. Et aujourd'hui je suis en plein dedans.J'ai l'impression de vivre les histoires que l'on lit dans la presse sur lesstart-up."

En novembre 2000, plusieurs projets en gestation ont pris corps: "de nouveauxmagazines (DRH Actu, NetLocal Actu, Automates intelligents, Correspond@nces avecla Fondation la Poste, etc.), de la TV (avec un studio propre), un nouveausystème d'information (ou de production) très puissant (Reef.com), le kiosque depresse (avec des partenaires presse externes, à commencer par Diora), etc."D'autres magazines ont vu le jour depuis, notamment Captain-doc, guide de ladocumentation électronique lancé en janvier 2001. Ariel Suhamy est à la barre dunavire, en collaboration avec Geneviève Vidal.

5. LE RESPECT DU DROIT D'AUTEUR SUR L'INTERNET

[Dans ce chapitre:]

[5.1. Le web est un espace public basé sur l'échange // 5.2. Le respect du droitd'auteur est essentiel // 5.3. Il importe de ne pas freiner la diffusion // 5.4.Il n'est pas facile de contrer le piratage et le plagiat // 5.5. Les solutionssont d'ordre technologique // 5.6. Une législation adaptée semble nécessaire //5.7. Il est essentiel d'éduquer le lecteur/client // 5.8. Ce débat occulte lesvrais problèmes]

La question du respect du droit d'auteur sur l'internet est étudiée par denombreux spécialistes. Ce ne sont pas non plus les sites web qui manquent sur lesujet. Dans le cadre de ce livre, on a préféré recueillir directement l'avis desprofessionnels du livre. Ces réponses s'articulent autour de huit grands thèmes:1) le web est un espace public basé sur l'échange (5.1); 2) le respect du droitd'auteur est essentiel (5.2); 3) il importe de ne pas freiner la diffusion(5.3); 4) il n'est pas facile de contrer le piratage et le plagiat (5.4); 5) lessolutions sont d'ordre technologique (5.5); 6) une législation adaptée semblenécessaire (5.6); 7) il est essentiel d'éduquer le lecteur/client (5.7); 8) cedébat occulte les vrais problèmes (5.8).

5.1. Le web est un espace public basé sur l'échange

Alain Bron, consultant en systèmes d'information et écrivain: "Je considèreaujourd'hui le web comme un domaine public. Cela veut dire que la notion dedroit d'auteur sur ce média disparaît de facto: tout le monde peut reproduiretout le monde. La création s'expose donc à la copie immédiate si les copyrightsne sont pas déposés dans les formes usuelles et si les oeuvres sont exposéessans procédures de revenus. Une solution est de faire payer l'accès àl'information, mais cela ne garantit absolument pas la copie ultérieure."

Jacques Gauchey, spécialiste en industrie des technologies de l'information etjournaliste: "Le droit d'auteur dans son contexte traditionnel n'existe plus.Les auteurs ont besoin de s'adapter à un nouveau paradigme, celui de la libertétotale du flot de l'information. Le contenu original est comme une empreintedigitale: il est incopiable. Il survivra et prospérera donc."

Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Il y a deux choses. Le web ne doit pas êtreun espace de non-droit, et c'est un principe qui doit s'appliquer à tout, etnotamment au droit d'auteur. Toute utilisation commerciale d'une oeuvre doitouvrir droit à rétribution. Mais également, le web est un lieu de partage.Echanger entre amis des passages d'un texte qui vous a plu, comme on peutrecopier des passages d'un livre particulièrement apprécié, pour le faire aimer,cela ne peut faire que du bien aux oeuvres, et aux auteurs. La littératuresouffre surtout de ne pas être diffusée. Tout ce qui peut concourir à la fairesortir de son ghetto sera positif."

Gérard Fourestier, créateur de Rubriques à Bac: "Les mesures de respect: oui,mais de protection: non! Et, quoi qu'il en sera, que cela n'aboutisse pas àfreiner la création, tant il est vrai que chaque auteur en a digéré d'autres."

Fabrice Lhomme, technicien informatique et créateur d'Une Autre Terre, siteconsacré à la science-fiction. "De par mon travail, je fais plus attention auxaspects techniques du web qu'aux débats qui s'y rapportent. Il me semble quandmême qu'il y a incompatibilité entre internet et la notion de droits d'auteur.Internet est un espace ouvert et il me semble impossible d'empêcher quelqu'und'y diffuser des documents protégés. Le fait d'en parler est tout de mêmeimportant car ça pourra peut-être sensibiliser certaines personnes qui n'avaientpas pensé au problème. Mais cela n'arrêtera jamais quelqu'un qui le fait enconnaissance de cause. La seule solution qui me semble plausible serait que leshébergeurs surveillent un peu plus le contenu des pages qu'ils hébergent."

Blaise Rosnay, webmestre du site du Club des poètes: "La diffusion de la culturedoit être facilitée sur l'internet. Les éditeurs et les pouvoirs publics doiventencourager tous les projets réalisés par des passionnés de tel ou tel auteur quipartagent leur passion avec les autres sur internet sans en faire profit.Exemple: il serait absurde qu'un jeune homme qui aime Le Petit Prince deSaint-Exupéry ne soit pas encouragé à partager son amour et à l'illustrer parquelques extraits de cette oeuvre qui, soit dit en passant, est un beauplaidoyer pour le coeur contre les raisons de l'argent. En résumé, il me sembleque l'internet peut encore devenir un moyen de partage de la culture et de labeauté à condition que la culture et la beauté ne soient pas considérés commedes biens de consommation. C'est la moindre des choses, car, justement, lapoésie et la beauté véhiculent d'autres valeurs morales et spirituelles."

Patrice Cailleaud, directeur de la communication de HandiCaPZéro: "Pourl'instant, les déficients visuels sont les grands bénéficiaires du manque delégislation sur la toile. Pourvu que ça dure! Les droits et autorisationsd'auteurs étaient et demeurent des freins pour l'adaptation en braille oucaractères agrandis d'ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues etn'aboutissent que trop rarement."

Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen: "A mon avis, il n'y a pas de débat. Si on met quelquechose sur le web, c'est-à-dire ouvert à tout le monde, cela signifie qu'onl'offre gratuitement à tout le monde. Si on veut en faire du commerce, lesmoyens existent pour sécuriser les accès et les copies, il faut tout simplementles mettre en oeuvre. A l'heure actuelle (et c'est peut-être une bonne chose) onn'a que deux alternatives, ou bien on met ses créations dans un tiroir et onvend, ou bien on offre."

Jacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young: "Apartir du moment où internet, par conception, est un 'monde ouvert', le problèmedes droits d'auteurs est complexe. A mon sens, il y a peu de solutions à ceproblème."

Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné aux nouveauxauteurs: "Il est évident que toute création portée sur support électronique estcopiable. Malgré toutes les protections techniques qui seront inventées, il yaura toujours un petit malin qui découvrira la clef pour copier le fichier.Aussi, je ne crois pas qu'on puisse réellement protéger une oeuvre sur internet,qu'il s'agisse d'un texte, d'une image ou d'une application. D'autre part, onassiste à une réelle 'révolution' dans le domaine informatique: l'avènement dulogiciel libre qui marque un changement dans les mentalités qui s'étend au mondede l'internet. Celui-ci se traduit à tous les niveaux: côté développeur delogiciels et côté utilisateur. Les utilisateurs sont de plus en plus réticents àpayer un logiciel ou de l'info qu'ils peuvent trouver gratuitement ailleurs. Lemodèle économique est donc en train de changer: on ne paiera plus l'outil maisle service… Malheureusem*nt, ce système n'est valable que pour les logiciels.Aussi, comment l'appliquer aux créations littéraires ou artistiques? Seuls lesdroits moraux peuvent pour l'instant être reconnus (incrustation d'un copyrightsur les images, copyright moins évident pour les textes). Conclusion: on ne peutpour l'instant que se reposer sur l'honnêteté de l'homme… fragile, donc. Uneexpérience intéressante existe concernant la littérature: le lyber. Il s'agit deprésenter une oeuvre en lecture complète sur le web. Libre ensuite au lecteurd'acheter l'ouvrage papier qui pourra rémunérer l'auteur. On part du principeque le lecteur voudra conserver chez lui une trace de sa lecture s'il l'a jugévraiment digne d'intérêt. C'est ainsi un bon moyen d'éliminer les oeuvres demauvaise qualité. Pour ma part, je proposerais une solution intermédiaire:proposer à la lecture sur le web le tiers du livre. Pour lire la suite, lelecteur commande l'ouvrage papier. Car je crains qu'un lecteur ne veuille pasforcément acheter un ouvrage qu'il a déjà lu entièrement… et l'auteur perdainsi une partie de sa rémunération, ce qui est dommage et n'encourage pas à lacréation littéraire."

Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques etlittéraires: "Le problème est simple. La solution l'est aussi. Avant l'inventiondu net, les contrats d'édition ne tenaient pas compte de ce nouveau support, etpour cause. Cette nouvelle interface fait craindre aux éditeurs la perte desources de profits par les risques de copies pirates. Mais quel est ce risque?Est-il réel? Ce n'est pas un risque de 'manque à gagner', c'est une opportunitéde promotion. La plupart des gens qui accèdent à une oeuvre de manière illégalesont des lecteurs ou auditeurs qui n'auraient sans doute jamais acheté l'oeuvreen question, parfois même n'en auraient jamais entendu parler! Le simple faitqu'ils aient l'opportunité de la lire (ou de l'écouter en MP3) - et de la fairelire ou écouter à leurs amis - constitue de la promotion gratuite, du bouche àoreille qui participe de la découverte et de la promotion des artistes. Lesgrandes maisons de logiciels le savent bien, qui distribuent leurs programmesentiers, gratuitement pour une période limitée. Ceux qui peuvent les acheter lesachètent, ceux qui ne peuvent pas les utilisent quand même et leur font de lapublicité quand le produit est bon. (Quand le produit n'est pas bon, ils nel'auraient pas acheté de toute manière!) Alors, où est le problème? Le seulproblème réside dans les prix prohibitifs pratiqués par les sociétés d'édition,dans les marges commerciales de produits qui n'ont plus rien à voir avec lacréation artistique ou les droits d'auteurs, mais relèvent de marketing, departs de marché, de ratios comptables et de marges de profits. Certains artistesl'ont d'ailleurs parfaitement compris qui mettent leurs oeuvres directement surle net. En matière d'édition numérique, il suffit de créer des droitsspécifiques, distincts des droits relatifs aux éditions ordinaires sur supportpapier. Le tatouage des oeuvres lors de l'impression personnelle est unexcellent moyen de limiter la diffusion d'impressions excessives. En même temps,permettre cette impression pour utilisation personnelle est aussi un excellentmoyen de promotion de l'auteur et de son oeuvre. Même si c'est un exemplairegratuit. Et quand cet auteur (ou artiste) deviendra très connu, les mêmeséditeurs papier qui le boudent se jetteront dessus pour le publier alors qu'ilsauraient à peine lu son manuscrit auparavant!"

Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en3D: "Nous ne nous sentons pas concernés. a) S'il s'agit de 'respect', c'est unequestion de morale et d'élégance, qui n'est pas suceptible de débat: sur latoile comme ailleurs, on cite ses sources. Total respect. Pour la plupartd'entre nous. b) S'il s'agit de 'droit d'auteur', on est dans le domainejuridique, instable par essence. Le 'droit' d'auteur est une notion récente —que les Français attribuent à Beaumarchais, homme d'ombres, d'affaires,trafiquant d'armes et grand auteur. L'apparition du numérique, et donc duclonage (qui pose un autre problème que celui de la copie, résolu depuislongtemps), oblige à reconsidérer cette notion. c) S'il s'agit de 'droitsd'auteur' (au pluriel, donc), on est dans la sphère de l'économie, dont lalogique est connue: concurrence et rétention: devenir le premier de la classe,empêcher les autres de le devenir. Et pas vu, pas pris.

Sony est éditeur de CD (audio et Rom) parce que ça rapporte. Et il fabrique desgraveurs (qui permettent de cloner ses propres CD, comme ceux de la concurrence)parce que ça rapporte. Philips faisait de même, jusqu'au jour où il a vendu sadivision Polygram (que les lois de l'économie lui permettront de racheter le caséchéant). 'Il ne suffit pas d'être grand pour être performant, mais, dans unmonde financier totalement mondialisé, ça aide. Surtout si on a l'ambition dejouer les premiers rôles.' (Hervé Babonneau, Ouest-France du 6 août 1999). (…)Bien que tangent à la sphère économique (il faut payer le nom de domaine, etl'abonnement au serveur), notre cotre-espace (le site des cotres furtifs, ndlr)ne s'y réduit pas, notre esprit n'est pas celui de la concurrence. Notre siteest en téléchargement libre, et nous téléchargeons les sites que nous trouvonscréatifs. C'est normal de cloner une oeuvre d'autrui pour en faire cadeau ;c'est partager. Ce qui est dégueulasse, c'est de vendre ce clone. (…)Copyright ou droit d'auteur, vision européenne ou vision américaine, qui val'emporter? Le principe de propriété privée. La propriété tabou de ceux qui ontles moyens de la faire garder. Par l'OMC (Organisation mondiale du commerce) parexemple, chargée de régler la question des 'droits' partout dans le monde (mêmevirtuel) et, espèrent-ils, pour toujours. Ceux dont la maison est sur le tracéd'une future autoroute savent le prix réel d'un tabou. Alors les droits desauteurs, créateurs, inventeurs… Mais si Orson Welles s'est fait bouffer parles studios, Kubrick s'est méthodiquement rendu indépendant des mêmes. Peuimporte la loi que se fera tailler sur mesure Onc' Picsou. Les petit* mammifèresont bouffé les tyrannosaures, avec le temps. Et les anciens rois, qui tenaientpourtant leur pouvoir des dieux, nous leur avons coupé la tête. En moins detemps."

5.2. Le respect du droit d'auteur est essentiel

Barbara Grimes, directrice de publication de l'Ethnologue, encyclopédie deslangues, jusqu'en 2000: "Tous les copyrights doivent être respectés, de la mêmefaçon que pour l'imprimé."

Caiomhín Ó Donnaíle, webmestre du principal site d'information en gaéliqueécossais: "Je pense que la durée du copyright est beaucoup trop longue. A partcela, je pense que le copyright devrait être respecté en général."

Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique: "Jene vois pas de débat. Le droit d'auteur est un droit, il n'y a pas à revenirlà-dessus. La question intéressante est de savoir comment appliquer ce droitinaliénable à la nouvelle réalité de diffusion des oeuvres. Mon point de vue esttrès simple: l'auteur doit être rémunéré pour son travail. Mais il reste maîtrede son oeuvre et peut aussi décider lui-même de céder ses droits gratuitement(par exemple pour l'encodage en alphabet braille à destination des malvoyants)ou de diffuser certains de ses textes gratuitement (ce que je fais surinternet). Je tiens beaucoup au respect du droit de paternité de l'auteur, maisje ne pense pas que tout échange sur cette planète doive être monnayé. Je suistrès heureux d'offrir des textes gratuitement. Mais je ne tolère ni le vol ni lapiraterie. Si quelqu'un vole un texte et le diffuse sous un autre nom, il commetun délit grave, bien entendu."

Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres: "Le respect du droitd'auteur, c'est la survie de la création. Le web, de par son universalité et lagrande facilité avec laquelle quiconque peut s'approprier ou copier ce qu'ilsouhaite, constitue à n'en pas douter une limite à la diffusion de toutecréation. Je suis réticente à l'idée de placer mes textes en exhaustivité sur latoile car je crains les copies et plagiats. Je pense qu'il serait sans douteastucieux de présenter par exemple les premiers chapitres d'un livre ou unextrait puis d'inciter le lecteur à acquérir l'ouvrage sous forme papier ou sousforme électronique grâce à une gestion sécurisée des moyens de paiement."

Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre: "En tant qu'auteur,j'aimerais que mes droits soient protégés, bien sûr. Mais rien ne semble plusdifficile aujourd'hui…"

Murray Suid, écrivain et auteur de logiciels éducatifs multimédia: "Je pense quela solution est de créer des unités d'information ne pouvant être volées. End'autres termes, l'oeuvre qui est vendue doit avoir plus de valeur que sa copie.Par exemple, il est pour le moment plus facile et meilleur marché d'acheter unde mes livres que de le photocopier dans son intégralité. J'essaie donc deconcevoir mes livres de telle façon que toutes les pages aient leur utilité, etnon seulement quelques-unes. J'aimerais vendre mes livres en ligne - au formatPDF - mais je n'ai pas encore étudié la manière d'empêcher les acheteurs deredistribuer les fichiers. Ceci est peut-être possible par le cryptage."

Bernard Boudic, responsable éditorial du serveur internet du quotidienOuest-France jusqu'en décembre 2000: "Les internautes ont tendance à penser quec'est un droit d'obtenir tout gratuitement. Non! Le droit d'auteur doit êtrerespecté."

François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse: "Ces débats sontfondés. Certaines personnes, souvent d'ailleurs celles qui ont le pouvoir donnépar une institution d'appartenance, s'assoient sur le droit d'auteur, n'hésitantpas à apposer leur nom sur un texte écrit par un autre. Chez FTPress, nousappliquons grosso modo le principe de la GPL (general public licence) pour leslogiciels libres. Nos textes sont reproductibles gratuitement dans la mesure oùce n'est pas fait dans des fins commerciales, et bien sûr sous réserve que lasource soit mentionnée. Quant aux auteurs des dits textes, ils sont rémunérésnormalement, avec un statut de journalistes, et également intéressés dansl'entreprise, par le jeu de bons de souscription (alias stock options). Cetintéressem*nt aux résultats et à la valeur de l'entreprise complète larémunération traditionnelle du journaliste pour un texte destiné à unepublication déterminée. En contrepartie, FTPress ne paie plus les auteurs si letexte est revendu à un tiers (qui en fait un usage commercial). Je pense quec'est une solution à cette question dans le domaine de la presse. Mais c'est unproblème complexe et varié, qui ne peut trouver une seule réponse."

Robert Beard, co-fondateur de yourDictionary.com, portail pour les langues:"L'accès libre n'est jamais gratuit, puisque ce sont des personnes salariées quidéveloppent les applications en accès libre appartenant au domaine public. Monsite web est gratuit, et il n'était pas une affaire commerciale tant quel'Université de Bucknell (située à Lewisburg, Pennsylvanie, ndlr) m'a versé unsalaire et m'a fait bénéficier de ses propres services d'accès à l'internet.Maintenant que je prends ma retraite et que je dois retirer mes sites desserveurs de Bucknell, j'ai eu le choix entre supprimer mes sites, les vendre ougénérer des revenus permettant de continuer cette activité. J'ai choisi ladernière solution. Les ressources disponibles resteront gratuites parce que nousoffrirons d'autres services qui seront payants. Ces services seront basés surles règles du copyright pour garantir le versem*nt des fonds à la bonne source.En ce qui concerne le débat (et les actions judiciaires) sur les liens, je pensequ'il y a excès dans l'application du copyright. Un lien vers un autre sitedevrait appartenir au site qui crée le lien. Il est normal de créer des liensvers d'autres sites web appartenant à un réseau public."

Guy Bertrand, directeur scientifique du Centre d'expertise et de veilleinforoutes et langues (CEVEIL, Québec): "Il est très important de respecter ledroit des auteurs et c'est aux auteurs de décider de ce qu'ils veulent en faire.Le web accorde une place de plus en plus grande à la gratuité des usages. Lesauteurs ne sont pas tenus de s'y plier, mais de plus en plus d'auteurs s'yadaptent volontairement et avec profit. Les modèles d'affaires sur le webévoluent très rapidement et n'ont pas fini de le faire. De nouveaux modèlesd'affaires se développeront et la place de la gratuité y sera forte, mais lesdroits des auteurs devront être respectés de façon innovatrice de la part desauteurs et des fournisseurs de services et de contenus."

Cynthia Delisle, consultante au CEVEIL: "Les droits d'auteur devraientidéalement faire l'objet du même respect sur le web que dans d'autres médias, laradio ou la presse par exemple. Cela dit, internet pose à ce niveau desproblèmes inédits à cause de la facilité avec laquelle on peut (re)produire et(re)distribuer l'information à grande échelle, et aussi en raison de latradition de gratuité du réseau. Cette tradition fait, d'une part, que les gensrechignent à débourser pour des produits et services qu'ils trouveraient toutnaturel de payer dans d'autres contextes et, d'autre part, qu'ils ont peut-êtremoins d'états d'âme, dans le contexte du net, à utiliser des produits piratés.La problématique du respect des droits d'auteur constitue, à mon sens, un desenjeux majeurs pour l'évolution du réseau, et il sera certainement trèsintéressant de voir les solutions qui seront mises de l'avant à cet égard."

Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in HumanLanguage Technologies): "Le point de départ est évidemment: 'on ne doit pasvoler, même si c'est facile'. Il est intéressant d'observer que, aussi complexeque soit la définition légale de 'vol', dans la plupart des cas les gensarrivent très bien à la cerner: a) si je copie une information du web et que jel'utilise à des fins personnelles, je ne commets pas de vol, parce que cetteinformation a été mise sur le web dans le but premier d'être utilisée; b) si jela copie à partir du web et que je la transmets à d'autres en précisant le nomde l'auteur, je ne commets pas de vol; c) si je la copie à partir du web et queje la transmets à d'autres en prétendant que j'en suis l'auteur, je commets unvol; d) si je la copie à partir du web, et que je la vends à d'autres sans avoirl'autorisation de l'auteur, je commets un vol. Je réalise qu'il existe denombreux cas situés dans les zones limites de ces quatre ensembles et pourlesquels il serait difficile de préciser s'il y a vol ou non, mais cesprécisions sont du ressort des juristes. Je préconiserais les règles suivantes:a) la liberté totale pour la copie de l'information à usage personnel; b) laretransmission de l'information uniquement avec l'accréditation de l'auteur (àmoins qu'il ne soit bien précisé que cette information est du domaine public);c) la revente de cette information uniquement avec l'accord de l'auteur (à moinsque celle-ci ne soit du domaine public).

Pour faire respecter ces règles, on pourrait envisager: a) l'introductiond''étiquettes normalisées' indiquant si l'information est du domaine public et,si elle ne l'est pas, renvoyant à l'auteur; b) la lecture de ces 'étiquettes'par les navigateurs, qui les afficheraient en même temps que le document: texte,image, film, etc.; c) l'adoption d'une convention ou d'une règle selon laquellel'information ne peut être copiée sans l''étiquette' correspondante; d) (idéeplus audacieuse) la mise en place d'un ISPN (international standard personnumber), similaire à l'ISBN (international standard book number) ou l'ISSN(international standard serial number), qui identifierait une seule personne, sibien que les références aux auteurs contenues dans les 'étiquettes' seraientmoins dépendantes des changements d'adresses électroniques ou d'adresses depages web (à condition bien sûr que les gens mettent à jour leurs coordonnéesdans la base de données ISPN)."

5.3. Il importe de ne pas freiner la diffusion

Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californiedu Sud: "En tant qu'universitaire, je suis bien sûr un des parasites de notresociété, et donc tout à fait en faveur de l'accès libre à la totalité del'information. En tant que co-propriétaire d'une petite start-up, je suisconscient du coût que représente la collecte et la présentation del'information, et de la nécessité de faire payer ce service d'une manière oud'une autre. Pour équilibrer ces deux tendances, je pense que l'information àl'état brut - et certaines ressources à l'état brut: langages de programmationou moyens d'accès à l'information de base comme les navigateurs web - doiventêtre disponibles gratuitement. Ceci crée un marché et permet aux gens de lesutiliser. Par contre l'information traitée et les systèmes vous permettantd'obtenir et structurer très exactement ce dont vous avez besoin doivent êtrepayants. Cela permet de financer ceux qui développent ces nouvellestechnologies.

Prenons un exemple: à l'heure actuelle, un dictionnaire (spécialisé, ndlr) n'estpas disponible gratuitement. Les sociétés éditrices de dictionnaires refusent deles mettre librement à la disposition des chercheurs et de toute personneintéressée, et elles avancent l'argument que ces dictionnaires ont demandé dessiècles de travail (j'ai eu plusieurs discussions à ce sujet avec des sociétésde dictionnaires). Mais de nos jours les dictionnaires sont des instrumentsstupides: on doit connaître le mot avant de le trouver! J'aimerais avoir unoutil qui me permette de donner une définition approximative, ou peut-être unephrase ou deux incluant un espace pour le mot que je cherche, ou mêmel'équivalent de ce mot dans une autre langue, et que la réponse me revienne avecle(s) mot(s) que je cherche. Un tel outil n'est pas compliqué à construire, maisil faut d'abord le dictionnaire de base. Je pense que ce dictionnaire de basedevrait être en accès libre. Par contre on pourrait facturer l'utilisation dumoteur de recherche ou du service permettant d'entrer une information -partielle ou non - qui soit très 'ciblée', afin d'obtenir le meilleur résultat.

Voici un deuxième exemple. On devrait avoir accès librement à la totalité duweb, et à tous les moteurs de recherche 'de base' du type de ceux qu'on trouveaujourd'hui. Pas de copyright et pas de licence. Mais si on a besoin d'un moteurde recherche qui procure une réponse très 'ciblée' et très fiable, je pensequ'il ne serait pas déraisonnable que ce service soit facturé. Le créateur d'uneencyclopédie ne va naturellement pas aimer ma proposition. Mais je luisuggérerais d'équiper son encyclopédie d'un système d'accès performant. Sans cesystème, l'information brute donnée par cette encyclopédie n'est qu'un stockd'informations et rien d'autre, et ce stock peut aisément se perdre dans unemasse considérable d'informations qui augmente tous les jours."

Les bibliothécaires-documentalistes sont les premiers à insister régulièrementsur la nécessité de trouver un équilibre pour ne pas freiner la diffusion del'information.

Bruno Didier, webmestre de la médiathèque de l'Institut Pasteur: "Je ne suis pasces débats, mais je pense qu'on va avoir du mal à maintenir l'espritcommunautaire qui était à la base de l'existence d'internet."

Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure destatistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "J'avoue que ce débat suscite enmoi quelques inquiétudes quant à mes attentes légitimes vis-à-vis de l'internet.J'estime que, par rapport à ma vision professionnelle, le grand espoirqu'apporte l'internet à l'Afrique, c'est de lui permettre de profiter pleinementet à moindre coût du 'brain trust' mondial et de réduire sa marginalisationéconomique, technologique et culturelle. La légitimité des droits d'auteur nedevra donc pas faire perdre de vue la nécessité de prendre en compte les besoinset les contraintes particulières des pays moins nantis. Autrement, dans cedomaine plus qu'ailleurs, on aboutira fatalement et très vite sûrement à unesituation de marginalisation et de fronde, comme celle qui oppose actuellementles autorités sanitaires d'Afrique du Sud à certaines grandes firmespharmaceutiques, au sujet des licences des thérapies contre le Sida."

Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation decoopération et de développement économiques): "Le problème du droit d'auteur estloin d'être résolu. Les éditeurs souhaitent naturellement toucher leur dû pourchaque article commandé alors que les bibliothécaires et usagers veulent pouvoirimmédiatement télécharger (gratuitement si possible) le contenu intégral de cesarticles. A présent chaque éditeur semble avoir sa propre politique d'accès auxversions électroniques. Il serait souhaitable qu'une politique hom*ogène soitmise en place, de préférence en autorisant largement le téléchargement desdocuments électroniques."

5.4. Il n'est pas facile de contrer le piratage et le plagiat

Jacques Trahand, vice-président de l'Université Pierre Mendès France deGrenoble: "Ces problèmes me semblent voisins de ceux du photocopiage. Il fautdévelopper un code de bons usages et tenter de le faire respecter."

Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Universitéde Toronto: "C'est une question importante, qui est loin d'être résolue. Jepréfère parler de propriété intellectuelle. On a le modèle du livre imprimé: siun auteur universitaire publie un livre sur papier, son institution n'en réclamepas la propriété, alors qu'il arrive qu'un livre publié sur un serveurinstitutionnel soit considéré comme appartenant à l'institution en question, cequi est, à mon avis, injuste. A part cela, tout ce que l'auteur peut faire estde mettre un copyright à son nom sur les textes qu'il a écrits et qu'il publieen ligne et puis compter sur sa réputation pour que ses lecteurs 'sérieux' ensachent la provenance. Le piratage a toujours existé: Voltaire voyait ses livrespubliés anonymement en Hollande au 18e siècle, par exemple."

Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie: "Vaste question. Il y ad'abord les droits d'auteurs et droits de reproduction des grandes entreprises.Ces dernières sont relativement bien dotées en soutien juridique, soit par lerecours aux services internes du contentieux, soit par l'embauche de firmesspécialisées. Il est certain que la 'dématérialisation' de l'information,apportée par internet et les techniques de numérisation, facilite les atteintesde toutes sortes à la propriété intellectuelle. Là où il y a danger, c'est dansle cas de petit* producteurs/diffuseurs de contenus 'originaux' qui n'ont pasles moyens de surveiller l'appropriation de leurs produits, ni d'enclencher desmesures sur le plan juridique pour faire respecter leurs droits. Mais tout ça,c'est de l''officiel', des cas de plagiat que l'on peut prouver avec des pièces'rematérialisées'. Il y a peut-être une forme plus insidieuse de plagiat, cellede l'appropriation sans mention d'origine d'idées, de concepts, de formules,etc. Difficile dans ces cas de 'prouver' le plagiat, car ce n'est pas ducopier/coller pur et simple. Mais c'est une autre dimension de la question quiest souvent occultée dans le débat. Des solutions? Il faut inventer un processuspar lequel on puisse inscrire sans frais une oeuvre (article, livre, piècemusicale, etc.) auprès d'un organisme international ayant pouvoir de sanction.Cette méthode ne réglerait pas tous les problèmes, mais aurait au moinsl'avantage de déterminer un cadre de base et qui sait, peut-être, agir endissuasion aux pillards."

Michel Benoît, auteur de nouvelles policières, récits noirs et histoiresfantastiques: "Beau noeud de vipères, cette affaire. Non pas les débats sur lareproduction par le net, mais la reproduction elle-même. La musique, le cinéma,la littérature, tout va y passer. Peut-être suis-je trop optimiste, mais jecrois que ce qui est un problème aujourd'hui trouvera sa solution demain. Lorsde l'avènement de la photocopie, on s'est posé les mêmes questions. C'estévident qu'il y a eu des abus. Beaucoup d'auteurs ont été joyeusem*nt floués pardes enseignants à la moralité douteuse qui photocopiaient, sans vergogne, destextes protégés par des droits d'auteur. Les choses se replacent et plusieurspays ont voté des lois sévères à ce sujet. Idem pour la reproductionélectronique, soit d'oeuvres musicales ou visuelles, on ne peut plus fairen'importe quoi sans qu'il en coûte. Je pense qu'il en sera de même pour lesdocuments informatiques, programmes, textes, utilitaires ou autres. Les CD,jeux, musique ou vidéos seront incopiables parce qu'ils auront des programmesautodestructeurs insérés dans leurs trames numériques. Science-fiction? Lascience-fiction d'aujourd'hui est la réalité de demain, demandez à vosgrands-mères."

Olivier Pujol, PDG de Cytale, qui a lancé le premier livre électroniqueeuropéen, préconise "des balladeurs dédiés et sécurisés pour la musique, et deslivres électroniques sécurisés pour la lecture. Les mesures de protection desdroits développées pour l'ordinateur sont systématiquement détournées un jour oul'autre, et ce, universellement. Une solution de piratage trouvée à un bout dela planète peut être instantanément mise à la disposition de tous, et à portéed'un simple clic. Le PC connecté sur internet aura beaucoup de mal à êtresécurisé valablement dans un avenir proche. Une autre solution serait d'imposerune 'police planétaire du web', avec accès égal à tous les pays, et à tous lesordinateurs personnels. C'est orwellien, et un peu inquiétant, mais heureusem*ntpeu facile à mettre en place."

Marcel Grangier, responsable de la section française des services linguistiquescentraux de l'Administration fédérale suisse: "Le problème est réel même si lasolution n'est pas évidente. On peut toutefois regretter que la lutte contre cegenre de fraude finira par justifier, avec d'autres dérives, une 'police du WWW'malheureusem*nt bien éloignée de l'esprit dans lequel la toile a été créée."

5.5. Les solutions sont d'ordre technologique

Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la WebsterUniversity de Genève: "Comme par le passé, des solutions doivent être trouvéesdans les nouvelles technologies."

Denis Zwirn, PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques: "Sur leplan juridique, une confusion est souvent faite entre la diffusion des oeuvresen réseau, l'accès à des sources d'information gratuites en ligne (mais qui nesont pas des livres) et la vente d'exemplaires individuels de livres numériques.Il est de la responsabilité de chaque acteur du web de ne pas diffuser d'oeuvressans l'accord de l'auteur, le web n'étant qu'un support de diffusion parmid'autres. Dans une librairie en ligne, on achète un livre numérique comme unlivre papier: après paiement et pour un usage individuel. Après letéléchargement, le code de la propriété intellectuelle s'applique à la versionnumérique au même titre qu'à la version papier de l'oeuvre: la reproductionn'est autorisée que pour l'usage privé de l'acheteur. Le problème est doncexclusivement d'ordre technologique (….et civique): comment faire pour que cesdroits soient effectivement respectés, compte tenu de la possibilité de copierun livre numérique et de l'envoyer à des amis? Plusieurs réponses sérieusesexistent déjà. Les livres destinés aux lecteurs électroniques peuvent êtrecryptés de telle manière que seul un appareil désigné (ou plusieurs) puisse leslire. Ils ne peuvent en général pas être imprimés et sont donc en ce sens bienplus protecteurs que les livres papier, en évitant tout 'photocopillage'. En cequi concerne les livres numériques pour ordinateurs, des solutions logiciellescomparables ont été développées, par exemple par Adobe et par Microsoft, quipermettent de désigner un ordinateur ou un PDA (personal digital assistant)comme support de lecture unique d'un livre. Des logiciels tels que Adobe ContentServer proposent déjà des solutions plus sophistiquées, telles que lapossibilité de définir un temps de lecture autorisée ou de prêter un livrenumérique comme on prêterait un vrai livre."

Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles duCanada: "Des logiciels devraient permettre de tarifer l'usager lorsquenécessaire et les gouvernements devraient libérer de frais le maximum dedocuments et services, notamment en français."

Pierre François Gagnon, créateur d'Editel, éditeur littéraire en ligne: "Le webdoit ouvrir toute grande pour les auteurs une nouvelle fenêtre d'exploitation deleurs droits exclusifs, et j'ose croire qu'est concevable une solution dechiffrement qui soit étanche, non propriétaire, mais transparente et sansdouleur pour l'utilisateur final."

Emmanuel Barthe, documentaliste juridique: "A titre personnel, je pense que lapropriété intellectuelle va devoir s'adapter aux nouvelles conditions créées parinternet, c'est-à-dire une copie à l'identique et une diffusion à de trèsnombreux exemplaires, devenues très faciles et d'un très faible coût, ladifficulté d'un contrôle exhaustif et systématique et l'existence d'un espritinternet défendant la gratuité et le respect de la vie privée et de l'anonymat.Dans ce contexte, pour préserver une rémunération des auteurs et des éditeurs,il me semble qu'une des voies envisageables repose sur une baisse très forte desprix unitaires en audio et vidéo. Il s'agit donc de maximiser le versem*nt desdroits lors de la toute première diffusion. Vis-à-vis du grand public, une autrepossibilité consisterait en un cryptage fort des données et une vérificationautomatique et obligatoire des licences. Les 'majors' américaines et allemandess'orientent clairement vers une solution de ce type."

Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écrituresmultimédias: "Le droit de l'auteur est celui d'un individu et celui de sonoeuvre. L'individu a le droit de disposer d'une garantie, celle que son oeuvrene soit pas pillée et/ou (pire?) détournée ou morcelée. La notion d'oeuvre estcomplexe, mais si l'on accepte celle d'une production originale et personnellecomme ensemble cohérent qui fait sens et système pour proposer un regardsingulier - celui d'un auteur - ce droit doit pouvoir être garanti. Sans mêmeévoquer les aspects financiers (royalties, etc.) qui sont bien réels, unstandard comme XML devrait pouvoir garantir l'indexation des oeuvres, desartistes, et une signature numérique attachée à leurs productions en ligne. Unautre standard d'autentification - de type PNG (portable network graphics) pourl'image - devrait pouvoir permettre d'attribuer une clé numérique infalsifiableà une production. Un exemple significatif: les éditions numériques 00h00.com ontédité un roman interactif, Apparitions inquiétantes, né sur le web (donc enHTML) mais vendu au format Acrobat PDF qui permet de conditionner son ouverturepar un mot de passe donné lors de l'achat en ligne du roman. On peut aisémentimaginer que, si le Consortium W3 ne propose pas de système d'authentificationnumérique des pages web, éditeurs et auteurs vont se tourner vers des produitséditoriaux plus repérés (livre, cédérom) et pour lesquels existe un circuit dedistribution. On peut imaginer qu'un auteur puisse faire enregistrer seslogiciels de création auprès d'un organisme et obtienne en échange une clefnumérique (signature individuelle) qui soit automatiquement apposée dans sesfichiers. Une autre solution consisterait en un dépôt - type SACEM (Société desauteurs, compositeurs et éditeurs de musique) ou SCAM (Société civile desauteurs multimédia) ou SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) ouSESAM (Gestion des droits des auteurs dans l'univers multimédia) - qui fasseantériorité, mais c'est une solution de protection et non pas un procédé designature… Peut-être existe-t-il une question prélable cachée dans celle-ci:ne faut-il pas à l'heure du numérique, et en regard de ce que Julia Kristeva aappelé l'intertextualité, redéfinir la notion et le terme d'auteur?"

5.6. Une législation adaptée semble nécessaire

Faut-il appliquer la législation actuelle? Nicolas Pewny, créateur des éditionsdu Choucas: "Je me demande s'il faut un droit particulier pour le web. Les loisexistent déjà. Et les contrevenants existaient bien avant la popularisation del'internet."

Faut-il plutôt définir une législation propre à l'internet? Patrick Rebollar,professeur et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature etordinateur): "Je pense que le droit d'auteur doit être défendu, tout en étantredéfini et uniformisé au niveau international, ce qui n'est pas évident."Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8:"Je crois que vouloir appliquer des lois faites pour le papier à un autre médiumest une erreur. Un peu comme si on voulait facturer le téléphone en exigeant queles utilisateurs achètent des timbres pour payer leurs conversations…" MariaVictoria Marinetti, professeur d'espagnol en entreprise: "Je pense que le droitest maintenant dépassé par la technologie, et qu'il n'y a pas de protectionpossible au niveau juridique. Il serait souhaitable de créer une véritablelégislation de l'internet."

Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyses ettraitements informatiques du lexique français): "Le droit en informatique et enparticulier le droit d'auteur sur la toile est une discipline de plus en plusdéveloppée et recherchée. Malgré quelques cas qui ont fait jurisprudence, lelégislateur n'est pas en mesure de solutionner toute la problématique actuelle.L'absence des frontières est un gros handicap."

Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa: "En gros, je suisassez favorable aux positions défendues aux États-Unis par l'Electronic FrontierFoundation (EFF). D'abord, il me paraît prématuré de légiférer en cette matière,alors même que nous sommes au milieu d'un changement de civilisation. Ilfaudrait sans doute revoir les principes philosophiques sur lesquels repose lalégislation actuelle au lieu de prendre pour acquis qu'ils sont valides, telsquels et sans plus d'examen, dans le nouvel environnement technologique en trainde se mettre en place. Plusieurs arguments militent en faveur d'une tellerévision. D'abord, l'expérience de la lecture et l'appréhension du texte ne sontpas du même ordre selon qu'elles s'effectuent à partir d'un livre, d'un écrand'ordinateur, d'un livre électronique ou, demain, d'un codex numérique. Il yaurait donc lieu de faire des distinctions au plan du droit de citation ou dudroit de lecture. Si, sur un écran, la valeur d'usage du texte n'est pas lamême, ni sa pérennité en tant qu'objet, les droits ne devraient pas s'appliquernon plus de la même façon. Idéalement, l'ensemble de la productionintellectuelle devrait être accessible sur le web après dix ans (et même sansaucun délai en ce qui concerne les articles scientifiques). On ne paierait pourlire que si l'on choisissait de faire imprimer un texte donné en format codexdans une librairie agréée ou si l'on choisissait de le télécharger sur son livreélectronique ou son codex numérique. Évidemment, le fait qu'un texte soitaccessible gratuitement sur le web ne signifierait pas que l'on ait le droit dese l'approprier. La paternité intellectuelle est un droit inaliénable. Et lapiraterie resterait un délit: il ne serait pas permis à un éditeur d'éditer àson profit un texte qu'il aurait 'trouvé' sur le web.

Un autre argument à considérer est que la nouvelle technologie accélère laglobalisation des échanges et que les conditions d'épanouissem*nt de la culturesont en train de changer. On invoque généralement à l'appui du droit d'auteur lefait que l'absence de rétribution des artistes aurait un effet négatif sur lacréation. Mais est-ce vraiment le cas dans la situation actuelle? On voit eneffet des auteurs très créatifs qui ne retirent guère de droits par manque d'unecommercialisation adéquate; en revanche, des auteurs qui bénéficient d'uneposition dominante dans la distribution commerciale amassent des fortunes avecdes productions insignifiantes. Le mouvement de globalisation va renforcer àl'extrême cette inégalité. En bref, on peut se demander si, au lieu de favoriserla diversité culturelle, le droit d'auteur ne sert pas principalement à laconstitution d'immenses conglomérats de distribution qui imposent des produitsstandardisés. Au lieu de renforcer ce phénomène de commercialisation de laculture, et de criminaliser les comportements de millions d'usagers, il seraitplus intéressant, d'un point de vue culturel, de faire du web une zone franche,à l'égal de la bibliothèque publique, où chacun peut être en contact avec larumeur du monde, tant et aussi longtemps que l'on ne fait de celle-ci qu'unusage privé.

Surtout, il faut craindre les effets pervers d'une juridiction 'dure' en matièrede droits d'auteur. Pour en gérer l'application, les empires commerciaux vontexiger la mise en place de mécanismes de traçabilité des oeuvres quitransformeront le web, et donc notre principal instrument d'accès à la culture,en un immense réseau grillagé où seront entièrement placées sous contrôle nonseulement nos habitudes de consommation, mais aussi nos habitudes de lecture.Une perspective qui fait peur et qui marquerait la fin de la bibliothèque."

Olivier Gainon, fondateur et gérant de Cylibris, maison d'édition littéraire enligne: "Il faut distinguer deux aspects: le droit d'auteur et l'application dece droit. Pour moi, il ne fait aucun doute que le droit d'auteur s'applique surinternet (peu de gens le contestent désormais d'ailleurs), ce qui signifie quece n'est pas parce qu'une création est mise en libre disponibilité sur le réseauque n'importe qui peut venir la copier, la commercialiser, etc. Et là, on touchesurtout à de la pédagogie: je crois que les internautes ne sont pas sensibilisésà ces questions et qu'une première démarche pédagogique peut permettre de réglerun certain nombre de problèmes. Autre démarche, il me semble nécessaire pour lesauteurs d'indiquer les droits qu'ils laissent à une oeuvre en libre accès surinternet: si je peux télécharger une création visuelle sur un site, il vautmieux que l'auteur indique, par exemple, s'il laisse la libre réutilisation decette image du moment que ce n'est pas une démarche commerciale et sous réserveque son nom soit cité, s'il est contre toute réutilisation de cette image, etc.Là, tout est possible. A mon sens, sur trop de sites, on trouve des créationslibrement téléchargeables, et rien n'indique ce que l'on peut faire ou non avec.La vraie difficulté aujourd'hui réside dans l'application du droit d'auteur dansun contexte international face à des actes de piratages manifestes (c'est à direla réutilisation à des fins commerciales de l'oeuvre d'un ou plusieurs artistessans que ces derniers ne perçoivent quoi que ce soit). Et là, ce sera forcémentplus lent parce qu'il faut définir des modes de coopération internationale,s'entendre sur des règles et mettre en place des procédures judiciairesadéquates. C'est un processus lent qui prendra plusieurs années, mais je suisoptimiste. Finalement, tout cela est assez classique: pédagogie d'un côté,réglementation de l'autre."

5.7. Il est essentiel d'éduquer le lecteur/client

Tout comme Olivier Gainon dans les lignes qui précèdent, d'autres professionnelsdu livre insistent sur la nécessité d'éduquer le lecteur/client.

Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Le droit d'auteur est une questiondifficile. Le détenteur de la propriété intellectuelle pense que ce qu'il a créélui appartient. Quant au client, il achète un morceau de plastique (dans le casd'un CD) ou un ensemble de pages brochées (dans le cas d'un livre). Lescommerçants n'ont pas encore réussi à faire comprendre au client la notion depropriété intellectuelle. Le consommateur ne pense pas de manière trèsabstraite. Quand il télécharge des chansons par exemple, c'est simplement pourles écouter, non pour les posséder. L'industrie musicale et le monde del'édition doivent trouver des solutions pour que le consommateur prenne enconsidération la question du copyright lors de ces téléchargements."

Gaëlle Lacaze, ethnologue et professeur d'écrit électronique, préconise"l'éducation du netizen; la formation des intermédiaires servant à l'utilisationdes NTI (nouvelles technologies de l'information) à la nettatitude; l'analyse durapport entre droits d'auteurs / diffusion du savoir / honnêteté scientifique."

Guy Antoine, créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culturehaïtienne: "Ce sera un débat sans fin, parce que l'information devient plusomniprésente que l'air que nous respirons et plus fluide que l'eau. On peutmaintenant acheter la vidéo d'un film sorti la semaine précédente. Bientôt onpourra regarder sur le net, et à leur insu, des scènes de la vie privée desgens. Il est consternant de voir qu'il existe tant de personnes disposées àfaire ces vidéos bénévolement, comme s'il agissait d'un rite d'initiation. Cetétat d'esprit continuera de peser de plus en plus lourdement sur les questionsde copyright et de propriété intellectuelle. Les auteurs devront être beaucoupplus inventifs sur les moyens de contrôler la diffusion de leurs oeuvres et d'entirer des gains. Le mieux à faire dès à présent est de développer les normes debase du professionnalisme, et d'insister sur la nécessité impérative dementionner pour toute oeuvre citée au minimum sa provenance et ses auteurs. Latechnologie devra évoluer pour appuyer un processus permettant de respecter ledroit d'auteur."

John Mark Ockerbloom, créateur de The On-Line Book Page: "A mon avis, il estimportant que les internautes comprennent que le copyright est un contrat socialconçu pour le bien public - incluant à la fois les auteurs et les lecteurs. Cecisignifie que les auteurs devraient avoir le droit d'utiliser de manièreexclusive et pour un temps limité les oeuvres qu'ils ont créées, comme ceci estspécifié dans la loi actuelle sur le copyright. Mais ceci signifie également queleurs lecteurs ont le droit de copier et de réutiliser ce travail autant qu'ilsle veulent à l'expiration de ce copyright. Aux Etats-Unis, on voit maintenantdiverses tentatives visant à retirer ces droits aux lecteurs, en limitant lesrègles relatives à l'utilisation de ces oeuvres, en prolongeant la durée ducopyright (y compris avec certaines propositions visant à le rendre permanent)et en étendant la propriété intellectuelle à des travaux distincts des oeuvresde création (comme on en trouve dans les propositions de copyright pour lesbases de données). Il existe même des propositions visant à entièrementremplacer la loi sur le copyright par une loi instituant un contrat beaucoupplus lourd. Je trouve beaucoup plus difficile de soutenir la requête de JackValenti, directeur de la MPAA (Motion Picture Association of America), quidemande d'arrêter de copier les films sous copyright, quand je sais que, si ceciétait accepté, aucun film n'entrerait jamais dans le domaine public (…). Si onvoit les sociétés de médias tenter de bloquer tout ce qu'elles peuvent, je netrouve pas surprenant que certains usagers réagissent en mettant en ligne toutce qu'ils peuvent. Malheureusem*nt, cette attitude est à son tour contraire auxdroits légitimes des auteurs. Comment résoudre cela pratiquement? Ceux qui ontdes enjeux dans ce débat doivent faire face à la réalité, et reconnaître que lesproducteurs d'oeuvres et leurs usagers ont tous deux des intérêts légitimes dansl'utilisation de celles-ci. Si la propriété intellectuelle était négociée aumoyen d'un équilibre des principes plutôt que par le jeu du pouvoir et del'argent que nous voyons souvent, il serait peut-être possible d'arriver à uncompromis raisonnable."

5.8. Ce débat occulte les vrais problèmes

Michael Hart, fondateur du Projet Gutenberg: "Les débats actuels sont totalementirréalistes. Ils sont menés par 'l'aristocratie terrienne de l'âge del'information' et servent uniquement ses intérêts. Un âge de l'information? Etpour qui? J'ai été le principal opposant aux extensions du copyright (loiadoptée par le Congrès américain le 27 octobre 1998, ndlr), mais Hollywood etles grands éditeurs ont fait en sorte que le Congrès ne mentionne pas mon actionen public."

Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Je me demande s'il faut undroit particulier pour le web. Les lois existent déjà. Et les contrevenantsexistaient bien avant la popularisation de l'internet. Enfin, si ces débatsplaisent au ministère de la Culture… Le soutien à la publication, à ladistribution, à l'existence du livre me semblent plus importants, si l'on veutéviter que l'édition, dans le futur, ne soit l'apanage de deux ou trois grandsgroupes. Évidemment cette action-là est moins médiatique."

Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "Le débat sur le droitd'auteur sur le web me semble assez proche sur le fond de ce qu'il est dans lesautres domaines où le droit d'auteur s'exerce, ou devrait s'exercer. Leproducteur est en position de force par rapport à l'auteur dans pratiquementtous les cas de figure. Les pirates, voire la simple diffusion libre, nemenacent vraiment directement que les producteurs. Les auteurs ne sont menacésque par ricochet. Il est possible que l'on puisse légiférer sur la question, aumoins en France où les corporations se revendiquant de l'exception culturellesont actives et résistent encore un peu aux Américains, mais le mal est plusprofond. En effet, en France comme ailleurs, les auteurs étaient toujours lesderniers et les plus mal payés avant l'apparition d'internet, on constate qu'ilscontinuent d'être les derniers et les plus mal payés depuis. Il me semblenécessaire que l'on règle d'abord la question du respect des droits d'auteur enamont d'internet. Déjà dans le cadre général de l'édition ou du spectaclevivant, les sociétés d'auteurs (SACD (Société des auteurs et compositeursdramatiques), Société des gens de lettres, SACEM (Société des auteurs,compositeurs et éditeurs de musique), etc.) faillissent dès lors que l'on sortde la routine ou du vedettariat, ou dès que les producteurs abusent de leurposition de force, ou tout simplement ne payent pas les auteurs, ce qui est trèsfréquent. Il est hypocrite dans ce cas-là de crier haro sur le seul internet."

Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centreinformatique de l'Université de Lausanne: "Que cherche-t-on par là? Lesévènements récents dans le monde musical ont montré que de grosses entreprisesprennent prétexte du droit d'auteur pour en fait protéger leur profit. Je ne mefais aucune illusion sur la probabilité qu'a et aura un auteur peu médiatisé,dans un pays autre que les Etats-Unis, de recevoir des royalties sur un texte ouune musique diffusés sur le web, même si des dispositifs de mesure sophistiquéssont mis en place. Par ailleurs, ces dispositifs existent, permettant doncthéoriquement un contrôle, alors que ça n'est pas le cas sur les photocopieursou les enregistreurs de cassettes. A cet égard, le web n'amène donc pas vraimentde problème supplémentaire."

Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte:"Question épineuse s'il en est. Si c'est pour enrichir encore de grossessociétés multinationales et surtout leurs actionnaires (les fonds de pensionsaméricains que Beigbedder touche du doigt), de nombreux internautes dont je suisse rebellent face au 'copyright'. Par contre, si c'est pour permettre à descréateurs, des artistes ou des musiciens de vivre de leurs passions, le droitd'auteur au sens noble me paraît légitime. Le débat est le même que celui del'exception culturelle face au GATS (General Agreement on Trade in Services).Copyright contre droit d'auteur! Mais il règne dans le domaine une confusionsoigneusem*nt entretenue, ou les deux sont amalgamés. 'On' fait monter aucréneau des artistes pour défendre une liberté qui pourrait ne profiterfinalement qu'aux multinationales. Firmes qui s'empresseront d'étouffer cespetit* soldats de la liberté, si on leur en laisse le pouvoir, sur le net. Etoui, contrairement aux droits d'auteurs qui sont incessibles, le système de'copyright' permet à ses 'propriétaires' de modifier les conditionscontractuelles aux moments qui les arrangent. On a vu plus d'un artiste parvenirà la vice-présidence de l'une ou l'autre de ces firmes grâce à ses ventesfaramineuses, puis perdre jusqu'à leur nom dès que ces ventes ne suivent plus!Il me semble qu'il faut surveiller de très près le fameux accord entre BMG etNapster, par lequel, contre un abonnement assez minime somme toute, n'importequi pourra charger des fichiers en toute légalité. Certes BMG est unemultinationale, certes Napster est en passe de perdre son procès contre lesautres multinationales de la musique; mais ce système de forfait peut amener àdes solutions originales d'équilibre entre la liberté de l'internaute et larémunération légitime des artistes. Tenant compte de toutes ces contradictions,valider un modèle économique, puisque c'est le dernier concept à la mode dans ledomaine du net, n'est pas des plus évidents…"

6. L'EDITION ELECTRONIQUE

[Dans ce chapitre:]

[6.1. Un développement rapide // 6.2. Un service complémentaire pour leséditeurs "classiques" / L'exemple des éditions du Choucas // 6.3. Les éditeursen ligne francophones / Editel, créé en 1995 / CyLibris, créé en 1996 /Diamedit, créé en 1997 / 00h00.com, créé en 1998 / La Grenouille Bleue -Gloupsy, créé en 1999 / Luc Pire électronique, créé en 2001 // 6.4. Vers unnouveau type d'édition? / L'auto-édition, solution adoptée par certains auteurs/ Un pari en cours: l'édition de la littérature hypertexte et hypermédia / Unpari à venir: l'édition de documentaires hypertextes et hypermédias]

6.1. Un développement rapide

De plus en plus de livres et de revues sont publiés en deux versions: numériqueet imprimée. Ce qui, après tout, est assez logique puisque tout document imprimérécent est précédé d'une version électronique sur traitement de texte, tableurou base de données. Certaines publications sont uniquement numériques, oun'existent désormais plus qu'en version numérique. L'édition électronique estdésormais en bonne place à côté de l'édition traditionnelle, du fait desavantages qu'elle offre: stockage plus simple, accès plus rapide, diffusion plusfacile, coût moins élevé, etc. Tôt ou tard, tous les livres et revues auront uneversion numérique, et il deviendra probablement ridicule d'établir unedistinction entre document électronique et document imprimé, si ce n'est lechoix du support.

Pour la publication d'ouvrages et de périodiques à caractère scientifique, danslesquels l'information la plus récente est primordiale, la numérisation permetde s'orienter vers une diffusion en ligne qui rend beaucoup plus facile lesréactualisations régulières. Point n'est besoin d'attendre une nouvelle éditionimprimée soumise aux contraintes commerciales et aux exigences de l'éditeur. Sinécessaire, une édition imprimée est toujours possible, mais uniquement à lademande, ou tout simplement en tirant les quelques pages nécessaires sur sonimprimante. Certaines universités produisent des manuels "sur mesure" composésd'un choix de chapitres sélectionnés dans une base de données, choix complétépar divers articles et commentaires. Pour un séminaire, une conférence, ou touteautre manifestation, un très petit tirage peut être effectué à partir d'un choixde textes électroniques.

Le numérique amène une certaine zizanie dans le monde de l'édition, ce qui n'estpeut-être pas un mal: des éditeurs vendent directement leurs titres en ligne,des éditeurs numériques et librairies numériques diffusent les versionsnumériques de livres publiés par des éditeurs "classiques", des auteurss'auto-éditent ou promeuvent eux-mêmes leurs oeuvres publiées, des siteslittéraires se chargent de promouvoir de nouveaux auteurs pour pallier lescarences de l'édition traditionnelle, etc.

6.2. Un service complémentaire pour les éditeurs "classiques"

Très vite, des éditeurs "classiques" exploitent les possibilités de l'internetpour faciliter et renforcer leur activité. On prendra ici l'exemple des éditionsdu Choucas, petit éditeur indépendant basé dans la région d'Annecy(Haute-Savoie).

= L'exemple des éditions du Choucas

En 1992, Nicolas et Suzanne Pewny fondent les éditions du Choucas, spécialiséesdans la littérature et les livres d'art. Ils créent leur site web dès novembre1996. "Lorsque je me suis rendu compte des possibilités que l'internet pouvaitnous offrir, je me suis juré que nous aurions un site le plus vite possible,explique Nicolas Pewny en juin 1998. Un petit problème: nous n'avions pas debudget pour le faire réaliser. Alors, au prix d'un grand nombre de nuits sanssommeil, j'ai créé ce site moi-même et l'ai fait référencer (ce n'est pas leplus mince travail). Le site a alors évolué en même temps que mes connaissances(encore relativement modestes) en la matière et s'est agrandi, et il a commencéà être un peu connu même hors de France et d'Europe.

Le changement que l'internet a apporté dans notre vie professionnelle estconsidérable. Nous sommes une petite maison d'édition installée en province.L'internet nous a fait connaître rapidement sur une échelle que je nesoupçonnais pas. Même les médias 'classiques' nous ont ouvert un peu leursportes grâce à notre site. Les manuscrits affluent par le courrier électronique.Ainsi nous avons édité deux auteurs québécois. Beaucoup de livres se réalisent(corrections, illustrations, envoi des documents à l'imprimeur) par ce moyen.Dès le début de l'existence du site, nous avons reçu des demandes de pays ounous ne sommes pas (encore) représentés: Etats-Unis, Japon, Amérique latine,Mexique, malgré notre volonté de ne pas devenir un site commercial mais un sited'information et à connotation culturelle (nous n'avons pas de système depaiement sécurisé, etc., nous avons juste référencé sur une page les librairesqui vendent en ligne). (…) Nous voudrions bien rester aussi peu commercial quepossible et augmenter l'interactivité et le contact avec les visiteurs du site.Y réussirons-nous? Nous avons déjà reçu des propositions qui vont dans un sensopposé. Nous les avons mis en veille. Mais si l'évolution va dans ce sens,pourrons-nous résister, ou trouver une voie moyenne? Honnêtement, je n'en saisrien."

Un an après, en juillet 1999, Nicolas Pewny relate: "Tous nos titres récentssont présentés sur le web, on peut contacter nos auteurs, participer à unjeu-concours, consulter le début - parfois le texte intégral - des nouveautés.Le texte intégral? Oui, nous croyons à la survie du livre dans son formatclassique parallèlement au format électronique. Le livre, ce n'est pas seulementun texte. C'est aussi un objet que l'on aime toucher, montrer, emmener envoyage, prêter… Nous pensons que le fait de pouvoir consulter le texte inciteà se procurer le livre (si on a aimé bien sûr). La maintenance et les mises àjour du site, le courrier électronique, etc. sont devenus pour moi une tâchequotidienne s'ajoutant aux autres: mise en page des textes, correction, créationdes couvertures, rapport avec les auteurs, avec les médias, suivi de ladistribution-diffusion, etc. Car comme dans d'autres petites maisons d'éditionnous faisons tout nous-mêmes (sauf l'impression). A la suite de la mise en lignede Corrida, l'exposition virtuelle Lorca-Puig, et plus récemment du site pour larecherche de sponsors pour Mon copain de Pékin, un livre de photographies dédiéà Pékin, il semblerait que nous soyons amenés à créer des sites ayant un rapportavec l'art et/ou le livre. (…) Nous avons mis le début de chaque livre enformat PDF et pour quelques livres le texte intégral en ligne. Un jeu-concoursqui remporte un certain succès a aussi été mis en place. On peut gagner le livrede son choix. Beaucoup de nos visiteurs nous reprochaient de ne pouvoir acheteren ligne sur notre site. Après pas mal d'hésitations nous avons choisi Alapagepour la qualité de son service et pour la fiabilité de leur base de données.Néanmoins la page des librairies en ligne est toujours sur notre site si l'onpréfère acheter ailleurs. Nous avons déjà quelques interviews d'auteursdisponibles en RealAudio sur une de nos pages. Nous allons essayer d'en faired'autres avec de la vidéo. Enfin une alternative du site en DHTML, Javascript,Flash, existe. Nous la mettrons parallèlement en ligne à l'automne (1999)."

Fin 1999, séduit par les Fables pour l'an 2000 de Raymond Godefroy,écrivain-paysan normand, Nicolas Pewny crée la version web de ce recueil. En2000, les éditions du Choucas lancent plusieurs versions numériques de leurspublications en partenariat avec 00h00.com et Mobipocket.

Mais le bilan des années 1992-2001 est assez lourd: dix ans de travail acharnépour publier une quarantaine de titres à l'enseigne du Choucas et de nombreuxautres titres pour des tiers, des revenus sans aucune comparaison avec letravail investi, et enfin le dépôt de bilan de Distique, leur distributeur. Enmars 2001, Nicolas et Suzanne Pewny décident de cesser leur activité d'éditeur,tout en condamnant sévèrement l'attitude du ministère de la Culture à l'égarddes petit* éditeurs indépendants. "Le soutien à la publication, à ladistribution, à l'existence du livre me semblent importants, si l'on veut éviterque l'édition, dans le futur, ne soit l'apanage de deux ou trois grands groupes,écrit Nicolas Pewny en juin 2001. (…) Mais je ne regrette pas ces dix annéesde lutte de satisfactions et de malheurs passés aux éditions du Choucas. J'aiconnu des auteurs intéressants dont certains sont devenus des amis… Maintenantje fais des publications et des sites internet pour d'autres. En ce moment pourune ONG (organisation non gouvernementale) internationale caritative; je suisravi de participer (modestement) à leur activité à but non lucratif. Enfin on neparle plus de profit ou de manque à gagner, c'est reposant."

6.3. Les éditeurs en ligne francophones

Comme on le verra dans les lignes qui suivent, une place importante est occupéepar l'édition en ligne non commerciale. A ceux qui se demandent s'il s'agit làde véritables éditeurs, on rétorquera que le fait de publier des versionsnumériques de livres publiés en version imprimée par d'autres maisons d'éditionne constitue peut-être pas non plus une véritable activité d'édition. Pourquoin'y aurait-il pas enfin de la place pour tout le monde: éditeurs commerciaux,éditeurs non commerciaux, éditeurs de versions numériques, etc.? Pourquoil'édition en ligne devrait-elle dès ses débuts être monopolisée par une seulemaison d'édition ayant le réseau de relations nécessaire et le soutien desmédias? Et reproduire ainsi le schéma de l'édition traditionnelle, à savoir ladifficulté qu'ont les petit* éditeurs d'être entendus et diffusés, et toutsimplement d'exister face à quelques maisons d'édition ayant pignon sur rue?

= Editel, créé en 1995

Dès avril 1995, Pierre François Gagnon, un québécois passionné de littérature,décide d'utiliser le numérique pour la réception des textes, leur stockage etleur diffusion. Il crée Editel, le premier site web d'auto-édition collective delangue française, devenu ensuite un site de cyberédition non commerciale enpartenariat avec les auteurs maison (35 textes téléchargeables en janvier 2001)et un webzine littéraire.

En juillet 2000, il relate: "En fait, tout le monde et son père savent oudevraient savoir que le premier site d'édition en ligne commercial fut CyLibris(créé en août 1996 par Olivier Gainon, ndlr), précédé de loin lui-même, auprintemps de 1995, par nul autre qu'Editel, le pionnier d'entre les pionniers dudomaine, bien que nous fûmes confinés à l'action symbolique collective, fauted'avoir les moyens de déboucher jusqu'ici sur une formule de commerce en lignevraiment viable et abordable, bien qu'il n'existe toujours pas de support delecture 'grand public' qui soit crédible pour la publication payante de livresnumériques. Nous l'attendons toujours dans le courant de l'an 2000! Nous sommesactuellement trois mousquetaires (Pierre François Gagnon, Jacques Massacrier etMostafa Benhamza, ndlr) à développer le contenu original et inédit du webzinelittéraire qui continuera de servir de façade d'animation gratuite, offertepersonnellement par les auteurs maison à leur lectorat, à d'éventuellesactivités d'édition en ligne payantes, dès que possible au point de vuetechnico-financier. Est-il encore réaliste de rêver à la démocratie économique?Tout ce que j'espère de mieux (…), c'est que les nouveaux supports de lecture,ouverts et compatibles grâce au standard OeB (Open eBook), s'imposeront d'embléecomme des objets usuels indispensables, c'est-à-dire multifonctionnels etultramobiles, intégrant à la fois l'informatique, l'électronique grand public etles télécommunications, et pas plus dispendieux qu'une console de jeux vidéo."

= CyLibris, créé en 1996

Fondé en août 1996 à Paris par Olivier Gainon, CyLibris (de Cy, cyber et Libris,livre) utilise l'internet et le numérique pour s'affranchir des contraintesliées à l'économie traditionnelle du livre. L'éditeur peut ainsi se consacrer àla découverte et à la promotion de nouveaux auteurs littéraires francophones, età la publication de leurs premières oeuvres (romans, poésie, théâtre, policier,science-fiction, fantastique, etc.). Si CyLibris est avant tout un tremplin pourles nouveaux talents, les auteurs confirmés y ont aussi leur place (voir à cesujet l'entretien avec Emmanuel Ménard, directeur des publications, qui exposeen détail la procédure éditoriale de CyLibris).

Vendus uniquement sur le web, avec des extraits en téléchargement libre auformat texte, les livres (52 titres en juin 2001) sont imprimés à la commande etenvoyés directement au client, ce qui permet d'éviter le stock et lesintermédiaires. Le site procure des informations pratiques à destination desauteurs en herbe: comment envoyer un manuscrit à un éditeur, ce que doitcomporter un contrat d'édition, comment protéger ses manuscrits, etc. Auprintemps 2000, CyLibris devient membre du Syndicat national de l'édition (SNE).

"CyLibris a été créé d'abord comme une maison d'édition spécialisée sur uncréneau particulier de l'édition et mal couvert à notre sens par les autreséditeurs: la publication de premières oeuvres, donc d'auteurs débutants,explique Olivier Gainon. Nous nous intéressons finalement à la littérature quine peut trouver sa place dans le circuit traditionnel: non seulement lespremières oeuvres, mais les textes atypiques, inclassables ou en décalage avecla mouvance et les modes littéraires dominantes. Ce qui est rassurant, c'est quenous avons déjà eu quelques succès éditoriaux (grand prix de la Société des gensde lettres (SGDL) en 1999 pour La Toile de Jean-Pierre Balpe, prix de la litotepour Willer ou la trahison de Jérôme Olinon en 2000, etc.).

Ce positionnement de 'défricheur' est en soi original dans le monde del'édition, mais c'est surtout son mode de fonctionnement qui fait de CyLibris unéditeur atypique. Créé dès 1996 autour de l'internet, CyLibris a voulucontourner les contraintes de l'édition traditionnelle grâce à deux innovations:la vente directe par l'intermédiaire d'un site de commerce sur internet, et lecouplage de cette vente avec une impression numérique en 'flux tendu'. Celapermettait de contourner les deux barrières traditionnelles dans l'édition: lescoûts d'impression (et de stockage), et les contraintes de distribution. Notresystème gérait donc des flux physiques: commande reçue par internet - impressiondu livre commandé - envoi par la poste. Je précise que nous sous-traitonsl'impression à des imprimeurs numériques, ce qui nous permet de vendre deslivres de qualité équivalente à celle de l'offset, et à un prix comparable.Notre système n'est ni plus cher, ni de moindre qualité, il obéit à une économiedifférente, qui, à notre sens, devrait se généraliser à terme.

Aujourd'hui, CyLibris développe une activité de distribution de 'livresnumériques', c'est-à-dire de fichiers téléchargeables. Nous n'avons pas lancécette activité au départ car il nous semblait que les outils de sécurisation(c'est-à-dire permettant une réelle prise en charge des droits d'auteur)n'existaient pas il y a quatre ans. Les technologies évoluent, et nous sommes entrain de tester plusieurs technologies pour lancer une réelle activité de livresnumériques en 2001. Nous quittons donc notre métier d'éditeur pur pour nousintéresser de plus en plus aux technologies autour du livre sur internet. Bienentendu, nous pensons à faire bénéficier d'autres éditeurs de ce savoir-faireque nous sommes en train d'acquérir."

En quoi consiste exactement l'activité d'Olivier Gainon? "Je décrirais monactivité comme double. D'une part celle d'un éditeur traditionnel dans lasélection des manuscrits et leur retravail (je m'occupe directement de lacollection science-fiction) , mais également le choix des maquettes, lesrelations avec les prestataires, etc. D'autre part, une activité internet trèsforte qui vise à optimiser le site de CyLibris et mettre en oeuvre une stratégiede partenariat permettant à CyLibris d'obtenir la visibilité qui lui faitparfois défaut. Enfin, je représente CyLibris au sein du SNE (Syndicat nationalde l'édition). CyLibris est aujourd'hui une petite structure. Elle a trouvé saplace dans l'édition, mais est encore d'une économie fragile sur internet. Notreobjectif est de la rendre pérenne et rentable et nous nous y employons. Je penseque les choses changent et j'espère qu'en 2002 nous aurons doublé notre tailleet que nous serons proche de l'équilibre."

Par ailleurs, l'équipe de CyLibris lance en mai 1999 une lettre d'informationélectronique sur le monde de l'édition francophone. Souvent humoristique etdécapante, la lettre, d'abord mensuelle, paraît deux fois par mois à compter defévrier 2000. Elle change de nom en février 2001 pour devenir Edition-actu.Depuis ses débuts, son objectif n'est pas tant de promouvoir les livres del'éditeur que de présenter l'actualité du livre tous azimuts.

= Diamedit, créé en 1997

Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques et littéraires, est conçu en1997 par Jacky Minier. "J'ai imaginé ce site d'édition virtuelle il y amaintenant plusieurs années, à l'aube de l'ère internautique francophone,explique-t-il. A l'époque, il n'y avait aucun site de ce genre sur la toile àl'exception du site québécois Editel de Pierre François Gagnon. J'avais alorsécrit un roman et quelques nouvelles que j'aurais aimé publier mais, le systèmefrançais d'édition classique papier étant ce qu'il est, frileux et à la remorquede l'Audimat, il est devenu de plus en plus difficile de faire connaître sontravail lorsqu'on n'est pas déjà connu médiatiquement. J'ai donc imaginéd'utiliser le web pour faire la promotion d'auteurs inconnus qui, comme moi,avaient envie d'être lus. Diamedit est fait pour les inédits. Rien que desinédits. Pour encourager avant tout la création.

Je suis, comme beaucoup de pionniers du net sans doute, autodidacte etmultiforme. A la fois informaticien, écrivain, auteur de contenus, webmestre,graphiste au besoin, lecteur, correcteur pour les tapuscrits des autres, etcommercial, tout à la fois. Mon activité est donc un mélange de ces diversesfacettes. Toutefois, de plus en plus, je suis amené à me consacrer davantage àla promotion de mes sites que j'avais jusque-là tendance à négliger un peu, etj'envisage de déléguer largement la sélection des tapuscrits aux auteurseux-mêmes, qui coopteraient ainsi entre eux les nouveaux venus. De cettemanière, le cercle grandissant de passionnés de l'écriture devrait maintenir delui-même un niveau de qualité suffisant pour conserver ou amplifier l'attraitque Diamedit exerce sur ses lecteurs."

Comment Jacky Minier voit-il l'avenir? "Souriant. Je le vois très souriant. Jecrois que le plus dur est fait et que le savoir-faire cumulé depuis les annéesde débroussaillage verra bientôt la valorisation de ces efforts. Le nombre desbranchés francophones augmente très vite maintenant et, même si en France on aencore beaucoup de retard sur les Amériques, on a aussi quelques atoutsspécifiques. En matière de créativité notamment. C'est pile poil le créneau deDiamedit. De plus, je me sens moins seul maintenant qu'il y a seulement deuxans. Des confrères sérieux ont fait leur apparition dans le domaine de lapublication d'inédits. Tant mieux! Plus on sera et plus l'expression artistiqueet créatrice prendra son envol. En la matière, la concurrence n'est à craindreque si on ne maintient pas le niveau d'excellence. Il ne faut pas publiern'importe quoi si on veut que les visiteurs comme les auteurs s'y retrouvent."

= 00h00.com, créé en 1998

Créées par Jean-Pierre Arbon, ancien directeur de Flammarion, et Bruno de SaMoreira, ancien directeur de Flammarion Multimédia, les éditions 00h00.com(prononcer: zéro heure) débutent leur activité en mai 1998. "La création de00h00.com marque la véritable naissance de l'édition en ligne (ou plusexactement de l'édition numérique commerciale, ndlr), lit-on sur le site web.C'est en effet la première fois au monde que la publication sur internet detextes au format numérique est envisagée dans le contexte d'un site commercial,et qu'une entreprise propose aux acteurs traditionnels de l'édition (auteurs etéditeurs) d'ouvrir avec elle sur le réseau une nouvelle fenêtre d'exploitationdes droits. Les textes offerts par 00h00.com sont soit des inédits, soit destextes du domaine public, soit des textes sous copyright dont les droits enligne ont fait l'objet d'un accord avec leurs ayants-droit. (…) Internet estun lieu sans passé, où ce que l'on fait ne s'évalue pas par rapport à unetradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses. (…)Le succès de l'édition en ligne ne dépendra pas seulement des choix éditoriaux:il dépendra aussi de la capacité à structurer des approches neuves, fondées surles lecteurs autant que sur les textes, sur les lectures autant que surl'écriture, et à rendre immédiatement perceptible qu'une aventure nouvelle acommencé."

Les 600 titres du catalogue - essentiellement des rééditions numériquesd'ouvrages publiés par d'autres éditeurs - sont disponibles sous la forme d'unexemplaire numérique et d'un exemplaire papier. D'après l'éditeur, lesexemplaires numériques représentent 85% des ventes. Les collections sont trèsdiverses: 2003 (nouvelles écritures), actualité et société, communication etNTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication), poésie,policiers, science-fiction, etc. Pas de stock, pas de contrainte physique dedistribution, mais un lien direct avec le lecteur et entre les lecteurs. Sur lesite, les lecteurs peuvent créer leur espace personnel afin d'y rédiger leurscommentaires, recommander des liens vers d'autres sites, participer à desforums, etc.

Les éditions 00h00.com sont rachetées en septembre 2000 par l'américain Gemstar,société leader dans le domaine des technologies et systèmes interactifs pour lesproduits numériques. Après avoir acquis en janvier 2000 les deux sociétésaméricaines à l'origine des premiers modèles de livres électroniques, NuvoMedia,créatrice du Rocket eBook, et Softbook Press, créatrice du Softbook Reader,Gemstar continue ainsi d'étendre son empire en accédant cette fois au marchéfrancophone. Selon Henry Yuen, président de Gemstar (cité par l'AFP), "lescompétences éditoriales dont dispose 00h00.com et les capacités d'innovation etde créativité dont elle a fait preuve sont les atouts nécessaires pour faire deGemstar un acteur majeur du nouvel âge de l'édition numérique qui s'ouvre enEurope". 00h00.com prépare le lancement en Europe du Gemstar eBook, livreélectronique produit et commercialisé par Thomson Multimédia sous licence deGemstar (voir 8.1 pour un descriptif plus complet).

= La Grenouille Bleue / Gloupsy, créé en 1999

Marie-Aude Bourson, une lyonnaise passionnée de littérature et d'écriture, ouvreen septembre 1999 le site littéraire de la Grenouille Bleue. "L'objectif est defaire connaître de jeunes auteurs francophones, pour la plupart amateurs,explique-t-elle. Chaque semaine, une nouvelle complète est envoyée par e-mailaux abonnés de la lettre. Les lecteurs ont ensuite la possibilité de donnerleurs impressions sur un forum dédié. Egalement, des jeux d'écriture ainsi qu'unatelier permettent aux auteurs de 's'entraîner' ou découvrir l'écriture. Unannuaire recense les sites littéraires. Un agenda permet de connaître lesdifférentes manifestations littéraires." En décembre 2000, elle doit fermer lesite pour un problème de marque. En janvier 2001, elle ouvre un nouveau site,Gloupsy.com, qui fonctionne selon le même principe que la Grenouille Bleue,"mais avec plus de 'services' pour les jeunes auteurs, le but étant de mettre enplace une véritable plate-forme pour 'lancer' les auteurs". Elle envisage d'"enfaire un jour une véritable maison d'édition avec impression papier des auteursdécouverts".

= Luc Pire électronique, créé en 2001

Lancé en février 2001, Luc Pire électronique est le département d'éditionnumérique des éditions Luc Pire, créées à l'automne 1994 et basées à Bruxelleset à Liège. Le catalogue de Luc Pire électronique, en cours de constitution,comprendra les versions numériques des livres déjà publiés par les éditions LucPire (300 titres au catalogue papier en juin 2001) et de nouveaux titres, soiten version numérique seulement, soit en deux versions, numérique et imprimée.Nicolas Ancion, son responsable éditorial, explique: "Ma fonction est d'unedouble nature: d'une part, imaginer des contenus pour l'édition numérique dedemain et, d'autre part, trouver des sources de financement pour les développer.(…) Je supervise le contenu du site de la maison d'édition et je conçois lesprochaines générations de textes publiés numériquement (mais pas exclusivementsur internet)."

Je pense que l'édition numérique n'en est encore qu'à ses balbutiements,ajoute-t-il. Nous sommes en pleine phase de recherche. Mais l'essentiel est déjàacquis: de nouveaux supports sont en train de voir le jour et cette apparitionentraîne une redéfinition du métier d'éditeur. Auparavant, un éditeur pouvait secontenter d'imprimer des livres et de les distribuer. Même s'il s'en défendaitparfois, il fabriquait avant tout des objets matériels (des livres). Désormais,le rôle de l'éditeur consiste à imaginer et mettre en forme des contenus, encollaboration avec des auteurs. Il ne fabrique plus des objets matériels, maisdes contenus dématérialisés. Ces contenus sont ensuite 'matérialisés' sousdifférentes formes: livres papier, livres numériques, sites web, bases dedonnées, brochures, CD-Rom, bornes interactives. Le département de 'production'd'un éditeur deviendrait plutôt un département d''exploitation' des ressources.Le métier d'éditeur se révèle ainsi beaucoup plus riche et plus large. Il peutamener le livre et son contenu vers de nouveaux lieux, de nouveaux publics.C'est un véritable défi qui demande avant tout de l'imagination et de lasouplesse."

6.4. Vers un nouveau type d'édition?

= L'auto-édition, solution adoptée par certains auteurs

Les éditeurs ne peuvent vivre sans les auteurs, alors que les auteurs peuventenfin vivre sans les éditeurs. La création d'un site web leur permet de faireconnaître leurs oeuvres en évitant les intermédiaires. C'est après avoir utiliséle circuit traditionnel des éditeurs - et avoir été passablement déçue parcelui-ci - qu'Anne-Bénédicte Joly décide de s'auto-publier et d'utiliser le webpour se faire connaître. En avril 2000, elle crée son propre site. "Après avoirrencontré de nombreuses fins de non-recevoir auprès des maisons d'édition et nesouhaitant pas opter pour des éditions à compte d'auteur, j'ai choisi, parce quel'on écrit avant tout pour être lu (!), d'avoir recours à l'auto-édition,raconte-t-elle. Je suis donc un écrivain-éditeur et j'assume l'intégralité desétapes de la chaîne littéraire, depuis l'écriture jusqu'à la commercialisation,en passant par la saisie, la mise en page, l'impression, le dépôt légal et ladiffusion de mes livres. Mes livres sont en règle générale édités à 250exemplaires et je parviens systématiquement à couvrir mes frais fixes. Je pensequ'internet est avant tout un média plus rapide et plus universel que d'autres,mais je suis convaincue que le livre 'papier' a encore, pour des lecteursamoureux de l'objet livre, de beaux jours devant lui. Je pense que laproblématique réside davantage dans la qualité de certains éditeurs, pour ne pasdire la frilosité, devant les coûts liés à la fabrication d'un livre, quipréfèrent éditer des livres 'vendeurs' plutot que de décider de prendre lerisque avec certains écrits ou certains auteurs moins connus ou inconnus.(…)Si l'internet et le livre électronique ne remplaceront pas le support livre, jereste convaincue que disposer d'un tel réseau de communication est un avantagepour des auteurs moins (ou pas) connus."

Elle place toutefois quelques espoirs dans l'édition numérique. "Certainséditeurs on line tendent à se comporter comme de véritables éditeurs enintégrant des risques éditoriaux comme le faisaient au début du siècle derniercertains éditeurs classiques. Les techniques modernes (édition numérique,e-book…) sont accessibles, n'exigent pas (ou de moins en moins) de moyensfinanciers importants et peuvent donc être au service de ces éditeurs. Ilsjouent aujourd'hui le rôle de découvreur de talents. Il est à ma connaissanceabsolument inimaginable de demander à des éditeurs traditionnels d'éditer unlivre en cinquante exemplaires. L'édition numérique offre cette possibilité,avec en plus réédition à la demande, presque à l'unité. En résumé, je souhaiteque l'objet livre continue de vivre longtemps et je suis ravie que destechniques (internet, édition numérique, e-book…) offrent à des auteurs desmoyens de communication leur permettant d'avoir accès à de plus en plus delecteurs."

Ces commentaires font écho à ceux de Jacky Minier, créateur de Diamedit, site depromotion d'inédits artistiques et littéraires. "En matière d'édition numérique,(…) permettre une impression pour utilisation personnelle est un excellentmoyen de promotion de l'auteur et de son oeuvre. Même si c'est un exemplairegratuit. Et quand cet auteur (ou artiste) deviendra très connu, les mêmeséditeurs papier qui le boudent se jetteront dessus pour le publier alors qu'ilsauraient à peine lu son manuscrit auparavant!"

Raymond Godefroy, écrivain-payan, a d'abord publié son recueil Fables pour l'an2000 en version web sur le site des éditions du Choucas, en décembre 1999, avantd'envisager une version imprimée. "Internet représente pour moi un formidableoutil de communication qui nous affranchit des intermédiaires, des barragesdoctrinaires et des intérêts des médias en place, écrit-il fin 1999. Soumis auxmêmes lois cosmiques, les hommes, pouvant mieux se connaître, acquerront peu àpeu cette conscience du collectif, d'appartenir à un même monde fragile pour yvivre en harmonie sans le détruire. Internet est absolument comme la langued'Esope, la meilleure et la pire des choses, selon l'usage qu'on en fait, etj'espère qu'il ne permettra de m'affranchir en partie de l'édition et de ladistribution traditionnelle qui, refermée sur elle-même, souffre d'une crised'intolérance pour entrer à reculons dans le prochain millénaire."

Si certains auteurs manifestent un optimisme mesuré, d'autres ne se font pasd'illusion. "L'internet va me permettre de me passer des intermédiaires:compagnies de disques, éditeurs, distributeurs, écrit Jean-Paul, écrivain etmusicien. Il va surtout me permettre de formaliser ce que j'ai dans la tête (etailleurs) et dont l'imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait dedonner qu'une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir.Il faudra alors chercher ailleurs, là où l'herbe est plus verte…"

= Un pari en cours: l'édition de la littérature hypertexte et hypermédia

"La lucidité nous a ouvert les yeux sur quoi: un écran, constate Lucie deBoutiny, auteur multimédia. Dans ce rectangle lumineux des lettres. Depuisl'archaïque minitel si décevant en matière de création télématique, c'est bienla première fois que, via le web, dans une civilisation de l'image, l'on voit del'écrit partout présent 24 h /24, 7 jours /7. Je suis d'avis que si l'onréconcilie le texte avec l'image, l'écrit avec l'écran, le verbe se fera pluséloquent, le goût pour la langue plus raffiné et communément partagé.Faudra-t-il s'en justifier encore longtemps devant les éditeurs en papier mâchéqui ont des idées de parchemin fripé? Faut-il les consoler en leur précisant quela fabrique de littérature numérique emprunte les recettes de la littératuretraditionnelle (y compris celle écrite avec la voix, ou transmise sur destablettes, voire enregistrée sur des papyrus, etc.) et pas seulement. Bref, ilserait temps de rafraîchir cette bonne vieille littérature franco-française enphase d'épuisem*nt. Ce n'est pas si grave, notre patrimoine nous sauve maisvoilà la drôle de 'mission' dont il convient de s'acquitter - ceci dit, lessermons, les positions qui risquent de se sanctifier en postures, les bonnesrésolutions moralisantes, je m'en tape, mais pour le coup, j'y cède -, ou alorsil faut s'arrêter de se plaindre de la désacralisation du livre comme vecteur dela connaissance et de la culture, de la désertion des lecteurs, de l'illettrismerampant, de la tristesse désuète si austère du peuple des écrivains, de leurisolement subi, de la pauvreté des moyens financiers qu'on leur accorde, et celaface à une industrialisation concentrationnaire de l'édition qui assomme lelivre à coups de pilon, etc."

Encore balbutiante, l'édition d'oeuvres de fiction hypertextuelle cherche savoie. "L'HTX (littérature hypertextuelle, ndlr) qui passe par le savoir-fairetechnologique rapproche donc le techno-écrivain du scénariste, du BDdessinateur, du plasticien, du réalisateur de cinéma, quelles en sont lesconséquences au niveau éditorial? Faut-il prévoir un budget de production enamont? Qui est l'auteur multimédia? Qu'en est-il des droits d'auteur? Va-t-onconserver le copyright à la française? L'HTX sera publiée par des éditeurspapier ayant un département multimédia? De nouveaux éditeurs vont émerger et ilsferont un métier proche de la production? Est-ce que nous n'allons pas assisterà un nouveau type d'oeuvre collective? Bientôt le sampling littéraire protégépar le copyleft?"

= Un pari à venir: l'édition de documentaires hypertextes et hypermédias

Pour les documentaires aussi, il est grand temps d'utiliser les nouvelles formesd'écriture et de lecture autorisées par le lien hypertexte et hypermédia, commec'est déjà le cas depuis quelques années dans le domaine de la fiction. Pourquoiles auteurs de documentaires n'exploiteraient-ils pas eux aussi les possibilitésoffertes par l'hyperlien, en permettant ainsi au lecteur toutes sortes decheminements, linéaires, non linéaires, par thèmes, etc.? C'est la démarche quiest tentée dans le livre que vous êtes en train de lire.

Outre plusieurs possibilités de lecture, le documentaire hypertexte offre denombreux avantages par rapport au documentaire imprimé. Un simple lien permetd'accéder aux sites web mentionnés, ainsi qu'au texte intégral des documentscités et des références bibliographiques. Les erreurs peuvent aussitôt êtrecorrigées. Le livre peut être régulièrement actualisé (ajouts en fonction del'actualité, derniers chiffres et statistiques, etc.).

Ces horripilants index en fin d'ouvrage - mais combien pratiques, au moins quandils existent - sont remplacés par la fonction "recherche" sur une page donnée oupar un moteur de recherche pour l'ensemble du site (en installant celui deGoogle par exemple). Un index peut toujours être envisagé, mais considérablementallégé, et principalement pour répertorier les concepts et notions. Pour prendreun exemple, dans l'index de ce livre, pour "livre numérique", on a quelquesrenvois aux chapitres et sous-chapitres, alors qu'un moteur de recherchedonnerait une liste impressionnante de réponses, le terme revenant à longueur depage. L'index offre donc un service complémentaire.

Il reste à inventer un nouveau type de maison d'édition proposant des livresweb, avec une infrastructure permettant leur actualisation immédiate etconstante par FTP. Si ceci vaut pour tous les sujets, cela paraît d'autant plusindispensable pour les nouvelles technologies et l'internet. La place des livrestraitant du web n'est-elle pas sur le web? L'auteur pourrait choisir de mettreson livre en consultation payante ou gratuite. La question du droit d'auteurserait également entièrement à revoir, ce qui ne serait sûrement pas un mal.Paiement à la source, paiement à la consultation? Et comment l'éditeur serait-ilrémunéré? Quant aux versions imprimées, globales ou partielles, elles pourraientêtre faites à la demande, comme c'est déjà le cas chez plusieurs éditeurs delivres "classiques".

Quant au documentaire hypermédia, il permettrait d'inclure des images animées,de la musique et des vidéos. Ceci dans un deuxième temps peut-être. En Francepar exemple, seule 6% de la population dispose pour le moment de l'internet àdébit rapide, un élément statistique que les créateurs et webmestres oublienttrop souvent de prendre en considération. Pour le moment, si on crée des oeuvreshypermédias pour qu'elles soient lues ou consultées, il est préférable deproposer deux versions, une "lourde" pour les 6% qui ont l'internet par câble etDSL, et une "légère" pour les 94% qui ont une connexion "standard". La remarquevaut aussi pour la littérature hypermédia et plus généralement pour n'importequel site professionnel. Si les créateurs et webmestres tiennent absolument à neproposer qu'une version "lourde", en pariant sur l'avenir, ils pourraient aumoins aller tester leur site de temps à autre à partir d'une connexion"standard" (avec le risque d'être surpris, sinon horrifiés par ce que le lecteur"standard" doit endurer), ceci pendant encore deux ou trois ans (?), avant quele World Wide Wait ne soit plus qu'un mauvais souvenir.

7. LE LIVRE NUMERIQUE SE GENERALISE

[Dans ce chapitre:]

[7.1. Les différents formats // 7.2. Une vente assurée à la fois par leséditeurs et les libraires // 7.3. Quelques commentaires]

Ce chapitre traite du livre numérique, défini ici comme étant la versionnumérisée d'un livre. Le chapitre suivant traite du livre électronique, appareilde lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques.

7.1. Les différents formats

Les années 1999 et 2000 sont marquées par la prolifération des formats de livresnumériques: PDF (portable document format), OeB (open ebook), Microsoft Reader,Glassbook Reader, Gemstar Reader, HTML (hypertext markup language), XML(extensible markup language), texte (.txt), Word (.doc), etc. Inquiets pourl'avenir du livre numérique qui, à peine né, propose presque autant de formatsque de titres, certains insistent sur l'intérêt - sinon la nécessité - d'unformat unique. Depuis quelques mois, on observe un effort méritoire visant àdévelopper les formats au sein de deux grandes familles, celle du PDF (développépar Adobe) et celle de l'OeB (utilisé notamment par Microsoft et Gemstar).

Premier-né, le format PDF (portable digital format), lisible à l'aide dulogiciel Acrobat Reader, est longtemps considéré comme la norme internationaleen matière de diffusion de documents électroniques. Ce format de fichieruniversel conserve les polices, le formatage, les couleurs et les images dudocument source, quelles que soient l'application et la plate-forme utiliséespour le créer. Compacts, les fichiers PDF peuvent être partagés, visualisés,parcourus et imprimés en conservant leur aspect d'origine.

Apparu en octobre 1998, l'OeB (open ebook) est un format basé sur l'HTML et leXML. La première version (1.0) de l'Open eBook Publication Structure (OEBPS) estdisponible sur le web en septembre 1999. Elle a été remplacée en juillet 2001par la version 1.0.1. Le format OeB est utilisé notamment par le Reader deMicrosoft, le Gemstar eBook et le Mobipocket. Créé en janvier 2000, l'Open eBookForum (OeBF) a pour tâche de développer et de promouvoir l'Open eBook (OeB) afinqu'il devienne le standard majeur, sinon unique, de publication des livresnumériques. Ce consortium international réunit plusieurs dizaines d'entreprises:des fabricants de livres électroniques, des éditeurs, des fabricants delogiciels et de matériels (dont Adobe), des libraires en ligne, etc.

En mars 2000, une première version du Microsoft Reader (qui utilise le formatOeB) permet la lecture de livres sur les ordinateurs de poche. En août 2000, leMicrosoft Reader est utilisable sur un ordinateur de bureau. Sescaractéristiques: un affichage à l'écran utilisant la technologie Cleartype, lechoix de la taille des caractères, l'accès d'un clic à un dictionnaire(Merriam-Webster Dictionary) et la mémorisation des mots-clés pour desrecherches ultérieures. Ce logiciel étant disponible gratuitement, Microsoftfacture les éditeurs pour l'utilisation de la technologie correspondante ettouche une commission sur chaque vente de livre numérique. Des partenariats sontaussitôt prévus avec les deux grands libraires en ligne, Barnes & Noble.com etAmazon.com, dans le cadre de l'ouverture prochaine de leurs librairiesnumériques (respectivement le 8 août et le 28 août 2000).

Face au Microsoft Reader, Adobe cherche à défendre la place de l'Acrobat Reader.En août 2000, la société annonce l'acquisition de Glassbook, qui développe deslogiciels de distribution et d'affichage de livres numériques, en permettantl'automatisation de la chaîne de production pour les éditeurs, les libraires,les distributeurs et les bibliothèques. Adobe annonce également une extension deson partenariat avec Barnes & Noble.com, afin de proposer davantage de titreslisibles avec l'Acrobat Reader ou le Glassbook Reader. En janvier 2001, fort del'expérience de Glassbook, Adobe annonce deux produits de distribution de livresnumériques payants. Le premier est l'Acrobat eBook Reader, disponible entéléchargement gratuit, qui est un Acrobat intégrant la gestion des droits. Ledeuxième, l'Acrobat Content Server for eBooks, est destiné aux éditeurs etdistributeurs. Il s'agit d'un serveur de contenu assurant le conditionnement, laprotection, la distribution et la vente sécurisée de livres numériques au formatPDF. Il permet de gérer les droits d'un livre donné, selon les consignes donnéespar le gestionnaire des droits, en autorisant ou non par exemple l'impression,le prêt, etc.

7.2. Une vente assurée à la fois par les éditeurs et les libraires

Si elle existe dès mai 1998, la vente de livres numériques se généralise àcompter de l'automne 2000. Elle est effectuée soit directement par les éditeurs,soit par le biais des libraires, avec impression à la demande dans les deux cas.On voit apparaître les premières librairies numériques. Ces librairies, quivendent des livres en version numérique, sont à distinguer des librairies enligne, qui vendent des livres et autres produits culturels sur tous supports(imprimé, CD, CD-Rom, vidéo, DVD, etc.) sur l'internet.

Le livre commence aussi à se vendre "en pièces détachées". C'est notamment lecas dans la librairie numérique Numilog (voir 10.3) ou dans la librairie enligne de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques),pour ne prendre que deux exemples. Réservé jusque-là aux manuels universitairesou aux dossiers pour séminaires, colloques et conférences, le livre numérique /imprimé "à la carte", constitué de chapitres provenant de sources différentes,aborde lui aussi sa phase grand public.

Publiés en mai 1998 par 00h00.com, les premiers livres numériques commerciaux enlangue française sont plusieurs grands classiques (Le Tour du monde en 80 jours,Colomba, Poil de carotte, Le Misanthrope, etc.), ainsi que deux inédits: Sur lebout de la langue, de Rouja Lazarova, et La Coupe est pleine, de PierreMarmiesse. L'éditeur débute aussi des accords avec des éditeurs "classiques"pour publier certains de leurs titres en version numérique (par exemple BillGates et la saga Microsoft, de Daniel Ichbiah).

En mars 2000, Stephen King crée l'événement en distribuant sa nouvelle RidingThe Bullet uniquement sur l'internet. Il est le premier auteur à succès àrisquer un tel pari. 400.000 exemplaires sont téléchargés en vingt-quatre heuressur les sites des libraires en ligne qui la vendent (au prix de 2,50 $US, soit2,65 euros). Suite à cette première expérience, il décide de se passer desservices de Simon & Schuster, son éditeur habituel. Il crée un site webspécifique et, en juillet 2000, commence la publication en épisodes d'un roman,The Plant, en proposant un premier chapitre téléchargeable en plusieurs formats(PDF, OeB, HTML, texte, etc.) pour la somme de 1 $US (1,05 euros), avec paiementdifféré ou paiement immédiat sur le site d'Amazon.com. D'autres chapitressuivent. Mais cette deuxième expérience est beaucoup moins concluante. Le nombrede téléchargements et de paiements baisse de chapitre en chapitre. Fin novembre2000, après la publication du sixième chapitre, l'auteur décide d'interromprel'expérience pendant un an ou deux. Que l'expérience plaise ou non, lematraquage médiatique et les nombreuses critiques l'accompagnant contribuent àfaire connaître le livre numérique chez les professionnels du livre et dans legrand public. D'autres auteurs de best-sellers, notamment Frederick Forsyth etArturo Pérez-Reverte en Europe, se lancent dans des expériences numériques unpeu différentes (voir 16.3).

A la même époque, durant l'été 2000, Simon & Schuster profite de lamédiatisation de l'expérience de Stephen King pour se lancer dans l'aventure. Ildécide de publier certains titres de Star Trek, série de science-fiction, enversion numérique seulement, sans correspondant imprimé, et dans plusieursformats. D'après l'éditeur, avec six titres vendus par minute, et quarantenouveaux titres publiés chaque année (en incluant les histoires et récits baséssur les séries télévisées et les films), Star Trek serait la série la plusvendue au monde. Le premier titre numérique, The Belly of the Beast, de DeanWesley Smith, est disponible en août 2000 pour 5 $US (5,30 euros). D'autreséditeurs lui emboîtent le pas: Random House, IDG Books, South-Western, etc.

Autre exemple dans le monde francophone, en octobre 2000, les PUF (Pressesuniversitaires de France) annoncent la parution de quatre nouveaux titressimultanément en version numérique et en version imprimée. Trois titres onttrait à l'internet: La presse sur internet, de Charles de Laubier, La science etson information à l'heure d'internet, de Gilbert Varet et Internet et nosfondamentaux (paru en novembre), écrit par un collectif d'auteurs. Le quatrièmetitre, HyperNietzsche, publié sous la direction de Paolo d'Iorio dans lacollection "écritures électroniques", est disponible dans son intégralité sur lesite des PUF.

En novembre 2000, pour convertir les auteurs qu'il publie à ce nouveau format,Random House, premier éditeur mondial de livres en langue anglaise, annonce queses auteurs recevront 50% des bénéfices nets réalisés sur la vente de leurslivres numériques, au lieu des 15% habituels. Dans un communiqué en date du 1ernovembre 2000 (cité par l'AFP), Erik Enggstrom, son PDG, explique: "Notrenouvelle politique en matière de droits d'auteurs sur les livres électroniquesmontre que Random House s'engage à mettre en place ce nouveau format enpartenariat avec ses auteurs et d'une manière telle qu'il leur permetted'augmenter leur lectorat." C'est la première fois qu'une maison d'éditiontraditionnelle de réputation internationale propose un contrat de ce type. Deséditeurs électroniques lancent également cette formule, comme Online Originals(Londres) qui, à la même époque, commence à publier Quintet, la première sérieuniquement électronique de Frederick Forsyth, maître anglais du thriller.

En janvier 2001, Barnes & Noble - qui est non seulement une chaîne de librairiesdoublée d'une librairie en ligne (en partenariat avec Bertelsmann pour cettedernière) mais aussi un éditeur de livres classiques et illustrés - se lancedans l'édition numérique en créant Barnes & Noble Digital. Pour attirer lesauteurs, Barnes & Noble Digital propose de leur verser 35% du prix de vente deslivres numériques vendus sur son site et sur les sites affiliés, un pourcentagenettement supérieur aux droits versés par les autres éditeurs en ligne (qui,après avoir été de 15% à l'origine, serait début 2001 de 25% en moyenne).L'opération vise d'abord à attirer les auteurs de best-sellers désireux depasser au format électronique. L'éditeur commence aussi la publication numériquede titres tombés dans le domaine public.

En avril 2001, Adobe, fort de son nouveau logiciel Acrobat eBook Reader, quipermet d'intégrer la gestion des droits, annonce un partenariat avec Amazon.compour la mise en vente de 2.000 livres numériques: titres de grands éditeursaméricains, dont Simon & Schuster, guides de voyages, ouvrages pour enfants,etc. L'offre, qui débute dans la maison-mère, doit être étendue courant 2001 auxfiliales d'Amazon en Europe et au Japon.

Comme on vient de le voir dans ces lignes, le nombre de livres numériques estsans proportion avec celui des livres imprimés. "Le volume de titres disponiblesà ce jour en format de lecture à l'écran est ridicule par rapport aux quelques600.000 titres existant en français, indique en février 2001 Denis Zwirn, PDG dela librairie numérique Numilog. Mais ceci ne devrait plus être le cas d'ici deuxou trois ans. Nombre d'éditeurs numérisent maintenant leurs fonds. Ceux qui enont les moyens le font à la vitesse grand V. Les éditeurs (de logiciels et delivres) et les libraires qui ont pignon sur rue sont désormais soucieux de nepas rater un marché naissant qui devrait connaître une forte expansion dans lesprochaines années.

7.3. Quelques commentaires

Le livre numérique entraîne scepticisme ou curiosité chez les professionnels dulivre. Il lui reste à faire ses preuves. Voici quelques réactions. D'autresopinions sont exposées dans le chapitre consacré au livre électronique, appareilde lecture permettant de lire des livres numériques.

Jean-Paul, auteur multimédia: "Il a fallu inventer la hache de pierre avant deconstruire la Tour Eiffel. Le but des dinosaures industriels qui s'entretuentpour imposer leur format de livre électronique (appelé ici livre numérique,ndlr) est de détourner vers eux la partie rentable du contenu des bibliothèques(rebaptisé 'information'). Ils travaillent aussi pour nous, en contribuant àbanalyser l'usage de l'hyperlien."

Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "Mon opinion est assezréservée. La lecture sur écran est moins confortable que dans un livretraditionnel. Le seul intérêt (à long terme) serait, me semble-t-il, de trouverà l'état numérique des livres épuisés, lorsqu'on ne peut se rendre dans unebibliothèque."

Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille: "Ila une certaine utilité mais ne remplacera pas le livre papier, sauf à pouvoir letirer ultérieurement si l'intérêt est grand."

Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in HumanLanguage Technologies): "Il y a encore un long chemin à parcourir avant que lalecture sur écran soit aussi confortable que la lecture sur papier."

Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la WebsterUniversity de Genève: "J'ai difficulté à croire que les gens sont prêts à liresur un écran. En ce qui me concerne, je préfère de beaucoup toucher et lire unvrai livre."

Jacques Pataillot, conseiller en management dans la société Cap Gemini Ernst &Young: "Le plaisir de la lecture commence, pour moi, par une visite et unediscussion avec le libraire spécialisé. Il se poursuit par la possession et laconservation du livre."

Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Je ne pense pas que le livre numériqueséduise vraiment les amoureux des livres. Si l'internet est un excellent moyend'information, les livres ne se bornent pas à cela. Ceux qui aiment les livresont une relation personnelle avec eux. Ils les relisent, notent leurscommentaires sur les pages, s'entretiennent avec eux. Tout comme le cybersexe neremplacera jamais le fait d'aimer une femme, le livre numérique ne remplacerajamais la lecture d'un beau texte en version imprimée."

Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse ettraitements informatiques du lexique français): "L'e-book offre une combinaisond'opportunités : la digitalisation et l'internet. Les éditeurs apportent leurtitres à tous les lecteurs du monde. C'est une nouvelle ère de la publication."

Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure destatistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "Il faut voir pour la suitecomment le livre numérique se développera et quelles en seront surtout lesincidences sur la production, la diffusion et la consommation du livre. A coupsûr cela va entraîner de profonds bouleversem*nts dans l'industrie du livre,dans les métiers liés au livre, dans l'écriture, dans la lecture, etc."

Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadairedes actualités de l'internet: "Dans l'édition du 28 juillet 1998 des Chroniquesde Cybérie, je parlais du numéro 4 des Cahiers de médiologie ayant pour thème'Les pouvoirs du papier', et aussi des premiers livres numériques. Force est deconstater que, deux ans plus tard (en août 2000, date de l'entretien, ndlr), peude choses ont évolué. D'abord, sur le plan technique, les nouvelles interfacesde lecture n'ont pas rempli leurs promesses sur le plan de la convivialité, del'aisance et du confort, du plaisir de l'expérience de lire. D'autre part, lescontenus proposés sont encore assez maigres. Je ne dis pas qu'il n'y a rien,mais c'est peu varié, et encore peu de grands titres qui permettraient deséconomies d'échelle. Oui, Stephen King a fait un pied de nez aux éditeurs etpublié des oeuvres originales en ligne. Et alors? On peut difficilement, encore,parler d'une tendance. J'ai une théorie des forces qui animent et modifient lasociété, et qui se résume à classer les phénomènes en tendances fortes, courantsporteurs et signaux faibles. Le livre électronique (appelé ici livre numérique,ndlr) ne répond pas encore aux critères de tendance forte. On perçoit dessignaux faibles qui pourraient annoncer un courant porteur, mais on n'y est pasencore. Cependant, si et quand on y sera, ce sera un atout important pour lespersonnes qui souhaiteront s'auto-éditer, et le phénomène pourrait bouleverserle monde de l'édition traditionnelle."

8. LE LIVRE ELECTRONIQUE EMERGE

[Dans ce chapitre:]

[8.1. Les différents modèles // 8.2. Ce qu'en pensent les professionnels dulivre / Une machine peu séduisante pour les amoureux du livre / Un appareilmonotâche à l'intérêt limité / Un intérêt certain pour les bibliothèques / Uneétape vers le papier électronique de demain // Le "j'ai testé pour vous" d'AlexAndrachmes]

Ce chapitre traite du livre électronique, défini ici comme l'appareil de lecturepermettant de lire à l'écran des livres numériques. On s'intéresse au véritablelivre électronique, et non aux PDA (personal digital assistants) ayant demultiples fonctions, l'une d'entre elles étant la lecture de livres numériquessur un écran lilliputien. Le livre numérique, défini comme la version numériséed'un livre, est traité dans le chapitre précédent.

8.1. Les différents modèles

Conçu par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio est unsupport numérique de lecture nomade. "J'hésite à parler de livre électronique,explique-t-il, car le mot 'livre' désigne aussi bien le contenu éditorial (quandon dit qu'untel a écrit un livre) que l'objet en papier, génial, qui permet sadiffusion. La lecture est une activité intime et itinérante par nature. @folioest un balladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplitselon ses désirs à partir du web, pour aller lire n'importe où. Il peut aussi yimprimer des documents personnels ou professionnels provenant d'un CD-Rom. Lestextes sont mémorisés en faisant: 'imprimer', mais c'est beaucoup plus rapidequ'une imprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sontmaintenus au niveau d'une reliure tactile."

A l'origine du concept, son projet de design, qui date d'octobre 1996. "Leprojet est né à l'atelier Design de l'Ecole d'architecture de Strasbourg oùj'étais étudiant. Il est développé à l'Ecole nationale supérieure des arts etindustries de Strasbourg avec le soutien de l'Anvar-Alsace. Aujourd'hui, jeparticipe avec d'autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels,industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformerce concept en un objet grand public pertinent." En été 2001, l'équipe d'@folioaborde la phase commerciale et cherche des investisseurs. La même équipedéveloppe aussi Mot@mot, qui est une passerelle entre @folio et les fondsnumérisés en mode image (voir 11.2).

Lancé en octobre 2000 à New York, le Gemstar eBook est le successeur du RocketeBook (conçu par NuvoMedia) et du Softbook Reader (conçu par SoftBook Press),suite au rachat des deux sociétés par Gemstar en janvier 2000. Commercialisés ennovembre 2000 aux Etats-Unis, les deux modèles - REB1100 (noir et blanc,sucesseur du Rocket eBook) et REB1200 (couleur, sucesseur du Softbook Reader) -sont construits et vendus sous le label RCA, appartenant à Thomson Multimedia.Avec une mémoire de 8 Mo, un modem interne de 36,6 K et une batterie lithium-ionrechargeable, le modèle en noir et blanc (REB1100) peut stocker 20 romans, soit8.000 pages de texte. Il coûte 299 $US (316 euros). La mémoire peut être étendueà 72 Mo, permettant de stocker 150 livres. Un peu plus grand, le modèle couleur(REB1200) a un écran tactile à cristaux liquides de plus haute résolution, unmodem interne de 56 K et une connection Ethernet (permettant l'accès àl'internet par câble et DSL). Il coûte 699 $US (738 euros). Le Gemstar eBooksera commercialisé courant 2001 en Europe avec l'appui des éditions 00h00.com,rachetées par Gemstar en septembre 2000 (voir 6.3.4).

En octobre 2000, le eBookMan de Franklin, société leader spécialisée dans lesPDA (personal digital assistants) et les dictionnaires de poche, reçoit le eBookTechnology Award de la Foire internationale du livre de Francfort (13-17 octobre2000). Les logiciels de lecture utilisés sont le Franklin Reader et le MicrosoftReader. Un mois après, la version test (beta) du eBookMan est présentée auComdex Trade Show de Las Vegas (13-17 novembre 2000). Trois modèles (EBM-900,EBM-901 et EBM-911) sont disponibles début 2001 à des prix allant de 129,95 à229,95 $US (137 à 243 euros). Le prix est essentiellement fonction de la mémoirevive (8 ou 16 Mo) et de la qualité de l'écran à cristaux liquides (rétro-éclairéou non). L'appareil permet aussi l'écoute de livres audio et des fichiersmusicaux au format MP3, et le stockage de données personnelles (agenda, carnetd'adresses, mémo, etc.).

Conçu par la société Cytale, le Cybook est commercialisé en janvier 2001.Premier livre électronique européen disponible sur le marché, il coûte 867euros. Ses caractéristiques sont les suivantes: 21 x 16 cm, 1 kg, un écrancouleur 10 pouces, tactile, rétro-éclairé, à cristaux liquides, avec unerésolution de 600 x 800 pixels, quatre boutons de commande, une mémoire de 32 Mopermettant de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages, unebatterie lithium-ion d'une autonomie de 5 h, un modem 56 K intégré avec unconnecteur son, un port infrarouge, des extensions pour carte PCMCIA (sigle dePersonal Computer Memory Card International Association) et port USB (universalserial bus) permettant de brancher des périphériques. Il suffit d'une prisetéléphonique pour connecter le Cybook à l'internet et télécharger des livres àpartir de la librairie électronique située sur le site web de Cytale, qui aconclu des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse pourconstituer rapidement un catalogue de plusieurs milliers de titres.

"J'ai croisé il y a deux ans le chemin balbutiant d'un projet extraordinaire, lelivre électronique, explique en décembre 2000 Olivier Pujol, PDG de Cytale.Depuis ce jour, je suis devenu le promoteur impénitent de ce nouveau moded'accès à l'écrit, à la lecture, et au bonheur de lire. La lecture numérique sedéveloppe enfin, grâce à cet objet merveilleux: bibliothèque, librairie nomade,livre 'adaptable', et aussi moyen d'accès à tous les sites littéraires (ou non),et à toutes les nouvelles formes de la littérature, car c'est également unefenêtre sur le web. Et ceci n'aurait pu exister sans internet! (…)L'utilisation d'internet pour le transport de contenu est un secteur dedéveloppement majeur. La société a pour vocation de développer une base decontenu en provenance d'éditeurs, et de les diffuser vers des supports delecture sécurisés."

"S'il doit s'agir d'un ordinateur portable légèrement 'relooké', mais présentantmoins de fonctionnalités que ce dernier, je n'en vois pas l'intérêt, expliqueEmilie Devriendt, élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris. Telqu'il existe, l'e-book est relativement lourd, l'écran peu confortable à mesyeux, et il consomme trop d'énergie pour fonctionner véritablement en autonomie.A cela s'ajoute le prix scandaleusem*nt élevé, à la fois de l'objet même et descontenus téléchargeables; sans parler de l'incompatibilité des formatsconstructeur, et des 'formats' maison d'édition. J'ai pourtant eu l'occasion devoir un concept particulièrement astucieux, vraiment pratique et peu coûteux,qui me semble être pour l'heure le support de lecture électronique le plusintéressant : celui du 'baladeur de textes' ou @folio (conçu par PierreSchweitzer, ndlr), en cours de développement à l'Ecole nationale supérieure desarts et industries de Strasbourg. Bien évidemment, les préoccupations de sesconcepteurs sont à l'opposé de celles des 'gros' concurrents qu'on connaît, enFrance ou ailleurs: aucune visée éditoriale monopolistique chez eux, puisquec'est le contenu du web (dans l'idéal gratuit) que l'on télécharge."

En bref, comme on le voit, le livre électronique n'en est qu'à ses débuts. Onattend impatiemment la commercialisation d'@folio.

8.2. Ce qu'en pensent les professionnels du livre

La critique unanime est son prix. Selon les modèles, le prix oscille pour lemoment entre 137 et 837 euros. "Pour qu'il devienne un produit de consommationde masse, il faudra (…) que son prix soit attractif", écrit Denis Zwirn, PDGde la librairie numérique Numilog. De l'avis de Gérard Fourestier, créateur deRubriques à Bac, le livre électronique est "un plus, mais il faudra encore dutemps et, pour l'instant, le prix, comme pour la 'voiture propre', n'est pastrès attractif. Ceci dit, j'accepte qu'on m'en offre un, j'en ferai la pub."'Hors de prix!', déclare Bernard Boudic, responsable éditorial du serveur web deOuest-France jusqu'en décembre 2000. "Cet instrument est réservé à une classe depersonnes qui peuvent financièrement s'en permettre l'acquisition", commenteJean-Philippe Mouton, gérant de la société d'ingénierie Isayas.

Il reste donc à attendre soit la mise sur le marché de modèles moins chers, soitune forte demande qui ferait baisser progressivement les prix des modèlesexistants, tout comme les téléviseurs ou les ordinateurs en d'autres temps.

Les autres commentaires se répartissent en quatre grandes "tendances": unemachine peu séduisante pour les amoureux du livre (8.2.1), un appareil monotâcheà l'intérêt limité (8.2.2), un intérêt certain pour les bibliothèques (8.2.3),une étape vers le papier électronique de demain (8.2.4). De plus, AlexAndrachmes, producteur audio-visuel, écrivain et explorateur d'hypertexte, s'estlivré à un "j'ai testé pour vous" des plus passionnants (8.3).

= Une machine peu séduisante pour les amoureux du livre

Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritureshypermédias: "Ce n'est qu'un sentiment, je ne possède personnellement pas cegenre d'appareil, ni de PDA (personal digital assistant) non plus même si j'enai eu de nombreuses fois entre les mains avec un mélange d'envie et de gêne. Ilme semble que le 'fait' technologique de l'appareil nuit à une lecture un peu'engagée'. Je lis mes livres un peu partout, ils tombent parfois de mes mains etde mon lit, j'en ai oublié dans le train, ils me suivent dans le bus, le métro,le train, en vacances, sur la plage ou à la montagne. Ils sont autonomes, jepeux les prêter, les donner, je les biffe, corne, annote, bref je les lis. Avecune infinie lenteur. Je me roule dans leurs plis. Il faudrait peut-être pouvoirplier ces livres électroniques, ou qu'ils soient incassables? Mais la questionest peut-être qu'ils ne peuvent ni ne doivent remplacer le livre papier bâtidans un système matériel et économique cohérent. Peut-être ont-ils une place àpart à prendre? En devenant les supports de l'hyperlecture peut-être?"

Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses livres: "Le livre électroniqueest avant tout un moyen pratique d'atteindre différemment une certaine catégoriede lecteurs composée pour partie de curieux aventuriers des techniques moderneset pour partie de victimes du mode résolument technologique. C'est aussi sansdoute le moyen de diffusion actuel le plus universel (dès lors que l'on peut sepromener sur la toile!) qui puisse repousser à ce point les limites dedistances. (…) Je suis assez dubitative sur le 'plaisir' que l'on peut retirerd'une lecture sur un écran d'un roman de Proust. Découvrir la vie despersonnages à coups de souris à molette ou de descente d'ascenseur ne me tenteguère. Ce support, s'il possède à l'évidence comme avantage la disponibilité detoute oeuvre à tout moment, possède néanmoins des inconvénients encore tropimportants. Ceci étant, sans se cantonner à une position durablement ancrée dansun mode passéiste, laissons à ce support le temps nécessaire pour acquérir seslettres de noblesse."

Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Pour l'instant, je trouve ça moche, et peupratique. Nous n'en sommes qu'au début. L'argument selon lequel on pourraitdisposer de plusieurs livres simultanément me semble un peu fallacieux. Quand onest un lecteur, on veut lire 'un' livre et pas trente-six à la fois. Ce livre,on l'a choisi, on le désire. Quand on en veut un autre, on en prend un autre. Ily a le cas des expéditions lointaines. Oui… mais est-ce vraiment un argument?Il ne faut pas se laisser prendre aux arguments des vendeurs de gadgetsélectroniques."

Emmanuel Barthe, documentaliste juridique: "A priori (puisque je ne possède pasde livre électronique) je n'ai pas un enthousiasme délirant: le livreélectronique n'offre en effet pas les avantages du support papier et il impliquel'achat d'un matériel supplémentaire. A la limite, affichées sur un écrancorrect (17 pouces et une bonne carte graphique), les capacités de mise en pagedu format HTML me semblent suffisantes. Et pour une qualité de mise en pageoptimale, il existe déjà le format PDF d'Acrobat, parfaitement lisible sur lesPC et les Mac."

Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné aux jeunesauteurs: "Je n'aime lire un roman que sur papier! On ne remplacera jamais un bonvieux bouquin par un écran tout froid qui vous coupe votre lecture à cause d'unepanne de pile. (…) Côté littérature, je pense qu'on ne pourra remplacer lelivre papier: facile à transporter, objet d'échange, lien affectif,collection… Le livre électronique sera plus utile pour des documentationstechniques ou encore les livres scolaires."

Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques etlittéraires: "L'e-book est sans aucun doute un support extraordinaire. Il aurason rôle à jouer dans la diffusion des oeuvres ou des journaux électroniques,mais il ne remplacera jamais le véritable bouquin papier de papa. Il lecomplétera. A mon sens, il menace beaucoup plus la presse que la librairie. Cesera certainement un outil de substitution formidable pour les scolaires,étudiants, etc., qui auront beaucoup moins lourd à transporter dans leurs sacsque les tonnes de manuels actuels. Mais quant au plaisir de lire dessus desouvrages de nature littéraire, poésies, romans, récits, SF, BD, etc., je n'ycrois pas dans l'immédiat. Il faudra encore attendre quelques améliorationstechniques au plan de l'ergonomie et surtout des changements de comportementshumains. Et ça, c'est l'affaire d'au moins une à deux générations. Voyez lamonnaie électronique: on ne paie pas encore son boulanger ou ses cigarettes avecsa carte de crédit et on a toujours besoin d'un peu de monnaie dans sa poche, enplus de sa carte Visa. L'achat d'un livre n'est pas un acte purementintellectuel, c'est aussi un acte de sensualité que ne comblera jamais une-book. Naturellement, l'édition classique devra en tenir compte sur le planmarketing pour se différencier davantage, mais je crois que l'utilisation desdeux types de supports sera bien distincte. Le téléphone n'a pas tué lecourrier, la radio n'a pas tué la presse, la télévision n'a pas tué la radio nile cinéma… Il y a de la place pour tout, simplement, ça oblige à chaque fois àune adaptation et à un regain de créativité. Et c'est tant mieux!"

Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen: "Le livre électronique tel qu'il existe actuellement estune base de données documentaires qui permet, si on le souhaite, de téléchargerle contenu et ensuite de l'éditer. Les écrans étant ce qu'ils sont et ce qu'ilsresteront longtemps, on ne peut pas espérer lire n'importe où et n'importe quandun texte de quelque difficulté qu'il soit. Pour des documents ne comportant quedes images, il peut en être autrement."

Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Universitéde Toronto: "Il est certain que le livre électronique devient de plus en plusattrayant avec les progrès techniques, tout comme les jeux électroniques. Jedois avouer que je ne m'intéresse de près ni aux livres électroniques, ni auxjeux électroniques. Je lis en ligne pour mon travail, mais je préfère quittermon ordinateur quand il s'agit de lire pour le plaisir."

Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californiedu Sud: "Je ne crois pas au livre électronique. Encore plus que d'assister à unconcert en public ou d'aller voir un film au cinéma, j'aime l'expériencephysique d'avoir un livre sur les genoux et de prendre plaisir à son odeur, soncontact et son poids. Les concerts à la télévision, les films à la télévision etles livres électroniques font qu'on perd un peu de ce plaisir. Et, pour leslivres particulièrement, je ne suis pas prêt à cette perte. Après tout, dans mondomaine d'activité, il est beaucoup plus facile et beaucoup plus économique dese procurer un livre qu'une place de concert ou de cinéma. Tous mes souhaitsvont aux fabricants de livres électroniques, mais je suis heureux avec leslivres imprimés. Et je ne pense pas changer d'avis de sitôt, et me ranger dansla minorité qui utilise les livres électroniques. Je crains beaucoup moins ladisparition des livres que je n'ai craint autrefois la disparition des cinémas."

= Un appareil monotâche à l'intérêt limité

Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8:"J'attends de voir concrètement comment ils fonctionnent et si les éditeurs sontcapables de proposer des produits pécifiques à ce support car, si c'est pourreproduire uniquement des livres imprimés, je suis assez sceptique. L'histoiredes techniques montre qu'une technique n'est adoptée que si - et seulement si…- elle apporte des avantages concrets et conséquents par rapport aux techniquesauxquelles elle prétend se substituer."

Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique: "Cesappareils ne me paraissent pas porteurs d'avenir dans le grand public tantqu'ils restent monotâches (ou presque). Un médecin ou un avocat pourront adopterces plate-formes pour remplacer une bibliothèque entière, je suis prêt à lecroire. Mais pour convaincre le grand public de lire sur un écran, il faut quecet écran soit celui du téléphone mobile, du PDA (personal digital assistant) oude la télévision. D'autre part, je crois qu'en cherchant à limiter lesfournisseurs de contenus pour leurs appareils (plusieurs types de e-books nelisent que les fichiers fournis par la bibliothèque du fabricant), lesconstructeurs tuent leur machine. L'avenir de ces appareils, comme de tous lesautres appareils technologiques, c'est leur ouverture et leur souplesse. S'ilsn'ont qu'une fonction et qu'un seul fournisseur, ils n'intéresseront personne.Par contre, si à l'achat de son téléphone portable, on reçoit une bibliothèquede vingt bouquins gratuits à lire sur le téléphone et la possibilité d'encharger d'autres, alors on risque de convaincre beaucoup de monde. Et de couperl'herbe sous le pied des 'serpent', 'memory' et autres jeux qu'on joue sansplaisir pour tuer le temps dans les aéroports."

Olivier Gainon, créateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne: "Jene crois pas trop à un objet qui a des inconvénients clairs par rapport à unlivre papier (prix / fragilité / aspect / confort visuel / etc.), et desavantages qui me semblent minimes (taille des caractères évolutifs / plusieurslivres dans un même appareil / rétro-éclairage de l'écran / etc.). De même, jevois mal le positionnement d'un appareil exclusivement dédié à la lecture, alorsque nous avons les ordinateurs portables d'un côté, les téléphones mobiles del'autre et les assistants personnels (dont les pocket PC) sur le troisièmefront. Bref, autant je crois qu'à terme la lecture sur écran sera généralisée,autant je ne suis pas certain que cela se fera par l'intermédiaire de cesobjets. On verra si on en parle encore dans un an, mais je peux me tromper - etj'espère me tromper, comme éditeur sur internet, CyLibris bénéficieraitforcément d'un développement de ce type d'appareil."

Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centreinformatique de l'Université de Lausanne: "Comme pour toute nouvelletechnologie, je m'y mettrai avec joie dès que son usage sera plus pratique et/ouagréable que la méthode traditionnelle. Il faut donc un support léger et petit,avec un écran parfaitement stable et précis. Il faudra de plus qu'il nousprocure des avantages: possibilité de copier/coller des passages sur son postede travail, accès à des bases de données bibliographiques, etc. Tant que c'estmoins agréable qu'un livre, et sans avantage notable, je reste au livre. C'estcomme pour l'agenda/PDA (personal digital assistant): je ne me suis pas encorerésolu à passer au Palm, car mon vieux time-system est encore beaucoup pluspratique et rapide. Lors d'une séance de groupe où nous devons convenir d'uneprochaine réunion, je suis toujours le premier à pouvoir dire si telle date meconvient, alors que mes collègues 'palmés' en sont encore à tapoter au styletpour trouver la bonne page…"

Jean-Philippe Mouton, gérant de la société d'ingénierie Isayas: "Cet outilprésente aujourd'hui deux inconvénients. Tout d'abord, rien ne remplacera lemarque-page, ni l'odeur des bouquins qui sont lus sur la plage dans le sable partoute la famille durant l'été… En bref, l'e-book ne peut remplacer le rapportcharnel du lecteur et de son livre. De plus, cet instrument est réservé à uneclasse de personnes qui peuvent financièrement s'en permettre l'acquisition.L'UMTS (universal mobile telecommunications system) promis devrait permettre unaccès mobile en temps réel à l'information, et c'est pour cette raison que cetype de système va probablement fusionner avec les autres systèmes mobiles(téléphonie, Palm…) pour se vulgariser. Il est donc clair qu'il faut sepencher sur le sujet."

François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse: "Ce n'est rien d'autrequ'un ordinateur portable dédié. Je ne vois pas bien pourquoi on se priveraitdes autres fonctions de l'ordinateur, quitte à transporter un écran."

Denis Zwirn, PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques: "Leconcept de livre électronique représente une extraordinaire avancéetechnologique et culturelle. Il doit permettre de faciliter la lecture etl'accès aux livres d'un très large public dans les années à venir. Sesprincipaux atouts sont la possibilité de transporter avec soi des dizaines delivres, de les lire dans des conditions de très bonne ergonomie en reproduisantl'agrément des livres traditionnels, tout en bénéficiant de nombreusesfonctionnalités de lecture absentes des livres traditionnels. Pour qu'ildevienne un produit de consommation de masse, il faudra toutefois qu'il perdeencore du poids et surtout que son prix soit attractif. En effet, le livreélectronique stricto sensu est aujourd'hui concurrencé par des appareils que lesgens achètent déjà massivement pour d'autres raisons que la lecture, mais quipeuvent servir de lecteurs électroniques grâce à des logiciels dédiés à lalecture: les assistants personnels (PDA - personal digital assistants) et lesordinateurs ultra-portables. Le coût marginal de la fonction 'livreélectronique' dans ces appareils est nul. Pour cette raison, je crois quel'avenir est à l'usage de plate-formes diversifiées selon les profils et lesbesoins des utilisateurs, et à une convergence progressive entre les lecteursélectroniques stricto sensu (qui intégreront des fonctions d'agendas) et les PDA(dont certains auront des écrans plus grands)."

= Un intérêt certain pour les bibliothèques

Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "De quoiparle-t-on? Des machines mono-tâches encombrantes et coûteuses, avec formatpropriétaire et offre éditoriale limitée? Les Palm, Psion et autres hand etpocket computers permettent déjà de lire ou de créer des livres électroniques eten plus servent à autre chose. Ceci dit, la notion de livre électroniquem'intéresse en tant que bibliothécaire et lecteur. Va-t-il permettre des'affranchir d'un modèle économique à bout de souffle (la chaîne éditorialen'est pas le must en la matière)? Les machines à lire n'ont de mon point de vuede chance d'être viables que si leur utilisateur peut créer ses propres livresélectroniques avec (cf. cassettes vidéo)."

Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation decoopération et de développement économiques): "Il est intéressant d'observercombien la présentation du livre électronique copie celle du livre traditionnel,à l'exception du fait que la page papier est remplacée par un écran. A mon avis,le livre électronique va permettre de remplacer certains documents papier, maispas tous. J'espère aussi qu'ils seront imperméables à l'eau, pour je puissecontinuer à lire dans mon bain."

Anissa Rachef, bibliothécaire à l'Institut français de Londres: "C'est assezrévolutionnaire, avec un gain de place considérable. Je trouve cela trèsfuturiste."

Gaëlle Lacaze, professeur d'écrit électronique dans un institut universitaireprofessionnel: "C'est un outil de travail intéressant. Reste le problème desdroits de propriété intellectuelle sur certains documents. C'est un outilindispensable pour les bibliothèques, mais la version papier des livresdisponibles sur internet ne doit pas disparaître. Il importe aussi de ne pasoublier les 'infos-pauvres' dans l'avancée de ces super-technologies."

Patrick Rebollar, professeur de littérature française dans des universitésjaponaises: "N'ayant pas encore eu l'objet en main, je réserve mon avis. Jetrouve enthousiasmant le principe de stockage et d'affichage mais j'ai descraintes quant à la commercialisation des textes sous des formats payants. Leschercheurs pourront-ils y mettre leurs propres corpus et les retravailler?L'outil sera-t-il vraiment souple et léger, ou faut-il attendre le développementde l'encre électronique? Je crois également que l'on prépare un cartableélectronique pour les élèves des écoles, ce qui pourrait être bon pour leurdos…"

Guy Antoine, créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culturehaïtienne: "Désolé, je ne l'ai pas encore utilisé. Pour le moment, il m'apparaîtcomme un instrument très étrange, rendu possible grâce à la technologie, maispour lequel il n'y aura pas de demande importante, hormis peut-être pour lestextes de référence classiques. Cette technologie pourrait être utile pour lesmanuels des lycées et collèges, grâce à quoi les cartables seraient beaucoupplus légers. Mais pour le simple plaisir de la lecture, j'imagine difficilementqu'il soit possible de passer un moment agréable avec un bon livreélectronique."

= Une étape vers le papier électronique de demain

"La technologie devra s'améliorer encore de ce point de vue afin de devenirvraiment populaire", déclare Alain Clavet, analyste de politiques auCommissariat aux langues officielles du Canada. C'est aussi l'avis de NicolasPewny, créateur des éditions du Choucas: "Je pense qu'on est loin des formats etdes techniques définitifs. Beaucoup de recherches sont en cours, et un format etun support idéal verront certainement le jour sous peu." Selon François Vadrot,PDG de FTPress, "il y aura toujours du papier, ou si ce n'est pas le papier(matériau) que l'on connaît, ce sera un support souple, léger et fin comme lui(pour dans dix ans en principe)."

Selon Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateurd'hypertexte, "c'est l'arrivée du fameux 'papier électrique' qui changera ladonne. Ce projet du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui consiste àcharger électriquement une fine couche de 'papier' - dont je ne connais pas laformule - permettra de charger la (les) feuille(s) de nouveaux textes, parmodification de cette charge électrique. Un e-book sur papier, en somme, ce quele monde de l'édition peut attendre de mieux."

"Et voici le changement que j'attends: arrêter de considérer les livresélectroniques comme le stade ultime post-Gutenberg, écrit Lucie de Boutiny,écrivain papier et pixel. Le e-book retro-éclairé pour l'instant a la mémoirecourte: il peut accueillir par exemple dix livres contenant essentiellement dutexte mais pas une seule oeuvre multimédia riche en son et images, etc. Donc ceque l'on attend pour commencer: l'écran souple comme feuille de papier légère,transportable, pliable, autonome, rechargeable, accueillant tout ce que le webpropose (du savoir, de l'information, des créations…) et cela dans un formatuniversel avec une résolution sonore et d'image acceptable. Dès lors nouspourrons nous repaître d'oeuvres multimédias sur les terrasses de café, alanguissur un canapé, au bord d'une rivière, à l'ombre des cerisiers en fleurs…"

"Si l'invention du livre-papier avait été faite après celle du e-book, nousl'aurions tous trouvé géniale, écrit Pierre-Noël Favennec, directeur decollection et expert à la direction scientifique de France Télécom RD. Mais une-book a un avenir prometteur si on peut télécharger suffisamment d'ouvrages, sila lecture est aussi agréable que sur le papier, s'il est léger (comme unlivre), s'il est pliable (comme un journal), s'il n'est pas cher (comme un livrede poche)… En d'autres mots, l'e-book a un avenir s'il est un livre, si lehard fait croire que l'on a du papier imprimé… Techniquement, c'est possible,aussi j'y crois. Au niveau technologique, cela exigera encore quelques efforts(chimie, électronique, physique…). Les avantages sont le volume réduit, letéléchargement et le document personnalisé en lecture."

Selon Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialistedes théories de la lecture, "le livre électronique va accélérer cette mutationdu papier vers le numérique, surtout pour les ouvrages techniques. Mais lesdéveloppements les plus importants sont encore à venir. Lorsque le procédé del'encre électronique sera commercialisé sous la forme d'un codex numériqueplastifié offrant une parfaite lisibilité en lumière réfléchie, comparable àcelle du papier - ce qui devrait être courant vers 2010 ou 2015 -, il ne faitguère de doute que la part du papier dans nos activités de lecture quotidiennedescendra à une fraction de ce qu'elle était hier. En effet, ce nouveau supportportera à un sommet l'idéal de portabilité qui est à la base même du concept delivre. Tout comme le codex avait déplacé le rouleau de papyrus, qui avaitlui-même déplacé la tablette d'argile, le codex numérique déplacera le codexpapier, même si ce dernier continuera à survivre pendant quelques décennies,grâce notamment au procédé d'impression sur demande qui sera bientôt accessibledans des librairies spécialisées. Avec sa matrice de quelques douzaines de pagessusceptibles de permettre l'affichage de millions de livres, de journaux ou derevues, le codex numérique offrira en effet au lecteur un accès permanent à labibliothèque universelle. En plus de cette ubiquité et de cette instantanéité,qui répondent à un rêve très ancien, le lecteur ne pourra plus se passer del'indexabilité totale du texte électronique, qui permet de faire des recherchesplein texte et de trouver immédiatement le passage qui l'intéresse. Enfin, lecodex numérique permettra la fusion des notes personnelles et de la bibliothèqueet accélérera la mutation d'une culture de la réception vers une culture del'expression personnelle et de l'interaction."

Les recherches sur le papier électronique de demain sont en cours. Créée en 1997par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology), la société EInk est en train de concevoir un papier électronique flexible ressemblant aupapier classique, avec un système d'encre électronique permettant de changer letexte à volonté en se connectant à une ligne de téléphone ou à un système detéléphonie sans fil. Les grands caractères étant beaucoup plus faciles àproduire que les petit*, cette technologie - qui devrait être pleinementopérationnelle en 2003 ou 2004 - est déjà utilisée pour des panneaux designalisation.

Parallèlement, le Molecular Machines Research Group, équipe de recherche duMedia Lab du MIT, travaille sur des projets de papier électronique et de livreutilisant le papier électronique. IBM et Xerox s'intéressent eux aussi au sujet.Une équipe d'IBM élabore le prototype d'un journal électronique de 16 pagesutilisant l'encre électronique. Les chercheurs de PARC (Palo Alto ResearchCenter), le centre Xerox de la Silicon Valley, mettent au point un papierélectronique utilisant une nouvelle technique d'affichage appelée le gyricon.

8.3. Le "j'ai testé pour vous" d'Alex Andrachmes

A la question: "Quel est votre sentiment sur le livre électronique (e-book)?,Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte,répond en janvier 2001 en envoyant un texte superbe et foisonnant qui fait letour de la question: problématique, modèles, logiciels, textes disponibles,sécurisation du contenu, etc. [Ce texte est disponible dans le livre: Entretiens(1998-2001).]

9. LIVRE NUMERIQUE, LIVRE BRAILLE ET LIVRE VOCAL

[Dans ce chapitre:]

[9.1. L'édition en braille // 9.2. Les perspectives offertes par le livrenumérique // 9.3. Le livre numérique vocal // 9.4. Un publiphone pour écouter lapresse // 9.5. Un web plus accessible aux aveugles et malvoyants]

9.1. L'édition en braille

Alphabet tactile inventé en 1829 par le français Louis Braille, le braille estle seul système d'écriture accessible aux aveugles. Il s'agit d'un système desix points composé de deux colonnes de trois points. La combinaison de ces sixpoints permet de former toutes les lettres de l'alphabet, les signes deponctuation, les symboles techniques, etc.

Le braille est d'abord embossé sur papier au moyen d'une tablette et d'unpoinçon. A la fin des années 70, il est produit à l'aide d'un afficheur braillepiézo-électrique permettant un affichage dynamique. Vient ensuite la machinePerkins avec son clavier de six touches. Puis apparaît le matériel informatique,par exemple le blocs-notes braille, qui sert à la fois de machine à écrire lebraille et, quand il est connecté à un PC, d'écran tactile permettant de lirel'écran. Le braille informatique s'affiche sur huit points, ce qui permetd'augmenter par quatre le nombre de combinaisons possibles.

Dans de nombreux pays, malgré l'existence de matériel informatique, l'édition enbraille reste encore confidentielle - pour la France, 400 titres par an dont 200scolaires - et même clandestine, le problème du droit d'auteur sur lestranscriptions n'étant pas résolu. Les livres en gros caractères et en versionenregistrée sont eux aussi peu nombreux par rapport à la production impriméestandard, malgré tous les efforts dispensés par quelques éditeurs spécialisés etnombre de bénévoles depuis tant d'années.

Pourtant les choses peuvent aller vite quand existent à la fois la motivation etles moyens. Aux Etats-Unis, le dernier titre de Harry Potter (Harry Potter andthe Goblet of Fire, de Joanne K. Rowling) est publié en braille par la NationalBraille Press (NBP) le 27 juillet 2000, soit vingt jours seulement après sasortie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Les 734 pages du livreimprimé chez Scholastic donnent 1.184 pages en braille, mais le prix du livrebraille n'est pas plus élevé. Ce très court délai a été possible grâce à deuxfacteurs. D'une part Scholastic a fourni le fichier électronique, une initiativedont feraient bien de s'inspirer nombre d'éditeurs . D'autre part les 31 membresde l'équipe de NBP ont travaillé sans relâche pendant quinze jours. Comme lestitres précédents de la série, le livre est également disponible au formatPortaBook, à savoir un fichier en braille informatique abrégé stocké surdisquette et lisible au moyen d'un lecteur braille portable ou d'un logicielbraille sur micro-ordinateur (voir 16.2 pour le récit détaillé des aventures deHarry Potter sur l'internet).

9.2. Les perspectives offertes par le livre numérique

La généralisation des livres numériques offre enfin aux malvoyants et auxaveugles la possibilité d'accéder à de très nombreux textes, chance qu'ilsn'avaient pas jusque-là. Le document numérique permet de dissocier contenu etprésentation. Le lecteur peut modifier la présentation à son gré. Quant aucontenu, on dispose maintenant des technologies permettant de le convertirautomatiquement dans un autre système de codage ou une autre langue, y comprisle braille et la synthèse vocale. De l'avis de Patrice Cailleaud, directeur dela communication de HandiCaPZéro, le livre numérique "devrait s'imposer commeune nouvelle solution complémentaire aux problèmes des personnes aveugles etmalvoyantes". Toutefois "les droits et autorisations d'auteurs étaient etdemeurent des freins pour l'adaptation en braille ou caractères agrandisd'ouvrage. Les démarches sont saupoudrées, longues et n'aboutissent que troprarement."

Lors du Salon du livre de la jeunesse de Montreuil de décembre 1999, leséditions 00h00.com et l'association BrailleNet lancent l'opération "2000 livresjeunesse sur internet pour les aveugles et malvoyants en l'an 2000", à savoir unservice internet permettant de commander en ligne des ouvrages en différentsformats. Ces ouvrages sont soit des versions numériques téléchargeables etconsultables sur micro-ordinateur, terminal braille électronique ou synthétiseurde parole, soit des versions imprimées en gros caractères ou en braille.

Pour répondre au problème soulevé par le manque d'ouvrages adaptés, BrailleNetcrée aussi la base de données Hélène, qui propose en accès restreint des livresnumériques (oeuvres littéraires récentes, documentations techniques, ouvragesscientifiques, ouvrages scolaires, supports de cours adaptés) permettant desimpressions en braille ou en gros caractères, en partenariat avec les organismes(associations, éditeurs, établissem*nts d'enseignement) réalisant ces versionsadaptées. Dans le cadre de sa participation au projet de BrailleNet, l'INRIA(Institut national de recherche en informatique et en automatique) développe unebibliothèque numérique comportant des ouvrages du domaine public mis en lignesur différents serveurs web et des ouvrages préparés pour une impression braillepar des écoles ou des centres de transcription.

Mais il reste encore beaucoup à faire pour proposer un véritable service publicdu type de celui qui est proposé aux Etats-Unis par la Library of Congressdepuis août 1999. Géré par le National Library Service for the Blind andPhysically Handicapped (NLS/BPH), un serveur permet aux aveugles et malvoyantsde télécharger des livres au format braille pour une lecture sur plage tactileet par synthèse vocale. Les collections de départ - 2.700 livres en brailleabrégé disponibles en téléchargement ou consultables en ligne - augmentent deplusieurs centaines de titres par an. Les sources sont codées pour uneimpression (à l'aide d'une imprimante braille) ou une lecture en ligne enbraille abrégé (à l'aide de plages tactiles ou toute autre interface d'accèsbraille). Ce service fournit aussi un logiciel de relecture, qui permet dedésagréger le texte pour l'utiliser sur synthèse vocale.

Dans le domaine des livres électroniques - appareils de lecture permettant delire à l'écran des livres numériques - les choses bougent aussi.

En novembre 2000, Microsoft décide de collaborer avec Pulse Data, une entreprisenéo-zélandaise spécialisée dans les produits informatiques pour non-voyants.Pulse Data est l'auteur de BrailleNote, un PDA (personal digital assistant) sansécran utilisant le système d'exploitation Windows CE. Une interface permet detransformer en braille les textes lus au moyen du Microsoft Reader. Les aveuglespeuvent ainsi avoir accès à un catalogue de près de 2.000 livres numériques.Après ouverture du fichier, ils ont le choix entre la version vocale et laversion en braille électronique. Alors qu'il faut en général des mois pour qu'unlivre soit traduit en braille, la traduction des livres numériques estinstantanée.

Livre électronique conçu par la société Cytale et commercialisé depuis janvier2001, le Cybook permet l'agrandissem*nt des caractères, l'inversion descontrastes, la suppression de la couleur, le changement de police, etc., en breftout ce qui permet de contourner un handicap visuel. Cytale travaille avecl'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) àl'adaptation de son logiciel pour permettre la lecture de livres numériques aumoyen d'une extension braille ou d'un système de synthèse vocale.

9.3. Le livre numérique vocal

Depuis vingt ans sinon plus, les aveugles et malvoyants écoutent des livresenregistrés sur bande magnétique ou sur cassettes, le plus souvent par desbénévoles. Depuis quelques années, ils ont à leur disposition des livres enversion audio sur CD-Rom. Depuis peu, il existe des technologies permettant deconvertir automatiquement un document dans un autre système de codage ou uneautre langue, y compris le braille et la synthèse vocale. Des logiciels -notamment ceux de Quack - permettent la lecture d'un fichier texte au moyend'une voix synthétique. Les outils informatiques standard sont en traind'intégrer la synthèse de parole, avec possibilité de traduction automatique. Etla qualité de la synthèse de parole s'améliore.

Cependant, les aveugles s'accordent souvent à dire que rien ne remplace une"vraie" voix, moins parfaite peut-être, mais vivante, avec des nuances, desintonations, des inflexions, etc. C'est ce que pense l'équipe du RAAMM(Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain), qui a choisid'enregister la presse sur publiphone (voir 9.4). Des dizaines de titres sontlus par plus de 150 volontaires voyants. L'enregistrement ou l'écoute se fait àdomicile à partir de son poste de téléphone.

Par ailleurs, nombreux sont les organismes qui disposent d'enregistrementsréalisés en analogique au fil des années, sur bandes magnétiques et surcassettes. On envisage maintenant la numérisation et le stockage informatique detous ces enregistrements, qui pourraient être utilisés non seulement par lacommunauté desservie par l'organisme propriétaire mais partout ailleurs. Cepotentiel à destination des bibliothèques audio permettrait à chaque organismed'accroître ses collections de manière exponentielle. De nouvelles bibliothèquesaudio pourraient être constituées à moindre coût, notamment dans les pays endéveloppement. Pour ce faire, le consortium international DAISY (digital audioinformation system) a été créé en 1996 afin d'élaborer une norme internationalepour la production, l'échange et l'utilisation du livre numérique vocal etorganiser la numérisation du matériel audio à l'échelle mondiale.

Le consortium DAISY regroupe des organismes du monde entier au service despersonnes handicapées visuelles. Ses activités comprennent entre autres ladéfinition de normes de spécification de fichiers (à partir de celles duConsortium W3C), la conception de logiciels nécessaires à l'industrie du livrenumérique vocal (notamment pour passer de bandes son analogiques à des bandesson numériques), la normalisation de lignes directrices de production, l'échangede livres numériques vocaux entre bibliothèques, la définition d'une loiinternationale du droit d'auteur pour les personnes atteintes de déficiencevisuelle, la protection des documents faisant l'objet d'un droit d'auteur, et lapromotion de la norme DAISY à l'échelle mondiale.

9.4. Un publiphone pour écouter la presse

Même si elle n'a pas (encore) directement trait au numérique, il importe derevenir sur l'expérience du RAAMM, brièvement mentionnée plus haut. Le RAAMM(Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain) est uneassociation à but non lucratif qui rassemble des personnes ayant une déficiencevisuelle, afin de défendre leurs droits, promouvoir leurs intérêts et favoriserleur intégration à part entière dans tous les domaines (emploi, sécurité durevenu, transports en commun, santé, services sociaux, habitation, éducation,loisirs, culture, etc.). Des bénévoles offrent des services d'accompagnementpour les activités de la vie quotidienne (recherche d'emploi ou de logement,sorties, inscriptions, courses, achats, etc.). Ils assurent aussi des servicesde lecture à domicile (contrats d'affaires, manuels, notes de cours, articles derevues, recettes de cuisine, etc.) et de lecture sur cassettes, ainsi que laproduction de documents en braille. A cela s'ajoutent des activités de formationet de loisirs.

Entre autres activités, le RAAMM a mis sur pied un publiphone, qui est unsystème téléphonique interactif. Créé en 1993, le publiphone proposait àl'origine une vingtaine de rubriques d'information. Trois ans après, en 1996,elles sont au nombre de 67. Sept ans après, en 2000, on en compte 350, avecplusieurs rubriques pour un quotidien comme La Presse par exemple. Les chiffressont éloquents: 10.500 connexions et 100.000 rubriques consultées par mois, et163 bénévoles pour assurer la lecture. "Avant l'instauration du publiphone, jen'avais accès à l'information écrite que lorsque les autres avaient le temps etle goût de me lire cette information, déclare un auditeur. Maintenant, à toutesfins pratiques, je lis ce que je veux, quand je le veux."

En composant un simple numéro de téléphone, on a accès à des menus à touchespermettant de sélectionner la rubrique souhaitée. De ce fait, les rubriques sontréparties en neuf grandes catégories: 1) les informations provenant du RAAMM etd'autres organismes desservant la population des handicapés visuels; 2) lesrubriques "consommation et emploi": marchés d'alimentation, produits enpharmacie, produits en quincaillerie, magasins à rayons, magasins de disques,offres d'emplois; 3) les horaires: télévision, radio, cinémas, arts etspectacles, expositions des musées et des maisons de la culture de Montréal,événements spéciaux, livres et autres documents adaptés ; 4) les quotidiens: LaPresse, Le Journal de Montréal et Le Devoir; 5) les hebdomadaires: 7 Jours, LesAffaires, Le Courrier Laval, Le Courrier du Sud, Voir, Ici; 6) le coin jeunesse;7) les revues: Le Bel âge, Coup de pouce, Capital santé, Femme plus, ElleQuébec, Infotech, L'Actualité, Québec science, Guide ressources, Protégez-vous,Enfants Québec, Clin d'oeil; 8) les programmes de télévision et les quotidiensen langue anglaise (Lottery results, TV listings, The Gazette, The Globe & Mail,The Mirror, Hour); 9) les périodiques en langue anglaise (Time Magazine, Today'sParent Magazine, National Geographic, Sports Illustrated Magazine).

Dans un deuxième temps, un nouveau système devrait être mis en place, quiutiliserait les technologies les plus récentes ainsi que l'internet. Ilpermettrait notamment d'archiver les enregistrements précédents, ce qui n'estmalheureusem*nt pas le cas pour le moment.

9.5. Un web plus accessible aux aveugles et malvoyants

"Réflexions, conceptions, tests ont longtemps été à l'étude pour donner auxinternautes aveugles et malvoyants un véritable outil doté d'informationspragmatiques, explique Patrice Cailleaud, directeur de communication deHandiCaPZéro. Depuis le 15 septembre 2000, tous les services de l'associationdans des domaines comme les loisirs, la télé, la communication, la santé sontaccessibles sur le site www.handicapzero.org. Plus de barrage pour lesinternautes aveugles: quel que soit le type de périphérique employé (synthèsevocale, plage braille), la navigation se fait sans obstacle. Par exemple, lesimages et illustrations qui abondent sur la toile et rendent les sitesinaccessibles à cette population sont légendées. Plus d'illisibilité pour lesinternautes malvoyants: pour la première fois sur le web, le site dispose, dèsla page d'accueil, d'une interface 'confort de lecture' qui permet, en fonctionde son potentiel visuel, de choisir la couleur de l'écran, la taille et lacouleur de la police. Les pages vues à l'écran sont également imprimables selonle format défini."

L'activité de Patrice Cailleaud consiste à "convaincre les décideurssocio-économiques de prendre en compte les besoins spécifiques des usagers,clients et citoyens déficients visuels. Mettre en oeuvre les dispositifsd'accessibilité. J'ai participé à la conception éditoriale et graphique du site.Aujourd'hui, mon rôle consiste à développer de nouveaux services accessiblespour le site."

"Internet n'est pas entré dans la majorité des foyers des personnes déficientesvisuelles, ajoute Patrice Cailleaud. A cela, trois principales raisons: l'âge dupublic concerné, qui se situe au delà de la soixantaine (pour 70% du public); lecoût trop élevé pour une acquisition personnelle d'un matériel spécialisé; lenombre trop restreint de sites accessibles de façon autonome. L'avenir del'accès à l'information pour les personnes aveugles devrait passer par le web.Ce support, à condition d'une responsabilité des développeurs de sites sousl'impulsion d'une autorité qui commence à légiférer, donne un accès instantané àune information actuelle au contraire des supports braille ou caractèresagrandis qui nécessitent des délais et des coûts d'adaptation, de transcriptionet fabrication. (…) Pour les développeurs de sites que ça intéresse, desrecommandations sont disponibles en nous contactant à HandiCaPZéro, ou sur dessites comme VoirPlus ou BrailleNet. En règle générale, les dispositions àprendre ne sont pas trop contraignantes. Il ne faudrait pas que le message pourrendre un site accessible soit trop compliqué au risque de dissuader les bonnesvolontés."

Quelles sont les suggestions des professionnels du livre voyants pour rendre leweb plus accessible aux aveugles et malvoyants?

Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8:"Le son est une solution, les claviers adaptés en sont une autre, je ne saiss'il existe des écrans spécialisés, mais peut-être… On peut aussi imaginer desinteractions sonores, Denize en a utilisé quelques-unes dans son cédéromMachines à écrire (Gallimard, 1999, ndlr)."

Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "Autant quepossible j'essaie de rendre accessible à tous la bibliothèque électronique deLisieux. Les recommandations du consortium W3C ne sont pas toujours évidentes àsuivre. Les sites textuels ne requièrent pas une charte graphique sophistiquée àbase de Java et autres niaiseries."

Marie-Aude Bourson, créatrice des sites littéraires La Grenouille Bleue etGloupsy: "La Grenouille Bleue (qui a dû fermer pour un problème de marque et quia été remplacée par Gloupsy, ndlr) avait une partie destinée aux malvoyants: ilsuffit de créer des pages sans images ni tableau. Uniquement du texte, et unestructure de site plus simple qui va droit à l'info. Ainsi les logiciels dereconnaissance/lecture de pages web sont très efficaces. Il faut doncsensibiliser les webmestres."

Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille: "Ilfaudrait une réelle motivation des concepteurs de sites envers le problème desaveugles et une volonté politique d'intégration des handicapés (et pas seulementfinancière)."

Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadairedes actualités de l'internet: "Mes suggestions s'adressent surtout auxdiffuseurs de contenus qui ne respectent pas les normes techniques. Jem'explique. Le Consortium W3C est un organisme de normalisation des techniquesdu web. Ses comités étudient les nouvelles techniques, et prescrivent des normesd'utilisation. Or les producteurs et diffuseurs de contenus utilisent souventdes techniques propriétales, hors normes, propres à un logiciel ou à uneplate-forme, ce qui donne lieu, par exemple, à des 'sites optimisés' pourNetscape ou pour Internet Explorer. Si ces sites soi-disant optimisés pour unfureteur ou un autre causent des problèmes pour les utilisateurs ordinaires,imaginez la difficulté d'adapter des contenus livrés hors normes à unconsultation pour non-voyants. Il y a des efforts énormes pour rendre accessibleà tous le contenu du web, mais tant et aussi longtemps que les diffuseursutiliseront des technologies hors normes, et ne tiendront pas leurs engagementspris, notamment, dans le cadre du Web Interoperability Project (WIP), la tâchesera difficile."

Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritureshypermédias: "Jakob Nielsen évoque dans La Conception de sites web - l'art de lasimplicité (Campus Press, 2000) un système vocal basé sur la lecture de balisesHTML ou XML capables d'interfacer un synthétiseur vocal qui paraît convaincant.La WAI (Web Accessibility Initiative) du Consortium W3C a publié, le 5 mai 1999,la première version des directives (téléchargeables) pour un accès web auxpersonnes handicapées, accessible en français."

Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses oeuvres: "Je pense que nousdevrions voir apparaître des sites disposant de modes d'emplois ou de guides dedécouverte sonores. L'idéal serait de pouvoir guider un internaute malvoyant,depuis la mise en route des navigateurs (pour taper l'adresse du site ciblé),jusqu'à l'arrivée sur un site. Sur un site équipé, un assistant guidel'internaute en lui exposant les fonctionnalités du site. L'accès aux rubriquesse fait via des codes alphanumériques (sur le même principe que les serveurstéléphoniques à fréquence vocale). Le code d'accès à la rubrique est possiblegrâce à un clavier adapté (touche possédant des caractères braille). Puisl'assistant propose des choix: téléchargement des rubriques pour éditions surimprimante braille ou lecture de la rubrique sous forme d'extraits sonores. Ilfaudra se montrer vigilants face au temps de chargement du son. Puis, pourfavoriser les échanges, prévoir la possibilité de déposer des témoignages vocaux(voire des images via des webcams) sur le serveur du site."

Olivier Pujol, PDG de Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique,préconise "le développement des moteurs de type BrailleSurf associés à de lasynthèse vocale, et le respect par les concepteurs de sites de quelques règles(documentation des images, ou association de commentaires textuels à certainesapplications telles que les animations flash). Dès que notre site atteindra unniveau opérationnel suffisant, il sera entièrement adapté à cet effet."

Patrick Rebollar, professeur de littérature française dans des universitésjaponaises, suggère d'"améliorer les logiciels de lecture orale de l'écrit.Créer des écrans tactiles qui affichent le texte en braille et développer deslogiciels de traduction automatique et d'affichage sur écran braille (sousl'égide d'une fondation internationale subventionnée par les gouvernements,l'Unesco, etc., et qui lèverait des fonds auprès des entreprises intéressées)."

Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyses ettraitements informatiques du lexique français): "Il faudrait fournir desalternatives équivalentes au contenu visuel et auditif: le texte peut êtreexpédié directement à des synthétiseurs vocaux et à des générateurs de brailleet peut être représenté sur du papier. La voix synthétique et le braille sontindispensables aux individus non voyants et mal entendants."

Plusieurs des réponses reçues, non citées ici, montrent qu'il serait nécessairede sensibiliser les voyants au fait que les aveugles ont eux aussi droit à deuxmodes de connaissance, la lecture et l'écoute, tout comme les voyants. Pourquoiles aveugles devraient-ils se limiter à l'écoute, alors que le numérique permetenfin la conversion facile du document, et donc la lecture de ce document enbraille?

La conclusion de ce chapitre appartient à Richard Chotin, professeur à l'Ecolesupérieure des affaires (ESA) de Lille. A la question: "Quoi de neuf cetteannée?", il répond en mai 2001: "Une seule nouveauté, mais de taille, lesconséquences de l'accessibilité du web aux aveugles: ma fille vient d'obtenir ladeuxième place à l'agrégation de lettres modernes. Un de ses amis a obtenu lamaîtrise de conférence en droit et un autre a soutenu sa thèse de doctorat endroit également. Outre l'aspect performance, cela prouve au moins que si lesaveugles étaient réellement aidés (tous les aveugles n'ont pas évidemment lachance d'avoir un père qui peut passer du temps et consacrer de l'argent) pardes méthodes plus actives dans la lecture des documents (obligation d'obtenir enbraille ce qui existe en 'voyant' notamment), le handicap pourrait presquedisparaître."

10. LES LIBRAIRIES "CLASSIQUES" ET CYBER

[Dans ce chapitre:]

[10.1. Qu'apporte l'internet aux librairies "classiques"? / Un exemple: leslibrairies de voyage / Autre exemple: les librairies d'ancien // 10.2. Leslibrairies en ligne // 10.3. Les premières librairies numériques / L'exemple deNumilog]

10.1. Qu'apporte l'internet aux librairies "classiques"?

A titre d'exemple, on a choisi ici deux catégories de librairies: les librairiesde voyage et les librairies d'ancien.

= Un exemple: les librairies de voyage

Au coeur de Paris, dans l'île Saint-Louis, la librairie Ulysse propose plus de20.000 livres, cartes et revues neufs et anciens sur tous les pays et pour tousles voyages. Créée en 1971 par Catherine Domain, elle est à l'époque la premièrelibrairie au monde uniquement consacrée aux voyages. Sur le site web de lalibrairie, Catherine Domain raconte: "Au terme de dix années de voyages sur tousles continents, je me suis arrêtée, en 1970, et me suis dit: 'Que vais-je bienpouvoir faire pour vivre?' Consciente de la nécessité de m'insérer dans unesociété d'une façon ou d'une autre, j'ai procédé à un choix par déduction et parle refus d'avoir patron et employé. Me souvenant de mes grand-pères, l'unnavigateur au long cours, l'autre libraire en Périgord, et constatant quej'étais obligée de visiter une quinzaine de librairies avant de trouver lamoindre documentation sur un pays aussi proche que la Grèce, une 'librairie devoyage' s'est imposée à mon esprit, entre Colombo et Surabaya, au cours d'untour du monde."

Catherine Domain n'a pas pour autant abandonné les voyages. Elle est à la foismembre du SLAM (Syndicat national de la librairie ancienne et moderne), du Clubdes explorateurs et du Club international des grands voyageurs. Elle a fondé leCargo Club, un club de rencontre pour les passionnés de la mer, et le ClubUlysse des petites îles du monde. Elle a visité à ce jour 141 pays et lesvoyages la tenaillent toujours. En 1998, elle explore à la voile les îles duKiribati et les îles Marshall, au milieu du Pacifique. En 1999, en tant quemembre du jury du Prix du livre insulaire, elle fait une escale à Ouessant, puiselle fait le tour de la Sardaigne à la voile. En l'an 2000, toujours à la voile,elle visite la Croatie pendant un mois. De nouveau membre du jury du Prix dulivre insulaire, elle refait escale à Ouessant et aussi à l'île de Sein.

En 1999, Catherine Domain se lance dans une expérience autrement plus ingrate,qui est la réalisation d'un site web. "Mon site est embryonnaire et enconstruction, écrit-elle, il se veut à l'image de ma librairie, un lieu derencontre avant d'être un lieu commercial. Il sera toujours en perpétueldevenir! Internet me prend la tête, me bouffe mon temps et ne me rapportepresque rien mais cela ne m'ennuie pas… Pour qu'internet marche, il faut nefaire que ça ou avoir des 'esclaves'. Je ne veux ni l'un ni l'autre. Je n'ai pasune âme de patron mais d'artisan, et j'attrape vite la bougeote et mal auxyeux." Elle est très pessimiste sur l'avenir de sa librairie: "Internet tue leslibrairies spécialisées. En attendant d'être dévorée, je l'utilise comme unmoyen d'attirer les clients chez moi, et aussi de trouver des livres pour queceux qui n'ont pas encore internet chez eux! Mais j'ai peu d'espoir…"

Autre librairie de voyage, située à Paris dans l'ancien quartier des Halles, lalibrairie Itinéraires rassemble tous les ouvrages permettant de préparer,accompagner et prolonger un voyage: guides, cartes, manuels de conversation,reportages, récits de voyage, livres de cuisine, livres d'art et dephotographie, ouvrages d'histoire, de civilisation, d'ethnographie, de religionet de littérature étrangère, et cela pour plus de 160 pays et 250 destinations.

Comment la librairie en est-elle venue à utiliser le minitel puis l'internet?"Dès 1985, nous avons créé une base de données avec classem*nt des ouvrages parpays et par thèmes, écrit Hélène Larroche en juin 1998. Il y a un peu plus detrois ans (début 1995), nous avons rendu la consultation de notre cataloguepossible sur minitel et nous effectuons aujourd'hui près de 10% de notre chiffred'affaires avec la vente à distance. Passer du minitel à internet nous semblaitintéressant pour atteindre la clientèle de l'étranger, les expatriés désireux degarder par les livres un contact avec la France et à la recherche d'unelibrairie qui 'livre à domicile' et bien sûr les 'surfeurs sur le net', nonminitélistes. La vente à distance est encore trop peu utilisée sur internet pouravoir modifié notre chiffre d'affaires de façon significative. Internet acependant eu une incidence sur le catalogue de notre librairie, avec la créationd'une rubrique sur le web, spécialement destinée aux expatriés, dans laquellenous mettons des livres, tous sujets confondus, qui font partie des meilleuresventes du moment ou/et pour lesquels la critique s'emballe. Nous avons toutefoisdécidé de limiter cette rubrique à 60 titres quand notre base en compte 13.000.Un changement non négligeable, c'est le temps qu'il faut dégager ne serait-ceque pour répondre au courrier que génèrent les consultations du site. Outre lebénéfice pour l'image de la librairie qu'internet peut apporter (et dont nousressentons déjà les effets), nous espérons pouvoir capter une nouvelle clientèledans notre spécialité (la connaissance des pays étrangers), atteindre etintéresser les expatriés et augmenter nos ventes à l'étranger." En janvier 2000,elle mentionne "un net regain de personnes qui viennent à notre librairie aprèsnous avoir découvert sur le web. C'est donc plutôt une clientèle parisienne ouune clientèle venue de province pour pouvoir feuilleter sur place ce que l'on adécouvert sur le web. Mais l'expérience est très intéressante etnous conduit àpoursuivre."

= Autre exemple: les librairies d'ancien

Les librairies d'ancien n'ont elles aussi pas tardé à utiliser l'internet pourétendre leur champ d'activité.

Le SLAM (Syndicat de la librairie ancienne et moderne), seul syndicatprofessionnel des libraires de livres anciens, livres illustrés, autographes etgravures, regroupe aujourd'hui quelque 220 membres. "Le SLAM avait déjà créé unpremier site internet en 1997, explique Alain Marchiset, son président, enjuillet 2000. Mais ce site ne nous appartenait pas et la conception en était unpeu statique. Ce nouveau site plus moderne de conception a été ouvert il y a unan. Il intègre une architecture de type 'base de données', et donc un véritablemoteur de recherche, qui permet de faire des recherches spécifiques (auteur,titre, éditeur, et bientôt sujet) dans les catalogues en ligne des différentslibraires. Le site contient l'annuaire des libraires avec leurs spécialités, descatalogues en ligne de livres anciens avec illustrations, un petit guide dulivre ancien avec des conseils et les termes techniques employés par lesprofessionnels, et aussi un service de recherche de livres rares. De plusl'association organise chaque année en novembre une foire virtuelle du livreancien sur le site, et en mai une véritable foire internationale du livre ancienqui a lieu à Paris et dont le catalogue officiel est visible aussi sur le site."

Comment se passe la vente en ligne? "Les libraires membres proposent sur le sitedu SLAM des livres anciens que l'on peut commander directement par courrierélectronique et régler par carte de crédit. Les livres sont expédiés dans lemonde entier. Les libraires de livres anciens vendaient déjà par correspondancedepuis très longtemps au moyen de catalogues imprimés adressés régulièrement àleurs clients. Ce nouveau moyen de vente n'a donc pas été pour nous vraimentrévolutionnaire, étant donné que le principe de la vente par correspondanceétait déjà maîtrisé par ces libraires. C'est simplement une adaptation dans laforme de présentation des catalogues de vente qui a été ainsi réalisée. Dansl'ensemble la profession envisage assez sereinement ce nouveau moyen de vente."

En juin 2001, Alain Marchiset poursuit: "Après une expérience de près de cinqannées sur le net, je pense que la révolution électronique annoncée est moinsévidente que prévue, et sans doute plus 'virtuelle' que réelle pour le moment.Les nouvelles technologies n'ont pas actuellement révolutionné le commerce dulivre ancien. Nous assistons surtout à une série de faillites, de rachats et deconcentrations de sociétés de services (principalement américaines) autour ducommerce en ligne du livre, chacun essayant d'avoir le monopole, ce qui bienentendu est dangereux à la fois pour les libraires et pour les clients quirisquent à la longue de ne plus avoir de choix concurrentiel possible. Lesassociations professionnelles de libraires des 29 pays fédérées autour de laLigue internationale de la librairie ancienne (LILA) ont décidé de réagir et dese regrouper autour d'un gigantesque moteur de recherche mondial sous l'égide dela LILA, à partir du site www.ilab-lila.com. Cette fédération représente unpotentiel de 2.000 libraires indépendants dans le monde, mais offrant desgaranties de sécurité et de respect de règles commerciales strictes. Ce nouveaumoteur de recherche de la LILA (en anglais ILAB) en pleine expansion est déjàréférencé par AddAll.com et Bookfinder.com."

Gérant de la librairie du Bât d'Argent, librairie d'ancien située à Lyon, PascalChartier crée dès novembre 1995 Livre-rare-book, site professionel de livresd'occasion. Le site comprend un catalogue de livres anciens et livres d'occasionclassé par sujets et par librairie (environ 100 librairies et 300.000 livres enjuin 2001) et un annuaire électronique international des librairies de livresd'occasion. Selon Pascal Chartier, l'internet, qui a ouvert "une vaste porte"aux libraires et à leurs clients, est "peut-être la pire et la meilleure deschoses. La pire parce qu'il peut générer un travail constant sans limite et ladépendance totale. La meilleure parce qu'il peut s'élargir encore et permettresurtout un travail intelligent!" L'année 2000 est marquée par "la réalisationd'un module de gestion pour permettre aux libraires d'intégrer leurs livresfacilement sur Livre-rare-book, et la traduction du site en anglais, allemand,italien et portugais."

10.2. Les librairies en ligne

Comme on vient de le voir, le web offre aux librairies "classiques" une vitrinequi leur permet d'agrandir leur rayon géographique. Elles peuvent aussi gérerune librairie en ligne. C'est le cas notamment pour la FNAC, Virgin, FranceLoisirs, Le Furet du Nord, qui officie dans le nord de la France, Decitre, dansla région Rhône-Alpes, etc.

D'autres librairies n'ont ni murs, ni vitrine, ni enseigne sur la rue. Leurseule vitrine est leur site web, et toutes leurs transactions s'effectuent surla toile. Pour ne citer que les plus connues, ces librairies en ligne ont pournom Chapitre.com, librairie en ligne indépendante créée en 1997 par Juan Pirlotde Corbion et connue pour la qualité de ses services, Alapage, créé en 1996 parPatrice Magnard et filiale de France Télécom Multimédia depuis septembre 1999,Amazon France, filiale d'Amazon.com en activité depuis août 2000, Bol.fr,filiale de Vivendi et de Bertelsmann Online (fermé en août 2001) etCDiscount.com, qui propose des livres, des DVD et "le meilleur de la musique etde la vidéo à prix fourmi". Les grandes librairies en ligne anglophones sontAmazon.com (basé aux Etats-Unis), Barnes & Noble.com (basé aux Etats-Unis),Internet BookShop (basé au Royaume-Uni), Chaptersglobe.com (basé au Canada),etc.

Outre un catalogue répertoriant tous les titres disponibles, avec recherche parauteur, par titre ou par sujet, et la possibilité de passer sa commande enligne, les sites web permettent de lire des résumés, extraits et critiques delivres, et sont parfois de véritables revues littéraires auxquelles contribuentdes chroniqueurs de renom, dont certains ont abandonné les journaux et magazinespapier pour le web.

En France, la loi sur le prix unique du livre laisse peu de latitude sur lesprix, et n'offre pas les possibilités de réduction qui existent dans les pays oùle prix du livre est libre (Royaume-Uni, Etats-Unis, etc.). En revanche, toutcomme les libraires "classiques", les libraires en ligne sont optimistes sur lesperspectives d'un marché francophone international qui commence à compter dansles statistiques. Cependant, en juillet 2001, l'annonce de la fermeture deBol.fr (le 1er août 2001, avec traitement des commande jusqu'au 15 septembre) etles difficultés rencontrées par d'autres librairies semblent montrer que lenombre de librairies en ligne françaises est trop important par rapport aumarché actuel."

10.3. Les premières librairies numériques

Une librairie numérique est une librairie vendant des livres numériques (auformat PDF, Acrobat eBook Reader, Microsoft Reader, etc.). Elle est à distinguerde la librairie en ligne, qui vend des livres et autres produits culturels - pasforcément numériques - sur l'internet.

Si Barnes & Noble.com a ouvert son eBook Store le 8 août 2000, suivi parAmazon.com le 28 août 2000 - suite aux accords passés par l'un et par l'autreavec Microsoft pour l'utilisation du Microsoft Reader - les librairiesnumériques ne sont pas l'apanage des mastodontes du métier, comme en témoignel'activité de Numilog, qui a débuté ses activités bien avant cette date.10.3.1. L'exemple de Numilog

"Dès 1995, j'avais imaginé et dessiné des modèles de lecteurs électroniquespermettant d'emporter sa bibliothèque avec soi et pesant comme un livre depoche, explique Denis Zwirn, PDG de Numilog. Début 1999, j'ai repris ce projetavec un ami spécialiste de la création de sites internet, en réalisant laformidable synergie possible entre des appareils de lecture électronique mobileset le développement d'internet, qui permet d'acheminer les livres dématérialisésen quelques minutes dans tous les coins du monde."

La librairie a trois pôles d'activités. "Numilog est d'abord une librairie enligne de livres numériques. Notre site internet est dédié à la vente en ligne deces livres, qui sont envoyés par courrier électronique ou téléchargés aprèspaiement par carte bancaire. Il permet également de vendre des livres parchapitres. Numilog est également un studio de fabrication de livres numériques:aujourd'hui, les livres numériques n'existent pas chez les éditeurs, il fautdonc d'abord les fabriquer avant de pouvoir les vendre, dans le cadre decontrats négociés avec les éditeurs détenteurs des droits. Ce qui signifie lesconvertir à des formats convenant aux différents 'readers' du marché: AcrobatReader, Acrobat eBook Reader (que nous sommes les premiers en France àdiffuser), et bientôt Microsoft Reader et les lecteurs électroniques du typeRocket eBook. Ce qui signifie également soigner leur mise en page numérique: lamise en page d'un livre numérique ne doit pas être la même que celle du livrepapier correspondant si on veut proposer au lecteur une expérience de lectureconfortable qui ne le déçoive pas. Enfin, Numilog devient progressivement undiffuseur car, sur internet, il est important d'être présent en de très nombreuxpoints du réseau pour faire connaître son offre. Pour les livres en particulier,il faut les proposer aux différents sites thématiques ou de communautés, dontles centres d'intérêt correspondent à leur sujet (sites de fans d'histoire, demanagement, de SF…). Numilog facilitera ainsi la mise en oeuvre de multiples'boutiques de livres numériques' thématiques."

Ouvert en septembre 2000, le site web présente un catalogue thématique de livresnumériques (650 titres en juin 2001), avec ajout de 50 à 100 titres nouveaux parmois. "Cette base de livres est accessible par un moteur de recherche. Chaquelivre fait l'objet d'une fiche avec un résumé et un extrait. En quelques clics,il peut être acheté en ligne par carte bancaire, puis reçu par e-mail outéléchargement." Depuis mars 2001, le site présente des fonctionnalitésnouvelles, comme l'intégration d'une "authentique vente au chapitre" (leschapitres vendus isolément seront traités comme des éléments inclus dans lafiche-livre, et non comme d'autres livres) et la gestion très ergonomique desformats de lecture multiples.Le but étant de "permettre à un publicd'internautes de plus en plus large d'avoir progressivement accès à des bases delivres numériques aussi importantes que celles des livres papier, mais avec plusde modularité, de richesse d'utilisation et à moindre prix".

11. BIBLIOTHEQUES "EN DUR" ET BIBLIOTHEQUES NUMERIQUES

[Dans ce chapitre:]

[11.1. Du bibliothécaire au cyberthécaire / Le Projet Gutenberg / The On-LineBooks Page / La Bibliothèque électronique de Lisieux / La médiathèque del'Institut Pasteur / Le centre de documentation de l'Organisation de coopérationet de développement économiques (OCDE) / Le centre de documentation del'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble / La bibliothèque de l'Ecolenationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA) d'Abidjan /L'association Juriconnexion (documentation juridique) / La médiathèque del'Institut français de Londres // 11.2. Numérisation en mode texte et en modeimage // 11.3. Les bibliothèques traditionnelles sont-elles menacées?]

11.1. Du bibliothécaire au cyberthécaire

Sur une ancienne version de son site web (1998), la British Library définissaitla bibliothèque numérique comme une entité résultant de l'utilisation destechnologies numériques pour acquérir, stocker, préserver et diffuser desdocuments qui sont soit publiés directement sous forme numérique, soit numérisésà partir d'un document imprimé, audiovisuel ou autre. Une collection numériquedevient une bibliothèque numérique quand elle répond aux quatre facteurssuivants: 1) elle peut être créée et produite dans un certain nombre d'endroitsdifférents, mais elle est accessible en tant qu'entité unique, 2) elle doit êtreorganisée et indexée pour un accès aussi facile que possible à partir du lieu debase où elle est produite, 3) elle doit être stockée et gérée de manière à avoirune existence assez longue après sa création, 4) elle doit trouver un équilibreentre le respect du droit d'auteur et les exigences universitaires.

Choisies pour leur intérêt et leur variété, voici quelques expériences: leProjet Gutenberg, projet pilote en ligne depuis 1991 (11.1.1); The On-Line BooksPage (11.1.2), en ligne depuis 1993; la Bibliothèque électronique de Lisieux, enligne depuis 1996 (11.1.3); la médiathèque de Institut Pasteur, en ligne depuis1996 (11.1.4); le centre de documentation de l'Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE), en ligne interne depuis 1996 (11.1.5); lecentre de documentation de l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble, enligne depuis 1998 (11.1.6); la bibliothèque de l'Ecole nationale supérieure destatistique et d'économie appliquée (ENSEA) d'Abidjan, en ligne depuis 1999(11.1.7) ; l'association Juriconnexion (documentation juridique), en lignedepuis 1999 (11.1.8); la médiathèque de l'Institut français de Londres, en lignedepuis 2000 (11.1.9)

= Le Projet Gutenberg

Projet pionnier, le Projet Gutenberg a inspiré bien d'autres bibliothèquesnumériques depuis. Il débute en 1971 quand Michael Hart, étudiant à l'Universitéd'Illinois, reçoit un compte de 100 millions de dollars de "temps machine" dansle laboratoire informatique (Materials Research Lab) de son université. Ildécide aussitôt de consacrer ce crédit à la recherche et au stockage des oeuvresdu domaine public disponibles dans les bibliothèques. Il décide aussi de stockerles textes électroniques de la manière la plus simple possible, au format ASCII,avec des lettres capitales pour les termes en italique, gras ou soulignés, afinqu'ils puissent être lus sans problème quels que soient la machine et lelogiciel utilisés. Peu après, il définit la "mission" du Projet Gutenberg:mettre à la disposition de tous le plus grand nombre possible d'oeuvres dudomaine public. Travailleur acharné, il décide de dédier toute sa vie à sonprojet, qu'il voit comme étant à l'origine d'une révolution néo-industrielle.

Lorsque l'utilisation du web se généralise, le projet trouve un second souffle,et un rayonnement international. Les collections se chiffrent maintenant à 3.700oeuvres (chiffres de juillet 2001) qui, au fil des années, ont été patiemmentnumérisées en mode texte par des volontaires de nombreux pays (600 volontairesactifs en 2000). Un total de 1.000 nouveaux livres devrait être traité en 2001.Cinquante heures environ sont nécessaires pour sélectionner, scanner, corrigeret mettre en page un texte électronique. Un ouvrage de taille moyenne - parexemple un roman de Stendhal ou de Jules Verne - est composé de deux fichiersASCII. Si certains documents anciens sont parfois saisis ligne après ligne, leplus souvent parce que le texte original manque de clarté, les oeuvres sont engénéral scannées en utilisant un logiciel OCR (optical character recognition),puis elles sont relues et corrigées à double reprise, parfois par deux personnesdifférentes. D'abord essentiellement anglophones, les collections deviennent peuà peu multilingues.

"Nous considérons le texte électronique comme un nouveau médium, sans véritablerelation avec le papier, explique Michael Hart. Le seul point commun est quenous diffusons les mêmes oeuvres, mais je ne vois pas comment le papier peutconcurrencer le texte électronique une fois que les gens y sont habitués,particulièrement dans les établissem*nts d'enseignement. (…) Ma carrièren'aurait pas existé sans l'internet, et le Projet Gutenberg n'aurait jamais eulieu… Vous savez sûrement que le Projet Gutenberg a été le premier sited'information sur l'internet. Mon projet est de mettre 10.000 textesélectroniques sur l'internet. Si je pouvais avoir des subventions importantes,j'aimerais aller jusqu'à un million et étendre aussi le nombre de nos usagerspotentiels de 1,x% à 10% de la population mondiale, ce qui représenterait ladiffusion de 1.000 fois un milliard de textes électroniques au lieu d'unmilliard seulement. (…) J'introduis une nouvelle langue par mois maintenant,et je vais poursuivre cette politique aussi longtemps que possible."

= The On-Line Books Page

Autre projet pilote à l'époque, The On-Line Books Page répertorie plus de 12.000textes électroniques d'oeuvres anglophones en accès libre sur le web. John MarkOckerbloom, qui est à l'époque étudiant à l'Université Carnegie Mellon(Pittsburgh, Pennsylvanie), débute ce répertoire en 1993 dans le cadre du siteweb du département d'informatique, dont il est le webmestre.

"J'étais webmestre ici pour la section informatique du CMU (Carnegie MellonUniversity), et j'ai débuté notre site local en 1993, raconte John MarkOckerbloom en septembre 1998. Il comprenait des pages avec des liens vers desressources disponibles localement, et à l'origine The On-Line Books Page étaitune de ces pages, avec des liens vers des livres mis en ligne par des collèguesde notre département (par exemple Robert Stockton, qui a fait des versions webde certains textes du Projet Gutenberg). Ensuite les gens ont commencé àdemander des liens vers des livres disponibles sur d'autres sites. J'ai remarquéque de nombreux sites (et pas seulement le Project Gutenberg ou Wiretap)proposaient des livres en ligne, et qu'il serait utile d'en avoir une listecomplète qui permette de télécharger ou de lire des livres où qu'ils soient surl'internet. C'est ainsi que mon index a débuté. J'ai quitté mes fonctions dewebmestre en 1996, mais j'ai gardé The On-Line Books Page, parce que, entretemps, je m'étais passionné pour l'énorme potentiel qu'a l'internet de rendre lalittérature accessible au plus grand nombre. Maintenant il y a tant de livresmis en ligne que j'ai du mal à rester à jour (en fait j'ai beaucoup de retard).Mais je pense pourtant continuer cette activité d'une manière ou d'une autre. Jesuis très intéressé par le développement de l'internet en tant que médium decommunication de masse dans les prochaines années. J'aimerais aussi resterimpliqué d'une manière ou d'une autre dans la mise à disposition gratuite pourtous de livres sur l'internet, que ceci fasse partie intégrante de mon activitéprofessionnelle ou que ceci soit une activité bénévole menée sur mon tempslibre."

John Mark Ockerbloom obtient son doctorat en informatique en 1998. En 1999, ilrejoint le département des bibliothèques et de l'informatique de l'Université dePennsylvanie, où il travaille à la R&D (recherche et développement) de labibliothèque numérique. A la même époque, il transfère The On-Line Books Pagedans cette bibliothèque numérique. La présentation est toujours la même et lesmises à jour sont régulières.

= La Bibliothèque électronique de Lisieux

La Bibliothèque électronique de Lisieux ouvre en juin 1996. "Ce site estentièrement consacré et exclusivement réservé à la mise à disposition sur leréseau (librement et gratuitement) de textes littéraires et documentaires dudomaine public français afin de constituer une bibliothèque virtuelle quicomplète celles déjà existantes", explique Olivier Bogros, son créateur, qui estaussi directeur de la bibliothèque municipale de Lisieux (Normandie). Dès sacréation, ce site pionnier suscite beaucoup d'intérêt dans la communautéfrancophone parce qu'il montre ce qui est faisable sur le web avec beaucoup dedétermination et des moyens limités. D'abord hébergé sur les pages du compteCompuServe d'Olivier Bogros, il est depuis juin 1998 installé sur un nouveauserveur avec un espace disque plus important (30 Mo) et un nom de domaine.

Quel est l'historique du site? La première étape est la "création d'un bulletinélectronique d'informations bibliographiques locales (Les Affiches de Lisieux)en 1994 dont la diffusion locale ne rencontre qu'un très faible écho", raconteOlivier Bogros lors d'un premier entretien. Les étapes suivantes sont "en 1995la numérisation de nos collections de cartes postales en vue de constituer unephotothèque numérique" puis "la saisie de nouvelles d'auteurs d'origine normandecourant 1995 en imitation (modeste) du projet de l'ABU (Association desbibliophiles universels) avec diffusion sur un BBS (bulletin board service)spécialisé. L'idée du site internet vient d'Hervé Le Crosnier, enseignant àl'Université de Caen et modérateur de la liste de diffusion Biblio-fr, qui montasur le serveur de l'université la maquette d'un site possible pour labibliothèque municipale de Lisieux, afin que je puisse en faire la démonstrationà mes élus. La suite logique en a été le vote au budget primitif de 1996 d'uncrédit pour l'ouverture d'une petite salle multimédia avec accès public auréseau pour les Lexoviens (habitants de Lisieux, ndlr). Depuis cette date, uncrédit d'entretien pour la mise à niveau des matériels informatiques est allouéau budget de la bibliothèque qui permettra cette année (deuxième semestre 1998,ndlr) la montée en puissance des machines, l'achat d'un graveur de cédéroms etla mise à disposition d'une machine bureautique pour les lecteurs del'établissem*nt…. ainsi que la création d'un emploi jeune pour ledéveloppement des nouvelles technologies."

En juillet 1999, Olivier Bogros relate: "Nous réfléchissons, toujours dans ledomaine patrimonial, à un prolongement du site actuel vers les arts du livre -illustration, typographie… - toujours à partir de notre fonds. Sinon, pour cequi est des textes, nous allons vers un élargissem*nt de la part réservée aufonds normand. (…) Les oeuvres à diffuser sont choisies à partir d'exemplairesconservés à la bibliothèque municipale de Lisieux ou dans des collectionsparticulières mises à disposition. Les textes sont saisis au clavier et reluspar du personnel de la bibliothèque, puis mis en ligne après encodage (370oeuvres sont actuellement disponibles en ligne). La mise à jour est mensuelle (3à 6 textes nouveaux). Par goût, mais aussi contraints par le mode de production,nous sélectionnons plutôt des textes courts (nouvelles, brochures, tirés à partde revues, articles de journaux…). De même nous laissons à d'autres(bibliothèques ou éditeurs) le soin de mettre en ligne les grands classiques dela littérature française, préférant consacrer le peu de temps et de moyens dontnous disposons à mettre en ligne des textes excentriques et improbables. (…)La création et la maintenance du site ne sont encore que des activitésmarginales de la bibliothèque municipale (…) En fait, et pour les deux annéesà venir, l'essentiel de notre temps est consacré à la mise en place de lanouvelle médiathèque (avec une réelle intégration des nouvelles technologies)[et pour le quotidien] à l'enrichissem*nt et la communication sur place desressources locales (c'est-à-dire des informations physiquement localisées à labibliothèque), le développement de la lecture dans les quartiers… La sallemultimédia ouverte en octobre 1996 doit encore trouver son rythme de croisière,la consultation des cédéroms et la bureautique devançant souvent l'utilisationd'internet."

En août 2000, Olivier Bogros écrit: "La médiathèque n'ouvrira ses portes qu'enjanvier 2002 et ce chantier va encore mobiliser l'essentiel de mon temps. Nouspoursuivons modestement l'enrichissem*nt du corpus de textes de la bibliothèqueélectronique. Une collaboration vient de s'engager entre la bibliothèqueélectronique de Lisieux et le site 'Langue du 19e siècle" à l'Université deToronto. Les textes en ligne à Lisieux sont interrogeables en ligne à Torontosous forme de bases de données interactives. L'initiative de ce projet, baptiséLexoTor, revient à M. Russon Wooldridge à la suite d'un colloque organisé en maidernier par son université."

Lancé officiellement le 27 août 2000, LexoTor est une base de données quifonctionne sous le logiciel TACTweb et qui permet l'interrogation en ligne destextes de la bibliothèque classés en différentes rubriques: oeuvres littéraires,notamment du 19e siècle; brochures et opuscules documentaires ; manuscrits,livres et brochures sur la Normandie; conférences et exposés transcrits par desélèves du Lycée Marcel Gambier. L'interrogation permet aussi les analyses etcomparaisons textuelles. Le projet est issu de la rencontre d'Olivier Bogrosavec Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises del'Université de Toronto, lors d'un colloque international que ce dernier aorganisé les 12 et 13 mai 2000 dans son université sur le thème: "Les étudesfrançaises valorisées par les nouvelles technologies d'information et decommunication".

En mai 2001, Olivier Bogros poursuit: "La base Lexotor devrait pouvoirbénéficier dès ce mois-ci de la dernière version du logiciel TACTweb, ce quirendra beaucoup plus riches et pertinentes les interrogations faites. Pour cequi concerne Lisieux, le bâtiment de la médiathèque est sorti de terre, le grosoeuvre sera fini fin juin, la livraison est prévue pour novembre. Par contrel'ouverture initialement prévue pour janvier 2002 sera sans doute effective finmars. Sur le site de la bibliothèque électronique, le travail se poursuit chaquemois avec la mise en ligne de textes. J'ai suspendu provisoirement lafabrication de hiboux (e-books, ndlr) au format Microsoft Reader ou Mobipocket.Il faudrait que je trouve un partenariat avec un autre site pour que les textesdisponibles en HTML sur notre bibliothèque électronique soient aussi proposésailleurs dans un format hiboux multiplateforme. A titre personnel, j'ai ouvertune autre bibliothèque électronique, Miscellanées, encore en devenir."

= La médiathèque de l'Institut Pasteur

Basé à Paris et dans plusieurs régions du monde, l'Institut Pasteur est unefondation privée dont la mission est de contribuer à la prévention et autraitement des maladies, en priorité infectieuses, par la recherche,l'enseignement, et des actions de santé publique.

"Le site web de la bibliothèque a pour vocation principale de servir lacommunauté pasteurienne, explique Bruno Didier, son webmestre. Il est le supportd'applications devenues indispensables à la fonction documentaire dans unorganisme de cette taille: bases de données bibliographiques, catalogue,commande de documents et bien entendu accès à des périodiques en ligne (un peuplus d'une centaine actuellement). C'est également une vitrine pour nosdifférents services, en interne mais aussi dans toute la France et à l'étranger.Il tient notamment une place importante dans la coopération documentaire avecles instituts du réseau Pasteur à travers le monde. Enfin j'essaie d'en faireune passerelle adaptée à nos besoins pour la découverte et l'utilisationd'internet. Il existe dans sa forme actuelle depuis 1996 et son audienceaugmente régulièrement."

En quoi consiste exactement son activité? "Je développe et maintiens les pagesdu serveur, ce qui s'accompagne d'une activité de veille régulière. Par ailleursje suis responsable de la formation des usagers, ce qui se ressent dans mespages. Le web est un excellent support pour la formation, et la plupart desréflexions actuelles sur la formation des usagers intègrent cet outil. C'est àla fois dans nos rapports avec l'information et avec les usagers que leschangements ont eu lieu. Nous devenons de plus en plus des médiateurs, etpeut-être un peu moins des conservateurs. Mon activité actuelle est typique decette nouvelle situation: d'une part dégager des chemins d'accès rapides àl'information et mettre en place des moyens de communication efficaces, d'autrepart former les utilisateurs à ces nouveaux outils. Je crois que l'avenir denotre métier passe par la coopération et l'exploitation des ressources communes.C'est un vieux projet certainement, mais finalement c'est la première fois qu'ondispose enfin des moyens de le mettre en place."

= Le centre de documentation de l'Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE)

L'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) regroupetrente pays membres "au sein d'une organisation qui, avant tout, offre auxgouvernements un cadre pour examiner, élaborer et perfectionner les politiqueséconomiques et sociales", lit-on sur le site web de l'organisation. "Ils ycomparent leurs expériences respectives, s'y efforcent d'apporter des réponsesaux problèmes qui leur sont communs et s'y emploient à coordonner des politiquesintérieures et internationales qui, dans le contexte actuel de mondialisationdes économies, doivent former un ensemble de plus en plus hom*ogène. (…) L'OCDEest un club de pays qui partagent les mêmes idées. C'est un club de riches en cesens que ses membres produisent les deux tiers des biens et services du monde,mais ce n'est pas un club privé. En fait, l'exigence essentielle pour en devenirmembre est qu'un pays soit attaché aux principes de l'économie de marché et dela démocratie pluraliste. Au noyau d'origine, constitué de pays d'Europe etd'Amérique du Nord, sont venus s'ajouter le Japon, l'Australie, laNouvelle-Zélande, la Finlande, le Mexique, la République tchèque, la Hongrie, laPologne et la Corée. De plus, l'OCDE a établi de nombreux contacts avec le restedu monde dans le cadre de programmes avec des pays de l'ancien bloc soviétique,d'Asie et d'Amérique latine, contacts qui pourraient, dans certains cas,déboucher sur une adhésion."

Situé dans un des bâtiments de son siège parisien et réservé aux agents del'OCDE, le centre de documentation et d'information (CDI) permet la consultationde 60.000 monographies imprimées et 2.500 périodiques. Le CDI fournit aussinombre de documents électroniques émanant du web, de bases de données et deCD-Rom. Peter Raggett, son directeur, a d'abord été en poste dans lesbibliothèques gouvernementales du Royaume-Uni avant de devenir fonctionnaireinternational à l'OCDE en 1994, comme sous-directeur puis directeur du CDI. Ilutilise l'internet depuis 1996. Les pages intranet du CDI, dont il est l'auteur,sont devenues une des principales sources d'information du personnel del'organisation.

"Je dois filter l'information pour les usagers de la bibliothèque, ce quisignifie que je dois bien connaître les sites et les liens qu'ils proposent,explique Peter Raggett en juin 1998. J'ai sélectionné plusieurs centaines desites pour en favoriser l'accès à partir de l'intranet de l'OCDE, et cettesélection fait partie du bureau de référence virtuel proposé par la bibliothèqueà l'ensemble du personnel. Outre les liens, ce bureau de référence contient despages de références aux articles, monographies et sites web correspondant auxdifférents projets de recherche en cours à l'OCDE, l'accès en réseau aux CD-Rom,et une liste mensuelle des nouveaux titres." En août 1999, il relate: "Notresite intranet va être complètement remanié d'ici la fin de l'année, et nousallons y mettre le catalogue de la bibliothèque, ce qui permettra à nos usagersd'y avoir accès directement de leur écran. Ce catalogue sera conforme à la normeZ3950 (une norme définissant un protocole pour la recherche documentaire d'unordinateur à un autre, ndlr)." Depuis octobre 1999, le catalogue du CDI estdisponible sur l'intranet.

Comment Peter Raggett voit-il l'avenir de la profession? "L'internet offre auxchercheurs un stock d'informations considérable. Le problème pour eux est detrouver ce qu'ils cherchent. Jamais auparavant on n'avait senti une tellesurcharge d'informations, comme on la sent maintenant quand on tente de trouverun renseignement sur un sujet précis en utilisant les moteurs de recherchedisponibles sur l'internet. A mon avis, les bibliothécaires auraient un rôleimportant à jouer pour améliorer la recherche et l'organisation de l'informationsur l'internet. Je prévois aussi une forte expansion de l'internet pourl'enseignement et la recherche. Les bibliothèques seront amenées à créer desbibliothèques numériques permettant à un étudiant de suivre un cours proposé parune institution à l'autre bout du monde. La tâche du bibliothécaire sera defiltrer les informations pour le public. Personnellement, je me vois devenir deplus en plus un bibliothécaire virtuel. Je n'aurai pas l'occasion de rencontrerles usagers, ils me contacteront plutôt par courrier électronique, par téléphoneou par fax, j'effectuerai la recherche et je leur enverrai les résultats parvoie électronique."

= Le centre de documentation de l'Institut d'études politiques (IEP) de
Grenoble

Pierre Le Loarer est directeur du centre de documentation de l'Institut d'étudespolitiques (IEP) de Grenoble. Conçu dès février 1998, le site web de l'IEP ouvretrois mois après, en mai. "J'étais le chef de projet, explique Pierre Le Loarer,d'autant que j'ai une formation multimédia, outre ma formation initiale enphilosophie, documentation-bibliothèques et informatique. Il y avait un comitéde pilotage (au sein de notre Institut) et également plusieurs partenaires: ungraphiste (qui venait de créer le logo de l'Institut) à qui j'ai demandé dedécliner des éléments cohérents pour le site, en liaison avec la société demultimédia; une société de création multimédia à qui j'ai demandé de créer une'maquette' de page d'accueil et deux modèles de pages (page de rubriqueprincipale, page de sous-rubrique) pour disposer d'une ligne graphique; uneergonome qui avait pour objet de tester et surtout de faire tester la version 1(maquette) du site, pour ensuite réaliser une version 2 opérationnelle, ce qui aété fait; une rédactrice qui, avec moi-même, a repris, sélectionné lesinformations et même partiellement réécrit certains textes et surtout organiséavec moi les rubriques et sous-rubriques, créé les libellés d'intitulés, etc.,ce travail étant soumis au comité de pilotage; le CRI (centre de recherche eninformatique) de l'université pour réaliser les pages HTML en suivant lesmodèles, une fois validés, des pages de différents niveaux et également pourhéberger le site. Dans un second temps, un professeur d'anglais m' a aidé àcréer quelques pages en anglais. Aujourd'hui, le site est maintenu à jour parmoi-même et une personne qui m'aide grandement pour cette tâche."

En quoi consiste exactement l'activité de Pierre Le Loarer? "Elle est trèsvariée. Je ne reviens pas sur mes fonctions de directeur d'un centre dedocumentation, sinon pour insister sur deux facteurs: l'importance de laformation des étudiants à la recherche documentaire, à la connaissance dessources d'information, imprimées et électroniques, et à la production dedocuments sous forme numérique; la conception, que je reprends à mon compte, dela 'bibliothèque hybride' qui gère, donne accès à la fois aux documents impriméset aux documents électroniques. Il me semble que l'on peut même parler de'lecture hybride' où l'on passe de l'écran à divers supports imprimés etl'inverse.

Mes fonctions de chargé de mission TICE (technologies de l'information et de lacommunication pour l'éducation) visent à mettre ces TICE au service de lastratégie de l'Institut, pour son développement, pour renforcer encore laqualité de son enseignement, faciliter des accompagnements pédagogiques, aiderau développement des relations internationales grâce aux facilités de l'échangeélectronique. Les TICE ne sont pas un but en soi, mais bien un outil au serviced'objectifs stratégiques. Ceci passe, entre autres, par la création d'intranetspédagogiques, un renforcement de la formation en bureautique communicante pourles étudiants, les enseignants et le personnel administratif.

Quant à mon activité internet, elle a divers aspects, qui sont assez différents:gestionnaire de site, formateur pour un usage à la fois réfléchi etprofessionnel du web, animateur, participant à des séminaires, réunions diversessur l'internet (et l'éducation, les collectivités territoriales, etc.). Membrede l'ISOC (Internet Society), je participe aux rencontres d'Autrans."

= La bibliothèque de l'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique etd'économie appliquée) d'Abidjan

L'ENSEA (Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée)d'Abidjan assure la formation des statisticiens pour les pays africainsd'expression française. Cette formation est délivrée à travers quatre filièresdistinctes, conçues en fonction du niveau de recrutement des élèves: la filièreISE (ingénieurs statisticiens économistes), la filière ITS (ingénieurs destravaux statistiques), la filière AD (adjoints techniques) et la filière AT(agents techniques). A ce jour, l'ENSEA est le seul établissem*nt de formationstatistique qui délivre simultanément ces quatre types de formation à tous lespays francophones situés au sud du Sahara. L'ENSEA propose par ailleurs desactions de recyclage et de perfectionnement destinées aux cadres desadministrations publiques et privées, et développe progressivement desprogrammes d'étude et de recherche.

"Le site a été créé à la faveur d'un colloque international sur les enquêtes etsystèmes d'information organisé par l'école en avril 1999, explique BakayokoBourahima, documentaliste. La conception et la maintenance du site ont étéassurées par un coopérant français, enseignant d'informatique. Le site estactuellement hébergé par l'agence locale du Syfed (du réseau Refer del'AUPELF-UREF - Agence universitaire de la francophonie). Le site a connuquelques difficultés de mise à jour, en raison des nombreuses occupationspédagogiques et techniques du webmestre. A ce propos, mon service, celui de labibliothèque, a eu récemment des séances de travail avec l'équipe informatiquepour discuter de l'implication de la bibliothèque dans l'animation du site. Etle service de la bibliothèque travaille aussi à deux projets d'intégration duweb pour améliorer ses prestations."

Bakayoko Bourahima est responsable du service de la bibliothèque. "Je m'occupede la gestion de l'information scientifique et technique et de la diffusion destravaux publiés par l'école, écrit-il. (…) J'espère bientôt pouvoir mettre àla disposition de mes usagers un accès internet pour l'interrogation de bases dedonnées. Par ailleurs, j'ai en projet de réaliser et de mettre sur l'intranet etsur le web un certain nombre de services documentaires (base de donnéesthématique, informations bibliographiques, service de référencesbibliographiques, bulletin analytique des meilleurs travaux d'étudiants…) Ils'agit donc pour la bibliothèque, si j'obtiens les financements nécessaires pources projets, d'utiliser pleinement l'internet pour donner à notre école une plusgrand rayonnement et de renforcer sa plate-forme de communication avec tous lespartenaires possibles. En intégrant cet outil au plan de développement de labibliothèque, j'espère améliorer la qualité et élargir la gamme de l'informationscientifique et technique mise à la disposition des étudiants, des enseignantset des chercheurs, tout en étendant considérablement l'offre des services de labibliothèque."

= L'association Juriconnexion (documentation juridique)

Emmanuel Barthe est documentaliste juridique et responsable informatique chezCoutrelis & Associés, un cabinet d'avocats. "Les principaux domaines de travaildu cabinet sont le droit communautaire, le droit de l'alimentation, le droit dela concurrence et le droit douanier, explique-t-il. Je fais de la saisieindexation, et je conçois et gère les bases de données internes. Pour desrecherches documentaires difficiles, je les fais moi-même ou bien je conseillele juriste. Je suis aussi responsable informatique et télécoms du Cabinet:conseils pour les achats, assistance et formation des utilisateurs. De plus,j'assure la veille, la sélection et le catalogage de sites web juridiques:titre, auteur et bref descriptif. Je suis également formateur internet juridiqueaussi bien à l'intérieur de mon entreprise qu'à l'extérieur lors de stages deformation. Auparavant, j'ai été responsable pendant cinq ans de la documentationdu cabinet d'avocat Stibbe Simont Monahan Duhot & Giroux, dont j'ai mis en placeles structures et les collections. J'ai également effectué une mission de sixmois chez Korn/Ferry International, un important cabinet de recrutement, àl'occasion de sa fusion avec Vuchot & Associés. J'ai alors travaillé surl'installation du nouveau système informatique et la fusion des bases decandidats gérées par les deux cabinets.

Membre du conseil d'administration de Juriconnexion, je m'y suis spécialisé dansles CD-Rom puis l'internet juridique. Depuis l'automne 1999, je m'occupe demodérer et d'animer la liste de discussion Juriconnexion. L'associationJuriconnexion a pour but la promotion de l'électronique juridique, c'est à direla documentation juridique sur support électronique et la diffusion des donnéespubliques juridiques. Elle organise des rencontres entre les utilisateurs et leséditeurs juridiques et de bases de données, ainsi qu'une journée annuelle sur unthème. Celle du 23 novembre 2000 portait sur les sites juridiques francophones.Vis-à-vis des autorités publiques, Juriconnexion a un rôle de médiateur et delobbying à la fois. L'association, notamment, est favorable à la diffusiongratuite sur internet des données juridiques produites par le Journal officielet les tribunaux. Les bibliothécaires-documentalistes juridiques représentent lamajorité des membres de l'association, suivis par certains représentants deséditeurs et des juristes. Juriconnexion a créé la liste de discussion du mêmenom, qui traite des mêmes sujets mais reste ouverte aux non-membres." En mai2001, l'association approche les 400 membres.

= La médiathèque de l'Institut français de Londres

L'Institut français de Londres est un organisme officiel français destiné àfaire connaître la langue et la culture françaises dans la capitale britannique.5.000 étudiants environ suivent les cours de langue chaque année, ce qui fait decet institut l'un des plus importants instituts français au monde. Le centreculturel inclut une bibliothèque multimédia, un cinéma, une salle de conférenceet un restaurant.

Anissa Rachef est bibliothécaire dans cet organisme. "Je suis chargée ducatalogage du fonds documentaire qui est constitué de livres, de vidéos, dedisques compacts et de disques optiques ainsi que de périodiques, écrit-elle.Avant mon installation à Londres, soit de 1980 à 1983, j'ai travaillé à labibliothèque universitaire d'Alger en qualité d'attachée de recherche. C'estd'Alger et en deux ans que j'ai préparé le DSB (diplôme supérieur desbibliothèques), diplôme de conservateur assimilé à celui de l'ENSB de Lyon(Ecole nationale supérieure des bibliothèques, devenue ensuite l'ENSSIB - Ecolenationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, ndlr).Recrutée selon un statut local depuis septembre 1987 à l'Institut français deLondres, j'y exerce le métier de bibliothécaire au sein d'une équipe de huitmembres. Par ailleurs, titulaire d'un diplôme de FLE (français langueétrangère), j'assure des heures d'enseignement de français dans le mêmeinstitut.

La médiathèque de l'Institut français de Londres fut inaugurée en mai 1996.L'objectif est double: servir un public s'intéressant à la culture et la languefrançaises et 'recruter' un public allophone en mettant à disposition desproduits d'appel tels que vidéos documentaires, livres audio, CD-Rom. La mise enplace récente d'un espace multimédia sert aussi à fidéliser les usagers.L'installation d'un service d'information rapide a pour fonction de répondredans un temps minimum à toutes sortes de questions posées via courrierélectronique, ou par fax. Ce service exploite les nouvelles technologies pourdes recherches très spécialisées. Nous élaborons également des dossiers depresse destinés aux étudiants et professeurs préparant des examens de niveausecondaire. Je m'occupe essentiellement de catalogage, d'indexation et decotation. Je suis chargée également du service de prêt inter-bibliothèques.J'anime des ateliers in situ de catalogage UNIMARC (MARC: machine readablecatalogue) ainsi que des ateliers d'indexation RAMEAU (répertoire d'autoritésmatières encyclopédique et alphabétique unifié). J'élabore ponctuellement desaménagements de vedettes matières propres à notre catalogue. J'utilise internetpour des besoins de base. Recherches bibliographiques, commande de livres,courrier professionnel, prêt inter-bibliothèques. C'est grâce à internet que laconsultation de catalogues collectifs, tels SUDOC (Système universitaire dedocumentation) et OCLC (Online Computer Library Center), a été possible. C'estainsi que que j'ai pu mettre en place un service de fourniture de documentsextérieurs à la médiathèque. Des ouvrages peuvent désormais être acheminés versla médiathèque pour des usagers ou bien à destination des bibliothèquesanglaises."

11.2. Numérisation en mode texte et en mode image

La numérisation du document imprimé, c'est-à-dire sa conversion sous une formechiffrée binaire, peut être effectuée soit en mode texte, soit en mode image.

La numérisation en mode texte consiste à scanner le livre puis à contrôler lerésultat à l'écran en relisant le tout. Les documents originaux manquant declarté - certains livres anciens par exemple - sont saisis ligne après ligne. Cemode de numérisation est long, et la notion de livre ou de page n'est pasconservée, puisque le texte apparaît en continu à l'écran. Cette méthode estnettement plus coûteuse que la numérisation en mode image, mais très préférable,puisqu'elle permet la recherche textuelle, l'indexation, les recherchesséquentielles, les analyses, les comparaisons, etc. C'est la méthode utiliséepar le Projet Gutenberg (11.1.1), la Bibliothèque électronique de Lisieux(11.1.3), et bien d'autres.

La numérisation en mode image correspond à la "photographie" du livre page aprèspage. La notion de livre est conservée. La version informatique est en quelquesorte le fac-similé de la version imprimée. On peut donc "feuilleter" le textepage après page sur l'écran. C'est la méthode employée pour les numérisations àgrande échelle, par exemple pour la constitution de Gallica, bibliothèquenumérique de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Même si, pour desraisons de coût, la BnF a choisi la numérisation en mode image, elle utilise lemode texte pour les tables des matières, les sommaires et les légendes descorpus iconographiques, afin de faciliter la recherche plein-texte. Pourquoi nepas tout numériser en mode texte ? La BnF répond sur le site de Gallica: "Lemode image conserve l'aspect initial de l'original y compris ses éléments nontextuels. Si le mode texte autorise des recherches riches et précises dans undocument et permet une réduction significatice du volume des fichiers manipulés,sa réalisation, soit par saisie soit par OCR (optical character recognition),implique des coûts de traitement environ 10 fois supérieurs à la simplenumérisation. Ces techniques parfaitement envisageables pour des volumes limitésne pouvaient ici être économiquement justifiables au vu des 35.000 documents(représentant presque 15 millions de pages) mis en ligne."

Selon Pierre Schweitzer, l'architecte designer qui a conçu @folio, supportnumérique de lecture nomade, "le mode image permet d'avancer vite et à trèsfaible coût. C'est important car la tâche de numérisation du domaine public estimmense. Il faut tenir compte aussi des différentes éditions: la numérisation dupatrimoine a pour but de faciliter l'accès aux oeuvres, il serait paradoxalqu'elle aboutisse à focaliser sur une édition et à abandonner l'accès auxautres. Chacun des deux modes de numérisation s'applique de préférence à un typede document, ancien et fragile ou plus récent, libre de droit ou non (pourl'auteur ou pour l'édition), abondamment illustré ou pas. Les deux modes ontaussi des statuts assez différents: en mode texte ça peut être une nouvelleédition d'une oeuvre, en mode image c'est une sorte d''édition d'édition', grâceà un de ses exemplaires (qui fonctionne alors comme une fonte d'imprimerie pourdu papier: une trace optique sur un support, numérique, c'est assez joli àréaliser). En pratique, le choix dépend bien sûr de la nature du fonds ànumériser, des moyens et des buts à atteindre. Difficile de se passer d'une desdeux façons de faire."

L'équipe d'@folio travaille notamment sur le logiciel Mot@Mot, une passerelleentre @folio (voir 8.1) et les fonds numérisés en mode image. "La plus grandepartie du patrimoine écrit existant est fixé dans des livres, sur du papier,explique Pierre Schweitzer. Pour rendre ces oeuvres accessibles sur la toile, lanumérisation en mode image est un moyen très efficace. Le projet Gallica en estla preuve. Mais il reste le problème de l'adaptation des fac-similés d'origine ànos écrans de lecture aujourd'hui: réduits brutalement à la taille d'un écran,les fac-similés deviennent illisibles. Sauf à manipuler les barres d'ascenseur,ce qui nécessite un ordinateur et ne permet pas une lecture confortable. Lasolution proposée par Mot@mot consiste à découper le livre, mot à mot, du débutà la fin (enfin, les pages scannées du livre…). Ces mots restent donc desimages, il n'y a pas de reconnaissance de caractères, donc pas d'erreurpossible. On obtient une chaîne d'images-mots liquide, qu'on peut remettre enpage aussi facilement qu'une chaîne de caractères. Il devient alors possible del'adapter à un écran de taille modeste, sans rien perdre de la lisibilité dutexte. La typographie d'origine est conservée, les illustrations aussi."

11.3. Les bibliothèques traditionnelles sont-elles menacées?

Face à un web encyclopédique et des bibliothèques numériques de plus en plusnombreuses, les jours des bibliothèques traditionnelles sont-ils comptés? Oubien, au contraire, l'internet joue-t-il un rôle de catalyseur pour lesrelancer?

En fait, il n'est peut-être pas très opportun d'opposer bibliothèquetraditionnelle et bibliothèque numérique. Nombre de bibliothèques numériquessont créées par des bibliothèques traditionnelles à partir de leurs propresfonds. Grâce à quoi la consultation de ces fonds devient facile. Ce qui n'étaitpas le cas jusque-là, pour des raisons diverses: souci de conservation desdocuments rares et fragiles, heures d'ouverture réduites, nombreux formulaires àremplir, longs délais de communication, pénurie de personnel. Autant debarrières à franchir qui demandaient souvent au lecteur une patience à touteépreuve et une détermination hors du commun pour arriver jusqu'au document. Aprésent, si on tient absolument à consulter l'original, on le fait enconnaissance de cause, après avoir "feuilleté" le fac-similé numérique sur leweb.

Autre élément à prendre en compte, la bibliothèque numérique peut enfin rendrecomptatibles deux objectifs qui ne l'étaient guère, à savoir la conservation desdocuments et leur prêt. Dorénavant le document ne quitte son rayonnage qu'uneseule fois pour être scanné, et le grand public y a facilement accès.

Un exemple parmi d'autres: depuis décembre 2000, le site web de la Bibliothèquemunicipale de Lyon donne accès à la plus importante collection françaised'enluminures médiévales, à savoir 12.000 images scannées dans 457 documentsappartenant à la bibliothèque: manuscrits allant du 5e au 16e siècle, incunablesou livres de la Renaissance. Les documents sont à dominante religieuse (bibles,missels, bréviaires, pontificaux, livres d'heures, droit canon) ou profane(philosophie, histoire, littérature, sciences, etc.). Les images qui ont éténumérisées - plusieurs centaines pour certains documents - sont les peintures enpleine page et les miniatures, ainsi que les initiales ornées et les décors desmarges.

Autre exemple significatif, depuis novembre 2000, la version numérique de laBible de Gutenberg, premier ouvrage à avoir jamais été imprimé, est en accèslibre sur le site de la British Library. Cette Bible date de 1454-1455, et elleaurait été imprimée par Gutenberg en 180 exemplaires dans son atelier de Mayence(Allemagne). 48 exemplaires, dont certains incomplets, existeraient toujours. LaBritish Library en possède deux versions complètes, et une partielle. En mars2000, dix chercheurs et experts techniques de l'Université Keio de Tokyo et deNTT (Nippon Telegraph and Telephone Communications) sont venus travailler surplace pendant deux semaines pour numériser ces deux Bibles, légèrementdifférentes, à l'aide de matériels hautement sophistiqués.

La bibliothèque numérique menace-t-elle pour autant la bibliothèquetraditionnelle? Il y a quelques années, sur leur site web, alors que l'interneten était encore à ses débuts, plusieurs grandes bibliothèques insistaient sur lanécessité de garder son importance à la communication physique des imprimés,manuscrits, partitions musicales, bandes sonores, etc., tout en affirmant avoirconscience de la nécessité du développement parallèle des documents numériques.Ce type de commentaires a disparu. Les rôles respectifs des bibliothèquestraditionnelles et des bibliothèques numériques semblent assez clairsmaintenant.

Les bibliothèques nationales et autres grandes bibliothèques de conservation ontpour mission de préserver un patrimoine pluricentenaire - manuscrits,incunables, livres imprimés, collections de journaux, partitions musicales,gravures, images, photos, films, documents électroniques, etc. - accumulé au fildes siècles grâce au dépôt légal. Si le fait de disposer de supports numériquesfavorise à la fois la conservation et la communication, il faut bien un endroitpour stocker les documents physiques originaux, à commencer par les Bibles deGutenberg.

Les bibliothèques publiques ne semblent pas près de disparaître non plus. Al'heure actuelle, malgré l'engouement suscité par le livre électronique,pratiquement personne n'est prêt à lire Zola ou Proust à l'écran. Mais c'estpeut-être une question de génération. Et la mise sur le marché d'un livreélectronique bon marché, suivi du papier électronique dans quelques années,risque de changer bien des choses.

Pour les bibliothèques spécialisées, par contre, le changement est nettementplus radical. Dans nombre de domaines où l'information la plus récente estprimordiale, on s'interroge maintenant sur l'utilité d'aligner des documentsimprimés sur des rayonnages, alors qu'il est tellement plus pratique derassembler, stocker, archiver, organiser, cataloguer et diffuser des documentsélectroniques, et de les imprimer seulement à la demande.

L'avenir sera-t-il les bases de données numériques décrites dans les dernièrespages de Chaos et cyberculture (éditions du Lézard, 1997) de Timothy Leary,philosophe et visionnaire? "Toute l'information du monde est à l'intérieur. Etgrâce au cyberespace, tout le monde peut y avoir accès. Tous les signaux humainscontenus jusque-là dans les livres ont été numérisés. Ils sont enregistrés etdisponibles dans ces banques de données, sans compter tous les tableaux, tousles films, toutes les émissions de télé, tout, absolument tout." Reste à savoirsi la consultation sera gratuite ou payante.

12. APPRENDRE ET ENSEIGNER

[Dans ce chapitre:]

[12.1. Dictionnaires et encyclopédies en ligne // 12.2. Bases de données enligne // 12.3. L'université et le numérique / L'Université de Caen / La WebsterUniversity de Genève / L'Université de Lausanne / L'Université de Tokyo /L'Université de Toronto // 12.4. Les perspectives]

12.1. Dictionnaires et encyclopédies en ligne

Un des premiers dictionnaires disponibles gratuitement sur le web est leDictionnaire universel francophone en ligne, qui correspond à la partie "nomscommuns" de la version imprimée du dictionnaire du même nom, issu de lacollaboration d'Hachette avec l'AUPELF-UREF (Agence universitaire de lafrancophonie), et publié par Hachette Edicef. Cette partie "noms communs"répertorie 45.000 mots et 116.000 définitions. Elle présente "sur un piedd'égalité, le français dit 'standard' et les mots et expressions en français telqu'on le parle sur les cinq continents". Pour la langue anglaise, le siteMerriam-Webster OnLine permet l'accès libre au Collegiate Dictionary et auCollegiate Thesaurus, deux ouvrages de référence.

La fin 1999 marque le saut du papier au numérique pour plusieurs encyclopédiesde renom. En décembre 1999, les éditions Atlas mettent en ligne gratuitement surle web leur encyclopédie WebEncyclo. La recherche est possible par mots-clefs,thèmes, médias (cartes, liens internet, photos, illustrations) et idées. Depuisles débuts du site, un appel à contribution incite les spécialistes d'un sujetdonné à envoyer des articles.

Décembre 1999 voit aussi la mise en ligne du site Britannica.com, qui propose enaccès libre et gratuit l'équivalent des 32 volumes de la 15e édition del'Encyclopaedia Britannica (dont la version imprimée est toujours disponible auprix de 1.250 $US, soit 1.320 euros). Le site propose aussi l'actualitémondiale, une sélection d'articles de 70 magazines, un guide des meilleurs sitesweb (plus de 125.000 sites), une sélection de livres, etc., le tout étantaccessible à partir d'un moteur de recherche unique. Depuis septembre 2000, lesite fait partie des cent sites les plus visités au monde. En ligne aussi,l'ensemble du fonds documentaire de l'Encyclopaedia Universalis, soit 28.000articles signés par 4.000 auteurs. La consultation est payante sur la base d'unabonnement annuel, mais de nombreux documents sont également en accès libre.Disponible depuis mars 2000 en consultation payante, la version en ligne des 20volumes du célèbre Oxford English Dictionary bénéficie d'une mise à jourtrimestrielle d'environ 1.000 entrées nouvelles ou révisées. Le Quid,encyclopédie en un volume réactualisée une fois par an depuis 1963, met denombreux documents en accès libre sur le web. Encarta, la fameuse encyclopédiede Microsoft, est en accès libre et gratuit depuis septembre 2000.

Toujours en accès libre, Eurodicautom, proposé par le Service de traduction dela Commission européenne, est un dictionnaire multilingue de termes économiques,scientifiques et techniques, juridiques, etc., relatifs aux divers champsd'activité de l'Union européenne. Il permet des combinaisons entre ses onzelangues officielles (allemand, anglais, danois, espagnol, finnois, français,grec, hollandais, italien, portugais et suédois), ainsi que le latin.

Réalisé par l'Office de la langue française du Québec, Le Signet est dénommé àjuste titre "la référence branchée en terminologie". Il donne accès à six millefiches bilingues français-anglais dans le secteur des technologies del'information. TERMITE est la base de données quadrilingue (anglais, espagnol,français et russe) de la Section de traduction de l'Union internationale destélécommunications (UIT). Composée de 59.000 entrées, elle est alimentée à lafois par les traducteurs de l'UIT et des spécialistes des télécommunicationsextérieurs à l'UIT.

Moins d'un an après la mise en ligne gratuite d'encyclopédies générales derenom, autre évènement: la mise en ligne gratuite en septembre 2000 du Granddictionnaire terminologique (GDT), qui rassemble un fonds terminologique de 3millions de termes français et anglais du vocabulaire industriel, scientifiqueet commercial, dans 2.000 domaines d'activité. Ce fonds équivaudrait à 3.000ouvrages de référence imprimés. Sa mise en ligne est le résultat d'unpartenariat entre l'Office de la langue française du Québec, auteur dudictionnaire, et la société Semantix, spécialisée dans la mise au point desolutions logicielles pour l'intégration de fonctions linguistiques. Cette miseen ligne est un succès: un mois plus tard, le GDT a été consulté par 1,3 millionde personnes, avec des pointes de 60.000 requêtes quotidiennes. "Nous croyonsque la nouvelle de l'accessibilité à un dictionnaire terminologique bilinguegratuit dans internet s'est répandue comme une traînée de poudre parmi lesinternautes, qui se communiquent très rapidement les nouvelles, explique FrancisMalka, fondateur et chef de la direction technologique de Semantix (cité parl'AFP). Nous recevons des requêtes de partout à travers le globe, même si lagrande majorité des requêtes provient du Canada."

Dictionnaires électroniques, une liste établie par la section française desservices linguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse, répertoriede façon aussi exhaustive que possible les meilleurs dictionnaires monolingues,bilingues et multilingues. Elle est complétée par des répertoires d'abréviationset d'acronymes et des répertoires d'informations géographiques. Responsable dela section française des services linguistiques, Marcel Grangier explique:"Conçu d'abord comme un service intranet, notre site web se veut au serviced'abord des traducteurs opérant en Suisse, qui souvent travaillent sur la mêmematière que les traducteurs de l'administration fédérale, mais également, parcertaines rubriques, au service de n'importe quel autre traducteur où qu'il setrouve. Les dictionnaires électroniques ne sont qu'une partie de l'ensemble, etd'autres secteurs documentaires ont trait à l'administration, au droit, à lalangue française, etc., sans parler des informations générales."

"Travailler sans internet est devenu tout simplement impossible, ajoute MarcelGrangier. Au-delà de tous les outils et commodités utilisés (messagerieélectronique, consultation de la presse électronique, activités de services auprofit de la profession des traducteurs), internet reste pour nous une sourceindispensable et inépuisable d'informations dans ce que j'appellerais le"secteur non structuré" de la toile. Pour illustrer le propos, lorsqu'aucun sitecomportant de l'information organisée ne fournit de réponse à un problème detraduction, les moteurs de recherche permettent dans la plupart des cas deretrouver le chaînon manquant quelque part sur le réseau."

D'autres outils utiles sont les moteurs permettant la recherche dans plusieursdictionnaires. Proposé par Foreignworld.com, DictSearch est un moteur derecherche dans 200 dictionnaires de langues (67 langues source et 69 languescible, soit plus de 300 combinaisons de langues en juillet 2001). Le LogosDictionary, dictionnaire multilingue de plus de 7,5 millions d'entrées, est undes outils linguistiques proposés par Logos, société de traductioninternationale basée à Modène (Italie). Créé par Robert Ware, OneLookDictionaries est un moteur de recherche puisant dans les quelque 3 millions demots de 750 dictionnaires (en anglais, français, allemand, italien, espagnol,etc.) traitant de sujets divers (affaires, argot, généralités, informatique etinternet, médecine, religion, sciences, sports, technologie, etc.). Soncorrespondant français est Dicorama.

On assiste enfin au développement de portails de dictionnaires. Par exempleyourDictionary.com, créé par Robert Beard en 1999, dans le prolongement de sonancien site, "A Web of Online Dictionaries", maintenant intégré à celui-ci.Consacré aux dictionnaires - 1.500 dictionnaires dans 230 langues - et auxlangues en général (vocabulaires, grammaires, apprentissage des langues, etc.),yourDictionary.com se veut le portail de toutes les langues sans exception. Ilaccorde une importance particulière aux langues minoritaires et menacées.

12.2. Bases de données en ligne

Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Universitéde Toronto, est le créateur de ressources littéraires librement accessibles enligne. Un pas de plus est franchi vers l'autonomisation de l'usager commecréateur de ressources en ligne, souligne-t-il en mai 2001. "La dernière versionde TACTweb, récemment installée sur un serveur de l'Université de Toronto,permet dorénavant de construire des bases interactives importantes comme lesdictionnaires de la Renaissance (Estienne et Nicot ; base RenDico), les deuxprincipales éditions du Dictionnaire de l'Académie française (1694 et 1835), lescollections de la Bibliothèque électronique de Lisieux (base LexoTor), lesoeuvres complètes de Maupassant, ou encore les théâtres complets de Corneille,Molière, Racine, Marivaux et Beaumarchais (base théâtre 17e-18e). À ladifférence de grosses bases comme Frantext ou ARTFL (American and FrenchResearch on the Treasury of the French Language) nécessitant l'interventiond'informaticiens professionnels, d'équipes de gestion et de logiciels coûteux,TACTweb, qui est un gratuiciel que l'on peut décharger en ligne et installersoi-même, peut être géré par le chercheur individuel créateur de ressourcestextuelles en ligne."

A la suite de l'INaLF (Institut national de la langue française), scindée endeux organismes distincts en janvier 2001, l'ATILF (Analyse et traitementsinformatiques du lexique français) développe des programmes de recherche sur lalangue française, principalement son vocabulaire. Traitées par des systèmesinformatiques spécifiques, les données (lexicales et textuelles) portent surdivers registres du français: langue littéraire (du 14e au 20e siècle), languecourante (écrite et parlée), langue scientifique et technique (terminologies),et régionalismes.

Les bases de données de l'ATILF comprennent notamment: a) Frantext, un corpus àdominante littéraire constitué de textes français qui s'échelonnent du 16e au20e siècle. Sur l'intégralité du corpus, il est possible d'effectuer desrecherches simples ou complexes (base non catégorisée). Sur un sous-ensemblecomportant des oeuvres en prose des 19e et 20e siècles, les recherches peuventégalement être effectuées selon des critères syntaxiques (base catégorisée); b)l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, en collaboration avec l'ARTFL (Americanand French Research on the Treasury of the French Language) de l'Université deChicago. Il s'agit de la version internet de la première édition, à savoir 17volumes de texte et 11 volumes de planches; c) Dictionnaires d'autrefois(16e-19e siècles): Dictionnaires de l'Académie française, 1e (1694), 5e (1798),et 6e (1835) éditions, Dictionarium latinogallicum de Robert Estienne, Thresorde la langue françoyse (versions ancienne et moderne) de Jean Nicot,Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle; d) le Catalogue critiquedes ressources textuelles sur internet (CCRTI), un ensemble de sites quidiffusent des ressources textuelles en ligne sur le web, sélectionnés enfonction de leur sérieux sur le plan du traitement éditorial et du traitementnumérique des textes; e) le Dictionnaire de l'Académie française, 8e édition(1932).

"L'avenir me semble prometteur en matière de publications de ressources enligne, même si, en France tout au moins, bon nombre de résistances, inhérentesaux systèmes universitaire et éditorial, ne risquent pas de céder du jour aulendemain (dans dix-vingt ans, peut-être?), écrit Emilie Devriendt, élèveprofesseur à l'Ecole normale supérieure de Paris. Ce qui me donne confiance,malgré tout, c'est la conviction de la nécessité pratique d'internet. J'ai dumal à croire qu'à terme, un chercheur puisse se passer de cette gigantesquebibliothèque, de ce formidable outil. Ce qui ne veut pas dire que les nouvellespratiques de recherche liées à internet ne doivent pas être réfléchies, mesuréesà l'aune de méthodologies plus traditionnelles, bien au contraire. Il y a unehistoire de l''outillage', du travail intellectuel, où internet devrait avoir saplace."

Dans un tout autre registre, l'Ethnologue, une encyclopédie des langues, a misla totalité de son contenu en accès libre sur le web, ce qui ne l'empêche pasd'être également diffusée en version imprimée et sur CD-Rom, tous deux payants.Cette encyclopédie très documentée répertorie 6.700 langues, avec de multiplescritères de recherche. Barbara F. Grimes, sa directrice de publication entre1971 et 2000 (8e-14e éditions), explique: "Il s'agit d'un catalogue des languesdans le monde, avec des informations sur les endroits où elles sont parlées, uneestimation du nombre de personnes qui les parlent, la famille linguistique àlaquelle elles appartiennent, les autres noms utilisés pour ces langues, lesnoms de dialectes, d'autres informations socio-linguistiques et démographiques,les dates des Bibles publiées, un index des noms de langues, un index desfamilles linguistiques et des cartes géographiques relatives aux langues."

Autre exemple, Rubriques à Bac, créée par Gérard Fourestier, professeur defrançais à Nice et diplômé en science politique. Rubriques à Bac propose deuxbases de données accessibles par souscription, avec version démo en accès libre,à destination des étudiants du premier cycle universitaire et de leursprofesseurs. La première, ELLIT (Éléments de littérature), a trait à lalittérature française du 12e siècle à nos jours et regroupe plus de 350 articlesliés entre eux par 8.500 liens, ainsi qu'un répertoire de 450 auteurs qui ontjoué un rôle majeur dans la formation de cette littérature. La deuxième,RELINTER (Relations internationales depuis 1945), recense plus de 2.000 lienssur l'évolution de la situation du monde contemporain de la deuxième guerremondiale à nos jours.

"Rubriques à Bac est une branche des activités du GRIMM (Groupe de recherche etd'information sur le multimédia), explique Gérard Fourestier. Le GRIMM est ungroupement associatif de personnes physiques et morales qui pratiquent larecherche et l'information sur l'informatique, le multimédia et lacommunication. Cependant, les perspectives ouvertes par une fréquentation dusite en progression rapide, et compte tenu de la mission que j'ai assignée auxrecettes de cette activité, à savoir la réalisation de projets éducatifs enAfrique, Rubriques à Bac se constituera prochainement en entité juridiquepropre."

Quel est l'historique du site? "Le site de Rubriques à Bac a été créé en 1998pour répondre au besoin de trouver sur le net, en un lieu unique, l'essentiel,suffisamment détaillé et abordable par le grand public, dans le but: a) de seforger avant tout une culture tout en préparant à des examens probatoires à desétudes de lettres - c'est la raison d'ELLIT (Eléments de littérature), base dedonnées en littérature française; b) de comprendre le monde dans lequel nousvivons en en connaissant les tenants et les aboutissants, d'où RELINTER(Relations internationales). J'ai développé ces deux matières car ellescorrespondent à des études que j'ai, entre autres, faites en leur temps, etparce qu'il se trouve que, depuis une dizaine d'années, j'exerce des fonctionsde professeur dans l'enseignement public (18 établissem*nts de la 6e auxterminales de toutes sections et de tous types d'établissem*nts). Faute detemps, je n'ai pu réaliser que ces deux thèmes, mais je ne désespère pas dedévelopper aussi d'autres sujets qui font partie de ma panoplie universitaire etd'autodidacte curieux de tout comme la philosophie, l'analyse sociétale,l'analyse sémantique ou encore l'écologie, et que je tiens 'au chaud dans mescartons'. Ceci étant, je suis à l'affût de toutes autres idées, venantd'ailleurs, pour ne me réserver alors que la supervision du contenu mis enforme, la dernière main dans la réalisation informatique et la gestion en tantque site spécialisé.

Pour l'instant et faute de mieux, en raison de mon âge, la cinquantaine, et nonde mes compétences, je m'occupe de mes élèves en les préparant à leurs examenstout en leur donnant envie d'être utiles, ne serait-ce que pour eux-mêmes et enleur apportant le sens des responsabilités, en un mot un message humaniste.J'aime ce métier car, pour moi, le savoir, ça se donne, et le maître, comme enboudhisme, ne peut avoir qu'un seul but: que son élève le dépasse. En outre,alors que j'ai eu dans le passé d'importantes fonctions de fondé de pouvoir, etque j'ai dirigé pour mon compte quelques entreprises, je suis maître à bord dansmes classes et j'organise mon travail comme je l'entends. C'est pour moiessentiel. (…) Mon activité liée à internet consiste tout d'abord à ensélectionner les outils, puis à savoir les manier pour la mise en ligne de mestravaux et, comme tout a un coût et doit avoir une certaine rentabilité,organiser le commercial qui permette de dégager les recettes indispensables;sans parler du butinage indispensable pour la recherche d'informations quiseront ensuite traitées. (…) Mon initiative à propos d'internet n'est pasdirectement liée à mes fonctions de professeur. J'ai simplement voulu répondre àun besoin plus général et non pas étroitement scolaire, voire universitaire.Débarrassé des contraintes du programme, puisque j'agis en mon nom et pour moncompte et non 'es-qualité', mais tout en en donnant la matière grise qui meparaît indispensable pour mieux faire une tête qu'à la bien remplir, je laisse àd'autres le soin de ne préparer qu'à l'examen."

12.3. L'université et le numérique

Voici quelques expériences de par le monde, provenant de professionnels des
Universités de Caen, Genève, Lausanne, Tokyo et Toronto.

= L'Université de Caen

Directeur du centre de ressources informatiques de l'Université de Caen (CRIUC),Gérard Jean-François est chargé de l'exploitation et du développement destechnologies de la communication pour la recherche et la pédagogie."L'Université de Caen Basse-Normandie compte 24.000 étudiants, écrit-il. Elleest unique, donc pluridisciplinaire pour la région. De ce fait, elle estrépartie sur une douzaines de sites. Les activités principales sont évidemmentl'enseignement et la recherche. Mon activité professionnelle consiste àeffectuer la veille technologique et à mettre en place les moyens nécessaires àl'activité de l'établissem*nt. Ces moyens sont essentiellement le réseau decommunication, les serveurs et les équipements individuels. Sur ces équipementssont mis en place les services (messageries, bases de données,visioconférence…) nécessaires aux utilisateurs (étudiants,enseignants/chercheurs, personnels techniques et administratifs). Par rapport àinternet, je me dois de fournir l'accès internet à l'ensemble de l'établissem*ntmais également législation en appliquant toutes les mesures de sécurité quiincombent à mon rôle de responsable sécurité du système informatique."

= La Webster University de Genève

Henri Slettenhaar est spécialiste des technologies de la communication. En 1958,dans le cadre du CERN (Laboratoire européen pour la physique des particules), iltravaille sur le premier ordinateur numérique et il participe au développementdes premiers réseaux numériques. Son expérience américaine débute en 1966: ilrejoint pendant dix-huit mois une équipe du Stanford Linear Accelerator Center(SLAC) pour créer un numérisateur de film. De retour au SLAC en 1983, il conçoitun système numérique de contrôle qui sera utilisé pendant dix ans. Depuis prèsde vingt ans, il est professeur à la Webster University de Genève. Dans cecadre, il dirige le Telecom Management Program, programme créé à l'automne 2000pour répondre à la nécessité de former les étudiants dans un domaine en pleineexpansion. Il est également consultant auprès de nombreux organismes.

En 1992, Henri Slettenhaar crée la Silicon Valley Association (SVA), uneassociation suisse qui organise des voyages d'étude dans des pôles de hautetechnologie: Silicon Valley, San Francisco, Los Angeles, Finlande, etc. Outredes visites de sociétés, start-up, universités et centres de recherche, cesvoyages comprennent des conférences, présentations et discussions portant surles nouvelles technologies de l'information (internet, multimédia,télécommunications, etc.), les derniers développements de la recherche et de sesapplications, et les méthodes les plus récentes en matière de stratégiecommerciale et de création d'entreprise.

"Je ne peux pas imaginer ma vie professionnelle sans l'internet, écrit HenriSlettenhaar. Cela fait vingt ans que j'utilise le courrier électronique. Lespremières années, c'était le plus souvent pour communiquer avec mes collèguesdans un secteur géographique très limité. Depuis l'explosion de l'internet etl'avènement du web, je communique principalement par courrier électronique, mesconférences sont en grande partie sur le web et mes cours ont tous unprolongement sur le web. En ce qui concerne les visites que j'organise dans laSilicon Valley, toutes les informations sont disponibles sur le web, et je nepourrais pas organiser ces visites sans utiliser l'internet. De plus, l'internetest pour moi une fantastique base de données disponible en quelques clics desouris."

= L'Université de Lausanne

Pierre Magnenat est responsable de la cellule "gestion et prospective" du centreinformatique de l'Université de Lausanne. Lors d'un entretien électronique, ilrelate son parcours professionnel: "Mathématicien de formation, je me suisensuite orienté vers la recherche en astrophysique à l'Observatoire de Genève,domaine dans lequel j'ai obtenu mon doctorat en 1982. Le sujet en était l'étudede la stabilité des orbites dans des modèles numériques de galaxies, ce qui m'aconduit à développer un usage intense de l'informatique, et m'a peu à peu dirigétotalement vers cette branche encore neuve à l'époque. En 1985, j'ai accordé mesactes à mes préférences et suis parti travailler chez un constructeurinformatique. J'ai rejoint l'Université de Lausanne en 1990 pour occuper leposte où je suis encore. L'Université de Lausanne est une université généralistefondée en 1537 (théologie, droit, lettres, sciences sociales, HEC (hautes étudescommerciales), sciences (maths, physique, chimie, biologie, sciences de laterre, pharmacie) et médecine. Elle comprend environ 10.000 étudiants et 2.200chercheurs. Dès le début du web, un premier site a été créé par le personnel ducentre informatique (en 1995). Chaque faculté, section ou institut s'y est mispar la suite, sans réelle unité et cohérence. Par la suite, certaines règlesd'édition ont été établies, et le site remanié à plusieurs reprises avec l'aidede graphistes et d'une personne en charge de fédérer les informations. Nousavons été la première université suisse (voire européenne?) à permettrel'immatriculation des nouveaux étudiants par le web. Depuis, les applicationsadministratives (ressources humaines, finances, grades, etc.) sont les unesaprès les autres adaptées à un usage par le web. Pour le futur proche, nousétudions la mise en place d'un portail dont l'accès sera personnalisé et adaptéaux tâches et désirs de chacun, étudiants, personnel ou visiteur. Il permettraégalement un accès authentifié aux applications administratives."

En quoi consiste exactement son activité? "Je dirige la centrale d'achatsinformatiques de l'université. A ce titre, je définis des normes techniques, jeprocède aux appels d'offres et gère l'entretien du parc, ainsi que les contratsde licences de logiciels. Je suis également responsable de l'établissem*nt et dela gestion des budgets informatiques centraux. Une bonne part de mon activitéest ainsi liée à des aspects de prospective et de veille technologique. Bienavant l'arrivée du web, internet était déjà un outil essentiel à mon activité:courrier électronique, information par Usenet News puis gopher. Chaquedéveloppement nouveau de l'internet nous a permis de mettre en place des outilsfacilitant la vie de nos utilisateurs (listes de prix et configurations,formulaires de commandes, inventaires en ligne, etc.) tout comme la nôtre(contacts fournisseurs, informations techniques, etc.). Par ailleurs, cet usagea déteint dès le début sur mes activités personnelles (IRC, news, etc.), pouraboutir à un usage fréquent du commerce électronique et de la bourse en ligne."

= L'Université de Tokyo

Professeur de français, de littérature française et d'applications informatiquesdans des universités japonaises, à Tokyo et Nagoya, Patrick Rebollar utilisel'ordinateur pour la recherche et l'enseignement depuis plus de dix ans. En1994, il voit apparaître l'internet "dans le champ culturel et linguistiquefrancophone". En 1996, il débute un site web de recherches et activitéslittéraires. En octobre 1999, il devient le modérateur de LITOR (Littérature etordinateur), liste de diffusion francophone créée en octobre 1999 par l'équipede recherche Hubert de Phalèse de l'Université Paris 3, et qui comptait enjanvier 2000 près de 180 membres, majoritairement des universitaires d'unedouzaine de pays.

En juillet 1998, Patrick Rebollar expose l'impact de l'internet sur sa vieprofessionnelle: "Mon travail de recherche est différent, mon travaild'enseignant est différent, mon image en tant qu'enseignant-chercheur de langueet de littérature est totalement liée à l'ordinateur, ce qui a ses bons et sesmauvais côtés (surtout vers le haut de la hiérarchie universitaire, plutôtconstituée de gens âgés et technologiquement récalcitrants). J'ai cessé dem'intéresser à certains collègues proches géographiquement mais qui n'ont riende commun avec mes idées, pour entrer en contact avec des personnes inconnues etréparties dans différents pays (et que je rencontre parfois, à Paris ou à Tokyo,selon les vacances ou les colloques des uns ou des autres). La différence estd'abord un gain de temps, pour tout, puis un changement de méthode dedocumentation, puis de méthode d'enseignement privilégiant l'acquisition desméthodes de recherche par mes étudiants, au détriment des contenus (mais celadépend des cours). Progressivement, le paradigme réticulaire l'emporte sur leparadigme hiérarchique - et je sais que certains enseignants m'en veulent à mortd'enseigner ça, et de le dire d'une façon aussi crue. Cependant ils sont obligésde s'y mettre…"

En janvier 2000, son activité s'articule autour de trois pôles: "veilletechnologique et culturelle, enseignement assisté par ordinateur, création depages littéraires pédagogiques (mise en ligne en février ou mars 2000 d'uneoeuvre de Balzac, L'Illustre Gaudissart, avec notes de lecture préparées par desétudiants japonais en doctorat pendant l'année universitaire 1999). Pourréaliser ce document balzacien, nous avons travaillé dans une salle entièrementinformatisée de l'Université Gakushuin (Tokyo) et nous avons utilisémajoritairement des données en ligne (Dictionnaire de l'Académie française,index de Balzac, cédérom Littré, etc.)."

= L'Université de Toronto

Professeur au département d'études françaises de l'Université de Toronto, RussonWooldridge est le créateur de sites dans le domaine des études françaises, dontle Net des études françaises (site sur lequel le livre que vous êtes en train delire est publié). Il est également éditeur en ligne (revue, actes de colloques)et chercheur (histoire de la langue, évolution des médias du papier et du web).Son activité consiste à "aider les étudiants à vivre en français (cours delangue de première année du 1er cycle d'études, par exemple), à perfectionnerleurs compétences linguistiques (cours de traduction de quatrième année du 1ercycle, par exemple), à approfondir leur connaissance de domaines spécifiques dusavoir exprimés en français (cours et thèses de 2e et 3e cycles) et, à tous lesniveaux, à se servir des outils appropriés."

"Mes activités de recherche, autrefois menées dans une tour d'ivoire, se fontmaintenant presque uniquement par des collaborations locales ou à distance,explique-t-il. (…) Tout mon enseignement exploite au maximum les ressourcesd'internet (le web et le courriel): les deux lieux communs d'un cours sont lasalle de classe et le site du cours, sur lequel je mets tous les matériaux descours. Je mets toutes les données de mes recherches des vingt dernières annéessur le web (réédition de livres, articles, textes intégraux de dictionnairesanciens en bases de données interactives, de traités du 16e siècle, etc.). Jepublie des actes de colloques, j'édite un journal, je collabore avec descollègues français, mettant en ligne à Toronto ce qu'ils ne peuvent pas publieren ligne chez eux."

12.4. Les perspectives

En juin 1998, Christiane Jadelot, ingénieur d'études à l'INaLF (Institutnational de la langue française), insiste sur la nécessité d'"équiper de plus enplus de laboratoires avec du matériel de pointe, qui permette d'utiliser tousces médias. Nous avons des projets en direction des lycées et des chercheurs. Leministère de l'Education nationale a promis de câbler tous les établissem*nts,c'est plus qu'une nécessité nationale. J'ai vu à la télévision une petite écoledans un village faisant l'expérience de l'internet. Les élèves correspondaientavec des écoles de tous les pays, ceci ne peut être qu'une expérienceenrichissante, bien sûr sous le contrôle des adultes formés pour cela."

En septembre 1998, Robert Beard, co-fondateur de yourDictionary.com, portailpour les langues, insiste sur le fait que "l'internet nous offrira tout lematériel pédagogique dont nous pouvons rêver, y compris des notes de lecture,exercices, tests, évaluations et exercices interactifs plus efficaces que par lepassé parce que reposant davantage sur la notion de communication. Le web seraune encyclopédie du monde faite par le monde pour le monde. Il n'y aura plusd'informations ni de connaissances utiles qui ne soient pas diponibles, si bienque l'obstacle principal à la compréhension internationale et interpersonnelleet au développement personnel et institutionnel sera levé. Il faudrait uneimagination plus débordante que la mienne pour prédire l'effet de cesdéveloppements sur l'humanité."

"Il va falloir inventer et organiser les nouveaux métiers de la formation(éditeur, médiateur, tuteur, évaluateur …) et les faire prendre en compte dansles institutions de formation", écrit en décembre 1999 Jacques Trahand,vice-président de l'Université Mendès France de Grenoble.

Quelles sont les perpectives en 2001?

Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centreinformatique de l'Université de Lausanne: "L'usage de l'internet va encores'intensifier, tout comme ses aspects intranet au sein de notre institution. Enparticulier, l'apparition des 'campus virtuels' proposant des enseignements àdistance et/ou collaboratifs va bouleverser l'usage que l'on en fait jusqu'àmaintenant, exigeant des bandes passantes considérablement plus grandes. Latéléconférence, déjà mise en place par ATM (asynchronous transfer mode) entreles Universités de Lausanne et Genève, va également s'étendre, exigeant elleaussi des moyens considérables et très sécurisés (par exemple pour lesdiagnostics médicaux à distance, voire la téléchirurgie)."

Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Universitéde Toronto: "Il est crucial que ceux qui croient à la libre diffusion desconnaissances veillent à ce que le savoir ne soit pas bouffé, pour être vendu,par les intérêts commerciaux. Ce qui se passe dans l'édition du livre en France,où on n'offre guère plus en librairie que des manuels scolaires ou pour concours(c'est ce qui s'est passé en linguistique, par exemple), doit être évité sur leweb. Ce n'est pas vers les Amazon.com qu'on se tourne pour trouver la sciencedésintéressée."

Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa: "Il faut saluer ladécision du MIT (Masachusetts Institute of Technology) de placer tout le contenude ses cours sur le web d'ici dix ans, en le mettant gratuitement à ladisposition de tous. Entre les tendances à la privatisation du savoir et cellesdu partage et de l'ouverture à tous, je crois en fin de compte que c'est cettedernière qui va l'emporter."

13. QUEL AVENIR POUR L'IMPRIME?

[Dans ce chapitre:]

[13.1. L'imprimé vu par les auteurs // 13.2. L'imprimé vu par lesbibliothécaires-documentalistes // 13.3. L'imprimé vu par les éditeurs // 13.4.L'imprimé vu par les gestionnaires // 13.5. L'imprimé vu par les linguistes //13.6. L'imprimé vu par les professeurs // 13.7. L'imprimé vu par lesspécialistes du numérique]

Nous vivons une période transitoire, marquée par la généralisation des documentsnumériques et la numérisation à grande échelle des documents imprimés. Comme onle verra dans les lignes qui suivent, si les professionnels du livrereconnaissent tous les nombreuses qualités pratiques du numérique dans leur vieprofessionnelle, certains utilisent encore beaucoup leur imprimante et toutautant les documents imprimés. A titre personnel, pour des raisons aussi bienpratiques que sentimentales, pratiquement personne ne peut se passer du livreimprimé, et encore moins de ce matériau extraordinaire qu'est le papier. Reste àattendre quelques années, lorsque le papier électronique permettra de concilierdans un même support les avantages du numérique et le plaisir irremplaçable dupapier.

13.1. L'imprimé vu par les auteurs

Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte,utilise encore beaucoup de documents papier. "A l'heure actuelle, il semble quel'internet soit encore considéré majoritairement comme un outil de travail, ouau mieux, comme un outil de consultation de documentation, d'infos en ligne, oude services (réservations, prix, achats en ligne). Pas encore de loisirproprement dit, à part pour une minorité d'addicts de jeux, de free TV, detéléchargements musicaux ou de… sexe virtuel… La principale raison à cetétat de fait est technique. La majorité des équipements se trouve dans lesbureaux, et les connexions permanentes (câble, ADSL…) sont loin d'êtremajoritaires. Ce détour pour constater que le meilleur outil de lecture reste lelivre, qu'on peut emporter n'importe où. Dans ma pratique professionnelle, etcelle de la plupart de mes correspondants dans les médias, toute la création dedocuments (projets, scénarios, contrats, devis…) passe par l'ordinateur, lestextes circulent par e-mail et attachements, mais leur lecture et/ou analysepasse par les tirages papier. Rares sont ceux qui échangent directement lesinfos sans ce passage obligé. Il faut une tournure d'esprit particulière pourarriver à envisager globalement un document, l'analyser, le corriger, sansl'imprimer. Par mon activité web, je m'y exerce, et ce n'est au fond pasdésagréable du tout."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Il n'est pas impossible que, si onassiste à une véritable généralisation de l'e-book, ou à travers les Psion,Palm, WAP, UMTS (universal mobile telecommunications system)… qui sait, lepapier finisse par être détrôné. Mais dans l'état actuel, le papier ne me paraîtpas mort. Les premiers qui auront à souffrir, me semble-t-il, ce sont lesjournaux. Puisque la fonction info et service est déjà très répandue sur le net,via les sites des journaux eux-mêmes. Les grands médias sont en train des'embarquer dans ce train-là, voir les sites de TF1, Canal+, etc… Les autres(l'édition principalement) passeront encore longtemps par l'étape tiragepapier… Mais il se passe quelque chose via les sites de webtertainment dont jeparlais plus haut, des habitudes se prennent, surtout chez les jeunes. Et là,une initiative comme la nôtre pourrait participer à un changement de la donne.En effet, l'activité proprement mail est un phénomène sociologique incontestablequi s'explique par une certaine dépersonnalisation des contacts permettant auxjeunes d'oser dire plus facilement ce qu'ils ont à dire. Paradoxalement, letexte qu'ils ont écrit leur paraît être une personnalisation de leur discours,puisqu'il existe sous forme écrite. Enfin, les fonctions envoi et retourconfirment l'existence de leur discours, puisqu'il est lu, et qu'on y répond.Dans ces échanges-là, le papier a déjà complètement disparu. L'exploration deces formes de discours par nos personnages est donc en pointe. Et leurcommunication à un large public un réel enjeu."

Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadairedes actualités de l'internet: "Disons que, dans mon cas, l'utilisation dusupport papier est plus sélective. Pour mes besoins, j'imprime parfois undocument récupéré en ligne car le papier est une 'interface de lecture' des plusportables. Sans connexion, sans piles, sans attirail technique, on transporte ledocument où on veut, on l'annote, on le partage, on le donne, on le récupère,puis il peut prendre facilement le chemin du bac de recyclage. Côté des journauxet périodiques, j'en consomme moins qu'avant mon utilisation régulièred'internet (1991). Mais là encore, c'est sélectif. Le seul périodique quej'achète régulièrement est le mensuel Wired. Je n'ai jamais été abonné, jel'achète en kiosque, c'est comme voter avec son fric pour le changement. Pour cequi est des livres, comme je suis en guerre perpétuelle avec le temps, j'ai peul'occasion de lire. Au cours de mes vacances, cet été, j'ai acheté des livres decyberlibraires et je les ai fait livrer poste restante au bureau de poste duvillage où j'étais. Entre trois à cinq jours pour la livraison, c'est génial."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Le cinéma n'a pas sonné la mort desspectacles sur scène et des arts d'interprétation, pas plus que la radio. Latélévision n'a pas relégué aux oubliettes le cinéma, au contraire, elle acontribué à une plus grande diffusion des films. Même chose pour lavidéocassette. Les technologies se succèdent, puis cohabitent. Je crois qu'il ensera de même pour le papier. Il est certain que son rôle et ses utilisationsseront modifiés, que certains contenus demeureront plus portables et conviviauxsur papier, il y aura des ajustements."

Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écrituresmultimédias: "C'est toujours une question, une frustration, cette impossibilitédu papier à entrer dans la machine! Les dispositifs d'annotation informatiquesont pourtant loin d'égaler ceux, analogiques, de la lecture papier: post-it,pages cornées, notes en marge, photocopies commentées, agrandies, modifiées,partagées… que j'utilise - comme beaucoup - en nombre. Tous ces procédés sontdes bricolages, les morceaux de papier pris sur des nappes au déjeuner, dans lespages 'notes' des agendas, mais ils sont la base d'un processus de mémorisation,d'appropriation personnelle. (Voir pour s'en convaincre la gestion archaïque dessignets sur les deux navigateurs les plus modernes. Il faut aller voir desnavigateurs de recherche comme Nestor de Romain Zeiliger pour voir pris encompte l'annotation comme processus cognitif et la représentation spatiale commemode d'organisation des données complexes.) C'est là la question la moins bienprise en compte dans les dispositifs numériques où la mémoire prise en compteest celle de la machine et du logiciel, pas celle de nos cheminements intimes."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Les 'outils numériques' deviendrontpeut-être peu à peu les objets banals de notre quotidien ; en attendant ce(s)jour(s), la souplesse des usages du papier n'a pas encore son pareil, je crois.Les débuts des années 80 avaient annoncé la mort du support papier: son usage -et sa consommation - se sont vus multipliés. Le papier semble devoir être encorela surface-support de confort pour la lecture séquentielle, mais pour l'écriturenumérique? On peut se poser la question, l'évolution lente mais inexorable despratiques - et des outils d'écriture - entraîne forcément la lecture versl'ailleurs des dispositifs interactifs. La tendance qui s'amorce sur le web -mais est-ce que cela dépassera le stade de tendance? - est la double écriture(et donc la double lecture ) proposée. De plus en plus de sites sont faits poursatisfaire une expérience interactive mais proposent aussi leurs contenus 'defond' sous forme de fichiers Acrobat, donc mis en forme, designés pourl'impression individuelle sur papier. Une écriture interactive génère sessystèmes, dispositifs, mises en relation, en espaces, en interaction… et sesappareils de lecture. Les nouvelles oeuvres se lisent sur un micro-ordinateur -connecté ou non - pensons à la spécificité des Machines à écrire de AntoineDenize, de Puppet Motel de Laurie Anderson, de Ceremony of Innocence de PeterGabriel/Nick Bantock. Mais on peut aussi penser - et espérer - que J.M.G. LeClézio continuera de nous enchanter avec ses récits sur papier."

Pour Raymond Godefroy, écrivain-paysan, "le papier est un support qui vasubsister encore très longtemps et qui garde certains avantages. Il estcependant gourmand en matière première, le bois. Les autres supports sontcomplémentaires, et présentent des avantages, surtout pour la circulation et lareproduction à longue distance."

Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en3D: "Je lis autant d'imprimés qu'avant. La lecture sur écran s'y est rajoutée.D'où des problèmes de temps: ces machines qui sont censées travailler à notreplace contribuent en fait à nous bouffer le temps libre qu'elles nous ontdégagé."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Ses jours sont encore longs avant que lalecture sur écran présente la même souplesse que celle d'un livre ou d'unmagazine que l'on peut lire n'importe où, dans la position que l'on veut, etranger, rouler, plier, déchirer facilement (allez envelopper les pelures depomme de terre dans un 15 pouces!)."

Anne-Bénédicte Joly, écrivain qui auto-édite ses oeuvres: "Je dois avouer que lepassage par l'écrit m'est encore nécessaire. Comme tout écrivain je conserve etsouhaite conserver une relation privilégiée avec l'écrit, la plume, lecrissem*nt du stylo sur une feuille blanche. Par ailleurs, je note, je rature,je corrige, je développe… bref mes premières phases de création passent encoresystématiquement par le papier avant la phase de saisie de mes textes. Parailleurs, j'entretiens une relation sentimentale avec l'objet 'livre'."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense que le support papier a encorebeaucoup de beaux et longs jours devant lui. Ne serait-ce que pour des raisonsde contacts affectifs avec l'objet livre, mais aussi de par la faible montée enpuissance (actuelle) des solutions électroniques. Je pense que l'informatiqueest un moyen performant et totalement nécessaire pour fabriquer des livres maisje suis une fervente défenseur du plaisir de tenir un livre dans sa main, del'emporter partout avec soi, de l'annoter, de le prêter, de le reprendre, de lefeuilleter, de glisser page 38 mon marque-page préféré… J'aime cette relationprivilégiée que le lecteur noue avec un livre. J'aime voir vivre l'objet… Pourtoutes ces raisons, non seulement je pense que le livre a encore de beaux joursdevant lui, mais au fond, je le souhaite de tout coeur!"

Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre: "Mes yeux réclamentle papier! Je suis une maniaque du mèl, que je lis sur écran, pour tout lereste, je garde un grand plaisir à lire sur papier. Un de mes éditeurs préférés,José Corti, publie des livres dont il faut encore ouvrir les pages aucoupe-papier. Le plaisir qui en découle est pour moi immense, mais une page webbien mise en page, une graphie claire m'en procurent aussi. Je ne distingue pasles anciens et les nouveaux médias, pour moi, la beauté prime."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Mes yeux fragiles espèrent que le papiersurvivra, même si j'ai des doutes là-dessus… Il paraît que les nouveaux médiasne vont pas éradiquer les anciens, mais se superposer à eux. Ce sera unepossibilité de plus, un choix. Dans ce cas-là, tant mieux."

Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Le papier joue encore un rôle vital dansma vie. Pour moi, la lecture est une question de fierté culturelle. J'ai desorigines irlandaises. Pour paraphraser Thomas Cahil, en Irlande la spiritualitéa toujours été étroitement liée à l'apprentissage de la lecture et del'écriture. Ne pas pouvoir lire sur le papier me manquerait, et la lecture àl'écran est trop fatigante pour les yeux."

Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Dans mon travail d'écriture traditionnelle,je me sers du papier comme d'une étape intermédiaire. En imprimant ce que j'aitapé sur l'ordinateur, je visualise mieux (mets à distance) le premier jet, afinde mieux le retravailler. Puis retour sur écran, et re-impression sur papier,autant de fois qu'il le faut."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Il y a beaucoup de choses qui pourront sepasser du papier, comme les annuaires, les guides, etc… Le livre-papier resteencore un objet désirable (oui, il faut mettre en avant ce concept d'avoir dudésir pour un livre et toujours se poser la question 'depuis combien de tempsn'ai-je pas eu du désir pour un livre?'). Par contre, ce qui a été créé pour etpar ordinateur ne gagnera rien à être transféré sur papier. Il ne sert à riend'opposer les deux médias. On élève toujours des chevaux, même si la voiturerend des services plus performants. Feuilleter un livre, c'est une impressionphysique, dans laquelle la performance n'a rien à voir. Explorer ludiquement unécran, c'est une joie également."

Blaise Rosnay, poète et webmestre du site du Club des poètes, utilise "le moinspossible des documents papiers. En fait nous apprenons les poèmes par coeur etce que nous aimons le mieux, c'est de transmettre la poésie dans sa traditionorale. Mais en vérité l'internet aussi nous paraît un peu vieillot. C'est d'uncoeur à l'autre, en passant par les lèvres et l'oreille, que la poésie sepropage à la vitesse de la pensée."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Cela n'a qu'une importance relative. Onimprime beaucoup de bêtises sur du papier et le paysage de l'internet commenceaussi à se dégrader sérieusem*nt. Les marchands de papier (lisez 'éditeurs')laisseront-ils place au marchands d'électrons par internet interposé (lisez'producteurs de contenus sur internet' (sic))? Peu nous importe. La poésiepoursuit son voyage pour l'éternité."

Murray Suid, écrivain travaillant pour une société internet de logicielséducatifs: "Nous utilisons très peu de papier. Nous faisons cependant quelquesimpressions, surtout pour les réunions au cours desquelles nous discutons desmanuscrits. (…) Les livres sur support papier seront encore disponiblespendant quelque temps, parce que nous avons l'habitude de ce support. Denombreux lecteurs aiment le toucher du papier, et le poids du livre dans lesmains ou dans un sac."

13.2. L'imprimé vu par les bibliothécaires-documentalistes

Emmanuel Barthe, documentaliste juridique: "Professionnellement, j'utiliseencore beaucoup le papier, mais nettement moins les ouvrages que la presse etles sorties papier de documents, de textes officiels et de jurisprudence. Chezmoi, j'ai un faible pour les beaux livres: livres d'art et éditions originalesde recueils de poésie."

Le papier a-t-il encore de beaux jours devant lui? "Ce support a mieux que debeaux jours devant lui: il a un avenir. En effet, les avantages du papier sontinsurpassables: la facilité et le confort de lecture, bien supérieurs auxpossibilités des meilleurs écrans informatiques (21 pouces y compris); unevisualisation tridimensionnelle des informations, qui entraîne une meilleurereprésentation mentale des informations. Celles-ci sont alors plus faciles àcomprendre et à manipuler. Pour bien me faire comprendre, je vais prendrel'exemple suivant que je connais par coeur: un juriste travaille couramment avecquatre ouvrages ouverts sur sa table et consultés en même temps ou immédiatementl'un après l'autre: un code (recueil de textes officiels annotés), une revuejuridique, un recueil de jurisprudence et une encyclopédie juridique. Imaginonsqu'il possède la version électronique de chacune de ces publications ou leurréunion (ça existe). Afin de ne pas compliquer la démonstration, je laisse decôté le fait que notre professionnel du droit doit aussi avoir sous les yeux ledossier de son client et la consultation ou la plaidoirie qu'il doit rédigerpour lui. Sur écran, passer d'un ouvrage ou d'un document à l'autre impose ànotre juriste pressé de perdre de vue l'ouvrage ou le document précédent, saufécran 21 pouces (prix de départ: 5.500 FF HT, le prix d'un PC de base). L'écrand'ordinateur, aussi grand soit-il, ne peut afficher, dans le meilleur des cas,que deux pages A4 et ne permet pas de feuilleter le ou les ouvragesélectroniques. Autant dire que le juriste, même partisan de l'informatisation, abien du mal à se repérer dans un monde d'une surface de 21 pouces et sansprofondeur. Alors qu'avec le papier: il a à sa disposition la possibilité defeuilleter rapidement le contenu des ouvrages quand (ce qui est fréquent) il nesait pas encore exactement ce qu'il cherche; il visualise les informations entrois dimensions partout dans son bureau, donc dans un espace d'environ 10 m2 desurface et 2 m de haut, ce qui est infiniment plus vaste que les 21 poucesmaximum sans épaisseur de son écran ; ça ne tombe jamais en panne!"

Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure destatistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "Nous utilisons encore beaucoupde papier dans l'administration et notre fonds documentaire est exclusivement'papier'. Nous comptons bien y intégrer des supports multimédias, dès que lesmoyens nous le permettront. Le service informatique pense déjà à unenumérisation partielle du fonds documentaire, mais bon, le problème ici c'estque les idées vont nettement plus vite que les moyens."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Pour ce qui est de l'Afrique en général,je pense que le papier a encore de beaux jours devant lui. Pour s'en convaincre,il n'y a qu'à voir le développement très marginal du multimédia surtout dans lesinstitutions productrices de papier (les administrations) et dans lesinstitutions où, comme on dit ici, on 'fait papier' (les écoles). Par ailleurs,il faut compter aussi avec la lente évolution des usages. Je me rappelle que,pour les travaux de rédaction de ma thèse, après avoir stocké un certain nombred'articles en ligne sur mon ordinateur, j'ai jugé plus pratique pour moi de lesimprimer intégralement pour pouvoir les exploiter. J'ai donc eu l'impression demieux bosser en grattant du papier, habitude oblige."

Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique de Lisieux: "Je necrois pas à la mort annoncée du papier. Je l'utilise encore beaucoup sous toutesses formes. Mais, au contraire de beaucoup, mon rapport à l'informatique n'a pasentraîné une augmentation de ma consommation de papier, bien au contraire. Jesuis dans ce domaine plutôt adepte du zéro papier."

Pierre Le Loarer, directeur du centre de documentation de l'Institut d'étudespolitiques de Grenoble, utilise beaucoup l'imprimé, "et également beaucoupl'écran". Il pense que le papier "a encore de beaux jours devant lui, même si lesupport électronique va continuer à beaucoup se développer et se diversifier."

Anissa Rachef, bibliothécaire à l'Institut français de Londres: "Le papier estencore présent dans la médiathèque. Cependant l'introduction de documentsélectroniques, tels que le CD-Rom du Monde par exemple, a permis une épurationde la collection papier."

Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation decoopération et de développement économiques): "Nous fournissons toujours desphotocopies d'articles de périodiques, un peu moins cependant que par le passéparce que le texte intégral de nombreux articles est maintenant disponible surl'internet en format PDF. En revanche le prêt des monographies en versionimprimée n'a pas diminué depuis que l'OCDE utilise l'internet."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense que le papier aura toujours saplace, et ce malgré l'arrivée du livre numérique. Mais, quand les gens s'yseront accoutumés, l'utilisation du papier décroîtra."

13.3. L'imprimé vu par les éditeurs

Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique: "Jesuis un télétravailleur. J'habite Madrid et les éditions Luc Pire sont àBruxelles et Liège, en Belgique. En huit mois, j'ai reçu deux plis postauxrelatifs à mon travail et je suis resté plus de six mois sans imprimante. Endehors des contrats, tout se passe sur l'écran. Pour mon travail, c'est donctrès clair, 99% de l'information passe par des fichiers informatiques sansgaspiller de papier. En tant qu'auteur, je continue à rédiger majoritairement àla main, au stylo sur papier. Je ne tape le texte que dans une seconde étape surmon ordinateur. En réalité, même si je publie sur le web depuis 1998, jecontinue à travailler comme au 19e siècle pour mon écriture. Tout à la main dansdes petit* cahiers d'écolier. Sauf pour mes deux romans-feuilletons,précisément. J'ai décidé de changer mon mode d'écriture pour ces deux textes etje les écris directement à l'écran, comme ils seront lus, semaine après semaine.C'est un défi, une contrainte que je me suis posée volontairement. Pour voir siça change quelque chose et pour répondre en détail à cette question souventposée aux auteurs: est-ce que vous écrivez à la main ou à la machine? En tantque lecteur, bien que je lise presque exclusivement les journaux en ligne, demême que les critiques littéraires et cinématographiques, je ne peux pour autantme passer de la littérature imprimée. J'ai toujours de bon vieux romans jaunissur ma table de nuit et dans mon sac, où que j'aille. Dans le train, le métro,je lis. De laids bouquins de poche, dont le papier ne sent pas bon et dont lescouvertures sont écornées, mais qui sont légers, résistants et fourrables dansn'importe quel bagage."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Je crois qu'il est fort imbécile depenser que l'arrivée du numérique va tuer le papier. Comme si l'arrivée de laradio avait tué la presse écrite, ou la télévision le cinéma. C'est une opiniontellement stupide que beaucoup de gens la partagent. Pour ma part, je crois quel'arrivée du numérique grand public offre une panoplie de nouveaux supports pourles contenus. Qu'elle ouvre de nombreuses possibilités pour imaginer de nouveauxtypes de créations et de produits culturels. J'aime beaucoup le papier, j'adoreles livres: ils m'accompagnent depuis toujours, que ce soient des bandesdessinées, des romans, des dictionnaires. Je pense qu'ils continueront à êtreprésents pendant très longtemps. Mais qu'à leurs côtés apparaîtront de nouveauxformats. Le roman, tel que nous le connaissons, correspond très précisément àdes contraintes techniques d'impression et de reliure; si l'on change lessupports, on provoque l'apparition de nouvelles formes. La plupart des musiciensont dû réinventer la composition de leurs albums suite à l'arrivée du CD quiajoute vingt minutes au format 33 tours. Je me réjouis de lire ce qu'il y aura àlire dans dix ans. Mais j'aurai toujours un Dumas ou un Michaux sur ma table denuit."

Pierre-Noël Favennec, directeur de collection et expert à la directionscientifique de France Télécom R&D: "Le papier est de plus en plus utilisé.Personnellement je suis de plus en plus inondé de paperasses. Avec l'e-mail, lescollègues n'hésitent plus à envoyer de gros fichiers qu'il faut ensuite imprimerpour lecture. La lecture est plus agréable sur papier. Les fichiers reçuspeuvent n'être que des projets et on peut recevoir 'n' épreuves successives quel'on imprime nécessairement. On imprime les mèls pour les lire tranquillementplus tard ou parce que c'est plus agréable de les lire sur papier. Etc. Il y abeaucoup de raisons pour utiliser toujours plus de papier."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Les livres 'd'études', comme ceux denotre collection, ont une durée de vie longue et ne seront pas remplacés par une-book, sauf si ce livre n'est utilisé que pour une étude particulière et pourun temps court (quelques semaines). Les livres à durée de vie courte tels queles romans, journaux, magazines peuvent effectivement être un jour remplacés pardes e-books. Les livres scolaires pourront être (seront) sur e-book. Lesencyclopédies volumineuses dont la consultation n'est qu'épisodique seront surle web."

Olivier Gainon, fondateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne,utilise encore beaucoup l'imprimé, "pour lire des documents, des textes, etc.Cela dit, je lis de plus en plus sur écran, mais dans un cadre professionnel(par exemple les lettres d'information auxquelles je suis abonné, etc.), dès quel'on parle de lecture-plaisir (roman, détente, etc.), je ne lis pas sur écran,j'imprime (si ce n'est pas déjà le cas), et je lis sur papier. Je me rendségalement compte que j'ai du mal à lire sur écran un document long et complexe.Bref, je lis des informations brèves et ponctuelles, mais pas véritablement desdossiers complexes."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Tout dépend de quoi l'on parle. Le papiercomme support simple de document écrit est un peu limité: texte et imagesimplement / pas d'évolution en temps réel / reproduction complexe / etc.L'électronique offre beaucoup plus d'avantages. En revanche, sur les aspectsplus 'pratiques' ('la valeur d'usage'), le papier reste aujourd'hui imbattable:peu cher, léger, on peut le plier, le déchirer, le tordre, le laisser tomber, ilpeut en plus être physiquement agréable, esthétiquement beau, etc. Sans mêmeparler du confort de lecture qui, pour moi aujourd'hui, donne un grand avantageau papier… Bref, tout cela pour dire que je pense que le papier va décroîtredans son utilisation à terme - mais que ce sera un processus long, et plutôt unequestion de génération, quand nos enfants n'auront plus la même relation quenous pouvons avoir avec le papier…"

Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques etlittéraires lit toujours beaucoup de documents imprimés. "La lecture directe àl'écran est encore assez vite fatigante pour de nombreuses paires d'yeux, mêmeavec l'amélioration des capacités d'affichage des moniteurs et les lissages depolices d'écran. Et puis, pour un roman par exemple, rien n'en vaut la lecturedans un bon fauteuil au coin de sa cheminée…"

Les jours du papier sont-ils comptés? "Le livre papier a encore de beaux joursdevant lui. Mais l'accès par le net à toutes ces offres inédites est unenouvelle richesse, inimaginable il y a quelques années, tant pour les lecteursque pour les auteurs. Ça permet de sélectionner beaucoup plus tranquillement quedans une librairie (à condition que l'oeuvre y soit éditée) et surtout d'accéderà des ouvrages qui n'auraient jamais été publiés autrement. Selon moi, le papiern'est pas l'ennemi du net en matière de littérature. Il en est le prolongementet l'aboutissem*nt. En fait, le net peut être considéré comme un formidablemoyen de promotion et de relance de la lecture, par les découvertes qu'il permetde faire. Mais c'est maintenant l'internaute lui-même qui décide de ce qu'ilveut lire. Il choisit, il imprime, et il lit tranquillement dans son fauteuil aucoin de sa cheminée…"

Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Nous utilisons le papier biensûr. Le livre papier, lorsque l'impression avec les techniques modernes serameilleur marché, devrait devenir l'allié du livre électronique."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Cela dépend de quel domaine il s'agit. Jepense que le temps des dictionnaires et encyclopédies et autres ouvages deréférences techniques et scientifiques 'papier' est compté. Pour les romans oules beaux livres, cela dépend de l'évolution des deux supports."

François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse, utilise toujours autantl'imprimé. "Ça n'a pas changé: j'imprime souvent nos propres publications pourles lire dans les transports en commun. Je n'ai pas beaucoup le temps de lire,hormis des romans. Le papier a encore de l'avenir, il y aura toujours du papier,ou si ce n'est pas le papier (matériau) que l'on connaît, ce sera un supportsouple, léger et fin comme lui (pour dans dix ans en principe)."

13.4. L'imprimé vu par les gestionnaires

Patrice Cailleaud, directeur de communication de HandiCaPZéro, précise:"L'essentiel de l'activité de HandiCaPZéro aujourd'hui reste l'impression dedocuments papier braille et caractères agrandis. La majorité du public auquels'adresse l'association n'est pas encore internaute."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Non, au contraire. L'internet dope lesventes de livres, comme celles des disques, quoiqu'en disent les éditeursregroupés en association de défense de leurs intérêts. Par ailleurs, lesimprimantes des micro-ordinateurs, classiques ou braille, n'ont jamais étéautant sollicitées depuis l'accès au web."

Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen: "Pour mon activité professionnelle, j'utilise encore lepapier pour travailler hors de mon bureau, de même que pour des livres autresque techniques. En effet, si des documents techniques (qui sont des bases dedonnées) sont facilement consultables sous forme électronique, il n'en est pasde même pour des ouvrages de fond. Au sujet de la presse, il est hors dequestion de la supprimer pour la lecture, mais pour l'archivage oui." Le papiera-t-il encore de beaux jours devant lui? "La réponse est oui mais les usageschangeront."

Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centreinformatique de l'Université de Lausanne, utilise-t-il encore beaucoupl'imprimé? "Oui, hélas. Nous continuons à devoir imprimer beaucoup de choses, neserait-ce que pour des raisons administratives. Par contre, pour tout ce qui estinformation, je ne la prends plus que sur internet."

Jacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Erst & Young,n'utilise pratiquement plus de de documents imprimés. "Pratiquement rien eninterne pour la gestion, tout est fait à travers l'internet et/ou Lotus notes.Liaison internet également avec les clients pour les offres commerciales, lesdocuments de projets, les mémos… Seuls les contrats restent sur papier. Jereçois peu de courrier extérieur sur papier (qui est d'ailleurs le signe d'uncontenu probablement peu intéressant!). Je lis la presse à travers les bases dedonnées. Bien sûr, les journaux au petit déjeuner restent nécessaires! Quant auxlivres, c'est vrai, je les utilise toujours."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Dans ce contexte, dans mon métier deconsulting, les jours du papier sont comptés. Par contre, dans ma viepersonnelle, si j'utilise le courrier électronique pour la correspondance, leslivres ne sont pas détrônés, ou en tout cas ils sont moins affectés."

13.5. L'imprimé vu par les linguistes

Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, site de référence sur la culturehaïtienne, utilise les documents papier "aussi peu que possible, mais celareprésente encore beaucoup de papier. Si je vois un document que je souhaiteconserver en tant que document de référence, je l'imprime systématiquement et jele catalogue. Il peut ne pas être disponible quand je suis en déplacement. Maisquand je suis dans mon bureau à la maison, j'aime savoir que je peux y avoiraccès d'une manière physique, sans devoir me fier seulement à une sauvegardeélectronique, au bon fonctionnement du système d'exploitation, et à monfournisseur d'accès internet. De ce fait, pour ce que je considère utile deconserver, les documents sont souvent en double exemplaire, imprimé etnumérique. Le papier joue donc encore un rôle important dans ma vie."

Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux langues officielles duCanada, utilise l'imprimé "un peu moins qu'avant d'être connecté à internet". Ilpense que "le papier continuera d'avoir un rôle complémentaire".

Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "J'utilise beaucoup lesupport papier car, quoique j'écrive la plupart du temps sur ordinateur, j'aibesoin d'imprimer pour me relire. Je lis les journaux. Je suis très attaché aulivre comme objet et comme support de connaissance. Et en tout cas je faispartie de la chaîne qui les édite."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense que le papier a encore de trèsbeaux jours devant soi. Mais il va resserrer une partie de sa gamme,naturellement, c'est-à-dire la recentrer. Je suis ravi que l'on économise ainsila vie de milliers d'arbres, pour que certaines données d'intérêt variable ou àrotation rapide soient déviées sur les divers supports numériques. Par ailleurs,les journaux (non nécessairement les quotidiens) restent un moyen ditd''information' plus digne de foi que la presse audio-visuelle: leur lecture estle moyen d'essayer de s'informer le moins passif, celui qui permet la meilleuredistanciation par rapport à l'information (on se fait moins piéger par lematraquage télé). Il y a ensuite plus de diversité dans les titres, dans lesopinions, et surtout il y a des journaux spécialisés (c'est même le seul moyend'information susceptible d'être spécialisé). Le livre, enfin, me paraîtaujourd'hui le lieu idéal de refuge des valeurs de l'esprit, celles qui ne sontpas frappées d'obsolescence par le progrès technique ou par les modes. Bref, lepapier, c'est la lecture, et c'est la lecture libre."

Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse ettraitements informatiques du lexique français), n'utilise plus de documentspapier. "Les dictionnaires électroniques et autres e-books révolutionnentl'accès à la culture. En quelques clics, l'utilisateur peut trouverl'information recherchée."

Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in HumanLanguage Technologies): "J'utilise le papier en grande quantité. J'imprime tousles documents importants, parce qu'ils sont beaucoup plus faciles à consulter decette façon (plus faciles à parcourir, et jamais de batterie en panne). Je nepense pas que ceci change avant longtemps."

13.6. L'imprimé vu par les professeurs

Jean-Pierre Balpe, directeur du département hypermédias de l'Université Paris 8,utilise-t-il encore l'imprimé? "Comme je voyage beaucoup, il m'arrive aussi delire un peu de tout mais personnellement, je ne l'utilise guère dans mon travailpersonnel, j'ai vraiment l'habitude de tout faire sur écran…"

Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille, litencore beaucoup de documents imprimés. "Je lis environ cinq à six journaux(quotidiens et hebdomadaires), deux à trois livres papier par mois, et environ 3à 4.000 photocopies par an."

Emilie Devriendt, élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris,utilise encore beaucoup l'imprimé. "Je suis loin de penser que le numériquedoive ou puisse remplacer le papier, tout au moins dans l'état actuel destechnologies liées à internet, écrit-elle. On a beau parler d'une 'ère del'immatériel', d'une 'virtualisation' du réel etc., je reste persuadée que latrace écrite telle que le papier nous en permet la perception et la conservation(relative si l'on veut, mais fortement historicisée), n'a pas diminué, et n'estpas en passe de se voir remplacée par des séquences invisibles de 0 et de 1. Lapérennité du support numérique me semble bien plus problématique que celle dupapier: en termes techniques (et économiques) d'une part, en termes depolitiques de conservation d'autre part. Par exemple, l'institution d'un dépôtlégal sur le web pose d'immenses problèmes (concernant la quantité comme lanature des publications)."

Patrick Rebollar, professeur de littérature française dans des universitésjaponaises, à Tokyo et Nagoya, utilise l'imprimé autant qu'avant. "Mais jen'imprime pas beaucoup à partir de mon ordinateur, sauf pour des préparations decours à distribuer aux étudiants."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Je ne vois pas de problème pour les'jours du papier' dans l'avenir, alors que justement, il faudrait en diminuer laconsommation. Je crains d'ailleurs que bien des gens n'impriment tout etn'importe quoi avec leur ordinateur, consommant ainsi bien plus de papier qu'ilsne le faisaient avant."

Christian Vandendorpe est professeur à l'Université d'Ottawa et spécialiste desthéories de la lecture. Comment voit-il l'avenir de l'imprimé? "Le papier est unsupport remarquable: léger, économique, polyvalent, et dont les diversestextures en appellent non seulement au sens de la vue, mais aussi au toucher età l'odorat. Il a encore de beaux jours devant lui, surtout pour les ouvrages deluxe ou de prestige et que l'on voudra pouvoir manipuler et conserver pour leurvaleur en tant qu'objets. Le papier va aussi rester comme support pour destextes d'une certaine ampleur que l'on voudra pouvoir lire à loisir.L'impression sur demande va répondre à cette demande. En même temps, les textesdestinés à la lecture courante vont de plus en plus être appréhendés sur dessupports numériques. C'est déjà le cas pour le courrier électronique et lesactivités de lecture sur le web. Mais l'ordinateur n'est pas un support idéalpour la lecture, en raison de la position qu'il impose au lecteur. En outre, latechnologie de l'hypertexte encourage une lecture ergative, tournée versl'action et la recherche de réponses brèves et rapides plutôt que vers lalecture de fiction ou d'essais."

Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Universitéde Toronto: "J'imprime de moins en moins. Alors qu'il y a trois ans jedistribuais encore beaucoup de papier à mes étudiants, depuis quelque temps jemets tout sur le web et c'est à eux d'imprimer, s'ils le souhaitent! Je n'envoieplus de papier à mes correspondants; je leur écris par courriel et, si j'ai undocument à leur transmettre, je l'envoie en fichier attaché en format HTML. Jen'écris plus pour le papier mais uniquement pour le web. Je prends toujoursplaisir, quand même, à lire un roman relié ou un journal sur papier, bien que jeconsulte régulièrement la presse en ligne."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Dangereux de jouer aux prophètes! Le sortde l'imprimé dépendra peut-être plus de facteurs écolo-économiques que defacteurs humains ou sociaux. Que peut faire en général le goût ou l'habitudeface aux forces économiques? On peut constater que le coût du papier va enaugmentant, que le nombre d'arbres va en diminuant, que la pollution croît tousles jours, qu'un ordinateur utilise de moins en moins d'électricité avec chaquenouveau modèle. La fabrication du papier est-elle, sera-t-elle, plus ou moinspolluante et consommatrice de sources naturelles que la fabrication del'électricité?"

13.7. L'imprimé vu par les spécialistes du numérique

Denis Zwirn, PDG de Numilog, librairie en ligne de livres numériques: "Numilogen tant qu'entreprise utilise encore beaucoup le papier dans la mesure où nousscannons de nombreux livres pour les numériser, mais il s'agit là d'une activitéayant pour but de faire disparaître la nécessité du papier! A titre personnel,j'utilise encore beaucoup le papier dans la mesure où de nombreux documents nesont pas encore disponibles sous forme numérique, la presse hebdomadairenotamment… et les livres, puisque le volume de titres disponibles à ce jour enformat de lecture à l'écran est ridicule par rapport aux quelques 600.000 titresexistant en français. Pour écrire et envoyer du courrier ou des documents, parcontre, j'utilise très peu le papier: le couple traitement de texte / courrierélectronique en a fait disparaître quasiment totalement l'utilité."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Je pense sincèrement que l'usage dupapier devrait fortement régresser dans les dix à quinze ans qui viennent, grâceà toutes les techniques de rédaction, de lecture, et de communication numérique.Et cela aura un impact positif sur les forêts! Cela ne signifie pas qu'ildisparaîtra, notamment si on parvient à réaliser des hybrides papier /numérique, grâce à des techniques telles que l'encre électronique. Mais il sepeut dans ce cas qu'il soit concurrencé par d'autres types de matières souplesprésentant des qualités de robustesse et d'agrément tactile équivalente ousupérieure."

Olivier Pujol, PDG de la société Cytale et promoteur du Cybook, livreélectronique: "Les jours du papier ne sont pas comptés. Le support papier estparfaitement adapté à certains usages: la lecture numérique sur ordinateur n'estpas pratique, et ce pour de nombreuses raisons. Elle ne s'est d'ailleurs pasdéveloppée du tout depuis dix ans. Par ailleurs, le papier n'est pas seulementun support 'obligé'. C'est également un matériau noble, agréable, avec desqualités propres (toucher, odeur, flexibilité) qui font que son usage n'est enrien menacé (il s'impose même parfois dans des secteurs inattendus comme laconfection!). Le livre électronique, permettant la lecture numérique, neconcurrence pas le papier. C'est un complément de lecture, qui ouvre denouvelles perspectives pour la diffusion de l'écrit et des oeuvres mêlant le motet d'autres médias (image, son, image animée…). Les projections montrent unestabilité de l'usage du papier pour la lecture, mais une croissance del'industrie de l'édition, tirée par la lecture numérique, et le livreélectronique (de la même façon que la musique numérique a permis aux mélomanesd'accéder plus facilement à la musique, la lecture numérique supprime, pour lesjeunes générations commme pour les autres, beaucoup de freins à l'accès àl'écrit)."

Pierre Schweitzer, concepteur d'@folio, support numérique de lecture nomade,utilise-t-il encore beaucoup de documents imprimés? "Oui, encore trop. J'airenoncé au papier de mon agenda depuis le début de l'année (2001). Ça ne sepasse pas trop mal. L'organiseur de poche est un substitut du papier pour cequ'il y a de plus primitif dans l'écriture: tenir des listes. Efficace. JackGoody m'a fait voir ça cet été dans La raison graphique (éditions de Minuit,1978, ndlr), un bouquin écrit à la fin des années 70! Et puis j'aime bienemprunter mes livres en bibliothèque. Ça consomme aussi moins de papier! J'y lisvolontiers mes livres: les salles de lecture, leur silence, leur lumière sontdes havres de sérénité dans la fureur des villes. Avec le web et internet, lepronostic sur la consommation de papier est incertain. D'un côté, la logique duréseau et la dématérialisation des supports, e-mail, documents à jourexclusivement en ligne, leur accessibilité à distance, le déclin de lapaperasse, etc. Mais d'un autre côté, il y a le besoin trivial d'imprimer pourlire. Parce que la lecture s'accomode assez mal du nez collé sur un tubecathodique. Avec ou sans papier, l'évolution de la lecture est une choseremarquable avec internet. Même les radios et les télés qui s'installent sur leweb donnent des contenus à lire et des espaces pour écrire. L'air de rien, c'estune sacrée innovation."

Les jours du papier sont-ils comptés? "Fabriquer une encyclopédie nécessitait,il y a peu, des dizaines de kilos de papier, des kilos d'encre. Aujourd'hui, çatient sur une galette optique de 15 grammes et coûte environ 10 fois moins cherque l''ancien modèle' en papier. Un stick de mémoire flash (pour la photonumérique, du MP3 ou @folio) pèse 2 grammes et contient aujourd'hui jusqu'à 120millions de caractères, l'équivalent de 5 volumes Petit Robert, soit 10 kilos depapier environ… et contrairement au papier, le stick est réinscriptible àl'infini, c'est mieux qu'un palimpseste ;-) Mais il y a plus de papier dans lesecteur de l'emballage que dans celui de l'édition (journaux, livres) et ledéveloppement du e-commerce ne réduira pas les besoins d'emballage. L'atelierDesign de l'Ecole d'architecture de Strasbourg a produit l'an dernier un superbeprojet de mobilier urbain, un totem à l'échelle du quartier, hors gel, quifonctionne comme une poste automatique, ouverte 7 jours/7 et 24 heures/24, oùl'on vient retirer ses paquets, muni d'un code d'accès envoyé par e-mail."

14. LA MULTIPLICITE DES LANGUES: BARRIERE OU RICHESSE?

[Dans ce chapitre:]

[14.1. D'anglophone, l'internet est devenu multilingue // 14.2. Les impératifssont d'abord économiques // 14.3. L'anglais reste "la" langue internationaled'échange // 14.4. Qu'en est-il du français? // 14.5. Communication et échangesculturels // 14.6. Le réseau au service des langues minoritaires // 14.7. Desoutils pour passer d'une langue à l'autre]

14.1. D'anglophone, l'internet est devenu multilingue

A l'origine, les ordinateurs ne pouvaient "lire" que des systèmes d'écriturepouvant être traduits en ASCII (American standard code for informationinterchange), un standard minimal de 128 caractères alphanumériques utilisé pourles échanges d'information. Binaire, le code ASCII de chaque lettre est composéde sept bits (A=1000001, B=1000010, etc.). L'ASCII permet uniquement la lecturede l'anglais, à savoir 26 lettres sans accent, auxquelles s'ajoutent les signesde ponctuation, les symboles techniques, etc. Ce système de codage ne peut doncpas reconnaître les lettres avec accents présentes dans bon nombre de langueseuropéennes, et à plus forte raison les systèmes non alphabétiques (chinois,japonais, coréen, etc.).

Ceci ne pose pas de problème majeur tant que l'internet, anglophone à plus de90%, est utilisé essentiellement en Amérique du Nord. "L'internet a vraimentdécollé aux Etats-Unis à cause d'un concept révolutionnaire: une langue unique -l'anglais, explique Jacques Gauchey, journaliste dans la Silicon Valley. Lemouvement 'politically correct' pour l'enseignement obligatoiremulti-linguistique dans les écoles américaines et le respect des différentessous-cultures est un désastre pour l'avenir de ce pays (comme il l'est déjà enEurope). Aux individus de décider, chez eux, s'ils veulent apprendre une autrelangue." C'est aussi l'avis de Jacques Pataillot, conseiller en management àParis chez Cap Gemini Ernst & Young: "Peu de chances, à mon avis, de voir uninternet multilingue. Malheureusem*nt le poids de l'anglais est trop fort, et laduplication des textes/informations n'est pas réaliste."

Mais les temps ont changé, et désormais moins de la moitié des internauteshabite l'Amérique du Nord. Selon les statistiques de Global Reach (été 2001), lepourcentage d'internautes non anglophones est de 52,5% (47,5% pour lesanglophones) et continue régulièrement d'augmenter. Le pourcentage des Européensnon anglophones est de 28,9%, et celui des Asiatiques de 23,5%. Si lesanglophones d'Amérique du Nord restent le plus important groupe linguistique,leur nombre est désormais inférieur à celui des internautes européens etasiatiques, dont le nombre a été multiplié par sept depuis 1993.

Le multilinguisme devient donc essentiel. "Il est très important de pouvoircommuniquer en différentes langues", s'exclame Maria Victoria Marinetti,mexicaine, professeur d'espagnol dans des entreprises françaises et traductrice."Je dirais même que c'est obligatoire, car l'information donnée sur le net est àdestination du monde entier, alors pourquoi ne l'aurions-nous pas dans notrepropre langue ou dans la langue que nous souhaitons lire? Information mondiale,mais pas de vaste choix dans les langues, ce serait contradictoire, pas vrai?"

De l'avis de Guy Bertrand et Cynthia Delisle, du CEVEIL (Centre québécoisd'expertise et de veille inforoutes et langues, Québec), "le multilinguisme surinternet est la conséquence logique et naturelle de la diversité des populationshumaines. Dans la mesure où le web a d'abord été développé et utilisé auxEtats-Unis, il n'est guère étonnant que ce médium ait commencé par êtreessentiellement anglophone (et le demeure actuellement). Toutefois, cettesituation commence à se modifier (en mars 2000, ndlr) et le mouvement ira ens'amplifiant, à la fois parce que la plupart des nouveaux usagers du réseaun'auront pas l'anglais comme langue maternelle et parce que les communautés déjàprésentes sur le web accepteront de moins en moins la 'dictature' de la langueanglaise et voudront exploiter internet dans leur propre langue, au moinspartiellement. (…) L'arrivée de langues autres que l'anglais sur internet, sielle constitue un juste rééquilibre et un enrichissem*nt indéniable, renforceévidemment le besoin d'outils de traitement linguistique aptes à gérerefficacement cette situation, d'où la nécessité de poursuivre les travaux derecherche et les activités de veille dans des secteurs comme la traductionautomatique, la normalisation, le repérage de l'information, la condensationautomatique (résumés), etc."

Solution provisoire, les alphabets européens commencent d'abord par êtrereprésentés par des versions étendues de l'ASCII codées non plus sur sept maissur huit bits, afin de prendre en compte les caractères accentués. L'extensionpour le français est la norme ISO-Latin-1. Mais le passage de l'ASCII à l'ASCIIétendu devient vite un véritable casse-tête, y compris au sein de l'Unioneuropéenne, les problèmes étant entre autres la multiplication des systèmesd'encodage pour un ordinateur ou un serveur, la corruption des données dans lesétapes transitoires, l'incompatibilité des systèmes entre eux, les pages nepouvant être affichées que dans une seule langue à la fois, etc.

Une solution pourrait être l'Unicode. Apparu en 1998, ce système de codagetraduit chaque caractère en 16 bits, lisible quels que soient la plate-forme, lelogiciel et la langue utilisés. Alors que l'ASCII étendu à 8 bits pouvaitprendre en compte un maximum de 256 caractères, l'Unicode peut prendre en compteplus de 65.000 caractères uniques, et donc traiter informatiquement tous lessystèmes d'écriture de la planète. Il permet aussi la transmission de caractèrespar des logiciels de diverses provenances.

Mais, même avec l'Unicode, les problèmes restent nombreux, comme le souligne LucDall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écrituresmultimédias: "Les systèmes d'exploitation se dotent peu à peu des kits delangues et bientôt peut-être de polices de caractères Unicode à même dereprésenter toutes les langues du monde; reste que chaque application, dutraitement de texte au navigateur web, emboîte ce pas. Les difficultés sontimmenses: notre clavier avec ses ± 250 touches avoue ses manques dès lors qu'ilfaille saisir des Katakana ou Hiragana japonais, pire encore avec la languechinoise. La grande variété des systèmes d'écritures de par le monde et lenombre de leurs signes font barrage. Mais les écueils culturels ne sont pasmoins importants, liés aux codes et modalités de représentation propres à chaqueculture ou ethnie. L'anglais s'impose sans doute parce qu'il est devenu lalangue commerciale d'échange généralisée; il semble important que toutes leslangues puissent continuer à être représentées parce que chacune d'elle estporteuse d'une vision 'singulière' du monde."

Selon Patrick Rebollar, professeur de littérature française au Japon, "il s'agitd'abord d'un problème logiciel. Comme on le voit avec Netscape ou InternetExplorer, la possibilité d'affichage multilingue existe. La compatibilité entreces logiciels et les autres (de la suite Office de Microsoft, par exemple) n'estcependant pas acquise. L'adoption de la table Unicode devrait résoudre unegrande partie des problèmes, mais il faut pour cela réécrire la plupart deslogiciels, ce à quoi les producteurs de logiciels rechignent du fait de ladépense, pour une rentabilité qui n'est pas évidente car ces logicielsentièrement multilingues intéressent moins de clients que les logiciels denavigation."

Que préconise Olivier Gainon, créateur de CyLibris, maison d'édition littéraireen ligne? "Première étape: le respect des particularismes au niveau technique.Il faut que le réseau respecte les lettres accentuées, les lettres spécifiques,etc. Je crois très important que les futurs protocoles de transmissionpermettent une transmission parfaite de ces aspects - ce qui n'est pas forcémentsimple (dans les futures évolutions de l'HTML, ou des protocoles IP, etc.).Donc, il faut que chacun puisse se sentir à l'aise avec l'internet et que ce nesoit pas simplement réservé à des (plus ou moins) anglophones. Il est anormalaujourd'hui que la transmission d'accents puisse poser problème dans lescourriers électroniques. La première démarche me semble donc une démarchetechnique. Si on arrive à faire cela, le reste en découle: la représentation deslangues se fera en fonction du nombre de connectés, et il faudra envisager àterme des moteurs de recherche multilingues."

De l'avis d'Emmanuel Barthe, documentaliste juridique, "des signes récentslaissent penser qu'il suffit de laisser les langues telles qu'elles sontactuellement sur le web. En effet les langues autres que l'anglais sedéveloppent avec l'accroissem*nt du nombre de sites web nationaux s'adressantspécifiquement aux publics nationaux, afin de les attirer vers internet. Ilsuffit de regarder l'accroissem*nt du nombre de langues disponibles dans lesinterfaces des moteurs de recherche généralistes. Il serait néanmoins utile (etbénéfique pour un meilleur équilibre des langues) de disposer de logiciels detraduction automatique de meilleure qualité et à très bas prix sur internet. Larécente mise sur le web du GDT (Grand dictionnaire terminologique, rédigé parl'Office de la langue française du Québec) va dans ce sens."

Tôt ou tard, la répartition des langues sur le web correspondra-t-elle à leurrépartition sur la planète? Rien n'est moins sûr à l'heure de la "fracturenumérique" entre riches et pauvres, Nord et Sud, pays développés et pays endéveloppement. Selon Zina Tucsnak, ingénieur d'études à l'ATILF (Analyse ettraitements informatiques du lexique français), "le meilleur moyen seral'application d'une loi par laquelle on va attribuer un 'quota' à chaque langue.Mais n'est-ce pas une utopie de demander l'application d'une telle loi dans unesociété de consommation comme la nôtre?"

14.2. Les impératifs sont d'abord économiques

Les impératifs sont d'abord économiques, comme le souligne Paul Treanor, quigère une section sur l'avenir des langues en Europe. "La politique actuelle del'Union européenne prétend être neutre, mais en fait elle soutient ledéveloppement de l'anglais comme langue de contact pour communiquer. (…) Lemultilinguisme futur de l'internet est déterminé par les forces du marché. Aprésent il n'existe pas de volonté politique d'imposer le multilinguisme. Lefait d'avoir des informations dans plusieurs langues correspond à un intérêtcommercial, au moins pour l'Europe. Par contre, pour les différentes langues del'Afrique, il n'existe pas de potentiel économique."

De l'avis de Guy Bertrand, directeur scientifique du CEVEIL (Centre d'expertiseet de veille inforoutes et langues, Québec), "le commerce électroniqueinternational s'est beaucoup développé depuis 1998 et les vendeurs veulent deplus en plus communiquer dans les langues préférées par les acheteurs, ce quiaugmentera encore le caractère multilingue du web."

Basé à la fois à San Francisco et à Paris, Bill Dunlap est spécialiste dumarketing en ligne et du commerce électronique international. "Il y a très peud'Américains des Etats-Unis qui sont intéressés de communiquer dans plusieurslangues, explique-t-il. Pour la plupart, ils pensent encore que le monde entierparle anglais. Par contre, en Europe, les pays sont petit*, si bien que, depuisdes siècles, une perspective internationale est nécessaire." Dans cette optique,il a fondé Global Reach, une méthode permettant aux sociétés d'étendre leurprésence sur l'internet en leur donnant une audience internationale, grâce à latraduction de leur site web dans d'autres langues, la promotion active de leursite et l'accroissem*nt de la fréquentation locale par des campagnespromotionnelles.

"Depuis 1981, début de mon activité professionnelle, j'ai été impliqué dans lavenue de sociétés américaines en Europe, raconte-t-il. Ceci est pour beaucoup unproblème de langue, puisque leurs informations commerciales doivent êtredisponibles dans les langues européennes pour être prises en compte ici, enEurope. Comme le web est devenu populaire en 1995, j'ai donné à ces activitésune dimension 'en ligne', et j'en suis venu à promouvoir le cybercommerceeuropéen auprès de mes compatriotes américains. Promouvoir un site est aussiimportant que de le créer, sinon plus. On doit être préparé à utiliser au moinsautant de temps et d'argent à promouvoir son site qu'on en a passé à l'origine àle créer. Le programme Global Reach permet de promouvoir un site dans des paysnon anglophones, afin d'atteindre une clientèle plus large… et davantage deventes. Une société a de nombreuses bonnes raisons de considérer sérieusem*nt lemarché international. Global Reach est pour elle le moyen d'étendre son site webà de nombreux pays, de le présenter à des visiteurs en ligne dans leur proprelangue, et d'atteindre le réseau de commerce en ligne présent dans ces pays. Unefois que la page d'accueil d'un site est disponible en plusieurs langues,l'étape suivante est le développement du contenu dans chaque langue. Unwebmestre notera quelles langues attirent plus de visiteurs (et donc plus deventes) que d'autres. Ce seront donc dans ces langues que débutera une campagnede promotion multilingue sur le web. Parallèlement, il est toujours bon decontinuer à augmenter le nombre de langues dans lesquelles un site web estdisponible. Au début, seule la page d'accueil traduite en plusieurs languessuffit, mais ensuite il est souhaitable de développer un véritable secteur pourchaque langue."

Selon Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE(Organisation de coopération et de développement économiques), "il appartientaux organisations et sociétés européennes d'offrir des sites web si possible entrois ou quatre langues. A l'heure de la mondialisation et du commerceélectronique, les sociétés ont un marché potentiel sur plusieurs pays à la fois.Permettre aux francophones, germanophones ou japonais de consulter un site webaussi facilement que les anglophones donnera une plus grande compétitivité à unefirme donnée."

14.3. L'anglais reste "la" langue internationale d'échange

Malgré tout, si le nombre des utilisateurs non anglophones (52,5% en été 2001)dépasse maintenant celui des utilisateurs anglophones (47,5%), la proportion dessites web en anglais reste encore très élevée. State of the Internet 2000, uneétude menée par l'ITTA (International Technology and Trade Associates) pourl'USIC (United States Internet Council), donne le pourcentage de 78%, et de 96%pour les sites de commerce électronique.

"Cette suprématie n'est pas un mal en soi, dans la mesure où elle résulte deréalités essentiellement statistiques (plus de PC par habitant, plus delocuteurs de cette langue, etc.), explique Marcel Grangier, responsable de lasection française des services linguistiques centraux de l'Administrationfédérale suisse. La riposte n'est pas de 'lutter contre l'anglais' et encoremoins de s'en tenir à des jérémiades, mais de multiplier les sites en d'autreslangues. Notons qu'en qualité de service de traduction, nous préconisonségalement le multilinguisme des sites eux-mêmes. La multiplication des languesprésentes sur internet est inévitable, et ne peut que bénéficier aux échangesmulticulturels. Pour que ces échanges prennent place dans un environnementoptimal, il convient encore de développer les outils qui amélioreront lacompatibilité. La gestion complète des diacritiques ne constitue qu'un exemplede ce qui peut encore être entrepris."

Pierre François Gagnon, créateur d'Editel, maison d'édition francophone enligne: "Je pense que, si les diverses langues de la planète vont occuper chacunele net en proportion de leur poids démographique respectif, la nécessité d'unelangue véhiculaire unique se fera sentir comme jamais auparavant, ce qui ne feraqu'assurer davantage encore la suprématie planétaire de l'anglais, ne serait-ceque du fait qu'il a été adopté définitivement par l'Inde et la Chine. Or lamarche de l'histoire n'est pas plus comprimable dans le dé à coudre d'unequelconque équation mathématique que le marché des options en bourse!"

Christiane Jadelot, ingénieur d'études à l'INaLF (Institut national de la languefrançaise): "Personnellement je n'ai pas d'état d'âme par rapport à l'usage dela langue anglaise. On doit la prendre comme un banal outil de communication.Cela dit, les sites doivent proposer un accès par l'anglais et par la langue dupays d'origine." C'est ce que fait le SLAM (Syndicat de la librairie ancienne etmoderne). "Notre site internet est bilingue anglais-français, explique AlainMarchiset, son président. Bien entendu l'anglais semble incontournable, maisnous essayons aussi de maintenir le français autant que possible."

Ce biblinguisme est préconisé aussi par Anne-Bénédicte Joly, écrivain quiauto-édite ses livres: "Je crois que, par nature, la langue devra êtreuniverselle et l'anglais semble le mieux placé pour gagner cette bataille.Cependant, les auteurs francophones devront défendre la langue sur le net. Nouspourrions fort bien envisager, pour un livre écrit en français, de prévoir unsynopsis de type quatrième de couverture en deux langues: français et anglais.Ainsi les lecteurs étrangers prendront connaissance des grandes lignes du livreet sauront faire les efforts nécessaires pour le lire dans une langue étrangèreà la leur. S'agissant de littérature ou de belles lettres, il paraît réaliste dedéfendre un bastion linguistique."

"Pour des raisons pratiques, l'anglais continuera à dominer le web, écrit GuyAntoine, créateur de Windows on Haiti, site de référence sur la culturehaïtienne. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, en dépit dessentiments régionalistes qui s'y opposent, parce que nous avons besoin d'unelangue commune permettant de favoriser les communications à l'écheloninternational. Ceci dit, je ne partage pas l'idée pessimiste selon laquelle lesautres langues n'ont plus qu'à se soumettre à la langue dominante. Au contraire.Tout d'abord l'internet peut héberger des informations utiles sur les languesminoritaires, qui seraient autrement amenées à disparaître sans laisser detrace. De plus, à mon avis, l'internet incite les gens à apprendre les languesassociées aux cultures qui les intéressent. Ces personnes réalisent rapidementque la langue d'un peuple est un élément fondamental de sa culture."

14.4. Qu'en est-il du français?

"Je vois que l'internet va tuer la langue française et bien d'autres(suppression des accents, négligence due à la rapidité, etc.)", s'inquièteCatherine Domain, créatrice de la librairie Ulysse. Il n'empêche, nombreux sontceux qui oeuvrent pour le développement du français sur le web, et ce depuis lesdébuts du réseau. Pour Olivier Bogros, un de ceux-ci, la priorité est "quechacun s'efforce déjà de s'exprimer correctement dans sa langue". Dès juin 1996il crée la Bibliothèque électronique de Lisieux, une des premières bibliothèquesnumériques francophones en accès libre et gratuit. Dans sa chroniquehebdomadaire, présente sur le web depuis avril 1995, Jean-Pierre Cloutier,journaliste québécois, ne cesse de défendre la place du français sur le réseau.

Ces exemples ne sont que de deux exemples parmi tant d'autres. Les initiativesindividuelles et collectives ont fleuri, d'abord au Québec, ensuite en Europe etmaintenant en Afrique.

D'après Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieurede statistique et d'économie appliquée) d'Abidjan, "l'évolution vers un internetmultilingue ne peut être qu'une source réelle d'enrichissem*nt culturel etscientifique sur la toile. Pour nous les Africains francophones, le diktat del'anglais sur la toile représente pour la masse un double handicap d'accès auxressources du réseau. Il y a d'abord le problème de l'alphabétisation qui estloin d'être résolu et que l'internet va poser avec beaucoup plus d'acuité,ensuite se pose le problème de la maîtrise d'une seconde langue étrangère et sonadéquation à l'environnement culturel. En somme, à défaut de multilinguisme,l'internet va nous imposer une seconde colonisation linguistique avec toutes lescontraintes que cela suppose. Ce qui n'est pas rien quand on sait que nossystèmes éducatifs ont déjà beaucoup de mal à optimiser leurs performances enraison, selon certains spécialistes, des contraintes de l'utilisation dufrançais comme langue de formation de base. Il est donc de plus en plus questionde recourir aux langues vernaculaires pour les formations de base, pour'désenclaver' l'école en Afrique et l'impliquer au mieux dans la valorisationdes ressources humaines. Comment faire? Je pense qu'il n y a pas de chance pournous de faire prévaloir une quelconque exception culturelle sur la toile, ce quiserait de nature tout à fait grégaire. Il faut donc que les différents blocslinguistiques s'investissent beaucoup plus dans la promotion de leur accès à latoile, sans oublier leurs différentes spécificités internes."

Au Canada, pays bilingue, le Commissariat aux langues officielles a pour mandatde "faire reconnaître le statut du français et de l'anglais, les deux languesofficielles du Canada; faire respecter la loi sur les langues officielles ;fournir de l'information sur les services du Commissariat, les aspects de la loisur les langues officielles et son importance pour la société canadienne".Analyste de politiques, Alain Clavet travaille particulièrement sur lesquestions relatives à la dualité linguistique dans les domaines d'internet et dela radiodiffusion. Publié en août 1999, son rapport Le gouvernement du Canada etle français sur internet insiste sur la prépondérance de la langue anglaise"dans l'ensemble des réseaux électroniques, y compris sur internet. Il importedonc que la Commissaire veille à ce que le français prenne toute sa placeéquitable dans les échanges reposant sur ce nouveau mode de communication et depublication."

En mai 2001, Alain Clavet relate: "Le gouvernement du Canada a acceptél'ensemble des douze recommandations du rapport. Des investissem*nts importantsont été réalisés à cet égard cette année. Notamment 80 millions de dollars(canadiens, soit 62 millions d'euros, ndlr) pour la numérisation descollections, 30 millions (23,3 millions d'euros, ndlr) pour la constitution duMusée virtuel canadien et, le 2 mai 2001, l'annonce de 108 millionssupplémentaires (83,7 millions d'euros, ndlr) afin d'accroître les contenusculturels canadiens sur internet."

En France, si les efforts sont certains, il reste beaucoup à faire.

Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques etlittéraires: "Pour le français, il est certain que quand nous aurons atteint laproportion américaine de foyers connectés (50%), nous pourrons espérer une plusgrande représentativité sur le web. Pour l'instant, heureusem*nt qu'il y a lesQuébécois et les Belges pour maintenir la présence de la langue française. C'esttout de même un comble. Si je devais donner un conseil (mais conseiller qui,quel organisme?), je suggérerais de porter davantage d'attention à la qualitédes contenus. La France a de tous temps été un pays de culture et d'invention,d'imagination. Même dans les secteurs où nous n'avons pas été pionniers comme eninformatique, nous avons de belles réussites. Soyons aussi performants dansl'expression de la culture, dans la mise en valeur de notre patrimoine,historique, scientifique, littéraire, etc. Si nous pouvons mettre en ligne lesmultiples facettes de la richesse culturelle qui a fait notre civilisation, nuldoute que le tourisme internautique vers les contenus français serait amplifiéet la présence française plus opérante."

Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Puisque la France s'inscrit dansune tradition d'interventionnisme de la puissance publique (l'Etat, lescollectivités locales…) en matière de culture, nos institutions devraientfinancer des logiciels de traduction simultanée - ils seront opérants bientôt…-, et plus simplement, donner des aides à la traduction, et cela dans le cadred'une stratégie de développement de la francophonie. Les acteurs culturels surle web, par exemple, auraient plus de facilité pour présenter leur site enplusieurs langues. Les chiffres de septembre 2000 montrent que 51% desutilisateurs sont anglo-saxons, et 78% des sites aussi. Les chiffres de cetteprépondérance baissent à mesure qu'augmentent le nombre des internautes de parle monde… L'anglais va devenir la deuxième langue mondiale après la languenatale, mais il y aura d'autres. Un exemple: personnellement, à l'âge de 4 ans,je parlais trois langues alors que je ne savais ni lire ni écrire. Pour parlerune langue, il peut suffire d'avoir la chance de l'écouter. On peut espérer quele cosmopolitisme traverse toutes les classes sociales en raison, par exemple,de l'Union européenne, du nomadisme des travailleurs, de la facilité dedéplacement à l'étranger des étudiants, de la présence des chaînes TV et sitesétrangers, etc."

Blaise Rosnay, webmestre du site du Club des poètes: "Dans la mesure où laculture française, y compris contemporaine, pourra être diffusée sans obstacles,la langue française aura la possibilité de rester vivante sur le réseau. Sesoeuvres, liées au génie de notre langue, susciteront nécessairement de l'intérêtpuisqu'elles sont en prise avec l'évolution actuelle de l'esprit humain. Dans lamesure où il y aura une volonté d'utiliser l'internet comme moyen de partage dela connaissance, de la beauté, de la culture, toutes les langues, chacune avecleur génie propre, y auront leur place. Mais si l'internet, comme cela sembleêtre le cas, abandonne ces promesses pour devenir un lieu unique de transactionscommerciales, la seule langue qui y sera finalement parlée sera une sorte dejargon dénaturant la belle langue anglaise, je veux dire un anglais amoindri àl'usage des relations uniquement commerciales."

C'est aussi ce que pense Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique."La langue unique est à l'évidence un système totalitaire. Tout ce qui peutcontribuer à la diversité linguistique, sur internet comme ailleurs, estindispensable à la survie de la liberté de penser. Je n'exagère absolument pas:l'homme moderne joue là sa survie. Cela dit, je suis très pessimiste devantcette évolution. Les Anglo-saxons vous écrivent en anglais sans vergogne.L'immense majorité des Français constate avec une indifférence totale leremplacement progressif de leur langue par le mauvais anglais des marchands etdes publicitaires, et le reste du monde a parfaitement admis l'hégémonielinguistique des Anglo-saxons parce qu'ils n'ont pas d'autres horizons que deservir ces riches et puissants maîtres. La seule solution consisterait àrecourir à des législations internationales assez contraignantes pour obligerles gouvernements nationaux à respecter et à faire respecter la langue nationaledans leur propre pays (le français en France, le roumain en Roumanie, etc.),cela dans tous les domaines et pas seulement sur internet. Mais ne rêvonspas…"

Richard Chotin, professeur à l'ESA (Ecole supérieure des affaires) de Lille,rappelle non sans raison que la suprématie de l'anglais a succédé à celle dufrançais. "Le problème est politique et idéologique: c'est celui del''impérialisme' de la langue anglaise découlant de l'impérialisme américain. Ilsuffit d'ailleurs de se souvenir de l''impérialisme' du français aux 18e et 19esiècles pour comprendre la déficience en langues des étudiants français: quandon n'a pas besoin de faire des efforts pour se faire comprendre, on n'en faitpas, ce sont les autres qui les font."

De plus, la France n'est pas sans exercer pression pour imposer la suprématie dela langue française sur d'autres langues, comme on témoigne l'expérience de GuyAntoine, créateur du site Windows on Haiti, qui écrit en juin 2001: "J'ai faitde la promotion du kreyòl (créole) une cause personnelle, puisque cette langueest le principal lien unissant tous les Haïtiens, malgré l'attitude dédaigneused'une petite élite haïtienne - à l'influence disproportionnée - vis-à-vis del'adoption de normes pour l'écriture du kreyòl et le soutien de la publicationde livres et d'informations officielles dans cette langue. A titre d'exemple, ily avait récemment dans la capitale d'Haïti un salon du livre de deux semaines, àqui on avait donné le nom de 'Livres en folie'. Sur les 500 livres d'auteurshaïtiens qui étaient présentés lors du salon, il y en avait une vingtaine enkreyòl, ceci dans le cadre de la campagne insistante que mène la France pourcélébrer la francophonie dans ses anciennes colonies. A Haïti cela se passerelativement bien, mais au détriment direct de la créolophonie.

En réponse à l'attitude de cette minorité haïtienne, j'ai créé sur mon site webWindows on Haiti deux forums de discussion exclusivement en kreyòl. Le premierforum regroupe des discussions générales sur toutes sortes de sujets, mais enfait ces discussions concernent principalement les problèmes socio-politiquesqui agitent Haïti. Le deuxième forum est uniquement réservé aux débats sur lesnormes d'écriture du kreyòl. Ces débats sont assez animés et une certain nombred'experts linguistiques y participent. Le caractère exceptionnel de ces forumsest qu'ils ne sont pas académiques. Je n'ai trouvé nulle part ailleurs surl'internet un échange aussi spontané et aussi libre entre des experts et legrand public pour débattre dans une langue donnée des mérites et des normes dela même langue."

S'il est la langue officielle de 50 pays, le français est aussi la deuxièmelangue utilisée dans les organisations internationales, après l'anglais. Làaussi, malgré la pression anglophone, réelle ou supposée selon les cas, desfrancophones veillent à ce que le français ait la place qui lui revient, au mêmetitre que les autres grandes langues de communication que sont l'anglais,l'arabe, le chinois et l'espagnol, dans le respect de la diversité des peuples,des langues et des cultures. On souhaiterait pourtant moins de manifestations deprestige et davantage d'actions concrètes. "Concernant le français, il existe ungroupement de pays francophones dont des délégués se réunissent régulièrement",écrit Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" ducentre informatique de l'Université de Lausanne. "Le résultat de ces réunions nem'est jamais apparu clairement; l'économie réalisée en supprimant un ou deux deces raouts permettrait peut-être de financer un projet majeur et global pourdévelopper des traducteurs automatiques."

14.5. Communication et échanges culturels

Pour Bruno Didier, webmestre de la médiathèque de l'Institut Pasteur, "internetn'est une propriété ni nationale, ni linguistique. C'est un vecteur de culture,et le premier support de la culture, c'est la langue. Plus il y a de languesreprésentées dans leur diversité, plus il y aura de cultures sur internet. Je nepense pas qu'il faille justement céder à la tentation systématique de traduireses pages dans une langue plus ou moins universelle. Les échanges culturelspassent par la volonté de se mettre à la portée de celui vers qui on souhaitealler. Et cet effort passe par l'appréhension de sa langue. Bien entendu c'esttrès utopique comme propos. Concrètement, lorsque je fais de la veille, je pestedès que je rencontre des sites norvégiens ou brésiliens sans un minimumd'anglais."

Selon Alain Bron, consultant en systèmes d'information et écrivain, "il y auraencore pendant longtemps l'usage de langues différentes et tant mieux pour ledroit à la différence. Le risque est bien entendu l'envahissem*nt d'une langueau détriment des autres, donc l'aplanissem*nt culturel. Je pense que desservices en ligne vont petit à petit se créer pour pallier cette difficulté.Tout d'abord, des traducteurs pourront traduire et commenter des textes à lademande, et surtout les sites de grande fréquentation vont investir dans desversions en langues différentes, comme le fait l'industrie audiovisuelle."

Financé par la Commission européenne, ELSNET (European Network of Excellence inHuman Language Technologies) regroupe 135 universités et sociétés de 26 paysdifférents dont l'objectif commun est de construire des systèmes multilinguespour la parole et la langue naturelle. Son coordinateur, Steven Krauwer, estchercheur en linguistique computationnelle à l'Institut de linguistiqued'Utrecht (Pays-Bas). En septembre 1998, il écrit: "En tant que citoyeneuropéen, je pense que le multilinguisme sur le web est absolument essentiel. Amon avis, ce n'est pas une situation saine à long terme que seuls ceux qui ontune bonne maîtrise de l'anglais puissent pleinement exploiter les bénéfices duweb. En tant que chercheur (spécialisé dans la traduction automatique), je voisle multilinguisme comme un défi majeur: pouvoir garantir que l'information surle web soit accessible à tous, indépendamment des différences de langue."

En août 1999, il ajoute: "Je suis de plus en plus convaincu que nous devonsveiller à ne pas aborder le problème du multilinguisme en l'isolant du reste. Jereviens de France, où j'ai passé de très bonnes vacances d'été. Même si maconnaissance du français est sommaire (c'est le moins que l'on puisse dire), ilest surprenant de voir que je peux malgré tout communiquer sans problème encombinant ce français sommaire avec des gestes, des expressions du visage, desindices visuels, des schémas, etc. Je pense que le web (contrairement au systèmevieillot du courrier électronique textuel) peut permettre de combiner avecsuccès la transmission des informations par différents canaux (ou moyens), mêmesi ce processus n'est que partiellement satisfaisant pour chacun des canaux prisisolément."

A la même date, Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie,chronique hebdomadaire des actualités de l'internet, écrit: "L'internet estdevenu multiforme et exige de plus en plus des outils performants en raison del''enrichissem*nt' des contenus (ou plutôt des contenants, car sur le fond, lecontenu véritable, rien n'est enrichi sauf les entreprises qui les vendent). Ilfaut des systèmes costauds, bien pourvus en mémoire, avec des microprocesseurspuissants. Or, s'il y a développement du web non anglophone, il s'adressera pourune bonne part à des populations qui n'ont pas les moyens de se procurer dessystèmes puissants, les tous derniers logiciels et systèmes d'exploitation, etde renouveler et mettre à niveau tout ce bazar aux douze mois. En outre, lesinfrastructures de communication, dans bien des régions hors Europe ouÉtats-Unis, font cruellement défaut. Il y a donc problème de bande passante. Jele constate depuis le tout début des Chroniques. Des correspondants (Afrique,Asie, Antilles, Amérique du Sud, région Pacifique) me disent apprécier laformule d'abonnement par courrier électronique car elle leur permet enrécupérant un seul message de lire, de s'informer, de faire une présélection dessites qu'ils ou elles consulteront par la suite. Il faut pour eux, dans bien descas, optimiser les heures de consultation en raison des infrastructurestechniques plutôt faibles. C'est dans ces régions, non anglophones, que résidele développement du web. Il faut donc tenir compte des caractéristiquestechniques du médium si on veut rejoindre ces 'nouveaux' utilisateurs.

Je déplore aussi qu'il se fasse très peu de traductions des textes et essaisimportants qui sont publiés sur le web, tant de l'anglais vers d'autres languesque l'inverse. Je m'explique. Par exemple, Jon Katz publie une analyse duphénomène de la culture Goth qui imprégnait les auteurs du massacre deLittleton, et de l'expression Goth sur le web. La presse francophone tire unephrase ou deux de l'analyse de Katz, grapille quelques concepts, en fait unarticle et c'est tout. Mais c'est insuffisant pour comprendre Katz et saisir sespropos sur la culture de ces groupes de jeunes. De même, la nouveauté d'internetdans les régions où il se déploie présentement y suscite des réflexions qu'ilnous serait utile de lire. À quand la traduction des penseurs hispanophones etautres de la communication?"

Henri Slettenhaar est professeur en technologies de la communication à laWebster University de Genève. De nationalité hollandaise, il enseigne enanglais, et parle aussi couramment le français. Ses réponses sur trois ansmontrent combien les choses ont changé en matière de multilinguisme. En décembre1998, il écrit: "Je vois le multilinguisme comme un facteur fondamental. Lescommunautés locales présentes sur le web devraient en tout premier lieu utiliserleur langue pour diffuser des informations. Si elles veulent également présenterces informations à la communauté mondiale, celles-ci doient être aussidisponibles en anglais. Je pense qu'il existe un réel besoin de sitesbilingues." En août 1999, il ajoute: "A mon avis, il existe deux catégories surle web. La première est la recherche globale dans le domaine des affaires et del'information. Pour cela, la langue est d'abord l'anglais, avec des versionslocales si nécessaire. La seconde, ce sont les informations locales de tousordres dans les endroits les plus reculés. Si l'information est à destinationd'une ethnie ou d'un groupe linguistique, elle doit d'abord être dans la languede l'ethnie ou du groupe, avec peut-être un résumé en anglais. Nous avons vurécemment l'importance que pouvaient prendre ces sites locaux, par exemple auKosovo ou en Turquie, pour n'évoquer que les événements les plus récents. Lesgens ont pu obtenir des informations sur leurs proches grâce à ces sites." Enaoût 2000, il complète: "Le multilinguisme s'est beaucoup développé. De nombreuxsites de commerce électronique sont maintenant multilingues, et il existemaintenant des sociétés qui vendent des produits permettant la localisation dessites (adaptation des sites aux marchés nationaux, ndlr)."

Randy Hobler, consultant en marketing internet: "Comme l'internet n'a pas defrontières nationales, les internautes s'organisent selon d'autres critèrespropres au médium. En termes de multilinguisme, vous avez des communautésvirtuelles, par exemple ce que j'appelle les 'nations des langues', tous cesinternautes qu'on peut regrouper selon leur langue maternelle quel que soit leurlieu géographique. Ainsi la nation de la langue espagnole inclut non seulementles internautes d'Espagne et d'Amérique latine, mais aussi tous leshispanophones vivant aux Etats-Unis, ou encore ceux qui parlent espagnol auMaroc."

"L'internet incite les gens à apprendre les langues associées aux cultures quiles intéressent, écrit Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti. Cespersonnes réalisent rapidement que la langue d'un peuple est un élémentfondamental de sa culture." "Je pense que la bonne question est [moins celled'un internet multilingue que] celle d'un internet multiculturel", résumeFrançois Vadrot, PDG de FTPress.

14.6. Le réseau au service des langues minoritaires

Dès ses débuts, l'internet représente une chance pour les langues minoritaires."Nous croyons que le web devrait chercher, entre autres, à favoriser unrenforcement des cultures et des langues minoritaires, en particulier pour lescommunautés dispersées, écrivent en août 1998 Guy Bertrand et Cynthia Delisle,du CEVEIL (Centre dexpertise et de veille inforoutes et langues, Québec). Grâceà la tenacité de certains membres de ces communautés linguistiques minoritaires,c'est désormais le cas.

Guy Antoine, qui a créé Windows on Haiti, site de référence sur la culturehaïtienne, raconte: "A la fin d'avril 1998, j'ai créé un site internet dont leconcept est simple mais dont le but est ambitieux: d'une part être une sourced'information majeure sur la culture haïtienne, d'autre part contrer les imagescontinuellement négatives que les médias traditionnels donnent d'Haïti. Jevoulais aussi montrer la diversité de la culture haïtienne dans des domainestels que l'art, l'histoire, la cuisine, la musique, la littérature et lessouvenirs de la vie traditionnelle. Le site dispose d'un livre d'or regroupantles témoignages personnels des visiteurs sur leurs liens avec Haïti. Pourrésumer, il ouvre de nouvelles 'fenêtres' sur la culture haïtienne."

L'utilisation de l'internet a eu un impact considérable sur son activité. Ennovembre 1999, il écrit: "Le principal changement réside dans la multiplicité demes contacts avec les milieux culturels, universitaires et journalistiques, etavec des gens de toutes origines dans le monde entier. Grâce à quoi je suismaintenant bien plus au fait des ressources professionnelles existant de par lemonde dans ce domaine, et du réel engouement suscité à l'échelon internationalpar Haïti, sa culture, sa religion, sa politique et sa littérature. (…)L'internet peut héberger des informations utiles sur les langues minoritaires,qui seraient autrement amenées à disparaître sans laisser de trace. Depuis quej'ai ouvert mon site, il est devenu du jour au lendemain un lieu derassemblement de divers groupes et individus intéressés par la culturehaïtienne, ce qui m'amène à effectuer des tâches quasi-professionnellesconsistant à regrouper les informations, écrire des commentaires, rédiger destextes et diffuser la culture haïtienne. (…) Je vois mon avenir professionneldans le prolongement de ce que je fais à l'heure actuelle: utiliser latechnologie pour accroître les échanges interculturels. J'espère m'associer avecles bonnes personnes pour, au-delà de Haïti, avancer vers un idéal de fraternitédans notre monde."

La culture et la langue sont intimement liées. "Que sont les Haïtiens, parexemple, sans le kreyòl (créole pour les non initiés), une langue qui s'estdéveloppée et qui a permis de souder entre elles diverses tribus africainestransplantées à Haïti pendant la période de l'esclavage? Cette langue représentede manière la plus palpable l'unité de notre peuple. Elle est toutefoisprincipalement une langue parlée et non écrite. A mon avis, le web va changercet état de fait plus qu'aucun autre moyen traditionnel de diffusion d'unelangue. Dans Windows on Haiti, la langue principale est l'anglais, mais on ytrouve tout aussi bien un forum de discussion animé conduit en kreyòl. Il existeaussi des documents sur Haïti en français et dans l'ancien créole colonial, etje suis prêt à publier d'autres documents en espagnol et dans diverses langues.Je ne propose pas de traductions, mais le multilinguisme est effectif sur cesite, et je pense qu'il deviendra de plus en plus la norme sur le web."

En juin 2001, il ajoute: "Depuis notre dernier entretien, j'ai été nommédirecteur des communications et des relations stratégiques de Mason IntegratedTechnologies, une société qui a pour principal objectif de créer des outilspermettant la communication et l'accessibilité des documents créés dans deslangues minoritaires. Etant donné l'expérience de l'équipe en la matière, noustravaillons d'abord sur le créole haïtien (kreyòl), qui est la seule languenationale d'Haïti, et l'une des deux langues officielles, l'autre étant lefrançais. Cette langue ne peut guère être considérée comme une langueminoritaire dans les Caraïbes puisqu'elle est parlée par huit à dix millions depersonnes."

Autre expérience, celle de Caiomhín Ó Donnaíle, qui enseigne l'informatique enlangue gaélique à l'Université Sabhal Mór Ostaig, située sur l'île de Skye, enEcosse. Le site web de l'université, dont il est le webmestre, est aussi leprincipal site d'information en gaélique écossais, avec une section en anglaiset en gaélique sur les langues européennes minoritaires, classées par ordrealphabétique et par famille linguistique. "Le développement de l'internet amènele danger de la suprématie de l'anglais, écrit-il en janvier 2000. Toutefois, siles gens ont la ferme volonté d'accorder une place à d'autres langues,l'internet permettra de les aider dans cette démarche." En mai 2001, il insisteencore "sur le fait que, en ce qui concerne l'avenir des langues menacées,l'internet accélère les choses dans les deux sens. Si les gens ne se soucientpas de préserver les langues, l'internet et la mondialisation qui l'accompagneaccéléreront considérablement la disparition de ces langues. Si les gens sesoucient vraiment de les préserver, l'internet constituera une aideirremplaçable."

Par ailleurs, il souligne "une forte augmentation de l'utilisation destechnologies de l'information dans notre université: beaucoup plusd'ordinateurs, davantage de personnel spécialisé en informatique, des écransplats. Les étudiants font tout sur ordinateur, ils utilisent un correcteurd'orthographe en gaélique et une base terminologique en ligne en gaélique. Notresite web est beaucoup plus visité. On utilise davantage l'audio. Il estmaintenant possible d'écouter la radio en gaélique (écossais et irlandais) encontinu sur l'internet partout dans le monde. Une réalisation particulièrementimportante a été la traduction en gaélique du logiciel de navigation Opera.C'est la première fois qu'un logiciel de cette taille est disponible engaélique."

Robert Beard, co-fondateur de yourDictionary.com, portail de référence pour leslangues, relate: "Si l'anglais domine encore le web, on voit s'accentuer ledéveloppement de sites monolingues et non anglophones du fait des solutionsvariées apportées aux problèmes de caractères. Les langues menacées sontessentiellement des langues non écrites (un tiers seulement des 6.000 languesexistant dans le monde sont à la fois écrites et parlées). Je ne pense pourtantpas que le web va contribuer à la perte de l'identité des langues et j'ai mêmele sentiment que, à long terme, il va renforcer cette identité. Par exemple, deplus en plus d'Indiens d'Amérique contactent des linguistes pour leur demanderd'écrire la grammaire de leur langue et de les aider à élaborer desdictionnaires. Pour eux, le web est un instrument à la fois accessible et trèsprécieux d'expression culturelle."

C'est aussi l'opinion d'Olivier Pujol, PDG de Cytale et promoteur du Cybook,livre électronique: "Par sa nature ouverte, le web est déjà aujourd'hui lemeilleur outil de propagation et donc de préservation de langues qui, sans leweb, pourraient être menacées d'extinction. La seule solution pour qu'une langueaccroisse sa présence sur le web est que ses promoteurs aient vraiment envie dese bouger! Il faut se souvenir que l'imprimerie avait été accusée de sonner leglas de toutes les langues autres que le latin! La réalité a été quel'imprimerie, en permettant à toutes les langues de se transmettre plusfacilement, a provoqué la mort du latin."

14.7. Des outils pour passer d'une langue à l'autre

Jean-Pierre Balpe est directeur du département hypermédias de l'Université Paris8. A la question: "Quelles sont vos suggestions pour un véritable multilinguismesur le web?", qui avait son intérêt en 1998 mais qu'il n'est peut-être plusutile de poser en 2001, il rétorque: "Ah bon! Ce n'est pas multilingue? Jecroyais pourtant car il m'arrive de naviguer en italien, français, espagnol,arabe, chinois, flamand, etc. Voulez-vous dire francophone pour multilingue? (Laréponse est non, ndlr.) Si c'est l'anglais que vous visez, internet ne fait quereproduire sa situation de langue internationale d'échange. Est-ce à dire qu'iln'en faudrait pas? Je n'en suis pas si sûr."

Il est vrai que le multilinguisme progresse à pas de géant et que toutes leslangues sont désormais représentées sur le web. Les progrès sont énormes depuis1998. Mais nombreux sont ceux qui sont unilingues, et ceci vaut pour toutes lescommunautés linguistiques. Miriam Mellman, qui habite San Francisco, ne parleque l'anglais. "Internet est planétaire, il est donc important qu'il soitmultilingue, déclare-t-elle. Ce serait formidable que des gens paresseux commemoi puissent disposer de programmes de traduction instantanée. Même si je décided'apprendre une autre langue que l'anglais, il en existe bien d'autres, et cecirendrait la communication plus facile. Je ne sais pas si un tel programme esttechniquement possible, mais il serait très pratique."

La demande ne vient pas seulement des unilingues, mais aussi de ceux qui parlentdeux ou plusieurs langues. Le numérique en général et le web en particulier leurouvrent à tous des perspectives sans précédent, et ils aimeraient bénéficier decette manne multilingue en ayant accès aux langues qu'ils ne connaissent pas."Je suis de langue française, raconte Gérard Fourestier, créateur de Rubriques àBac. J'ai appris l'allemand, l'anglais, l'arabe, mais je suis encore loin ducompte quand je surfe dans tous les coins de la planète. Il serait dommage queles plus nombreux ou les plus puissants soient les seuls qui 's'affichent' et,pour ce qui est des logiciels de traduction, il y a encore largement à faire."

Chercheur en traduction automatique et coordinateur d'ELSNET (European Networkof Excellence in Human Language Technologies), Steven Krauwer suggère lessolutions suivantes: "en ce qui concerne l'auteur, une meilleure formation desauteurs de sites web pour exploiter les combinaisons de modalités possibles afind'améliorer la communication par-delà les barrières des langues (et passeulement par un vernis superficiel); en ce qui concerne l'usager, des logicielsde traduction de type AltaVista Translation, dont la qualité n'est pasfrappante, mais qui a le mérite d'exister; en ce qui concerne le navigateur, deslogiciels de traduction intégrée, particulièrement pour les langues nondominantes, et des dictionnaires intégrés plus rapides."

Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écrituresmultimédias: "La traduction simultanée (proposée par AltaVista par exemple) oules versions multilingues d'un même contenu me semblent aujourd'hui lesmeilleures réponses au danger de pensée unique que représenterait une seulelangue d'échange. Peut-être appartient-il aux éditeurs des systèmesd'exploitation (ou de navigateurs?) de proposer des solutions de traductionpartielle, avec toutes les limites connues des systèmes automatiques detraduction…"

Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" du centreinformatique de l'Université de Lausanne: "La seule solution que je vois seraitqu'un effort majeur et global soit entrepris pour développer des traducteursautomatiques. Je ne pense pas qu'une quelconque incitation ou autre quotapourrait empêcher la domination totale de l'anglais. Cet effort pourrait - etdevrait - être initié au niveau des états, et disposer des moyens suffisantspour aboutir."

Les logiciels de traduction automatique ne sont pas encore satisfaisants (voir15), et la gestion de sites web multilingues demande beaucoup d'argent. La seulesolution à court terme semble résider dans le développement des moteurs derecherche multilingues.

Il importe aussi d'avoir à l'esprit l'ensemble des langues et pas seulement leslangues dominantes, comme le souligne Pierre-Noël Favennec, expert à ladirection scientifique de France Télécom R&D: "Les recherches sur la traductionautomatique devraient permettre une traduction automatique dans les languessouhaitées, mais avec des applications pour toutes les langues et non les seulesdominantes (ex: diffusion de documents en japonais, si l'émetteur est de languejaponaise, et lecture en breton, si le récepteur est de langue bretonne…). Ily a donc beaucoup de travaux à faire dans la direction de la traductionautomatique et écrite de toutes les langues."

Mais ces logiciels sont-ils une solution? Nicolas Pewny, fondateur des éditionsdu Choucas, rappelle que "chaque langue possède son génie propre. La difficulté,c'est de ne pas le perdre en route". C'est aussi l'avis de Guy Antoine, créateurdu site Windows on Haiti: "Je n'ai pas grande confiance dans les outils detraduction automatique qui, s'ils traduisent les mots et les expressions, nepeuvent guère traduire l'âme d'un peuple."

Ces logiciels ne seront eux-mêmes qu'une étape. L'étape suivante devrait être latraduction instantanée. Alex Andrachmes, producteur audiovisuel et écrivain,attend "les fameuses traductions simultanées en direct-live… On nous lesannonce avec les nouveaux processeurs ultra-puissants, mais on nous lesannonçait déjà pour cette génération-ci de processeurs. Alors, le genre:vous/réservé/avion/de le/november 17-2000… Non merci. Plus tard peut-être."

"Quand la qualité des logiciels sera suffisante pour que les gens puissentdiscuter sur le web en temps réel dans différentes langues, nous verrons tout unmonde s'ouvrir à nous, écrit Tim McKenna, écrivain et philosophe. Lesscientifiques, les hommes politiques, les hommes d'affaires et bien d'autresgroupes seront à même de communiquer immédiatement entre eux sansl'intermédiaire de médiateurs ou traducteurs."

"Peut-on réellement penser que toute la population du monde va communiquer danstous les sens?, se demande François Vadrot, PDG de FTPress. Peut-être? Via dessystèmes de traduction instantanée, par écrit ou par oral? J'ai du mal àimaginer qu'on verra de sitôt des outils capables de translater les subtilitésdes modes de pensée propres à un pays: il faudrait pour lors traduire, non plusdu langage, mais établir des passerelles de sensibilité."

Pour conclure, laissons la parole à Michel Benoît, écrivain: "Lorsqu'un problèmeaffecte une structure, quelle qu'elle soit, j'ai toujours tendance à imaginerque c'est techniquement que le problème trouve sa solution. Vous connaissezcette théorie? Si les Romains avaient trouvé le moyen d'enlever le plomb de leurcouvert d'étain, Néron ne serait jamais devenu fou et n'aurait jamais incendiéRome. Escusi, farfelu? Peut-être que oui, peut-être que non. E que save?L'internet multilingue? Demain, ou après demain au plus. Voyons, pensez aupremier ordinateur, il y a de cela un peu plus que cinquante ans. Un étage aucomplet pour faire à peine plus que les quatre opérations de base. Dans cetemps-là, un bug, c'était véritablement une mouche - ou autre insecte - quis'insérait entre les lecteurs optiques. De nos jours, un carte de 3 cm x 5 cmfait la même chose. La traduction instantanée: demain, après-demain au plus."

15. LA TRADUCTION AUTOMATIQUE

[Dans ce chapitre:]

[15.1. Définition et historique // 15.2. Une qualité médiocre, puis des progrèssensibles]

Comme on l'a vu dans le chapitre précédent, si la traduction automatique offredéjà de réels services, on en en attend bien davantage. Voici le point sur lesujet, ainsi que le point de vue de spécialistes travaillant sur les logiciels àvenir.

15.1. Définition et historique

La traduction automatique (TA) est un outil pratique, mais elle ne remplace paset n'est pas destinée à remplacer le professionnel qui traduit. L'être humainn'intervient pas au cours du processus, contrairement à la traduction assistéepar ordinateur (TAO), qui exige une certaine interaction entre l'homme et lamachine.

Un logiciel de traduction automatique analyse le texte dans la langue source(texte à traduire) et génère automatiquement le texte correspondant dans lalangue cible (texte traduit), en utilisant des règles précises pour le transfertde la structure grammaticale. "Il existe aujourd'hui un certain nombre desystèmes produisant un résultat qui, s'il n'est pas parfait, est de qualitésuffisante pour être utile dans certaines applications spécifiques, en généraldans le domaine de la documentation technique, lit-on sur le site de l'EAMT(European Association for Machine Translation). De plus, les logiciels detraduction, qui sont essentiellement destinés à aider le traducteur humain àproduire des traductions, jouissent d'une popularité croissante auprès desorganismes professionnels de traduction."

Voici un résumé des informations que donnait le site web de Globalink, disparudepuis, la société ayant été rachetée par Lernout & Hauspie en 1999.

Dès leurs débuts, la traduction automatique et le traitement de la languenaturelle progressent de pair avec l'évolution de l'informatique quantitative.Pendant la seconde guerre mondiale, le développement des premiers ordinateursprogrammables bénéficie des progrès de la cryptographie et des efforts faitspour tenter de fissurer les codes secrets allemands et autres codes de guerre.Suite à la guerre, la traduction et l'analyse du texte en langue naturelleprocurent une base de travail au secteur émergent des technologies del'information.

Dans les années 50, la recherche porte sur la traduction littérale, à savoir latraduction mot à mot sans prise en compte des règles linguistiques. Le projetrusse débuté à l'Université de Georgetown en 1950 représente la premièretentative systématique visant à créer un système de traduction automatiqueutilisable. Des recherches sont également menées en Europe et aux Etats-Unistout au long des années 50 et au début des années 60. Au même moment, lesprogrès rapides en linguistique théorique culminent en 1965 avec la publicationde Aspects of the Theory and Syntax de Noam Chomsky, qui propose une nouvelledéfinition de la phonologie, de la morphologie, de la syntaxe et de lasémantique du langage humain.

En 1966, aux Etats-Unis, le rapport ALPAC fait une estimation prématurémentnégative de la valeur des systèmes de traduction automatique, et desperspectives offertes par ceux-ci, mettant fin au financement et àl'expérimentation dans ce domaine pour la décennie suivante. C'est seulement àla fin des années 70 que des tentatives sérieuses sont à nouveau entreprises,parallèlement aux progrès de l'informatique et des technologies des langues.Cette période voit aussi le développement de systèmes de transfert etl'émergence des premières tentatives commerciales. Des sociétés comme Systran etMetal sont persuadées que la traduction automatique est un marché viable etutile. Elles mettent sur pied des produits et services de traduction automatiquereliés à un serveur central. Mais les problèmes sont nombreux: des coûts élevésde développement, une lexicographie demandant un énorme travail, des difficultéspour proposer de nouvelles combinaisons de langues, l'inaccessibilité de telssystèmes pour l'utilisateur moyen, et enfin la difficulté de passer à denouveaux stades de développement.

15.2. Une qualité médiocre, puis des progrès sensibles

Le dernier en date des logiciels de traduction automatique est celui d'IBM, leWebSphere Translation Server. Le logiciel est capable de traduire instantanémenten plusieurs langues des pages web, des courriers électroniques et des dialoguesen direct (chats). Il interprète 500 mots à la seconde et permet d'ajouter desvocabulaires spécifiques (finance, sciences, etc.). Les fournisseurs de servicesen ligne et les entreprises peuvent proposer en espagnol, en allemand, enfrançais et en italien leurs textes rédigés en anglais, et vice-versa. Lesdocuments en anglais peuvent également être traduits en chinois, en japonais eten coréen, mais l'inverse est impossible. Testé notamment par la Deutsche Bank,le logiciel est commercialisé en mars 2001 pour 10.000 $US (10.500 euros)."Jusqu'à présent, l'industrie de la traduction automatique n'était constituéeque de quelques sociétés et ne possédait pas de leader clairement établi.L'entrée d'IBM sur ce marché représente un tournant majeur et permettrad'accélérer l'adoption de la traduction par ordinateur, un marché estimé à 378millions de dollars (397 millions d'euros, ndlr) à l'horizon 2003", déclare dansun communiqué (cité par l'AFP) Steve McClure, vice-président du Speech andNatural Language Software, une des branches du cabinet de conseil InternationalData Corporation.

Il n'empêche, les "quelques sociétés" concurrentes d'IBM ont de nombreusesréalisations à leur actif. Softissimo, éditeur de logiciels de traductionautomatique et d'apprentissage des langues, est la société créatrice de Reverso,une série de logiciels de traduction. La société est également l'auteur deproduits d'écriture multilingue, de dictionnaires électroniques, d'aide à larédaction et de méthodes de langues. Reverso équipe notamment Voilà, le moteurde recherche de France Télécom. Systran (acronyme de : System Translation) estspécialisé dans la technologie et les logiciels de traduction automatique. Sonlogiciel est utilisé notamment dans AltaVista World, le service de traductionautomatique d'AltaVista. Alis Technologies propose des technologies et desservices de consultation en matière de communication linguistique. Lernout &Hauspie (L&H) est le leader mondial des technologies de reconnaissance vocale.La société propose des produits et services en matière de dictée, traduction,compression vocale, synthèse vocale et documentation industrielle automatiques,et ce pour le grand public, les professionnels et les industriels.

Des équipes de recherche sont également très actives. En voici quelques-unes.Financé par le programme HLT (Human Language Technologies) de la Communautéeuropéenne, ELSNET (European Network of Excellence in Human LanguageTechnologies) regroupe 135 universités et sociétés de 26 pays différentsspécialisées dans les technologies de la langue et de la parole. Au sein duLaboratoire CLIPS (Communication langagière et interaction personne-système) del'Institut d'informatique et mathématiques appliquées (IMAG) de Grenoble, leGETA (Groupe d'étude pour la traduction automatique) est une équipepluridisciplinaire formée d'informaticiens et de linguistes. Ses thèmes derecherche concernent tous les aspects théoriques, méthodologiques et pratiquesde la traduction assistée par ordinateur (TAO), et plus généralement del'informatique multilingue. Le GETA participe à l'Universal Networking LanguageProgramme (UNLP), un projet de "métalangage numérique" pour l'encodage, lestockage, la recherche et la communication d'informations multilinguesindépendamment d'une langue source - et donc d'un système de pensée - donnée. Ceprojet est mené sous l'égide de l'Université des Nations unies (UNU, Tokyo).Dans le cadre de l'Institut des sciences de l'information (ISI) de l'Universitéde Californie du Sud (USC), le Natural Language Group traite de plusieursaspects du traitement de la langue naturelle: traduction automatique, résuméautomatique de texte, accès multilingue aux verbes et gestion du texte,développement de taxonomies de concepts (ontologies), discours et génération detexte, élaboration d'importants lexiques pour plusieurs langues, etcommunication multimédias.

Recueillis sur trois ans (1998, 1999, 2000), les propos d'Eduard Hovy, directeurdu Natural Language Group, sont éclairants sur les progrès récents de latraduction automatique.

Ses commentaires en août 1998: "Dans le contexte de la recherche documentaire etdu résumé automatique de texte, le multilinguisme sur le web est un facteur quiajoute à la complexité du sujet. Les gens écrivent dans leur propre langue pourdiverses raisons: commodité, discrétion, communication à l'échelon local, maisceci ne signifie pas que d'autres personnes ne soient pas intéressées de lire cequ'ils ont à dire! Ceci est particulièrement vrai pour les sociétés impliquéesdans la veille technologique (disons une société informatique qui souhaiteconnaître tous les articles de journaux et périodiques japonais relatifs à sonactivité) et des services de renseignements gouvernementaux ceux qui procurentl'information la plus récente, utilisée ensuite par les fonctionnaires pourdécider de la politique, etc.). Un des principaux problèmes auquel ces servicesdoivent faire face est la très grande quantité d'informations. Ils recrutentdonc du personnel bilingue 'passif' qui peut scanner rapidement les textes afinde mettre de côté ce qui est sans intérêt et de donner ensuite les documentssignificatifs à des traducteurs professionnels. Manifestement, une combinaisonde résumé automatique de texte et de traduction automatique sera très utile dansce cas. Comme la traduction automatique est longue, on peut d'abord résumer letexte dans la langue étrangère, puis effectuer une traduction automatique rapideà partir du résultat obtenu, en laissant à un être humain ou un classificateurde texte (du type recherche documentaire) le soin de décider si on doit garderl'article ou le rejeter.

Pour ces raisons, durant ces cinq dernières années, le gouvernement desEtats-Unis a financé des recherches en traduction automatique, en résuméautomatique de texte et en recherche documentaire, et il s'intéresse aulancement d'un nouveau programme de recherche en informatique documentairemultilingue. On sera ainsi capable d'ouvrir un navigateur tel que Netscape ouExplorer, entrer une demande en anglais, et obtenir la liste des documents danstoutes les langues. Ces documents seront regroupés par sous-catégorie avec unrésumé pour chacun et une traduction pour les résumés étrangers, toutes chosesqui seraient très utiles.

En consultant MuST (multilingual information retrieval, summarization, andtranslation system), vous aurez une démonstration de notre version de ceprogramme de recherche, qui utilise l'anglais comme langue de l'utilisateur surun ensemble d'environ 5.000 textes en anglais, japonais, arabe, espagnol etindonésien. Entrez votre demande (par exemple, 'baby', ou tout autre terme) etappuyez sur la touche Retour. Dans la fenêtre du milieu vous verrez les titres(ou bien les mots-clés, traduits). Sur la gauche vous verrez la langue de cesdocuments: 'Sp' pour espagnol, 'Id' pour indonésien, etc. Cliquez sur le numérositué sur la partie gauche de chaque ligne pour voir le document dans la fenêtredu bas. Cliquez sur 'Summarize' pour obtenir le résumé. Cliquez sur 'Translate'pour obtenir la traduction (attention, les traductions en arabe et en japonaissont extrêmement lentes! Essayez plutôt l'indonésien pour une traduction rapidemot à mot). Ce programme de démonstration n'est pas (encore) un produit. Nousavons de nombreuses recherches à mener pour améliorer la qualité de chaqueétape. Mais ceci montre la direction dans laquelle nous allons."

Ses commentaires en août 1999: "Durant les douze derniers mois, j'ai étécontacté par un nombre surprenant de nouvelles sociétés et start-up entechnologies de l'information. La plupart d'entre elles ont l'intention d'offrirdes services liés au commerce électronique (vente en ligne, échange, collected'information, etc.). Etant donné les faibles résultats des technologiesactuelles du traitement de la langue naturelle - ailleurs que dans les centresde recherche - c'est assez surprenant. Quand avez-vous pour la dernière foistrouvé rapidement une réponse correcte à une question posée sur le web, sansavoir eu à passer en revue pendant un certain temps des informations n'ayantrien à voir avec votre question? Cependant, à mon avis, tout le monde sent queles nouveaux développements en résumé automatique de texte, analyse desquestions, etc., vont, je l'espère, permettre des progrès significatifs. Maisnous ne sommes pas encore arrivés à ce stade.

Il me semble qu'il ne s'agira pas d'un changement considérable, mais que nousarriverons à des résultats acceptables, et que l'amélioration se fera ensuitelentement et sûrement. Ceci s'explique par le fait qu'il est très difficile defaire en sorte que votre ordinateur 'comprenne' réellement ce que vous voulezdire - ce qui nécessite de notre part la construction informatique d'un réseaude 'concepts' et des relations de ces concepts entre eux - réseau qui, jusqu'àun certain stade au moins, reflèterait celui de l'esprit humain, au moins dansles domaines d'intérêt pouvant être regroupés par sujets. Le mot pris à la'surface' n'est pas suffisant - par exemple quand vous tapez: 'capitale de laSuisse', les systèmes actuels n'ont aucun moyen de savoir si vous songez à'capitale administrative' ou 'capitale financière'. Dans leur grande majorité,les gens préféreraient pourtant un type de recherche basé sur une expressiondonnée, ou sur une question donnée formulée en langage courant.

Plusieurs programmes de recherche sont en train d'élaborer de vastes réseaux de'concepts', ou d'en proposer l'élaboration. Ceci ne peut se faire en deux ans,et ne peut amener rapidement un résultat satisfaisant. Nous devons développer àla fois le réseau et les techniques pour construire ces réseaux de manièresemi-automatique, avec un système d'auto-adaptation. Nous sommes face à un défimajeur."

Ses commentaires en septembre 2000: "Je vois de plus en plus de petites sociétésutiliser d'une manière ou d'une autre les technologies liées aux langues, pourprocurer des recherches, des traductions, des rapports ou d'autres servicespermettant de communiquer. Le nombre de créneaux dans lesquels ces technologiespeuvent être utilisées continue de me surprendre, et cela va des rapportsfinanciers et leurs mises à jour aux communications d'une société à l'autre enpassant par le marketing.

En ce qui concerne la recherche, la principale avancée que je vois est due àKevin Knight, un collègue de l'ISI (Institut des sciences de l'information del'Université de Californie du Sud, ndlr), ce dont je suis très honoré. L'étédernier, une équipe de chercheurs et d'étudiants de l'Université Johns Hopkins(Maryland) a développé une version à la fois meilleure et plus rapide d'uneméthode développée à l'origine par IBM (et dont IBM reste propriétaire) il y adouze ans environ. Cette méthode permet de créer automatiquement un système detraduction automatique, dans la mesure où on lui fournit un volume suffisant detexte bilingue. Tout d'abord la méthode trouve toutes les correspondances entreles mots et la position des mots d'une langue à l'autre, et ensuite elleconstruit des tableaux très complets de règles entre le texte et sa traduction,et les expressions correspondantes.

Bien que la qualité du résultat soit encore loin d'être satisfaisante - personnene pourrait considérer qu'il s'agit d'un produit fini, et personne ne pourraitutiliser le résultat tel quel - l'équipe a créé en vingt-quatre heures unsystème (élémentaire) de traduction automatique du chinois vers l'anglais. Ceciconstitue un exploit phénoménal, qui n'avait jamais été réalisé avant. Lesdétracteurs du projet peuvent bien sûr dire qu'on a besoin dans ce cas de troismillions de phrases disponibles dans chaque langue, et qu'on ne peut se procurerune quantité pareille que dans les parlements du Canada, de Hong-Kong oud'autres pays bilingues. Ils peuvent bien sûr arguer également de la faiblequalité du résultat. Mais le fait est que, tous les jours, on met en ligne destextes bilingues au contenu à peu près équivalent, et que la qualité de cetteméthode va continuer de s'améliorer pour atteindre au moins celle des logicielsde traduction automatique actuels, qui sont conçus manuellement. J'en suisabsolument certain.

D'autres développements sont moins spectaculaires. On observe une améliorationconstante des résultats dans les systèmes pouvant décider de la traductionopportune d'un terme (hom*onyme) qui a des significations différentes (parexemple père, pair et père, ndlr). On travaille beaucoup aussi sur la recherched'information par recoupement de langues (qui vous permettront bientôt detrouver sur le web des documents en chinois et en français même si vous tapezvos questions en anglais). On voit également un développement rapide dessystèmes qui répondent automatiquement à des questions simples (un peu comme lepopulaire AskJeeves utilisé sur le web, mais avec une gestion par ordinateur etnon par des êtres humains). Ces systèmes renvoient à un grand volume de textepermettant de trouver des 'factiodes' (et non des opinions ou des motifs ou deschaînes d'événements) en réponse à des questions telles que: 'Quelle est lacapitale de l'Ouganda?', ou bien: 'Quel âge a le président Clinton?', ou bien:'Qui a inventé le procédé Xerox?', et leurs résultats obtenus sont plutôtmeilleurs que ce à quoi je m'attendais."

L'étape suivante est définie par Randy Hobler, consultant en marketing internet:"Nous arriverons rapidement au point où une traduction très fidèle du texte etde la parole sera si commune qu'elle pourra faire partie des plate-formes oumême des puces, écrit-il. A ce point, quand le développement de l'internet auraatteint sa vitesse de croisière, que la fidélité de la traduction atteindra plusde 98% et que les différentes combinaisons de langues possibles auront couvertla grande majorité du marché, la transparence de la langue (toute communicationd'une langue à une autre) sera une vision trop restrictive pour ceux qui vendentcette technologie. Le développement suivant sera la 'transparencetransculturelle et transnationale' dans laquelle les autres aspects de lacommunication humaine, du commerce et des transactions au-delà du seul langageentreront en scène. Par exemple, les gestes ont un sens, les mouvements faciauxont un sens, et ceci varie en fonction des sociétés. La lettre O réalisée avecle pouce et l'index signifie 'OK' aux Etats-Unis alors qu'en Argentine c'est ungeste obscène.

Quand se produira l'inévitable développement de la vidéoconférence multilinguemultimédias, il sera nécessaire de corriger visuellement les gestes. Le MediaLabdu MIT (Massachussets Institute of Technology), Microsoft et bien d'autrestravaillent à la reconnaissance informatique des expressions faciales,l'identification des caractéristiques biométriques par le biais du visage, etc.Il ne servira à rien à un homme d'affaires américain de faire une excellenteprésentation à un Argentin lors d'une vidéoconférence multilingue sur le web,avec son discours traduit dans un espagnol argentin parfait, s'il fait en mêmetemps le geste O avec le pouce et l'index. Les ordinateurs pourront intercepterces types de messages et les corriger visuellement.

Les cultures diffèrent de milliers de façons, et la plupart d'entre ellespeuvent être modifiées par voie informatique lorsqu'on passe de l'une à l'autre.Ceci inclut les lois, les coutumes, les habitudes de travail, l'éthique, lechange monétaire, les différences de taille dans les vêtements, les différencesentre le système métrique et le système de mesure anglophone, etc. Les sociétésdynamiques répertorieront et programmeront ces différences, et elles vendrontdes produits et services afin d'aider les habitants de la planète à mieuxcommuniquer entre eux. Une fois que ceux-ci seront largement répandus, ilscontribueront réellement à une meilleure compréhension à l'échelleinternationale."

16. LE LIVRE ET L'INTERNET: QUELQUES SAGAS

[Dans ce chapitre:]

[16.1. La librairie en ligne Amazon.com s'implante en France et au Japon //16.2. Les aventures de Harry Potter déferlent sur l'internet // 16.3. Troisauteurs de best-sellers prennent le risque du numérique]

Dans le domaine du livre aussi, le réseau permet un marketing à l'échellemondiale. Il paraît donc intéressant de retracer brièvement trois sagas qui ontfait la "une" de l'an 2000: d'abord l'implantation de la librairie en ligneAmazon.com en France et au Japon (16.1); ensuite le succès du dernier titre desaventures de Harry Potter, qui bat tous les records de vente en ligne (16.2); etenfin les expériences numériques de trois auteurs de best-sellers (Stephen King,Frederick Forsyth et Arturo Pérez-Reverte) qui, alors que d'autres attendent quele modèle économique soit bien rodé, n'hésitent pas à prendre des risques(16.3).

16.1. La librairie en ligne Amazon.com s'implante en France et au Japon

Au printemps 1994, Jeff Bezos, futur patron d'Amazon.com, fait une étude demarché démontrant que les livres sont les meilleurs "produits" à vendre surl'internet. Il dresse une liste de vingt produits marchands, qui vont desvêtements aux instruments de jardinage. Les cinq premiers du classem*nt setrouvent être les livres, les CD, les vidéos, les logiciels et le matérielinformatique.

"J'ai utilisé tout un ensemble de critères pour évaluer le potentiel de chaqueproduit, relate Jeff Bezos dans le kit de presse d'Amazon. Le premier critère aété la taille des marchés existants. J'ai vu que la vente des livresreprésentait un marché mondial de 82 milliards de dollars (ce qui, en 1994,correspondait à 61 milliards d'euros, ndlr). Le deuxième critère a été laquestion du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était lesuivant: puisque c'était le premier achat que les gens allaient faire en ligne,il fallait que la somme à payer soit modique. Le troisième critère a été lavariété dans le choix: il y avait trois millions de titres de livres alors qu'iln'y avait que 300.000 titres pour les CD, par exemple. Ceci était égalementimportant: plus le choix est grand, plus le service informatique d'organisationet de sélection doit être performant."

En juillet 1995, il crée la librairie en ligne Amazon, qui débute avec dixemployés. Les deux premières filiales d'Amazon sont toutes deux créées en 1998,en Allemagne et au Royaume-Uni. En août 2000, avec 1,8 millions de clients enGrande-Bretagne, 1,2 millions de clients en Allemagne et quelques centaines demilliers de clients en France, Amazon réalise 23% de ses ventes en dehors desEtats-Unis. "En 2003, 35% seulement de nos clients seront aux Etats-unis et 65%hors du territoire américain", assure Jeff Bezos.

Le principal groupe de clients étrangers étant les clients japonais, Jeff Bezosprofite d'un colloque international sur les technologies de l'information àTokyo pour annoncer le 18 juillet 2000 son intention d'implanter Amazon.com auJapon (cette implantation sera effective le 1er novembre). Il insiste aussi surle marché à fort potentiel représenté par ce pays, avec des prix immobiliersélevés se répercutant sur ceux des biens et services, si bien que le shopping enligne est plus avantageux que le shopping traditionnel, et une forte densité depopulation, qui entraîne des livraisons à domicile faciles peu coûteuses. Le 1eraoût, un centre d'appels est ouvert dans la ville de Sapporo, sur l'îled'Hokkaido.

Le 8 août 2000, le principal concurrent d'Amazon.com, Barnes & Noble.com,annonce d'une part son partenariat avec Microsoft pour la diffusion de livresnumériques lisibles au moyen du Microsoft Reader et d'autre part l'ouverture desa librairie numérique, le eBook Store. Trois semaines après, le 28 août,Amazon.com annonce à son tour son alliance avec Microsoft pour la même raison -vendre des livres numériques lisibles au moyen du Microsoft Reader - etl'ouverture d'une librairie numérique dans les mois qui suivent.

Le 31 août 2000, Amazon ouvre sa troisième filiale, Amazon France, avec vente delivres, musique, DVD et vidéos (auxquels viennent s'ajouter logiciels et jeuxvidéo en juin 2001), et livraison en 48 heures. A cette date la vente de livresen ligne ne représente en France que 0,5% du marché, contre 5,4% aux Etats-Unis.Comme tous les libraires en ligne francophones, Amazon France s'intéresseégalement de près à la clientèle francophone internationale.

Le 29 août 2000, interrogé par l'AFP au sujet de la loi Lang, qui n'autorisequ'un rabais de 5% sur le prix du livre, Denis Terrien, président d'AmazonFrance à cette date (jusqu'au 14 mai 2001), répond: "L'expérience que nous avonsen Allemagne, où le prix du livre est fixé, nous montre que le prix n'est pasl'élément essentiel dans la décision d'achat. C'est tout le service qui estajouté qui compte. Chez Amazon, nous avons tout un tas de services en plus,d'abord le choix - nous vendons tous les produits culturels français. On a unmoteur de recherche très performant. En matière de choix de musique, on estainsi le seul site qui peut faire une recherche par titre de chanson. Outre lecontenu éditorial, qui nous situe entre un magasin et un magazine, nous avons unservice client 24h/24 7jours/7, ce qui est unique sur le marché français. Enfinune autre spécificité d'Amazon, c'est le respect de nos engagements delivraison. On s'est fixé pour objectif d'avoir plus de 90% de nos ventes enstock."

Préparée dans le plus grand secret, l'ouverture d'Amazon France n'est renduepublique que le 23 août 2000. Avec une centaine de salariés, dont certains ontété envoyés en formation au siège du groupe à Seattle (Washington), la filialefrançaise s'installe à Guyancourt (région parisienne), qui abritel'administration, les services techniques et le marketing. Son service dedistribution est basé à Boigny-sur-Bionne, dans la banlieue d'Orléans. Sonservice client est basé à La Haye (Pays-Bas), dans l'optique d'une expansionfuture d'Amazon en Europe.

Amazon France compte au moins quatre rivaux de taille: la Fnac, qui appartientau groupe Pinault-Printemps-Redoute, Alapage, qui appartient à France Télécom,Bol.fr, issu de l'association du français Vivendi et de l'allemand Bertelsmann,et Chapitre.com, libraire en ligne indépendant. Un mois après son lancement,Amazon.fr est à la seconde place des sites de biens culturels français. Selonles chiffres publiés le 24 octobre 2000 par Media Metrix Europe, société d'étuded'audience de l'internet, le site a reçu 217.000 visites uniques en septembre2000, juste devant Alapage (209.000 visites uniques), mais loin derrière la Fnac(401.000 visites uniques). Suivent Cdiscount.com (115.000 visites) et Bol.fr(74.000 visites). Le site américain Amazon.com profite lui aussi de l'effet decuriosité puisque il totalise 137.000 visites uniques, soit 23.000 visites deplus que le mois précédent.

Le 1er novembre 2000, Amazon Japon, quatrième filiale du géant américain, etpremière filiale non européenne, ouvre ses portes avec un catalogue de 1,1million de titres en japonais et 600.000 titres en anglais. Pour réduire lesdélais de livraison à un ou deux jours au lieu des six semaines nécessaires àl'acheminement des livres depuis les Etats-Unis, un centre de distribution de15.800 m2 est créé à Ichikawa, dans l'est de Tokyo.

A la même date, Amazon.com annonce son intention de pénétrer le marchéfrancophone du Canada, et de lancer sa version canadienne-française en 2001,avec vente de livres, musique et films (VHS et DVD). La société débutel'embauche de personnel francophone connaissant le marché canadien.

En novembre 2000, la librairie compte 7.500 employés, 28 millions d'articles, 23millions de clients et quatre filiales (Royaume-Uni, Allemagne, France etJapon). La maison mère a beaucoup diversifié ses activités. En effet elle vendnon seulement des livres, des vidéos, des CD et des logiciels, mais aussi desappareils électroniques, des appareils de cuisine et de jardinage, des produitsde santé, des jouets et des voitures. Elle organise des ventes aux enchères avecSotheby's Holdings. Le 14 novembre 2000, Amazon.com ouvre sa librairienumérique, avec 1.000 titres disponibles au départ, et une augmentation rapidedu stock prévue pour les mois suivants.

Même pour le marketing des librairies en ligne, le papier n'est pas mort, loins'en faut. Pour la deuxième année consécutive, le 17 novembre 2000, en prévisiondes fêtes, Amazon envoie un catalogue imprimé à 10 millions de clients.

Mais, malgré la discrétion du librairie en ligne sur les conditions de travailde son personnel, les problèmes commencent à filtrer. Le Prewitt Organizing Fundet le syndicat SUD-PTT Loire Atlantique débutent le 21 novembre 2000 une actionde sensibilisation auprès des salariés d'Amazon France pour de meilleuresconditions de travail et de salaires. Ils rencontrent une cinquantaine desalariés travaillant dans le centre de distribution de Boigny-sur-Bionne, dansla banlieue d'Orléans. SUD-PTT dénonce chez Amazon "des conditions de travaildégradées, la flexibilité des horaires, le recours aux contrats précaires dansles périodes de flux, des salaires au rabais, et des garanties socialesminimales". Une action similaire est menée en Allemagne et en Grande-Bretagne.Patrick Moran, responsable du Prewitt Organizing Fund, entend constituer unealliance des salariés de la nouvelle économie (Alliance of New Economy Workers).De son côté, Amazon.com riposte en insistant dans des documents internes surl'inutilité de syndicats au sein de l'entreprise.

Le 30 janvier 2001, Amazon, qui emploie 1.800 personnes en Europe, annonce uneréduction de 15% des effectifs et la restructuration du service clientèleeuropéen, qui était basé à La Hague (Pays-Bas). Les 240 personnes qu'emploie ceservice sont transférées dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et Regensberg(Allemagne). Aux Etats-Unis, dans la maison-mère, suite à un quatrième trimestredéficitaire, un plan de réduction de 15% des effectifs entraîne 1.300licenciements.

16.2. Les aventures de Harry Potter déferlent sur l'internet

Née sous la plume de l'écossaise J.K. Rowling, la série des aventures de HarryPotter voit le jour en 1995. A ce jour, quatre volumes sont parus. Destinée auxenfants de 9-13 ans, la série devrait compter en tout sept volumes, chacuncorrespondant à une année de la vie de Harry Potter (de 11 à 18 ans).

En quatre ans, le jeune magicien est devenu une véritable star auprès demillions d'enfants et de leurs parents. Petit* et grands, tous s'accordent àdire que ces livres sont des chefs-d'oeuvre d'humour et de suspense, avec lapeur et le fantastique en prime. De l'avis des libraires et des bibliothécaires,l'engouement des enfants pour cette série ne semble jamais avoir eud'équivalent. En juin 2000, juste avant la parution du quatrième tome, le nombrede livres vendus s'élève à 35 millions d'exemplaires traduits en 35 languesdifférentes. Dans 140 pays ils ne quittent pas le haut de la liste desmeilleures ventes de livres pour enfants. Le New York Times a même dû séparer saliste de best-sellers pour enfants de celle des adultes, afin d'éviter que HarryPotter n'occupe indéfiniment la première place des best-sellers tous âgesconfondus.

Le 7 juillet 2000, le quatrième titre, Harry Potter and the Goblet of Fire(Harry Potter et le gobelet de feu), déferle sur le monde anglophone. Avant sasortie aux Etats-Unis, il est pré-commandé par près d'un million d'enfants, dont400.000 commandes pour Amazon.com et 360.000 sur le site ou dans les librairiesBarnes & Noble. Opération de marketing sans précédent, le lancement officiel alieu très exactement le 7 juillet 2000 à minuit et une minute, avec librairiesouvertes en pleine nuit, queues impressionnantes, et service exceptionnel mis enplace dans les librairies en ligne pour répondre à la demande et assurer unelivraison rapide.

Le premier tirage de Scholastic, l'éditeur de la série aux Etats-Unis, est de3,8 millions d'exemplaires. Celui de l'éditeur anglais, Bloomsbury, est de 1million d'exemplaires pour le Royaume-Uni, 400.000 exemplaires pour le Canada et200.000 pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande (en vente le 14 juillet pour cesdeux derniers pays). 375.000 exemplaires sont vendus dès le premier jour. Cepremier tirage est immédiatement suivi d'un deuxième tirage de 1,5 milliond'exemplaires.

Aux Etats-Unis, Harry Potter and the Goblet of Fire est publié en braille par laNational Braille Press (NBP) le 27 juillet 2000, soit vingt jours seulementaprès sa sortie, avec un premier tirage de 500 exemplaires. Les 734 pages del'original donnent 1.184 pages braille, mais le prix du livre braille n'est pasplus élevé. Ce très court délai a été possible grâce à deux facteurs. D'une partScholastic, l'éditeur original, a fourni le fichier électronique, une initiativedont feraient bien de s'inspirer nombre d'éditeurs. D'autre part les 31 membresde l'équipe de la National Braille Press ont travaillé sans relâche pendantquinze jours. Comme les titres précédents de la série, l'ouvrage est égalementdisponible au format PortaBook, à savoir un fichier en braille informatiqueabrégé disponible sur disquette et lisible au moyen d'un lecteur brailleportable ou d'un logiciel braille sur micro-ordinateur.

En Allemagne, un groupe de fans décide de se partager la traduction bénévole des37 chapitres du quatrième volume. Fin août 2000, il propose les six premierschapitres en téléchargement libre sur le site Harry-auf-Deutsch-Community, etles neuf chapitres suivants sont en cours de traduction. Cette traduction nonautorisée suscite de vives controverses, la sortie officielle du livre étantprévue le 14 octobre chez Carlsen Verlag, avec un premier tirage d'un milliond'exemplaires. La riposte de l'éditeur officiel est rapide. Ses avocats menacentBernd Kölemann, coordonnateur du projet, de poursuites, de deux ansd'emprisonnement et d'une amende de 210.000 euros s'il n'arrête pas sesactivités avant le 31 août. Les téléchargements cessent donc. Ces démêlés entreun éditeur établi et un site internet non commercial mettent à nouveau sur lasellette divers problèmes: respect du droit d'auteur, respect de l'exclusivitéd'un éditeur, conditions de téléchargement libre des oeuvres sous copyright,etc. Des éditeurs connus soutiennent Carlsen Verlag. Ils profitent de l'occasionpour rappeler que les profits dégagés par les best-sellers leur permettent depublier aussi des livres à petit tirage. Il reste à espérer que ce soit vraimentle cas. La version allemande du quatrième tome est lancée par Carlsen Verlag le14 octobre 2000, avec un premier tirage d'un million d'exemplaires, et 150librairies ouvertes la nuit du lancement.

Fin novembre 2000, la série est traduite dans 200 langues et les ventes desquatre titres toutes éditions confondues atteignent 66 millions d'exemplaires.La série est récompensée par 50 prix littéraires.

Le 29 novembre 2000, la traduction française du quatrième tome, Harry Potter etla coupe de feu, déferle sur la francophonie. Son traducteur, Jean-FrançoisMénard, qui traduit la série depuis ses débuts, a travaillé sans relâche pendantdeux mois. Le titre paraît chez Gallimard dans la collection Folio Junior, commeles trois titres précédents (Harry Potter à l'école des sorciers, Harry Potteret la chambre des secrets, Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban), vendusjusque-là à 1,4 million d'exemplaires. Dès le 24 novembre 2000, ce sont lesgrandes manoeuvres. Amazon France s'allie à Chronopost pour une livraison dansles meilleurs délais. Chronopost et Amazon s'engagent à assurer la livraison dulivre partout en France le jour même de sa sortie, mercredi 29 novembre, et ceavant 10 h du matin si la commande est passée avant 14 h la veille.

Le premier tirage du quatrième tome est de 450.000 exemplaires, acheminés vers4.500 points de vente en France, en Belgique et en Suisse. Les 50.000exemplaires destinés au Québec (inclus dans les chiffres du premier tirage) sontimprimés sur place pour éviter le coût du transport et les délais de livraison.En France, quelques dizaines de librairies ouvrent exceptionnellement leursportes dans la nuit du 28 au 29 novembre, avec achat du livre à partir de minuitet une minute. Le jour même de la sortie du livre, Gallimard annonce un deuxièmetirage de 100.000 exemplaires.

Seule ombre au tableau, mais de taille: le prix du quatrième tome est de 19euros, alors que les tomes précédents, publiés au format de poche, valent 5euros. Gallimard publie aussi un coffret regroupant les quatre tomes, ainsi queRencontre avec J.K. Rowling, un entretien de l'auteur avec Lindsey Fraser,critique de livres pour enfants. En partenariat avec France Culture, l'éditeursort également l'audiobook du premier volume (Harry Potter à l'école dessorciers), lu par Bernard Giraudeau.

Pendant ce temps, J. K. Rowling protège âprement sa vie privée et travaille aucinquième tome, qui devrait s'intituler Harry Potter et l'ordre du phénix. HarryPotter aura 15 ans, puisqu'il gagne une année par tome. Deux autres tomessuivront ensuite.

Dès 1997, Warner Bros, filiale du groupe Time Warner, acquiert les droitsd'adaptation de la série pour le cinéma. Puis Electronic Arts, éditeur de jeuxvidéo, obtient auprès de Warner Bros les droits mondiaux sur la série, afin dedévelopper des jeux pour PC et pour l'internet. Le film issu du premier tome esten préparation sous la direction de Chris Columbus, d'après un scénario de SteveKloves. La sortie du film est prévue le 16 novembre 2001.

16.3. Trois auteurs de best-sellers prennent le risque du numérique

Stephen King aux Etats-Unis, Frederick Forsyth au Royaume-Uni et ArturoPérez-Reverte en Espagne sont les premiers auteurs de best-sellers à se lancerdans l'édition numérique, sous le feu des critiques de tous ordres émanant desmédias et de professionnels du livre qui préfèrent attendre que le modèleéconomique soit bien rodé pour se lancer.

Stephen King, maître du suspense, est le premier auteur à succès à distribuerune oeuvre uniquement sur l'internet. En mars 2000, sa nouvelle Riding TheBullet, une nouvelle assez volumineuse puisqu'elle fait 66 pages, provoque unvéritable raz-de-marée lors de sa "sortie" sur le web. 400.000 exemplaires sonttéléchargés en 24 heures sur les sites des libraires en ligne qui la vendent (auprix de 2,50 $US = 2,90 euros).

En juillet 2000, fort de cette expérience prometteuse, Stephen King décide de sepasser des services de Simon & Schuster, son éditeur habituel. Il crée un siteweb spécifique pour permettre le téléchargement des différents chapitres, etcommence l'auto-publication en épisodes de The Plant, un roman épistolaire quiraconte l'histoire d'une plante carnivore s'emparant d'une maison d'édition enlui promettant le succès commercial en échange de sacrifices humains. Le 24juillet 2000, le premier chapitre est téléchargeable en plusieurs formats (PDF,OeB, HTML, texte, etc.) pour la somme de1 $US (1,16 euros), avec paiementdifféré ou paiement immédiat sur le site d'Amazon.com.

Sur son site, dans une lettre aux lecteurs, Stephen King raconte que ce premierchapitre lui a coûté la somme de 124.150 $US (144.250 euros) pour la création,le design et la publicité du site web, sans compter sa prestation en tantqu'écrivain et les services de son assistante. Il précise aussi que lapublication des chapitres suivants est liée au paiement du premier chapitre par75% des lecteurs au moins. "Mes amis, vous avez l'occasion de devenir le pirecauchemar des éditeurs, déclare-t-il. Comme vous voyez, c'est simple. Pas decryptage assommant! Vous voulez imprimer l'histoire et en faire profiter un(e)ami(e)? Allez-y. Une seule condition: tout repose sur la confiance, toutsimplement. C'est la seule solution. Je compte sur deux facteurs. Le premier estl'honnêteté. Prenez ce que bon vous semble et payez pour cela, dit le proverbe.Le second est que vous aimerez suffisamment l'histoire pour vouloir en liredavantage. Si vous le voulez vraiment, vous devez payer. Rappelez-vous: payez etl'histoire continue. Volez, et l'histoire s'arrête."

Le 31 juillet, le chapitre est téléchargé 152.132 fois avec paiement par 76% deslecteurs, dont certains ont tenu à payer davantage que le dollar demandé,parfois même jusqu'à 10 ou 20 $US (11,6 ou 23,2 euros), pour compenser le manqueà gagner de ceux qui ne paieraient pas, et éviter ainsi que la série nes'arrête. La barre des 75% est donc dépassée de peu, au grand soulagement desfans, si bien que le deuxième chapitre suit le 21 août.

Le 25 août, dans une nouvelle lettre aux lecteurs, Stephen King annonce unnombre de téléchargements du deuxième chapitre légèrement inférieur à celui dupremier chapitre. Il en attribue la cause à une publicité moindre et à desproblèmes de téléchargement. Si le nombre de téléchargements n'a que légèrementdécru, le nombre de paiements est en nette diminution, le public ne payantqu'une fois pour plusieurs téléchargements. L'auteur s'engage cependant àpublier le troisième chapitre comme prévu fin septembre, et à prendre unedécision ensuite sur la poursuite ou non de l'expérience, en fonction du nombrede paiements. Il envisage aussi des chapitres plus longs que les premiers, quireprésentent 5.000 signes. Il prévoit onze ou douze chapitres en tout, avec unnombre total de 1,7 million de téléchargements. Le ou les derniers chapitresseraient gratuits.

Plus volumineux, les chapitres 4 et 5 passent à 2 $US (2,32 euros). Mais leschoses ne se passent pas aussi bien que l'auteur le souhaiterait. Le nombre detéléchargements et de paiements ne cesse de décliner: 40.000 téléchargementsseulement pour le cinquième chapitre, alors que le premier chapitre avait ététéléchargé 120.000 fois, et paiement pour 46% des téléchargements seulement. Finnovembre, Stephen King annonce l'interruption de la publication pendant un an oudeux, après la parution du sixième chapitre, téléchargeable gratuitement à lami-décembre. "The Plant va retourner en hibernation afin que je puisse continuerà travailler, indique-t-il sur son site. Mes agents insistent sur la nécessitéd'observer une pause afin que la traduction et la publication à l'étrangerpuissent rattraper la publication américaine." Mais cette décision sembled'abord liée à l'échec commercial de l'expérience.

Cet arrêt suscite de très nombreuses critiques de la part des lecteurs et desprofessionnels du livre. Mais on pourrait au moins reconnaître à l'auteur unmérite, celui d'avoir été le premier à se lancer dans l'aventure. Nombred'auteurs et d'éditeurs ont suivi l'expérience pendant quatre mois, soit parréel intérêt, soit par simple curiosité, et certains avec inquiétude. QuandStephen King a décidé d'arrêter l'expérience, quelques journalistes et critiqueslittéraires ont affirmé qu'il s'était ridiculisé aux yeux du monde entier!N'est-ce pas un peu exagéré?

En novembre 2000, deux Européens, l'anglais Frederick Forsyth et l'espagnolArturo Pérez-Reverte, décident de se lancer eux aussi dans l'aventure. Mais,forts de l'expérience de Stephen King peut-être, ils n'ont pas l'intention de sepasser d'éditeur, preuve s'il en est que ceux-ci sont encore utiles.

Frederick Forsyth, maître anglais du thriller, se lance dans le numérique avecl'appui d'Online Originals, éditeur électronique londonien. Le 1er novembre2000, Online Originals publie The Veteran, histoire d'un crime violent commis àLondres, et la première d'une série de cinq nouvelles électroniques intituléeQuintet. Disponible au format Microsoft Reader, Glassbook et PDF, elle estvendue en ligne au prix de 3,99 £ (soit 6,60 euros), directement par l'éditeuret aussi par le biais de différents libraires en ligne (aux Etats-Unis parBarnes & Noble, Contentville et Glassbook, et au Royaume-Uni par Alphabetstreet,BOL.com et WHSmith). La seconde histoire, The Miracle, est publiée le 22novembre, et la troisième, The Citizen, le 13 décembre. On attend les deuxsuivantes: The Art of the Matter et Draco.

"La publication en ligne sera essentielle à l'avenir, déclare l'auteur sur lesite de Online Originals. Elle crée un lien simple et surtout rapide et directentre le producteur original (l'auteur) et le consommateur final (le lecteur),avec très peu d'intermédiaires. Il est passionnant de participer à cetteexpérience. Je ne suis absolument pas un spécialiste des nouvelles technologies.Je n'ai jamais vu de livre électronique. Mais je n'ai jamais vu non plus demoteur de Formule 1, ce qui ne m'empêche de constater combien ces voitures decourse sont rapides."

La première expérience numérique de l'écrivain espagnol Arturo Pérez-Reverte estun peu différente. L'auteur est notamment connu pour une série historique sedéroulant au 17e siècle et dont le héros est le capitaine Alatriste. Le nouveautitre à paraître s'intitule El Oro del Rey. Le 3 novembre 2000, en collaborationavec son éditeur Alfa*guara, Arturo Pérez-Reverte décide de publier El Oro delRey en version numérique en exclusivité sur l'internet pendant un mois, sur lesite du portail Inicia (qui appartient au groupe Prisa), et ce jusqu'au 30novembre, date de sa mise en librairie. Entre le 3 et le 30 novembre, le romanest disponible au format PDF au prix de 2,90 euros. A partir du 1er décembre, laversion imprimée est vendue en librairie pour 15,10 euros.

Résultat de l'expérience, le nombre de téléchargements est très satisfaisant,mais pas celui des paiements. Le 30 novembre 2000, El Oro del Rey a ététéléchargé 332.000 fois, avec paiement par 12.000 clients seulement. "Pour toutacheteur du livre électronique, il y avait une clé pour le télécharger en 48heures sur le site internet et, surtout au début, beaucoup d'internautes se sontéchangés ce code d'accès dans les forums de dialogue en direct (chat) et onttéléchargé leur exemplaire sans payer. On a voulu tester et cela faisait partiedu jeu. Arturo Perez-Reverte voulait surtout qu'on le lise", a expliqué MariloRuiz de Elvira, directrice de contenus du portail Inicia (citée par l'AFP).

17. L'AVENIR DU RESEAU

[Dans ce chapitre:]

[17.1. Convergence multimédia et conditions de travail // 17.2. L'avenir duréseau vu par les auteurs // 17.3. L'avenir du réseau vu par les diffuseurs decontenu // 17.4. L'avenir du réseau vu par les gestionnaires]

17.1. Convergence multimédia et conditions de travail

La numérisation permettant désormais de créer, enregistrer, combiner, stocker,rechercher et transmettre des données de manière simple et rapide, le processusmatériel de production s'en trouve considérablement accéléré. Les progrès destechnologies de l'information en général, et de la numérisation en particulier,entraînent progressivement l'unification de tous les secteurs liés àl'information: imprimerie, publication, conception graphique, presse,enregistrement sonore, réalisation de films, radiodiffusion, télédiffusion, etc.C'est ce qu'on appelle la convergence multimédia.

Si on nous annonce tous les jours de nouvelles prouesses techniques, laconvergence multimédia a ses revers, à commencer par la surinformation et ladésinformation. D'où le rôle des journalistes pour trier cette information, lacommenter et faire preuve d'esprit critique.

Plus graves encore, les autres revers de la convergence multimédia sont lescontrats occasionnels et précaires, l'isolement des télétravailleurs, le nonrespect du droit d'auteur, etc. A part pour le droit d'auteur, étant donnél'enjeu financier qu'il représente, il est rare que ces problèmes fassent la"une" des journaux.

Pour ne prendre qu'un exemple, celui de la presse, les dirigeants syndicauxinsistent régulièrement sur la pression constante exercée sur les journalistesdes salles de rédaction. Désormais leurs articles doivent être prêts à n'importequelle heure - et non plus seulement en fin de journée - et le rythme de travailest extrêmement soutenu. Ces tensions à répétition sont encore aggravées par unejournée de travail sur écran pendant huit à dix heures d'affilée. Souvent, lesnormes de sécurité au travail ne sont pas respectées. Après quelques années dece régime, des journalistes "craquent" à l'âge de 35 ou 40 ans.

Les journalistes ne sont pas les seuls à "craquer" après plusieurs années detension et de stress. Le fait de pouvoir être joint à tout moment par courrierélectronique, par téléphone portable et par SMS (short message service)n'arrange rien, à moins, quand on peut, de faire barrage et de s'efforcer de nepas travailler 24 heures par jour, ce qui n'est pas toujours facile.

De plus, les problèmes auxquels la "nouvelle économie" est confrontée depuis lafin 2000 n'arrangent rien. Ces derniers mois ont été marqués par l'effondrementdes valeurs internet en bourse, alors qu'on prédisait pour ces valeurs unecroissance de 30% et plus. Les recettes publicitaires sont moins importantes queprévu alors qu'elles sont souvent la principale source de revenus des sociétésinternet. Enfin le ralentissem*nt économique, observé d'abord aux Etats-Unis etensuite partout ailleurs, entraîne la fermeture de nombreuses dot.com ou lelicenciement d'une partie de leur personnel.

Pour ne prendre que quelques exemples, le 16 novembre 2000, les dirigeants deBritannica.com, le site web de l'Encyclopaedia Britannica (voir 12.1), annoncentune restructuration du site dans l'optique d'une plus grande rentabilité. 75personnes sont licenciées, soit 25% du personnel. L'équipe qui travaille sur laversion imprimée n'est pas affectée. Le 30 janvier 2001, la librairie en ligneAmazon.com, qui emploie 1.800 personnes en Europe, annonce une réduction de 15%des effectifs et la restructuration du service clientèle européen, qui étaitbasé à La Hague (Pays-Bas). Les 240 personnes qu'emploie ce service sonttransférées dans les centres de Slough (Royaume-Uni) et Regensberg (Allemagne).Aux Etats-Unis, dans la maison-mère, suite à un quatrième trimestre 2000déficitaire, un plan de réduction de 15% des effectifs entraîne 1.300licenciements.

Les médias américains suppriment de nombreux emplois dans leurs filialesinternet. Le 7 janvier 2001, le New York Times Co. - qui édite de grandsjournaux comme le New York Times et le Boston Globe - annonce la suppression de69 postes sur les 400 que compte New York Times Digital, sa filiale internet,soit 17% de ses effectifs. Selon la direction, les licenciements devraientpermettre à la société de recouvrer la rentabilité en 2002, après une perte de18 millions de $US (19 millions d'euros) au troisième trimestre 2000 pour unchiffre d'affaires de 12,1 millions de $US (12,7 millions d'euros), en hausse deprès de 100% par rapport à l'année précédente.

De son côté, à la même date, le groupe CNN annonce une réorganisation interneavec suppression de 500 à 1.000 postes, dont une bonne partie des 750 postes deCNN Interactive, la division interactive du groupe, qui supervise une quinzainede sites à l'enseigne CNN en plusieurs langues (anglais, allemand, espagnol,italien, portugais, japonais, suédois, etc.). News Corporation, le groupe demédias contrôlé par Rupert Murdoch, décide de fusionner sa division internetNews Digital Media, qui produit les principaux sites web du groupe, avec leschaînes de télévision auxquelles ces sites sont associés (Fox, Fox Sports et FoxNews), ce qui signifie la suppression de la moitié des 400 emplois existants.

En juillet 2001, ce sont les librairies en ligne françaises qui sont touchées,le nombre de librairies semblant trop important par rapport au marché actuel(voir 10.2). La librairie Bol.fr décide de fermer ses portes le 1er août, avectraitement des commandes reçues jusqu'au 15 septembre.

Autre facteur très inquiétant, les conditions de travail des salariés de lanouvelle économie laissent fort à désirer. Pour ne prendre que l'exemple le plusconnu, Amazon.com ne fait plus seulement la "une" pour son modèle économique,mais pour les conditions de travail de son personnel. Le Prewitt Organizing Fundet le syndicat SUD-PTT Loire Atlantique débutent le 21 novembre 2000 une actionde sensibilisation auprès des salariés d'Amazon France pour de meilleuresconditions de travail et de salaires (voir 16.1 pour le descriptif d'AmazonFrance). Ils rencontrent une cinquantaine de salariés travaillant dans le centrede distribution de Boigny-sur-Bionne, dans la banlieue d'Orléans. SUD-PTTdénonce chez Amazon "des conditions de travail dégradées, la flexibilité deshoraires, le recours aux contrats précaires dans les périodes de flux, dessalaires au rabais, et des garanties sociales minimales". Une action similaireest menée en Allemagne et en Grande-Bretagne. Patrick Moran, responsable duPrewitt Organizing Fund, entend constituer une alliance des salariés de lanouvelle économie (Alliance of New Economy Workers).

17.2. L'avenir du réseau vu par les auteurs

Comment les auteurs voient-ils sur l'avenir du réseau?

Michel Benoît, auteur de nouvelles noires et fantastiques: "En ce moment, il estextrêmement difficile de faire quelque prédiction que ce soit sur le futurd'internet. Toute prospective le moindrement pointue, techniquement par exemple,sur l'évolution du net sera certainement farfelue dans un futur plus ou moinsrapproché. On peut y aller d'idées, encore que ça doit être très général. Paspar crainte d'être ridicule, le ridicule ne tue pas, c'est connu. Non, par soucid'honnêteté, tout simplement. (…) Parenthèse: est-il si farfelu de penser queles historiens des années 2100 considéreront l'avènement du net comme unévénement aussi, sinon plus, important que la révolution industrielle? Le feu,l'agriculture, la révolution industrielle, le net. On en est rendu à la'révolution continue de l'Evolution'. Ça me fait penser à ce merveilleux texteDesiderata, découvert dans l'église Saint-Paul à Baltimore en 1693, je pense.J'en cite de mémoire une phrase qui me hante: 'Que vous le compreniez ou non,que vous le vouliez ou non, l'univers évolue comme il se doit.' J'y crois. Jecrois sincèrement qu'au travers l'incroyable désordre de l'Evolution, il n'y arien qui soit soumis au hasard. 'Dieu n'a pas créé un monde soumis au hasard',disait Einstein à Bohr lors d'une de leurs homériques prises de bec."

Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Comme tous ceux qui ont surfé avecdes modems de 14.4 Ko sur le navigateur Mosaic et son interface en carton-pâte,je suis déçue par le fait que l'esprit libertaire ait cédé le pas aux activitéslibérales décérébrantes. Les frères ennemis devraient se donner la main commelors des premiers jours car le net à son origine n'a jamais été un repaire de'has been' mélancoliques, mais rien ne peut résister à la force d'inertie del'argent. C'était en effet prévu dans le scénario, des stratégies utopistesavaient été mises en place mais je crains qu'internet ne soit plus aux mainsd'internautes comme c'était le cas. L'intelligence collective virtuelle pourtantse défend bien dans divers forums ou listes de discussions, et ça, à défautd'être souvent efficace, c'est beau. Dans l'utopie originelle, on aurait aiméprofiter de ce nouveau média, notamment de communication, pour sortir de cettetarte à la crème qu'on se reçoit chaque jour, merci à la société du spectacle,et ne pas répéter les erreurs de la télévision qui n'est, du point de vue del'art, jamais devenue un média de création ambitieux."

Alain Bron, consultant en systèmes d'information et écrivain: "Ce qui importeavec internet, c'est la valeur ajoutée de l'humain sur le système. Internet neviendra jamais compenser la clairvoyance d'une situation, la prise de risque oul'intelligence du coeur. Internet accélère simplement les processus de décisionet réduit l'incertitude par l'information apportée. Encore faut-il laisser letemps au temps, laisser mûrir les idées, apporter une touche indispensabled'humanité dans les rapports. Pour moi, la finalité d'internet est la rencontreet non la multiplication des échanges électroniques."

Tim McKenna, écrivain et philosophe: "J'aimerais que l'internet deviennedavantage un outil d'accès à l'information et aux médias non contrôlé par lesmultinationales."

Xavier Malbreil, auteur multimédia: "Concernant l'avenir de l'internet, je lecrois illimité. Il ne faut pas confondre les gamelles que se prennent certainesstart-up trop gourmandes, ou dont l'objectif était mal défini, et la réalité dunet. Mettre des gens éloignés en contact, leur permettre d'intéragir, et quechacun, s'il le désire, devienne son propre fournisseur de contenu, c'est unerévolution dont nous n'avons pas encore pris toute la mesure."

Christian Vandendorpe, professeur et écrivain: "Cet outil fabuleux qu'est le webpeut accélérer les échanges entre les êtres, permettant des collaborations àdistance et un épanouissem*nt culturel sans précédent. Mais cet espace estencore fragile. Il risque d'être confisqué par des juridictions nationales. Ouil peut être transformé en une gigantesque machine à sous au moyen de laquellela quasi-totalité de nos activités entrerait dans le circuit économique etferait l'objet d'une tarification minutée. On ne peut pas encore prédire dansquel sens il évoluera. Le phénomène Napster a contribué à un début de prise enmain par les juges, qui tendent à imposer sur cet espace les conceptions envigueur dans le monde physique. On pourrait ainsi en étouffer le potentield'innovation. Il existe cependant des signes encourageants, notamment dans ledéveloppement des liaisons de personne à personne et surtout dans l'immenseeffort accompli par des millions d'internautes partout au monde pour en faireune zone riche et vivante."

17.3. L'avenir du réseau vu par les diffuseurs de contenu

En juin 1998, Olivier Bogros, créateur de la Bibliothèque électronique deLisieux, écrivait: "Internet est un outil formidable d'échange entreprofesssionnels (tout ce qui passe par le courrier électronique, les listes dediffusion et les forums) mais qui est un consommateur de temps très dangereux:on a vite fait si l'on n'y prend garde de divorcer et de mettre ses enfants à laDASS (Direction de l'aide sanitaire et sociale). Plus sérieusem*nt, c'est pourles bibliothèques la possibilité d'élargir leur public en direction de toute lafrancophonie. Cela passe par la mise en ligne d'un contenu qui n'est passeulement la mise en ligne du catalogue, mais aussi et surtout la constitutionde véritables bibliothèques virtuelles. Les professionnels des bibliothèquessont les acteurs d'un enjeu important concernant la place de la langue françaisesur le réseau."

De l'avis de Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire faisantconnaître de nouveaux auteurs, l'internet verra "une concentration des sitescommerciaux mais une explosion des sites persos qui seront regroupés parcommunautés d'intérêt".

Denis Zwirn, PDG de Numilog: "Le développement attendu d'internet est unepanacée qui possède suffisamment d'évidence pour ne pas y insister: il ne s'agitpas d'une mode, mais d'une révolution des moyens de communication qui présentedes avantages objectifs tellement forts qu'on ne voit pas, sauf nouveau sauttechnologique inattendu, comment elle pourrait ne pas se répandre."

17.4. L'avenir du réseau vu par les gestionnaires

Pierre-Noël Favennec, expert à la direction scientifique de France Télécom R&D:"Le mariage des télécommunications et de l'informatique font de l'internet unetechnologie extrêmement puissante et très riche d'avenir. Mais l'internet n'estqu'une technologie, puissante certes, qui vient s'ajouter à celles existantes ;elle ne les remplace pas, elle apporte autre chose: de l'information potentiellesupplémentaire, de la communication virtuelle où il n'y a plus de distance, unaccès potentiel à de la culture venant de partout…"

Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen: "Pour l'avenir, les évolutions suivantes se précisent àl'horizon: les développements techniques pour la prise en compte des différentsmédias; la 'démocratisation' de l'internet, qui amènera la mise en place deréseaux professionnels; la multiplication des problèmes de sécurité liés à ladématérialisation de l'information."

Jean-Philippe Mouton, gérant de la société d'ingénierie Isayas: "Je pense que ledéveloppement et la maintenance de systèmes informatiques internet est uneactivité qui vient dans la continuité des systèmes MVS (multiple virtualstorage) et client/serveur. De nouvelles sociétés sont créées pour répondre auxbesoins informatiques récents des entreprises, alors que l'activité dans ledomaine des vieux systèmes ralentit. La récession du net touche aujourd'hui enpriorité les entreprises nouvelles de 'business online'. Internet n'a pas pourvocation véritable de créer de nouveaux commerces, c'est un moyen decommunication, un nouvel outil marketing, la possibilité pour les entreprisesd'avoir des franchises à moindre coût, une information accessible par l'ensemblede ses interlocuteurs… Je suis de ceux qui croient que les sociétésd'ingénierie risquent d'être moins touchées par le phénomène 'start-down' qued'autres dans ce domaine."

La conclusion de ce chapitre appartient à Pierre Schweitzer, architecte designeret concepteur d'@folio, support numérique de lecture nomade: "Internet pose unefoule de questions et il faudra des années pour organiser des réponses, imaginerdes solutions. L'état d'excitation et les soubresauts autour de la dite'nouvelle' économie sont sans importance, c'est l'époque qui est passionnante."

18. CYBERESPACE ET SOCIETE DE L'INFORMATION

[Dans ce chapitre:]

[18.1. Le cyberespace: définitions / Le cyberespace vu par les auteurs / Lecyberespace vu par les bibliothécaires-documentalistes / Le cyberespace vu parles éditeurs / Le cyberespace vu par les gestionnaires / Le cyberespace vu parles linguistes / Le cyberespace vu par les professeurs / Le cyberespace vu parles spécialistes du numérique // 18.2. La société de l'information: définitions/ Un concept vide de sens / La société de l'information vue par les auteurs / Lasociété de l'information vue par les bibliothécaires-documentalistes / Lasociété de l'information vue par les éditeurs / La société de l'information vuepar les linguistes / La société de l'information vue par les professeurs / Lasociété de l'information vue par les spécialistes du numérique]

On rappelle souvent que la paternité du terme "cyberspace" revient à WilliamGibson, qui le définit ainsi dans Neuromancien, roman de science-fiction paru en1984: "Cyberespace: une hallucination consensuelle expérimentée quotidiennementpar des milliards d'opérateurs réguliers, dans chaque nation, par des enfants àqui on enseigne des concepts mathématiques… Une représentation graphique desdonnées extraites des banques de tous les ordinateurs dans le système humain.Complexité incroyable. Des lignes de lumière qui vont dans le non-espace del'esprit, des agglomérats et des constellations de données. Et qui fuient, commeles lumières de la ville." (traduction personnelle à partir du texte anglais)

Quant à la société de l'information, elle n'est pas si récente. On annoncepresque quotidiennement son avènement depuis les années 70, comme le rappelleJacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young:"C'est un vieux concept, dont on parlait déjà en 1975! Seules les technologiesont changé."

Les termes "cyberespace" et "société de l'information" sont sur toutes leslèvres, et dans tous les écrits. La littérature sur le sujet est abondante, etn'est pas près de tarir. Plutôt que la répertorier, ou de gloser sur le sujet,on a préféré demander aux professionnels du livre quelles étaient leurs propresdéfinitions. Voici leurs réponses.

18.1. Le cyberespace: définitions

= Le cyberespace vu par les auteurs

Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte:"Lequel? Celui des Gibson, inventeur de la formule, des Spinrad ou des Clarke,utopies scientifiques pas toujours traitées comme elles devraient l'être? Oucelui des AOL/Time-Warner, des Microsoft ou des… J6M-Canal/Universal… Toutce qu'on peut dire à l'heure actuelle, c'est que ce qu'on peut encore appeler lecyberspace est multiforme, et qu'on ne sait pas qui le domptera. Ni s'il faut ledompter d'ailleurs… En tout cas, les créateurs, artistes, musiciens, les sitesscientifiques, les petites 'start-up' créatives, voire les millions de pagesperso, les chats, les forums, et tout ce qui donne au net sa matière propre nepourra être ignoré par les grands mangeurs de toile. Sans eux, ils perdraientleurs futurs 'abonnés'. Ce paradoxe a son petit côté subversif qui me plaîtassez."

Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Le délire SF du type: 'bienvenuedans la 3e dimension, payez-vous du sexe, des voyages et des vies virtuels' atoujours existé. La méditation, l'ésotérisme, les religions y pourvoient, etc.Maintenant, on est dans le cyberspace."

Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadairedes actualités de l'internet, définit le cyberespace comme "un monde parallèle,un espace où se déroule l'ensemble des activités d'information, decommunication, et d'échanges (y compris échanges commerciaux) désormais permisespar le réseau. Il y a un centre, autonome, très interconnecté qui vit par etpour lui-même. Puis des collectivités plus ou moins ouvertes, des espacesréservés (intranets), des sous-ensembles (AOL, CompuServe). Il y a ensuite detrès longues frontières où règne une culture mixte, hybride, issue du virtuel etdu réel (on pense aux imprimés qui ont des versions web, aux sites marchands).Il y a aussi un sentiment d'appartenance à l'une ou l'autre de ces régions ducyberespace, et un sentiment d'identité."

Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritureshypermédias: "Ce pourrait-être quelque chose comme l'ensemble électriquemouvant, le système invisible mais cohérent des êtres humains sensibles et desinterfaces intelligentes dont les activités sont tout ou en partie réglées,conditionnées ou co-régulées à travers leurs machines connectées ensemble.Peut-être plus simplement: la virtualisation sensible et numérique del'inconscient collectif…"

Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en3D, le définit comme "un lieu isotrope en expansion pour l'instant infinie. Unmodèle de la vision que nous avons aujourd'hui de l'univers. Jusqu'à l'inventiondu clic, le savoir humain était senti comme un espace newtonien, avec deuxrepères absolus: le temps (linéaire: un début, une fin) et l'espace (les troisdimensions du temple, du rouleau, du volumen). Le cyberespace obéit aux lois del'hypertexte. Deux temps simultanés: le temps taxé (par le fournisseur d'accèsou par les impératifs de productivité, égrené par l'antique chrono), et le tempsaboli, qui fait passer d'un lien à l'autre, d'un lieu à l'autre à la vitesse del'électron, dans l'illusion du déplacement instantané. Quant aux repères,quiconque a lancé une recherche dans cet espace sait qu'il doit lui-même lesdéfinir pour l'occasion, et se les imposer (sous peine de se disperser, de sedissoudre), pour échapper au vertige de la vitesse. A cause de cette 'vitesse dela pensée', nous trouvons dans cet espace un 'modèle' de notre cerveau. 'Çatourne dans ma tête', à travers 10, 20, etc… synapses à la fois, comme unfureteur archivant la toile. Bref les lois du cyberespace sont celles du rêve etde l'imagination."

Pour Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditant ses livres, le cyberespace est"le domaine virtuel créé par la mise en relation de plusieurs ordinateurscommuniquant et échangeant entre eux".

Naomi Lipson, écrivain multimédia, traductrice et peintre: "J'aime la métaphoredu labyrinthe. Le média se nourrissant lui-même, le cyberespace contient uneinfinité de sites sur les labyrinthes."

Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Pour moi, le cyberespace est l'ensembledes liens existant entre les individus utilisant la technologie pour communiquerentre eux, soit pour partager des informations, soit pour discuter. Dire qu'unepersonne existe dans le cyberespace revient à dire qu'elle a éliminé la distanceen tant que barrière empêchant de relier personnes et idées."

Pour Xavier Malbreil, auteur multimédia et modérateur de la liste e-critures, ils'agit d'"une interconnexion de tous, partout. Avec le libre accès à des banquesde données, pour insuffler également du contenu dans les échangesinterpersonnels".

Murray Suid, écrivain travaillant pour une société internet de logicielséducatifs: "Le cyberespace est n'importe où, c'est-à-dire partout. L'exemple leplus simple est ma boîte aux lettres électronique, qui me suit où que j'aille."

= Le cyberespace vu par les bibliothécaires-documentalistes

Emmanuel Barthe, documentaliste juridique et modérateur de la liste dediscussion Juriconnexion: "Je ne visualise pas le cyberespace comme véritableespace physique mais comme un immense média néanmoins concentré en un lieuunique: l'écran de l'ordinateur. En revanche, je conçois/pense le cyberespacecomme un forum ou une assemblée antique: beaucoup d'animation, diversité desopinions, des discours, des gens qui se cachent dans les recoins, des personnesqui ne se parlent pas, d'autres qui ne parlent qu'entre eux…"

Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure destatistique et d'économie appliquée) d'Abidjan: "Il y a encore un peu defantasme autour de ce mot. Quand j'ai fait connaissance avec ce mot (utilisé parJean-Claude Guédon et Nicholas Négroponte), il m'avait d'abord laissé l'illusiond'un espace extra-terrestre où les ordinateurs et leurs utilisateurs setransportaient pour échanger des données et communiquer. Depuis que je naviguemoi-même, je me rends compte qu'il s'agit tout simplement d'un espace virtueltraduisant le cadre de communication qui rassemble les internautes à travers lemonde."

Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation decoopération et de développement économiques): "Le cyberespace est cette zone'extérieure' qui se trouve de l'autre côté du PC lorsqu'on se connecte àl'internet. Pour ses utilisateurs ou ses clients, tout fournisseur de servicesinternet ou serveur de pages web se trouve donc dans le cyberespace."

= Le cyberespace vu par les éditeurs

Pour Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné auxnouveaux auteurs, le cyberespace est "un espace d'expression, de liberté etd'échanges où tout peut aller très (trop) vite".

Pierre-Noël Favennec, directeur de collection et expert à la directionscientifique de France Télécom R&D: "Le cyberespace est un monde où je suisrelié par l'image et le son et sans fil avec qui je veux, quand je veux et où jeveux, où j'ai accès à toutes les documentations et informations souhaitées, etdans lequel ma vie est facilitée par les agents intelligents et les objetscommunicants."

Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques etlittéraires: "C'est un espace de liberté pour l'imaginaire, une dimensioninexplorée de la planète, une jungle et un paradis tout à la fois, où tout estpossible même si tout n'est pas permis par l'éthique, où le contenu duportefeuille des intervenants n'a aucun rapport direct avec la valeur descontenus des sites. C'est avant tout une vaste agora, une place publique où l'ons'informe et où l'on informe. Ça peut être également une place de foires etmarchés, mais l'argent n'y a cours que très accessoirement, même si lapossibilité de vendre en ligne est réelle et ne doit pas être négligée niméprisée. Il n'y est pas la seule valeur de référence, contrairement au monderéel et, même dans les cas très médiatiques de start-up multimillionnaires, lerapport à l'argent n'est qu'une conséquence, la matérialisation d'espérancesfinancières, très vite sanctionnée en cas d'ambitions excessives comme on levoit régulièrement sur le site Vakooler: Ki Vakooler aujourd'hui? (Va couler:qui va couler aujourd'hui?, ndlr), après les envolées lyriques et délirantes despremiers temps. A terme, je pense que le cyberespace restera un lieu beaucoupplus convivial que la société réelle."

Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas: "Je reprendrai volontiers unephrase d'Alain Bron, ami et auteur de Sanguine sur Toile (publié en 1999 par leséditions du Choucas, ndlr): 'un formidable réservoir de réponses quand oncherche une information et de questions quand on n'en cherche pas. C'est ainsique l'imaginaire peut se développer… (Ma correspondante en Nouvelle-Zélandeest-elle jolie ? L'important, c'est qu'elle ait de l'esprit.)'"

= Le cyberespace vu par les gestionnaires

Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen: "Le cyberspace peut être considéré comme l'ensemble desinformations qui sont accessibles sans aucune restriction sur le réseauinternet."

Pour Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" ducentre informatique de l'Université de Lausanne, le cyberespace est "l'ensembledes ressources et acteurs connectés et accessibles à un moment donné".

Pour Jacques Pataillot, conseiller en management chez Cap Gemini Ernst & Young,le cyberespace est "l''économie connectée' (de l'anglais 'connected economy') oùtous les agents sont reliés électroniquement pour les échanges d'information".

= Le cyberespace vu par les linguistes

Guy Antoine, créateur du site Windows on Haiti, site de référence sur la culturehaïtienne: "Le cyberespace est au sens propre une nouvelle frontière pourl'humanité, un endroit où chacun peut avoir sa place, assez facilement et avecpeu de ressources financières, avant que les règlements inter-gouvernementaux etles impôts ne l'investissent. Suite à quoi une nouvelle technologie luisuccédera."

Pour Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux languesofficielles du Canada, il s'agit d'"un lieu de connaissances partagées nonsoumis aux contraintes du temps et de l'espace".

Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californiedu Sud: "Pour moi, le cyberespace est représenté par la totalité desinformations auxquelles nous pouvons accéder par l'internet et les systèmesinformatiques en général. Il ne s'agit bien sûr pas d'un espace, et son contenuest sensiblement différent de celui des bibliothèques. Par exemple, bientôt monréfrigérateur, ma voiture et moi-même seront connus du cyberespace, et toutepersonne disposant d'une autorisation d'accès (et d'une raison pour cela) pourraconnaître précisément le contenu de mon réfrigérateur et la vitesse de mavoiture (ainsi que la date à laquelle je devrai changer les amortisseurs), et ceque je suis en train de regarder maintenant. En fait, j'espère que la conceptionde la publicité va changer, y compris les affiches et les présentations que j'aisous les yeux en marchant, afin que cette publicité puisse correspondre à mesconnaissances et à mes goûts, tout simplement en ayant les moyens de reconnaîtreque 'voici quelqu'un dont la langue maternelle est l'anglais, qui vit à LosAngeles et dont les revenus sont de tant de dollars par mois'. Ceci serapossible du fait de la nature dynamique d'un cyberespace constamment mis à jour(contrairement à une bibliothèque), et grâce à l'existence de pucesinformatiques de plus en plus petites et bon marché. Tout comme aujourd'huij'évolue dans un espace social qui est un réseau de normes sociales,d'expectations et de lois, demain, j'évoluerai aussi dans un cyberespace composéd'informations sur lesquelles je pourrai me baser (parfois), qui limiteront monactivité (parfois), qui me réjouiront (souvent, j'espère) et qui me décevront(j'en suis sûr)."

Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in HumanLanguage Technologies): "Pour moi, le cyberespace est la partie de l'univers(incluant personnes, machines et information) que je peux atteindre 'derrière'ma table de travail."

Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse ettraitements informatiques du lexique français): "Je crois que, dans lecyberespace, l'information et la quantité de l'information sont gouvernées pardes lois mathématiques. Mais les modèles mathématiques n'ont pas trouvé encoreleur solution, un peu comme le mouvement perpétuel ou la quadrature du cercle."

= Le cyberespace vu par les professeurs

Pour Gaëlle Lacaze, ethnologue et professeur d'écrit électronique dans uninstitut universitaire professionnel, il s'agit d'"une visuelle en troisdimensions: superposition de lignes droites mouvantes selon des directionsmultiples où les rencontres de lignes créent des points de contact".

Pour Patrick Rebollar, professeur de littérature française et modérateur de laliste de diffusion LITOR (Littérature et ordinateur), le cyberespace est "laréplique virtuelle et très imparfaite du monde des relations humaines, sociales,commerciales et politiques. En privant partiellement les utilisateurs de lamatérialité du monde (spatiale, temporelle, corporelle), le cyberespace permetde nombreuses interactions instantanées et multi-locales. A noter que les êtreshumains se montrent aussi stupides ou intelligents, malveillants ou dévoués dansle cyberespace que dans l'espace réel…"

Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la WebsterUniversity de Genève: "Le cyberespace est notre espace virtuel, à savoirl'espace de l'information numérique (constitué de bits, et non d'atomes). Si onconsidère son spectre, il s'agit d'un espace limité. Il doit être géré de tellefaçon que tous les habitants de la planète puissent l'utiliser et en bénéficier.Il faut donc éliminer la fracture numérique."

Pour Christian Vandendorpe, professeur à l'Université d'Ottawa et spécialistedes théories de la lecture, le cyberespace est "le nouveau territoire de laculture, un espace qui pourrait jouer le rôle de l'Agora dans la Grèce ancienne,mais à un niveau planétaire".

Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Universitéde Toronto: "Je travaille dans la même université que Marshall McLuhan autrefois(nos carrières se sont un moment croisées). Le 'village global' qu'ilentrevoyait à l'époque de la radio et de la télévision est devenu une réalitédans l'ère d'internet. Mais un village sans classes sociales (il n'y a pas dechâtelain)."

= Le cyberespace vu par les spécialistes du numérique

Pierre Schweitzer, architecte designer et concepteur d'@folio, support numériquede lecture nomade: "C'est un terme un peu obscur pour moi. Mais je détesteencore plus 'réalité virtuelle'. Bizarre, cette idée de conceptualiser unailleurs sans pouvoir y mettre les pieds. Evidemment un peu idéalisé, 'sansfriction', où les choses ont des avantages sans les inconvénients, où les autresne sont plus des 'comme vous', où on prend sans jamais rien donner, 'meilleur' -paraît-il. Facile quand on est sûr de ne jamais aller vérifier. C'est la porteouverte à tous les excès, avec un discours technologique à outrance, déconnectédu réel, mais ça ne prend pas. Dans la réalité, internet n'est qu'une évolutionde nos moyens de communication. Bon nombre d'applications s'apparentent ni plusni moins à un télégraphe évolué (Morse, 1830): modem, e-mail… Les mots dutélégraphe traversaient les océans entre Londres, New-York, Paris et Toyo, bienavant l'invention du téléphone. Bien sûr, la commutation téléphonique a faitquelques progrès: jusqu'à l'hypertexte cliquable sous les doigts, les URL(uniform resource locators) en langage presqu'humain, bientôt accessibles ycompris par les systèmes d'écriture non alphabétiques… Mais notre vrai tempsréel, c'est celui des messages au fond de nos poches et de ceux qui se perdent,pas le temps zéro des télécommunications. La segmentation et la redondance desmessages, une trouvaille d'internet? Au 19e siècle, quand Reuters envoyait sesnouvelles par pigeon voyageur, il en baguait déjà plusieurs. Nos pages perso? Cesont des aquariums avec un répondeur, une radio et trois photos plongés dedans.Tout ce joyeux 'bazar' est dans nos vies réelles, pas dans le 'cyberespace'."

18.2. La société de l'information: définitions

= Un concept vide de sens

Gérard Jean-François, directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen: "Il n'y a pas de société de l'information particulière. Detout temps, elle a toujours existé. Ce qu'il faut noter, c'est son évolutioncontinue. Gutenberg l'a fait évoluer, de même internet."

Philippe Loubière, traducteur littéraire et dramatique: "Il n'y a pas, je crois,de société de l'information. Internet, la télévision, la radio ne sont pas desmoyens d'information, ce sont des moyens de communication. L'informationparticipe d'une certaine forme de savoir sur le monde, et les moyens decommunication de masse ne la transmettent pratiquement pas. Ils l'évoquent dansle meilleur des cas (ceux des journalistes de terrain par exemple), et ladéforment voire la truquent dans tous les autres. Et (pour autant qu'il leveuille!) le pouvoir politique n'est hélas plus aujourd'hui assez 'le' pouvoirpour pouvoir faire respecter l'information et la liberté. L'information, commetoute forme de savoir, est le résultat d'une implication personnelle et d'uneffort de celui qui cherche à s'informer. C'était vrai au Moyen-Âge, c'estencore vrai aujourd'hui. La seule différence, c'est qu'aujourd'hui il y adavantage de leurres en travers du chemin de celui qui cherche."

Pour Pierre Magnenat, responsable de la cellule "gestion et prospective" ducentre informatique de l'Université de Lausanne, il s'agit d'"un mot à la mode,qui ne veut rien dire. Une société est par essence communicative, et donccaractérisée par des échanges d'informations. Les seules choses qui ont changé,c'est la quantité et la vitesse de ces échanges."

Patrick Rebollar, professeur de littérature française et modérateur de la listede diffusion LITOR (Littérature et ordinateur), définit la société del'information comme "une grande mise en scène (mondialisée) qui fait prendre lesvessies pour des lanternes. En l'occurrence, les gouvernants de toutes sortes,notamment sous le nom de 'marché', diffusent de plus en plus de prescriptionscontraignantes (notamment commerciales, politiques et morales) qu'ilsréussissent, un peu grâce aux merveilles technologiques, à faire passer pour deslibertés. Notons que 'cybernétique' et 'gouvernement' ont la même racinegrecque…"

= La société de l'information vue par les auteurs

Nicolas Ancion, écrivain et responsable éditorial de Luc Pire électronique:"Pour moi, la société de l'information est l'arrivée d'un nouveau clivage sur laplanète: distinction entre ceux qui ont accès au savoir, le comprennent etl'utilisent, et ceux qui n'y ont pas accès pour de nombreuses raisons. Il nes'agit cependant pas d'une nouvelle forme de société du tout car le pouvoir del'information n'est lié à aucun pouvoir réel (financier, territorial, etc.).Connaître la vérité ne nourrit personne. Par contre, l'argent permet de trèsfacilement propager des rumeurs ou des mensonges. La société de l'informationest simplement une version avancée (plus rapide, plus dure, plus impitoyable) dela société industrielle. Il y a ceux qui possèdent et jouissent, ceux quisubissent et ceux dont on ne parle jamais: ceux qui comprennent et ne peuventpas changer les choses. Au 19e siècle, certains artistes et certainsintellectuels se retrouvaient dans cette position inconfortable. Grâce à lasociété de l'information, beaucoup de gens ont rejoint cette catégorie assiseentre deux chaises. Qui possède des biens matériels et a peur de les perdre maisconsidère pourtant que les choses ne vont pas dans la bonne direction. Monopinion personnelle, par rapport à tout ça, c'est que ce n'est pas l'informationqui sauve. C'est la volonté. Pour changer le monde, commençons par lever notrecul de notre chaise et retrousser nos manches."

Alex Andrachmes, producteur audiovisuel, écrivain et explorateur d'hypertexte:"Dans l'idéal, un lieu d'échange, le fameuse agora du village global. Maisl'idéal… Tant que le débat existe entre les fous du net et les VRP (voyageursreprésentants de commerce, ndlr) de la VPC (vente par correspondance, ndlr), ily a de l'espoir. Le jour où les grands portails se refermeront sur la libertéd'échanger des infos en ligne, ça risque plutôt d'être la société de ladésinformation. Ici aussi, des confusions sont soigneusem*nt entretenues. Quelleinformation, celles du 20 heures à relayer telles quelles sur le net? Cellescontenues sur ces fabuleux CD, CD-Rom, DVD chez vous dans les 24 h chrono? Outoutes les connaissances contenues dans les milliards de pages non répertoriéespar les principaux moteurs de recherche. Ceux qui ont de plus en plus tendance àmettre en avant les sites les plus visités, qui le sont dès lors de plus enplus. Là, on ne parle même plus de désinformation, de complot de puissancesoccultes (financières, politiques ou autres…), mais de surinformation, donc delassitude, de non-information, et finalement d'uniformisation de la pensée. Sansavoir de définition précise, je vois qu'une société de l'information qui seraitfigée atteindrait le contraire de sa définition de base. Du mouvement donc…"

Lucie de Boutiny, écrivain papier et pixel: "Je préférerais parler de'communautés de l'information'… Nous sommes plutôt dans une société de lacommunication et de la commutation. Il est très discutable de savoir si nosdiscussions sont de meilleure qualité et si nous serions plus savants… Etreinformé n'est pas être cultivé."

Pour Jean-Pierre Cloutier, auteur des Chroniques de Cybérie, chroniquehebdomadaire des actualités de l'internet, la société de l'information est "unesociété où l'unité de valeur réelle est l'information produite, transformée,échangée. Elle correspond au 'centre' du cyberespace. Malheureusem*nt, leconcept a tellement été galvaudé, banalisé, on l'a servi à toutes les saucespoliticiennes pour tenter d'évoquer ce qu'on ne pouvait imaginer dans le détail,ou concevoir dans l'ensemble, de sorte que l'expression a perdu de son sens."

Pour Luc Dall'Armellina, co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritureshypermédias, la société de l'information est "la nôtre, je pense?L'américano-nord-européenne. A la Bourse, les annonces ont des effets mesurablesen millions de dollars ou d'euros et déclenchent des impacts économiques ethumains parfois très violents: rachats, ventes, hausses et baisses des valeurs,licenciements. C'est une société où la valeur absolue est l'information et soncontrôle, et la valeur relative l'humain."

Jean-Paul, webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte des histoires en3D, définit la société de l'information en trois mots: "plus, plus vite. Maisles données ne sont pas l'information. Il faut les liens, c'est à dire le temps.Plus d'évènements, plus d'écrans pour les couvrir. Plus vite: l'évènement dujour est liquide. Effacé, recouvert par la vaguelette du lendemain, la vague dujour d'après, la houle de la semaine, le tsunami du mois. Cycles aussi'naturels' que les marées estivales du Loch Ness. Pas 'effacé', d'ailleurs,l'évènement d'hier (qui n'est pas 'tous les évènements d'hier'): déja archivé,dans des bases de données qui donnent l'illusion d'être exhaustives, facilementaccessibles et momentanément gratuites. Mais les données ne donnent rien parelles-même. S'informer, c'est lier entre elles des données, éliminer celles quine sont pas pertinentes (quitte à revenir sur ces choix plus tard), se trouverainsi obligé de chercher d'autres données qui corroborent ou infirment lesprécédentes… L'information naît du temps passé à tisser les liens. Or le tempsnous est mesuré, au quartz près. Productique ou temps libre, nous passons deplus en plus de temps à raccrocher au nez de spammeurs qui nous interrompentpour nous revendre nos désirs (dont nous informons les bases de données qui lesleur vendent). Ce qui est intéressant dans ce bonneteau est que les infos quenous fournissons sur nous-mêmes, nous les truquons suffisamment pour que lescommerciaux n'arrivent pas à en tirer les lois du succès: Survivor II est unbide, après le succès de la version I. De cette incertitude viennent les trousdans le filet qui laissent parvenir jusqu'à nous certaines infos. Bref la'société de l'information', c'est le jeu des regards dans le tableau de de LaTour: 'La diseuse de bonne aventure'. Le jeune homme qui se fait dépouiller enest conscient, et complice. Il a visiblement les moyens de s'offrir lesflatteries des trois jolies filles tout en exigeant de la vieille Diseusequ'elle lui rende l'une de ces piécettes dont il a pris la précaution de gonflerostensiblement la bourse qu'on lui coupe."

Pour Anne-Bénédicte Joly, écrivain auto-éditant ses livres, la société del'information permet "l'accès au plus grand nombre de la plus grande quantitéd'information possible tout en garantissant la partialité de l'information et enfournissant les clefs de compréhension nécessaires à sa bonne utilisation".

Tim McKenna, écrivain et philosophe: "Je considère la société de l'informationcomme la forme tangible de la conscience collective de Jung. L'informationréside essentiellement dans notre subconscient mais, grâce à l'existence denavigateurs, l'information est désormais plus facile à récupérer. Cetteinformation favorise une meilleure connaissance de nous-mêmes en tantqu'individus et en tant qu'êtres humains."

Xavier Malbreil, auteur multimédia et modérateur de la liste e-critures, définitla société de l'information comme "la circulation de l'information en tempsréel. La connaissance immédiate. L'oubli immédiat. L'espace saturé d'ondes nousentourant, et nous, corps humains, devenant peu à peu un simple creux laissé parles ondes, une simple interconnexion. Corps humains devenant instants del'information."

Pour Murray Suid, écrivain travaillant pour une société internet de logicielséducatifs, il s'agit d'"une société dans laquelle les idées et le savoir sontplus importants que les objets".18.2.3. La société de l'information vue par les bibliothécaires-documentalistes

Emmanuel Barthe, documentaliste juridique et modérateur de la liste dediscussion Juriconnexion: "Il s'agit nettement moins d'une 'société' del'information que d'une économie de l'information. J'espère que la société,elle, ne sera jamais dominée par l'information, mais restera cimentée par desliens entre les hommes de toute nature, qu'ils communiquent bien ou mal, peu oubeaucoup."

Pour Bakayoko Bourahima, documentaliste à l'ENSEA (Ecole nationale supérieure destatistique et d'économie appliquée) d'Abidjan, la société de l'information est"la société de l'informatique et de l'internet".

Peter Raggett, directeur du centre de documentation de l'OCDE (Organisation decoopération et de développement économiques): "La société de l'information estcette société dont le produit le plus précieux est l'information. Jusqu'au 20esiècle, ce sont les produits manufacturiers qui ont été les plus considérés. Ilsont ensuite été remplacés par l'information. En fait, on parle maintenantdavantage d'une société du savoir, dans laquelle, du point de vue économique, leproduit le plus prisé est le savoir acquis par chacun."

= La société de l'information vue par les éditeurs

Pour Marie-Aude Bourson, créatrice de Gloupsy, site littéraire destiné auxnouveaux auteurs, il s'agit d'"une société où l'information circule très vite(trop peut-être), et où chaque acteur se doit de rester toujours informé s'il neveut pas s'exclure. L'information elle-même devient une véritable valeurmonnayable."

Pour Pierre-Noël Favennec, directeur de collection et expert à la directionscientifique de France Télécom R&D, il s'agit d'"une société dans laquelle toutmembre de cette société a accès immédiatement à toutes les informationssouhaitées".

Olivier Gainon, créateur de CyLibris, maison d'édition littéraire en ligne: "Ceque nous vivons aujourd'hui, c'est la mise en réseau de notre société, au sensoù, à terme, beaucoup des objets quotidiens seront connectés au Réseau (avec ungrand R, qui sera lui-même composé de dizaines de réseaux différents). Bref,c'est une nouvelle manière de vivre et, à terme, certainement une nouvellesociété. S'agit-il d'une société de 'l'information'? Je n'en suis pas certain.Faut-il que nous définissions collectivement ce que nous voulons dans cettesociété? Cela me semble urgent, et c'est un débat qui concerne tout le monde,pas uniquement les 'connectés'. Bref, sur quelles valeurs de société fondernotre action future? Voilà un vrai débat. J'en profite d'ailleurs pour faire unpeu de pub pour un auteur CyLibris: La Toile de Jean-Pierre Balpe me sembleaujourd'hui la meilleure illustration de ce débat. La société qu'il décrit autravers de ce roman est à mon sens la plus probable à court terme (l'action sepasse en 2015). Est-ce cela que nous voulons? Est-ce ce type d'organisation?Peut-être, mais mon souci, c'est que ce choix soit conscient et non subi."

Jacky Minier, créateur de Diamedit, site de promotion d'inédits artistiques etlittéraires: "La société de l'information amène un recadrage des hiérarchiesdans les rapports qui s'établissent entre les gens, de manière beaucoup plusnaturelle, à partir des discussions en forums notamment. Dans la vie réelle, onest souvent influencé, voire impressionné, par les titres ou la largeur dubureau d'un interlocuteur 'installé' dans le système. Sur le net, seuls comptentle sens contenu dans le propos et la manière de l'exprimer. On distingue trèsvite les véritables intelligences raffinées des clowns ou autres mythomanes. Uneforme de pédagogie conviviale, non intentionnelle et surtout non magistrale,s'en dégage généralement qui profite au visiteur lambda, lequel parfois apporteaussi sa propre expérience. Tout ça laisse augurer d'une créativité multiforme,dans un bouillonnement commun à des milliers de cerveaux reliés fonctionnant àla manière d'une fourmilière. C'est non seulement un véritable moyen d'échangedu savoir, mais de surcroît un moyen de l'augmenter en quantité, del'approfondir, de l'intégrer entre différentes disciplines. Le net va rendre lesgens plus intelligents en favorisant leur plus grande convivialité, en cassantles départements et domaines réservés de certains mandarins. Mais il est clairqu'il faudra aussi faire attention aux dérives que cette liberté implique."

Pour Nicolas Pewny, créateur des éditions du Choucas, il s'agit d'"une sociétéqui pourrait apporter beaucoup, si l'on empêche qu'elle ne rime trop avec'consommation' et tout ce qui accompagne ce mot. Mais il est déjà trop tardpeut-être…"

= La société de l'information vue par les linguistes

Pour Alain Clavet, analyste de politiques au Commissariat aux languesofficielles du Canada, la société de l'information est "le constat que la valeurajoutée centrale (en référence à une notion économique, celle de la valeurajoutée) devient de plus en plus l'intelligence de l'information. Ainsi, dansune société de l'information, la connaissance devient la plus-value recherchée."

Eduard Hovy, directeur du Natural Language Group de l'Université de Californiedu Sud: "Une société de l'information est une société dans laquelle la majoritédes gens a conscience de l'importance de cette information en tant que produitde base, et y attache donc tout naturellement du prix. Au cours de l'histoire,il s'est toujours trouvé des gens qui ont compris combien cette informationétait importante, afin de servir leurs propres intérêts. Mais quand la société,dans sa majorité, commence à travailler avec et sur l'information en tant quetelle, cette société peut être dénommée société de l'information. Ceci peutsembler une définition tournant un peu en rond ou vide de sens, mais je vousparie que, pour chaque société, les anthropologues sont capables de déterminerquel est le pourcentage de la société occupé au traitement de l'information entant que produit de base. Dans les premières sociétés, ils trouveront uniquementdes professeurs, des conseillers de dirigeants et des sages. Dans les sociétéssuivantes, ils trouveront des bibliothécaires, des experts à la retraiteexerçant une activité de consultants, etc. Les différentes étapes de lacommunication de l'information - d'abord verbale, puis écrite, puis imprimée,puis électronique - ont chaque fois élargi (dans le temps et dans l'espace) lechamp de propagation de cette information, en rendant de ce fait de moins enmoins nécessaire le réapprentissage et la répétition de certaines tâchesdifficiles. Dans une société de l'information très évoluée, je suppose, ildevrait être possible de formuler votre objectif, et les services d'information(à la fois les agents du cyberespace et les experts humains) oeuvreraientensemble pour vous donner les moyens de réaliser cet objectif, ou bien sechargeraient de le réaliser pour vous, et réduiraient le plus possible votrecharge de travail en la limitant au travail vraiment nouveau ou au travailnécessitant vraiment d'être refait à partir de documents rassemblés pour vousdans cette intention."

Steven Krauwer, coordinateur d'ELSNET (European Network of Excellence in HumanLanguage Technologies): "La société de l'information est une société danslaquelle: a) l'essentiel du savoir et de l'information n'est plus stocké dansdes cerveaux ou des livres mais sur des médias électroniques; b) les dépôtsd'information sont distribués et interconnectés au moyen d'une infrastructurespécifique, et accessibles de partout; c) les processus sociaux sont devenustellement dépendants de cette information et de son infrastructure que lescitoyens non connectés au système d'information ne peuvent pleinement participerau fonctionnement de la société."

Zina Tucsnak, ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyse ettraitements informatiques du lexique français): "La société de l'informationpeut être définie comme un milieu dans lequel se développent la culture et lacivilisation par l'intermédiaire de l'informatique, qui restera la base et lathéorie de cette société."

= La société de l'information vue par les professeurs

Pour Emilie Devriendt, élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Paris,"le syntagme 'société de l'information' est plus une formule (journalistique,politique) à la mode depuis plusieurs années, qu'une véritable notion. Cetteformule tend communément je crois, à désigner une nouvelle 'ère'socio-économique, post-industrielle, qui transformerait les relations socialesdu fait de la diffusion généralisée des nouvelles technologies de l'informationet de la communication (NTIC). Personnellement, je n'adhère pas à cette visiondes choses. Si la diffusion croissante des NTIC est indéniable et constitue unphénomène socio-économique propre à l'époque contemporaine, je ne crois pasqu'il faille y voir la marque de l'avènement d'une nouvelle société 'del'information'. La formule 'société de l'information' est construite sur lemodèle terminologique (socio-économique) de la 'société industrielle'. Mais leparallèle est trompeur: 'société de l'information' met l'accent sur un contenu,alors que 'société industrielle' désigne l'infrastructure économique de cettesociété. L'information en tant que produit (industriel ou service) apparaîtpeut-être plus complexe que, par exemple, les produits alimentaires, mais cettecomplexité ne suffit pas à définir l'avènement dont il est question. D'autantplus que l'emploi inconditionnel de la formule a contribué à faire del'information un terme passe-partout, très éloigné même de sa théorisationmathématique (Shannon), de sa signification informatique initiale. Elle traduituniquement une idéologie du progrès électronique mise en place dans les années1950 et véhiculée ensuite par nos gouvernements et la plupart de nosjournalistes, qui définissent fallacieusem*nt le développement des NTIC comme un'nécessaire' vecteur de progrès social. Quelques analystes (sociologues ethistoriens des techniques comme Mattelart, Lacroix, Guichard, Wolton) ont trèsbien montré cela."

Pour Gaëlle Lacaze, ethnologue et professeur d'écrit électronique dans uninstitut universitaire professionnel, il s'agit d'"une société où l'informationest reçue et digérée, sans être étouffée par la profusion".

Henri Slettenhaar, professeur en technologies de la communication à la WebsterUniversity de Genève: "La société de l'information est l'ensemble des personnesutilisant quotidiennement le cyberespace de manière intensive et quin'envisageraient pas de vivre sans cela, à savoir les nantis, ceux qui sont dubon côté de la fracture numérique."

Russon Wooldridge, professeur au département d'études françaises de l'Universitéde Toronto: "Si on veut parler de 'société' il ne peut pas être question d'uneopposition 'haves' vs. 'have-nots' (munis vs. démunis), sauf dans la mesure oùl'accès à l'information est plus ou moins libre ou limité d'un point de vuetechnologique ou économique, voire politique. Par exemple, l'accès àl'information en ligne est plus libre au Canada qu'en France, plus libre enFrance qu'en Algérie, etc. Internet est potentiellement un moyen pour que chacunpuisse s'approprier son propre contrôle de l'information, qui n'est plusdiffusée par les seuls canaux dirigistes, comme l'Edition ou l'Université, entreautres."

= La société de l'information vue par les spécialistes du numérique

Olivier Pujol, PDG de Cytale et promoteur du Cybook, livre électronique, ladéfinit comme "une société où l'accès à l'information, l'information elle-mêmeet la capacité à bien utiliser l'information sont des biens plus précieux queles biens matériels. Il faut noter que l'information a toujours été un avantageprofessionnel considérable. Il fut un temps où un avantage concurrentiel pouvaitexister sur un territoire limité, et être protégé pour un temps long, par lesecret, ou l'ignorance des autres. Les voyages, la mondialisation des échanges,la performance de la logistique ont énormément affaibli la notion de protection'géographique' d'un avantage concurrentiel. La société de l'information est unesociété où la protection de l'information est presque impossible, et où sonusage devient donc la valeur essentielle."

Pierre Schweitzer, architecte designer et concepteur d'@folio, support numériquede lecture nomade: "J'aime bien l'idée que l'information, ce n'est que la formedes messages. La circulation des messages est facilitée, techniquement, et elles'intensifie. Et désormais, le monde évolue avec ça."

François Vadrot, PDG de FTPress, société de cyberpresse, définit la société del'information comme "une société dont l'information est le moteur, dans tous lessens du terme".

19. EXPERIENCES ET SOUVENIRS

[Dans ce chapitre:]

[19.1. Les auteurs et l'internet // 19.2. Les bibliothécaires- documentalisteset l'internet // 19.3. Les concepteurs d'appareils de lecture et l'internet //19.4. Les créateurs de sites littéraires et l'internet // 19.5. Les éditeurs etl'internet // 19.6. Les gestionnaires et l'internet // 19.7. Les libraires etl'internet // 19.8. Les linguistes et l'internet // 19.9. Les professeurs etl'internet]

Plutôt que de rédiger une conclusion, difficile à envisager pour un sujet aussineuf, on préfère laisser la parole aux professionnels du livre cités tout aulong de ces pages. Tous utilisent l'internet depuis plusieurs années. Beaucoupont un souvenir particulièrement marquant lié au réseau, que celui-ci soit bonou mauvais, ou alors une expérience particulièrement marquante, que celle-cisoit positive ou négative. Quels sont ces souvenirs et ces expériences?

19.1. Les auteurs et l'internet

Alex Andrachmes (Europe) est producteur audiovisuel, écrivain et explorateurd'hypertexte. Son meilleur souvenir: "Incontestablement quand apparaissent mespropositions de mails ou de design de site sur le web. Quand je revois lespréparatifs, les brouillons, et que je vois ce que ça donne, c'est comme unflash. Au fond, c'est le même plaisir lorsque sur des Napster ou Gnutella, ontrouve enfin 'le' morceau introuvable qu'on avait perdu d'ouïe depuis dix ans,on le charge, on attend, 1%>50%>99%>file complete, on le lance. Raaaah…"

Son pire souvenir: "C'était au tout début, une de mes premières utilisations dumédium. Je recherchais dans le cadre d'un projet des sites un peu rebelles,anarchisants, des trucs comme ça. Je tape 'cyberpunk' dans Yahoo!, s'affiche laclassique liste de sites. 'Anarchy on the net, cyberpunk rock the web', cegenre… J'essaye d'en ouvrir quelques uns… Surprise! Un banner 'NetNanny'm'interdit l'accès aux sites. Emanation d'un groupuscule de la 'majorité morale'américaine, ce 'NetNanny' s'autorisait à interdire les sites qui ne lui plaisentpas… Je ne l'ai plus jamais rencontré depuis, mais quelle saleté, ce truc.Enfin, à l'autre extrémité, il y a bien le procédé dit de 'l'exit console' où,au moment de sortir d'un site, on vous 'propose' une autre page, puis une autre,puis une autre, impossible de sortir. Ça, je n'en ai pas fait l'expérience, maisça doit être hard. C'est d'ailleurs un procédé de site hard, ai-je lu quelquepart…"

Jean-Pierre Balpe (Paris) est directeur du département hypermédias del'Université Paris 8. Son meilleur souvenir: "Pas un en particulier. Disons queje suis heureux chaque fois que ça marche… et ce n'est hélas pas sisouvent…" Son pire souvenir;: "Même réponse qu'à la question précédente maisinversée…"

Michel Benoît (Montréal), écrivain, utilise l'internet comme outil de recherche,de communication et d'ouverture au monde. Son meilleur souvenir: "Les mails quej'échangeais avec les gens de B-52, la radio libre et clandestine de Serbie,pendant le conflit du Kosovo. En 1978, j'ai visité cette région. Je pouvaissentir leurs souffrances, leurs anxiétés, leurs espoirs. C'est vrai que je mesentais impuissant devant le drame qui se jouait à des milliers de kilomètres dechez moi, mais, au moins, je pouvais parler, témoigner."

Son pire souvenir: "Les quelques rares visites que j'ai faites sur les chats. Levide, l'ennui qui s'y distille. L'inculture qui s'y exprime aussi. Désolant, enmême temps paniquant. Quelqu'un qui écrit: 'Ya man, yyyyyyeeeeeeesssssss,j't'aim 4 ever my luuuuuuvvvvvvvvvvvv' me semble incroyablement désespéré. Unjour, les travailleurs de rue, qui s'occupent actuellement des itinérants et desdrogués, travailleront sur le net à récupérer cette humanité souffrante. Jepense sincèrement que, avec la p*rno, le chat est la poubelle du net."

Silvaine Arabo (Poitou-Charentes), poète et plasticienne, a créé la cyber-revuePoésie d'hier et d'aujourd'hui. Son meilleur souvenir: "Les ami(e)s que ce modede communication m'a permis de rencontrer dans la francophonie ainsi que tousceux et celles qui m'ont dit avoir, grâce à moi, découvert ou redécouvert lapoésie et avoir compris qu'il s'agissait là d'un mode de fonctionnement majeurde l'esprit humain." Son pire souvenir: "Certaines mesquineries de webmasters,parfois un esprit de compétition et d'arrivisme… On retrouve sur internet lasociété telle qu'en elle-même, ni plus, ni moins."

Lucie de Boutiny (Paris), écrivain papier et pixel, est l'auteur de NON, romanmultimédia publié en feuilleton sur le web. Son meilleur souvenir: "En 1997 ou1998, j'ai eu droit aux honneurs de la censure. L'une de mes nouvelles mises enligne, aujourd'hui publiée honorablement sur support papier, était censurée parmon hébergeur. Il était inexact que ma petite histoire noire quoique teintéed'humour était un hommage rendu à un tueur en série pédophile, et cela bien quece soit en effet le sujet. Mais voilà, par un matin gris acier, on apprit quequelques fournisseurs de services en ligne avaient été embarqués au commissariatde police le plus proche. Ils étaient tenus pour responsables du contenu desdizaines de milliers sites qu'ils hébergent! Et fatalement quelques-uns étaientsuspects d'invitation à la haine raciale, au non-respect de la personne, etc. Mapetite nouvelle n'en faisait évidemment pas partie mais j'étais très amusée dufait qu'un 'robot trieur', le genre de nettoyeur informatique qui obéit auxordres des censeurs, ait attenté, par erreur, à ma liberté d'expression."

Son pire souvenir: "Il s'agit d'une vraie anecdote virtuelle: un soir, je reçoisun mail sous pseudonyme m'annonçant que NON, mon roman hypermédia, avait étééradiqué de la planète net. Immédiatement, je me connecte sur mon site. Rien. Jeme débranche, ouvre mon disque dur à la recherche de NON. Rien. Je cherche mesdisques de sauvegarde. Volatilisés. Cinq ans de travail broyés par la masse despixels!… Et c'est à ce moment là que je me suis réveillée… Le mauvais rêve!"

Alain Bron (Paris) est consultant en systèmes d'information et écrivain. Sonmeilleur souvenir: "A la suite de la parution de mon deuxième roman, Sanguinesur toile (publié en 1999 par les éditions du Choucas, ndlr), j'ai reçu unmessage d'un ami que j'avais perdu de vue depuis plus de vingt ans. Il s'étaitreconnu dans un personnage du livre. Nous nous sommes revus récemment autourd'une bouteille de Saint-Joseph et nous avons pu échanger des souvenirs etfomenter des projets…"

Son pire souvenir: "Virus, chaînes du 'bonheur', sollicitations commerciales,sites fascistes, informations non contrôlées, se développent en ce moment à trèsgrande échelle. Je me pose sérieusem*nt la question: 'Quel bébé ai-je bien pucontribuer à faire naître?'"

Jean-Pierre Cloutier (Montréal) est l'auteur des Chroniques de Cybérie,chronique hebdomadaire des actualités de l'internet. Son meilleur souvenir: "Cen'est pas très gai, et ça n'a rien à voir avec le rayonnement important qu'ontacquis Les Chroniques de Cybérie au fil des ans. Début 1996, j'ai reçu unmessage qui disait à peu près ceci: 'Mon fils, dans le début de la vingtaine,était gravement malade depuis des mois. Chaque semaine, il attendait avecimpatience de recevoir dans sa boîte aux lettres votre chronique. Ne pouvantplus sortir de la maison, votre chronique lui permettait de 'voyager', d'ouvrirses horizons, de penser à autre chose qu'à son mal. Il est décédé ce matin. Jevoulais simplement vous remercier d'avoir allégé ses derniers mois parmi nous.'Alors, quand on reçoit un message comme ça, on se fout pas mal de parler à desmilliers de gens, on se fout des statistiques d'achalandage, on se dit qu'onparle à une personne à la fois."

Son pire souvenir: "Pas vraiment un seul 'gros et méchant' souvenir. Mais unefoule de petit* irritants. Le système est fragile, le contenu passe au secondplan, on parle peu du capital humain, on nous inonde de versions successives delogiciels, etc. Mais c'est très vivable…"

Luc Dall'Armellina (Paris) est co-auteur et webmestre d'oVosite, espaced'écritures hypermédias. Son meilleur souvenir: "Je n'ai pas de souvenir uniquemais plutôt des événements marquants: avoir pu contacter et converser par e-mailavec des inconnus dont j'avais lu les travaux, avoir vu des travaux d'amispubliés en livre alors qu'ils étaient écrits initialement et après qu'ils aientexisté d'abord pour le web, avoir échangé des vidéos et des photos de famille àl'autre bout du monde en quelques secondes. Quelques instants fugaces debabillard avec des Canadiens perdus dans les grands froids."

Ses pires souvenirs: "L'arrivée de ce qu'on appelle l'e-business, pas l'arrivéedu commerce qui est une activité respectable (activité naturelle d'échange quicrée du lien), mais celle du discours, du vocabulaire et de l'état d'esprit quil'accompagne: rentabilité, business plan, parts de marché, agressivité… et detoute l'économie faite de flan, d'effets d'annonce et dont le paroxysme s'estappelé Nasdaq. La mise à mort de Mygale par un système et sa récupération par undes acteurs du marché a montré que la communauté de partage et d'intérêt avaitelle aussi un prix (élevé) en fonction de son potentiel d'acheteurs."

Jacques Gauchey (San Francisco) est spécialiste en industrie des technologies del'information, "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe, et journaliste.Son meilleur souvenir: "J'ai publié quelques numéros d'une lettre d'informationen anglais gratuite il y a quatre ans sur internet. Une dizaine de lecteurs parnuméro jusqu'au jour (en janvier 1996) où l'édition électronique de WiredMagazine créa un lien. En une semaine j'ai eu une centaine de courriersélectroniques - y compris de lecteurs francais de mon livre La vallée du risque- Silicon Valley (publié en 1990 chez Plon, ndlr) contents de me retrouver." Sonpire souvenir: "L'internet est un médium et comme tout médium un facteurd'éclatement du pire. La fusillade d'Atlanta fin juillet 1999 par un 'daytrader'. La p*rnographie. La vente libre des armes en ligne. Les mails nonsollicités."

Jean-Paul (Paris) est le webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte deshistoires en 3D. Son meilleur souvenir: "Le vertige qui nous a pris à laréception du premier message… venant du Canada. 10.000 (?) ans après lesInuits, des cotres venaient de découvrir l'Amérique!" Son pire souvenir: "Toutce sommeil en retard…"

Anne-Bénédicte Joly (Antony, région parisienne), écrivain auto-éditeur, utilisele web pour faire connaître ses livres. Son meilleur souvenir: "Lefranchissem*nt de la barre des 200 visiteurs sur mon site." Son pire souvenir:"Je n'en ai pas encore…"

Naomi Lipson (Paris et Tel-Aviv) est écrivain multimédia, traductrice etpeintre. Son meilleur souvenir: "Pour moi, le réseau est un vivier de gensexceptionnels. J'ai fait des rencontres réelles et virtuelles absolumentincroyables en deux ans. Ces gens préexistaient au réseau, bien sûr, mais sanslui, et surtout sans le mél, je ne les aurais jamais contactés!" Elle n'a pas demauvais souvenirs: "J'ai eu beaucoup de chance. En restant très courtoise aussi,je crois avoir évité les désagréments les plus courants de la vie sur la toile.C'est aussi simple que ça. Et avec un peu de prudence, on évite très bien lesvirus."

Tim McKenna (Genève), écrivain, s'interroge sur la notion complexe de "vérité"dans un monde en mutation constante. Son meilleur souvenir: "L'utilisation ducourrier électronique pour rester en contact avec mes amis." Son pire souvenir:"Apprendre à utiliser l'internet, avant que la technologie n'apporte lesaméliorations me permettant de ne plus me préoccuper de mon inaptitude dans cedomaine."

Xavier Malbreil (Ariège, Midi-Pyrénées), auteur multimédia, a créé le sitewww.0m1.com et il est le modérateur de la liste e-critures. Ses meilleurssouvenirs: "Une rencontre amoureuse. La rencontre de plusieurs communautésd'écrivains." Son pire souvenir: "Au tout début, ne pas avoir maîtrisé les codesde communication liés à l'internet. M'être laissé entraîner dans des polémiquesvaines."

Murray Suid (Palo Alto, Californie), écrivain, travaille pour EDVantageSoftware, société internet de logiciels éducatifs. Son meilleur souvenir: "Larencontre avec des experts et des auteurs qui ont participé à mes projets depublications." Son pire souvenir: "Avoir été insulté par une personne que je neconnaissais pas, et qui avait très mauvaise opinion de moi alors qu'elle nesavait absolument rien à mon sujet."

19.2. Les bibliothécaires-documentalistes et l'internet

Emmanuel Barthe (Paris) est documentaliste juridique chez Coutrelis & Associés,cabinet d'avocats, et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion. Sesmeilleurs souvenirs: "Parmi mes bons souvenirs, je pense à ma premièrepublication sur le web: celle de mon bookmark sur le site ForInt Law (Foreignand International Law), en 1996, grâce à la webmestre de ce site, une collèguebibliothécaire juridique dans une université américaine. Je pourrais aussi citerles (trop rares) découvertes de sites juridiques français dotés d'un réelcontenu (un contenu inédit et de valeur) et les remerciements que j'ai reçuspour la rédaction de la FAQ (foire aux questions) de la liste de discussion deJuriconnexion que j'ai récemment rédigée (à la date de l'entretien, en octobre2000, ndlr)."

Son pire souvenir: "Ce fut la destruction involontaire de mon fichier bookmarkde Netscape, à une époque où il était heureusem*nt moins volumineuxqu'aujourd'hui. À partir d'une sauvegarde ancienne, j'ai dû retrouver, demémoire, près d'un tiers des URL (uniform resource locators) et réécrire lesdescriptions des sites."

Olivier Bogros (Lisieux, Normandie) a créé la Bibliothèque électronique deLisieux et il est le directeur de la bibliothèque municipale. Son meilleursouvenir: "Les courriers électroniques reçus, à propos des textes que nousmettons en ligne et qui témoignent de la vivacité de la langue française sur leréseau." Son pire souvenir: "Deux jeunes collégiennes (4e ou 3e) faisant desrecherches sur la Résistance en France, à partir de la station internet de labibliothèque, sont tombées sur un site négationniste. Elles n'ont visiblementpas compris pourquoi nous leur avons interdit toute copie papier ou disquettedudit site et avons effacé les pages à l'écran. Tout simplement les mots'révisionnisme' et 'négationnisme' leur étaient totalement inconnus. Moralité:le libre accès au réseau, mais accompagné d'une médiation par le personnel de labibliothèque. Le pire des maux: l'ignorance!"

Bakayoko Bourahima (Abidjan) est documentaliste à l'Ecole nationale supérieurede statistique et d'économie appliquée (ENSEA). Son meilleur souvenir: "C'estquand j'ai pu tirer d'embarras un de mes amis, thésard en médecine, quin'arrivait pas à boucler sa bibliographie sur un sujet sur lequel il n'y avaitpratiquement aucune référence au plan local." Son pire souvenir: "Les mélsindésirables, tous ces trucs bidons qu'on peut vous faire suivre, avec cinqcorrespondants ou plus qui vous envoient le même message."

Bruno Didier (Paris) est le webmestre de la médiathèque de l'Institut Pasteur.Son meilleur souvenir: "Le jour où j'ai gagné une boîte de chocolats suisses surle site de Health On the Net (ne vous précipitez pas, le jeu n'existe plus…)."Son pire souvenir: "Les dérives du courrier électronique: des mal élevés quiprofitent de la distance ou d'un certain anonymat pour dire des choses pas trèsgentilles, ou adopter des attitudes franchement puériles, avec, hélas, desconséquences qui ne sont pas toujours celles d'un monde d'enfant… Par exemple,une personne a un jour profité de ce que je lui avait fait copie d'un message,pensant que le sujet l'intéresserait, pour intervenir entre mon interlocuteur etmoi, et me discréditer."

Michael Hart (Illinois) est le fondateur du Project Gutenberg, la plus anciennebibliothèque numérique sur l'internet. Son meilleur souvenir: "Le courrier queje reçois me montre combien les gens apprécient que j'aie passé ma vie à mettredes livres sur l'internet. Certaines lettres sont vraiment émouvantes, et ellesme rendent heureux pour toute la journée." Son pire souvenir: "Etre convoqué parle président de l'Université d'Illinois suite à une plainte (relative à unproblème de copyright, ndlr) déposée par l'Université d'Oxford. Mais j'ai étédéfendu par une équipe de six avocats, la moitié étant de l'Universitéd'Illinois, et j'ai gagné le procès. On pourrait voir cela comme un bonsouvenir, mais je hais ce genre de politique politicienne… Le président del'université se trouvait être l'oncle de Tom Cruise, amusant, non?"

Pierre Le Loarer (Grenoble) est directeur du centre de documentation del'Institut d'études politiques de Grenoble et chargé de mission TICE(technologies de l'information et de la communication pour l'éducation). Sesmeilleurs souvenirs: "Quand j'ai pu aider tel(le) internaute à l'autre bout dumonde (Australie, par exemple) sur une question précise, via le hasard duquestionnement. Mais ce n'est pas si fréquent (manque de temps, participationaujourd'hui plus que limitée aux listes et forums). Quand j'ai pu échanger despropos avec tel ou tel chercheur de l'autre bout du monde et avoir ensuite leplaisir de le rencontrer in situ. Etc., etc."

Ses pires souvenirs: "L'avalanche de messages 'spam' a le don de m'agacer, voirede m'irriter. De même, je n'apprécie guère (euphémisme) certain(s)fournisseur(s) d'accès qui rédui(sen)t la vision de l'internet à l'espace deleurs propres sites et ressources, et exigent l'utilisation de leur seullogiciel de messagerie (propriétaire) pour communiquer par mél. Une tromperiequant à la vision et aux potentialités de l'internet."

Peter Raggett (Paris) est directeur du centre de documentation et d'information(CDI) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).Son meilleur souvenir: "Avoir trouvé en dix minutes les informationsbiographiques et les articles d'un professeur reçu par l'OCDE." Son piresouvenir: "Les problèmes de lenteur pour la connection à l'internet et letransfert des données."

19.3. Les concepteurs d'appareils de lecture et l'internet

Olivier Pujol (Paris), PDG de la société Cytale, promeut le Cybook, livreélectronique. Ses bons souvenirs: "Découvrir instantanément une réponse à unequestion qui m'aurait demandé des heures de recherche il y a quelques années estun 'meilleur souvenir' quotidien, et recevoir un mail d'un ami brésilien ouhongrois en est un autre." Ses mauvais souvenirs: "De tomber systématiquementsur des sites p*rnos ou de pédophilie en faisant certaines requêtes anodines."

Pierre Schweitzer (Strasbourg), architecte designer, est le concepteur d'@folio(support de lecture nomade) et de Mot@mot (passerelle vers les bibliothèquesnumériques). Son meilleur souvenir: "Au tout début, quand vous réalisez lesystème: le matin, à l'heure où vous vous levez, les derniers messages arriventde la côte ouest de l'Amérique. Le jour se passe et le soir, quand vous allezvous coucher, ce sont les tous premiers messages qui arrivent des Dragons. C'estcomme la lumière autour de la nouvelle lune." Son pire souvenir: "Je ne l'ai pasgardé comme souvenir."

19.4. Les créateurs de sites littéraires et l'internet

Gérard Fourestier (Nice) est le créateur de Rubriques à Bac, bases de données
destinées aux étudiants du premier cycle universitaire. Son meilleur souvenir:
"Quand j'ai sorti mon premier ordinateur de son emballage." Son pire souvenir:
"Cet été (été 2000, ndlr), à la plage: mes ordinateurs étaient en panne :-)"

Fabrice Lhomme (Bretagne) est le créateur d'Une Autre Terre, site consacré à lascience-fiction. Son meilleur souvenir: "Dans un article 'spécialscience-fiction' de Club-Internet, Jacques Sadoul (auteur, directeur decollection, anthologiste…) a parlé de mon site comme faisant partie desmeilleurs sites francophones traitant de SF. Quand ça vient d'une personne telleque lui, on ne peut qu'être ravi…"

Blaise Rosnay (Paris) est le webmestre du site du Club des Poètes. Ses meilleurssouvenirs: "D'innombrables rencontres avec des poètes du monde entier que nousavons découverts sur internet et qui sont venus nous rendre visite au Club desPoètes. D'innombrables messages de soutien et d'encouragement." Son piresouvenir: "Le constat que, faute d'une volonté politique de partage culturel,les initiatives les plus belles sont le plus souvent découragées par la logiquemarchande et que l'internet risque de se transformer peu à peu en vitrine desupermarché."

19.5. Les éditeurs et l'internet

Nicolas Ancion (Madrid) est écrivain et responsable éditorial de Luc Pireélectronique. Son meilleur souvenir: "Plusieurs fois, les réactions de lecteurs,notamment des adolescents qui réagissent très spontanément et s'expriment sansdétour, m'ont fait pleurer devant mon écran. On passe sa vie à écrire deshistoires pour donner des émotions aux lecteurs et voilà que ce sont eux quinous en renvoient de plus fortes ! Je n'ai jamais eu cet effet-là qu'avec desmessages électroniques. En face à face ou par courrier postal, l'émotion estbridée par les formules de politesse et les circonlocutions en tous genres."

Son pire souvenir: "A une époque où j'étais entre deux déménagements, que jen'avais plus ni adresse fixe ni téléphone, je me connectais dans lesbibliothèques. J'avais participé à un concours sur internet pour être reporterradio pendant deux jours et gagner un téléphone portable, ce qui m'aurait étébien utile. J'avais laissé les coordonnées de mes parents. J'ai gagné, on atéléphoné pour me prévenir mais ma mère a mal compris le message et n'a pas jugébon de me mettre au courant. Quand j'ai finalement appris ce qui était arrivé,il était trop tard. Internet va vite, les possibilités sont fantastiques, maisil faut aussi que le reste de la planète suive le mouvement, sinon on fabriquedu vent. C'est une bonne morale."

Marie-Aude Bourson (Lyon) est la créatrice de la Grenouille Bleue et de Gloupsy,sites littéraires destinés aux nouveaux auteurs. Son meilleur souvenir: "Larencontre avec des personnes qui sont devenues de vrais amis et que je fréquentedans la 'vie réelle'." Son pire souvenir: "Pas vraiment de pire souvenir mais unras-le-bol répété contre les lenteurs du web et les déconnexions intempestives."

Pierre-Noël Favennec (Paris & Lannion, Bretagne) est expert à la directionscientifique de France Télécom R&D et directeur de collection. Son meilleursouvenir: "Les premiers méls." Son pire souvenir: "Le temps passé à la réceptiond'images."

Pierre François Gagnon (Montréal) est le créateur d'Editel, pionnier del'édition littéraire francophone en ligne. Son meilleur souvenir: "La découvertede quelques amitiés affinitaires, indéfectibles, m'enchante encore, tandis quel'étroitesse de vision, le scepticisme négatif qu'affichait la vaste majoritédes auteurs de science-fiction et de fantastique vis-à-vis du caractère pourtantimmanent et inéluctable de ce qui n'est après tout qu'un fantasme à la StarTrek, qui hante depuis longtemps l'imaginaire collectif, soit l'e-book toutcommunicant qui tienne dans le creux de la paume, ne cesse pas de m'étonner etde me laisser pantois rétrospectivement."

Olivier Gainon (Paris) est le fondateur et gérant de CyLibris, maison d'éditionlittéraire en ligne. Son meilleur souvenir: "La première fois que des étudiantsdans une école d'ingénieurs m'ont montré le web. C'était en 1992, et j'ai trouvécela génial. D'où la création de CyLibris en 1996 (j'ai quand même mis quatreans)." Son pire souvenir: "La disparition progressive de CyLibris dans certainsmoteurs de recherche parce que, soit nous ne voulions pas payer, soit desaccords d'exclusivité avaient été signés avec des libraires en ligne et que nousétions déréférencés brutalement (passer de la première page à la cinquième pageest une forme de déréférencement brutal). Bref, aujourd'hui plus rien ne metrouble et on a appris à vivre avec ce genre de phénomène. Il n'empêche qu'unestructure comme CyLibris qui se créerait juste aujourd'hui aurait les piresdifficultés pour être visible sur internet."

Jacky Minier (Orléans) est le créateur de Diamedit, site de promotion d'inéditsartistiques et littéraires. Son meilleur souvenir: "L'écriture d'une pièce dethéâtre 'carabinée' (genre chansons de carabins ;c)) en 1.300 alexandrins, avecun ami rencontré sur le net sans jamais l'avoir rencontré de visu. En symbiosecomplète avec un parfait inconnu, et une grande jubilation éprouvée à cetteécriture à quatre mains." Son pire souvenir: "Les consommations téléphoniquesdes débuts, avant que je ne sois câblé, ou quelques engueulades sur certainsforums avec des paranos."

Nicolas Pewny (Annecy) est le créateur des éditions du Choucas. Son meilleursouvenir: "Un message enthousiaste d'un prêtre bouddhiste du Tibet qui a adorél'exposition Lorca." Son pire souvenir: "Un orage tandis que j'envoyais l'imagede la couverture à un auteur. Plus rien… le néant. Plus d'ordinateur.Heureusem*nt que je sauvegarde tout au fur et à mesure. Chez l'auteur tout a'sauté' aussi, et il n'y avait pas d'orage. Dans la présentation du livreSanguine sur Toile, d'Alain Bron (publié en 1999 par les éditions du Choucas),on lit: 'Les images ne sont pas si sages. On peut s'en servir pour agir, voirepour tuer…' Le contexte m'avait fait ressentir une peur instinctive, jusqu'àce que la logique reprenne le dessus."

19.6. Les gestionnaires et l'internet

Gérard Jean-François est directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen (Normandie). Son meilleur souvenir: "La remarque faite parun internaute d'Outre-Atlantique qui, ayant examiné une photo, nous a avertiqu'elle était à l'envers." Ses pires souvenirs: "Pas vraiment de mauvaissouvenirs, simplement une amertume envers les mauvais usages qui sont faitsd'internet."

Pierre Magnenat est responsable de la cellule "gestion et prospective" du centreinformatique de l'Université de Lausanne. Son meilleur souvenir: "Lorsqu'en1995, je me suis retrouvé à mon premier GT (get together) en Californie, uneparty à laquelle participaient plus de cinquante personnes que je n'avais jamaisvues, mais que je connaissais déjà bien pour avoir 'chatté' avec elles pendantdeux ans sur IRC (Internet relay chat)." Son pire souvenir: "Lorsque je me suisfait avoir par une fausse information concernant une société dont je possédaisdes actions. C'est un mauvais souvenir mais une bonne leçon."

Jacques Pataillot (Paris) est conseiller en management chez Cap Gemini Ernst &Young. Ses bons souvenirs: "C'est quand je trouve rapidement l'info que jecherche." Ses mauvais souvenirs: "C'est à l'inverse lorsque je n'en sors pas!"

François Vadrot (Paris) est le fondateur et PDG de FTPress (French Touch Press),société de cyberpresse. Son meilleur souvenir: "Quand nous avons franchi labarre des 10.000 abonnés à LMB Actu, début 1998 (remplacé par Internet Actu enseptembre 1999, ndlr)." Son pire souvenir: "Une fois, quand nous avons écrit unebêtise dans Internet Actu, et que les messages incendiaires des abonnés ontcommencé à arriver en trombe, dans les dix minutes suivant l'envoi. On a touscommencé à paniquer, car on venait de basculer LMB Actu dans le privé et lasociété FTPress ne reposait que sur le successeur, Internet Actu. Undésabonnement massif et c'en était fini de nous. Mais finalement, toutes cesréactions nous ont permis de démarrer la tribune des lecteurs, qui a été bienappréciée! Souvent, les erreurs ont du bon, du moment qu'on les avoue, et qu'onl'affiche ouvertement: ces échanges créent des liens entre les lecteurs et lesauteurs."

19.7. Les libraires et l'internet

Pascal Chartier (Lyon) est le créateur de Livre-rare-book, site professionnel delivres d'occasion. Son meilleur souvenir: "La lettre d'une vieille damequébécoise à qui j'ai pu faire retrouver un livre de son enfance." Son piresouvenir: "Les injures gratuites."

Catherine Domain (Paris) a fondé la librairie Ulysse, la plus ancienne librairiede voyage au monde. Son meilleur souvenir: "Un dialogue quotidien avec ma soeurqui habite Sri Lanka et mes potes mexicains, américains, anglais, sud-africains,etc., car j'ai beaucoup voyagé, longtemps et partout." Son pire souvenir: "Mapremière année ordinateur-internet: une longue souffrance technique!"

Alain Marchiset (Paris) est président du Syndicat de la librairie ancienne etmoderne (SLAM). Ses bons souvenirs: "Notre étonnement initial face aux premièresventes réalisées. Nous avions en effet du mal à imaginer des personnes pianotantsur un clavier pour faire leurs achats." Ses mauvais souvenirs: "Tous lesmessages publicitaires dont nous sommes inondés."

Denis Zwirn (Paris) est co-fondateur et PDG de Numilog, librairie en ligne delivres numériques. Son meilleur souvenir: "Le jour de ma première connexion àdomicile, le 31 décembre 1995: c'est un de mes plus beaux souvenirs deréveillon!"

19.8. Les linguistes et l'internet

Guy Antoine (New Jersey) a créé Windows on Haiti, site de référence sur laculture haïtienne. Ses bons souvenirs: "Certaines personnes. Le web est unréseau de serveurs et d'ordinateurs personnels reliés les uns aux autres.Derrière chaque clavier se trouve une personne, un individu. L'internet m'adonné l'occasion de tester mes idées et d'en développer d'autres. Le plusimportant pour moi a été de forger des amitiés personnelles avec des genséloignés géographiquement et ensuite de les rencontrer." Ses mauvais souvenirs:"Certaines personnes. Je ne souhaite pas m'étendre sur ce sujet, mais certainsont vraiment le don de vous énerver."

Arlette Attali (Paris) est responsable de l'équipe "Recherche et projetsinternet" à l'Institut national de la langue française (INaLF). Ses bonssouvenirs: "La découverte de bons sites littéraires. Par exemple Zvi Har'El'sJules Verne Collection, consacré à Jules Verne, ou le Théâtre de la foire àParis (au 17e siècle)."

Robert Beard (Pennsylvanie) est le co-fondateur de yourDictionary.com, portailde référence pour les langues. Ses meilleurs souvenirs sont liés à son site web:"Sa popularité continue de me stupéfier. Je reçois quotidiennement une douzainede lettres de visiteurs, dont la moitié au moins me félicite pour mon travail.Je ne veux pas tomber dans une autosatisfaction démesurée, mais ces complimentsme font très plaisir. Je suis également stupéfait du fait que, six ans seulementaprès les débuts du web, je puisse dénombrer plus de 1.200 dictionnaires enligne qui soient dignes d'intérêt, dans plus de 200 langues différentes." Sonpire souvenir: "Mon pire souvenir a été de voir mon site web copié sans mentionde mon nom. Mais j'ai toujours pu résoudre ce problème. En général, messouvenirs liés à l'internet sont positifs et ils le seront plus encore siyourDictionary.com a du succès."

Alain Clavet (Ottawa) est analyste de politiques au Commissariat aux languesofficielles du Canada. Son meilleur souvenir: "La découverte des toutes lespossibilités du modem-câble. La très grande vitesse du modem m'a permis de voirla puissance de ce mode de communication. Internet comme encyclopédieuniverselle m'est indispensable." Son pire souvenir: "La lenteur, mais c'estréglé."

Cynthia Delisle (Montréal) est consultante au Centre d'expertise et de veilleinforoutes et langues (CEVEIL). Son meilleur souvenir: "Le maintien régulier età moindre coût, grâce au courriel, du contact avec mes proches lors de séjoursprolongés à l'étranger." Son pire souvenir: "D'avoir vécu des problèmes deharcèlement (envois répétitifs de courriels personnels non sollicités… c'étaitil y a plusieurs années, avant que les logiciels de messagerie ne soient équipésde fonctions de filtres!)."

Bill Dunlap (Paris & San Francisco) est le fondateur de Global Reach, sociétéqui favorise le marketing international en ligne. Son meilleur souvenir: "Lefait de travailler avec des centaines de personnes tout en évitant la pression.Cela rend la vie vraiment agréable." Son pire souvenir: "J'ai plusieurs fois misen place un forum en ligne, et plusieurs individus animés de mauvaisesintentions ont commencé à envoyer des messages injurieux à l'ensemble du forum.Ces messages ont atteint des centaines de personnes qui ont à leur tour répondupar des messages injurieux, avec un effet boule de neige. Je me rappelle m'êtreréveillé un matin avec plus de 4.000 messages à télécharger. Quelle pagaille!"

Barbara Grimes (Hawaii) a été la directrice de publication de l'Ethnologue,encyclopédie des langues, jusqu'en décembre 2000. Son meilleur souvenir: "Lefait de recevoir des corrections et de nouvelles informations fiables." Son piresouvenir: "Des critiques peu aimables sans proposition de corrections."

Christiane Jadelot (Nancy) est ingénieur d'études à l'Institut national de lalangue française (INaLF). Son meilleur souvenir: "Lorsque, pour mon problème depolices de caractères, qui était très local, j'ai reçu des réponses du mondeentier! (…) J'avais à cette époque des problèmes avec un logiciel quis'appelait Paradox et des polices de caractères inadaptées à ce que je voulaisfaire. J'ai tenté ma chance et posé la question dans un groupe de Newsapproprié. J'ai reçu des réponses du monde entier, comme si chacun étaitsoucieux de trouver une solution à mon problème! Je n'étais pas habituée à cetype de solidarité. Les habitudes en France sont plutôt de travailler avec descloisons étanches."

Son pire souvenir: "Celui d'avoir envoyé un courrier électronique à une personnequi n'était pas destinataire. Ce mode de communication doit être utilisé avecprudence parfois. Il va plus vite que la pensée elle-même, et peut être utiliséde manière très perverse, après coup, par le destinataire."

Steven Krauwer (Utrecht, Pays-Bas) est le coordinateur d'ELSNET (EuropeanNetwork of Excellence in Human Language Technologies). Son meilleur souvenir:"Une nuit, j'ai entendu le fragment d'une chanson sur une station de radioétrangère, ainsi que le nom d'une personne, et par le seul biais de l'internetj'ai été capable de trouver que ce nom était celui du compositeur de la chanson,trouver le titre de la chanson, vérifier qu'il s'agissait bien de la chansondont j'avais entendu un fragment, découvrir qu'elle faisait partie d'une comédiemusicale, trouver le titre du coffret de CD de cette comédie musicale, acheterle coffret de CD en question, trouver le site web de la comédie musicale,trouver le pays et l'endroit dans lesquels cette comédie musicale était toujoursà l'affiche, y compris le détail du programme avec les jours et heures desreprésentations, trouver le numéro de téléphone et les heures d'ouverture dubureau de location, me procurer un plan de la ville et les indicationsnécessaires pour trouver le théâtre. J'aurais pu également réserver mon hôtel etmon vol par l'internet mais, dans ce cas précis, cela n'a pas été nécessaire. Laseule chose que je n'ai pas pu faire fut la réservation elle-même parce que, àl'époque, les réservations par l'internet venant de l'étranger n'étaient pasacceptées, pour des raisons de sécurité. J'ai passé un très bon moment authéâtre, et je ne pense pas que ceci aurait été possible sans l'internet!"

Ses mauvais souvenirs: "Rien de vraiment spécifique, mais plutôt des chosesrépétitives comme les courriers électroniques non sollicités à caractèrecommercial, les pages web remplies de publicités, les pages surchargées degraphiques inutiles et dont le téléchargement prend du temps, les liens cassés."

Caoimhín Ó Donnaíle (Ile de Skye, Ecosse) est le webmestre du principal sited'information sur le gaélique écossais, sur lequel il tient à jour une liste deslangues européennes minoritaires. Son meilleur souvenir: "Avoir trouvé desinformations utiles dans le cadre de ma vie privée." Son pire souvenir: "Je n'aipas de souvenir qui soit vraiment mauvais. Juste le courant: le courrier nonsollicité (spam) ou les piratages informatiques."

Paul Treanor (Pays-Bas) gère sur son site personnel une section consacrée àl'avenir des langues européennes. Il n'a pas de bons souvenirs. "Je ne me faisaucune illusion sur l'internet. Il ne me vient à l'esprit aucune exception àciter." Son pire souvenir: "La pire chose que j'aie vue sur l'internet est lefait que des milliers de personnes aient ajouté le logo de la radio B92 deBelgrade sur leur site, sans se poser de questions sur la nature de cette radioni sur la politique qu'elle représentait. En fait cette radio émettait déjà d'unavion de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord). La campagne menéemontre combien il est facile de manipuler le public de ce nouveau médium."

Zina Tucsnak (Nancy) est ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyseet traitements informatiques du lexique français). "Mon meilleur souvenir estlié à la mise en oeuvre d'un serveur qui permet la lecture de son courrierdepuis n'importe quel ordinateur muni d'une connexion internet. Le principe d'untel serveur existait déjà, surtout sur des grandes sites américains. Mais rienne remplace la sensation du devoir accompli." Son pire souvenir: "Ce sont les CVbidons, publiés sur des pages personnelles. Surtout quand les auteurss'appropient des réalisations ou des activités qu'ils n'effectuent pas. Maiscela ouvre un débat plus large sur la répression des fraudes sur internet."

19.9. Les professeurs et l'internet

Richard Chotin (Paris) est professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) deLille. Son pire souvenir: "C'est lorsque j'ai découvert qu'il me faudraitplusieurs vies pour tenter d'épuiser les possibilités de l'outil. Quand j'aicompris que je n'y arriverais pas, je me suis remis à lire Le mythe de Sisyphed'Albert Camus afin de ne pas sombrer dans une mélancolie maniaco-dépressive dueà l'absurdité de la situation."

Maria Victoria Marinetti (Annecy) est professeur d'espagnol en entreprise ettraductrice. Ses bons souvenirs: "Le fait que je puisse communiquer avec mafamille et mes amis partout dans le monde." Ses mauvais souvenirs: "Quelquefoisça ne marche pas, c'est lent, imprécis, l'information est énorme et peustructurée, et en plus c'est très cher (en France, ndlr)."

Patrick Rebollar (Tokyo) est professeur de littérature française dans desuniversités japonaises, créateur d'un site web de recherches et activitéslittéraires, et modérateur de la liste de diffusion LITOR (littérature etordinateur). Ses meilleurs souvenirs sont liés à "l'écoute de radios françaises.Dès qu'elle a été possible, en 1997, puis améliorée jusqu'à aujourd'hui, ellem'a permis de rester en contact étroit avec l'actualité culturelle et politiquefrançaises. De même, la possibilité d'acheter des livres et des disques, etd'être livré dans des délais raisonnables à des prix normaux."

Henri Slettenhaar (Genève) est professeur en technologies de la communication àla Webster University. Son meilleur souvenir: "La vision d'images venantdirectement de l'espace, et particulièrement de Jupiter." Son pire souvenir: "Lasurcharge d'information. Je suis submergé par toutes ces informations et je nedispose pas encore des outils qui me permettraient de ne trouver que ce que jecherche."

Russon Wooldridge (Toronto) est professeur au département d'études françaises del'Université de Toronto et créateur de ressources littéraires librementaccessibles en ligne. Son meilleur souvenir: "Une lettre que j'ai reçue parcourriel à propos de mon site sur le Dictionnaire de l'Académie française. Je lacite intégralement: 'Sujet: 'Bravo! mais encore un effort'. Bonjour, jem'appelle Sophie, j'ai 10 ans, et je suis contente de trouver un dictionnairesur internet. Mais je voudrais tout trouver, j'ai un exposé à faire sur la Fêtedu travail (1er mai) et ma requête n'a pas abouti… L'on voudrait touttrouver… Merci encore. Sophie'."

Son pire souvenir: "Voyons… (j'ai tendance à évacuer les mauvais souvenirs).Je pense ne pas avoir vraiment de 'pire souvenir' en fait. Disons plutôtquelques déceptions quand je donne à X, Y et Z (et à d'autres) et que X, Y et Zne donnent rien en retour. Je connais pas mal de 'chercheurs' carriéristes.Stoïque et un peu cynique, j'observe d'un oeil désabusé, mais quand mêmedégoûté, le détournement mercantile de matériaux créés en premier lieu dans lebut de les mettre librement en ligne (un cas particulier est documenté sur lesite du Projet d'informatisation du Dictionnaire de l'Académie française). Lanature humaine est partout la même: la soif de pouvoir chez certains vs. lepartage et le pouvoir individuel."

Ce livre vient toutefois de montrer que nombreux sont ceux qui pratiquent lepartage et le pouvoir individuel. Le tout est qu'ils puissent continuer derésister à la soif de pouvoir de certains.

20. REPERTOIRES DE SITES WEB

[Annuaires spécialisés / Bibliothèques: catalogues / Bibliothèques: répertoires/ Bibliothèques numériques: répertoires / Dictionnaires: répertoires / Editeurs:répertoires / Langue française: promotion / Langues: localisation etinternationalisation / Langues: répertoires / Langues: traitement informatique /Librairies: répertoires / Livre électronique: modèles / Presse: répertoires /Propriété intellectuelle / Sciences de l'information: sites francophones /Sciences de l'information: sites anglophones / Traduction / Traitement del'information: fournisseurs de services]

Sélectif et subjectif, ce répertoire inventorie 100 sites (ou pages) webregroupés dans les rubriques suivantes: annuaires, bibliothèques, catalogues,éditeurs, langues, librairies, livre électronique, presse, propriétéintellectuelle, sciences de l'information, traduction et traitement del'information. De nombreux autres sites sont mentionnés dans la liste d'adressesweb.

#Annuaires spécialisés

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les)

Une sélection commentée d'environ 2.000 sites et pages web choisis par lesbibliothécaires de la BnF.

= Ministère de la Culture (France) - L'internet culturel

Un annuaire qui comporte notamment des rubriques sur les langues, le livre etla lecture, les médias, le multimédia, les régions de France et les scienceshumaines et sociales.

= Zazieweb - Annuaire des sites

L'annuaire de Zazieweb, site d'Isabelle Aveline destiné à la communauté dese-lecteurs. "Site indépendant et libre, zazieweb.com offre des espacesd'échanges et de rencontres pour lecteurs communicants et actifs!"

= Librarians' Index to the Internet

Géré par Carole Leita, bibliothécaire de référence au Berkeley Digital LibrarySunSITE (Californie), un répertoire d'environ 7.500 ressources internetsélectionnées par plus de cent bibliothécaires.

= WWW Virtual Library (The)

Débuté par Tim Berners-Lee, créateur du World Wide Web en 1989-90, le plusancien répertoire du web est poursuivi pendant plusieurs années par ArthurSecret. Réputé pour sa qualité, ce répertoire est désormais alimenté de manièrecoopérative par nombre d'organismes. Les pages centrales sont gérées par GerardManning, et la base de données des différentes sections par Alan Thornhill etJennifer Drummond.

#Bibliothèques: catalogues

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Catalogues

Les catalogues des livres et périodiques, documents audiovisuels (documentssonores, vidéos, multimédias, images numérisées…), collections spécialisées(cartes, estampes, partitions, monnaies, affiches…), documents numérisés(livres, périodiques, images fixes), etc. Ces catalogues sont décrits en détaildans les Signets de la BnF.

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Catalogue des documents numérisés

Le catalogue des monographies et périodiques numérisés en mode texte ou enmode image, auxquels s'ajoutent les images du catalogue des documentsaudiovisuels.

= Bibliothèque du Centre Pompidou - Catalogue

Le catalogue en ligne de la BPI (bibliothèque publique d'information) du
Centre Pompidou, située au coeur de Paris, dans le quartier des Halles.

= Bibliothèque du Centre Pompidou - Catalogues de bibliothèques françaises

Six sections: Bibliothèque nationale de France, bibliothèques universitaireset de grands établissem*nts, bibliothèques publiques, bibliothèquesspécialisées, réseaux de bibliothèques et catalogues collectifs, vidéothèques.

= Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques
(ENSSIB) - Catalogues des bibliothèques francophones

Un répertoire en trois sections: bibliothèques générales, bibliothèquesspécialisées, profils Z3950 et passerelles Z3950.

= Bibliothèque nationale du Québec (BNQ) - Catalogue multimédia

Ce catalogue multimédia contient environ 500.000 notices de livres,périodiques, documents musicaux, cartographiques, iconographiques etélectroniques, et fonds d'archives. Il permet aussi l'accès à des livresnumérisés, documents iconographiques et extraits musicaux.

= British Library Public Catalogue (BLPC) (The)

Le catalogue en ligne de la British Library est doté d'un service en lignepermettant de demander soit le prêt de documents soit des photocopies.

= Library of Congress - Online Catalogs

Le catalogue en ligne de la Library of Congress: livres, périodiques, fichiersinformatiques, manuscrits, cartes et plans, images, bandes son, etc.

= PubMed

Géré par la National Library of Medecine (Etats-Unis), ce catalogue est *la*référence en matière de médecine et de santé. Il recense 11 millions de noticesprovenant de Medline, PreMedline, etc., avec des liens vers les périodiques enligne.

#Bibliothèques: répertoires

= Catalogue collectif de France (CCFr)

Le CCFr comprend le répertoire national des bibliothèques et centres dedocumentation, qui contient la description détaillée de 3.900 bibliothèques. Iloffre aussi une interface unique à trois grands catalogues: le catalogue desfonds rétroconvertis des bibliothèques municipales, le catalogue BN-Opale Plus(catalogue des livres et périodiques de la Bibliothèque nationale de France) etle catalogue du Système universitaire de documentation (catalogue desbibliothèques universitaires), soit un ensemble de 14 millions de documentsconservés dans les principales bibliothèques municipales, universitaires et derecherche. Courant 2001, le CCFr compte ouvrir un service de fourniture dedocuments: prêt, reproduction ou réservation sur place.

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Bibliothèques etcentres de documentation

Réalisé par le personnel de la BnF, un répertoire d'adresses des bibliothèqueset des centres de documentation, en France et à l'étranger.

= SiteBib

Hébergé sur le site de l'Association des bibliothécaires français (ABF), unsite de coopération entre sites web spécialisés en bibliothéconomie et sciencesde l'information, afin d'organiser une gestion partagée des liens. Rubriques:bibliothèques (adresses, sites, catalogues), bases de données, institutions,partenaires, informations professionnelles, sciences de l'information, internetmode d'emploi.

= Oriente-Express (L')

Par la Bibliothèque du Centre Pompidou (Paris), un répertoire d'adresses debibliothèques et de centres de documentation privés ou publics, situés à Parisou dans la région parisienne, ouverts à un large public ou faisant référencedans leur domaine.

= Gabriel (Gateway to Europe's National Libraries)

Trilingue (français, anglais, allemand), Gabriel est le serveur web desbibliothèques nationales européennes. Il permet d'offrir un point d'accès uniqueà leurs services, collections et catalogues.

= Libweb: Library Servers via WWW

Un service de la Digital Berkeley Library (Californie). Thomas Dowling recenseles sites web de bibliothèques (6.100 dans plus de 100 pays en juin 2001), avecmise à jour quotidienne.

= Unesco Libraries Portal

Par l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science etla culture), un portail à vocation internationale à destination desbibliothécaires et de leurs usagers. Plusieurs rubriques: sites web desbibliothèques (internationales, nationales, régionales, gouvernementales,spécialisées, publiques, privées, etc.), associations et réseaux, accès etconservation, bibliothéconomie, formation, ressources en ligne, conférences etréunions.

#Bibliothèques numériques: répertoires

= Athena Literature Resources

Un répertoire mondial des ressources littéraires géré par Pierre Perroud,créateur d'Athena, bibliothèque numérique hébergée par l'Université de Genève.

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les)

Une sélection du personnel de la BnF. Cliquer sur "L" pour trouver, classéespar ordre alphabétique, les rubriques "Langues et littératures" d'un pays, d'unerégion ou d'une commaunauté linguistique donnée.

= Electronic Text Service - Major Online Text Collections

Par les bibliothèques de l'Université de Columbia (Etats-Unis), un répertoiremondial des collections de textes électroniques disponibles en ligne, classéespar langue et par sujet.

= Universal Library - Collections

Le répertoire de l'Universal Library, hébergée par l'Université Carnegie
Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, Etats-Unis).

#Dictionnaires: répertoires

= Administration fédérale suisse - Dictionnaires électroniques

Un répertoire établi par la section française des services ling uistiquescentraux de l'Administration fédérale suisse. Cette liste très complète dedictionnaires monolingues, bilingues et multilingues est complétée par desrépertoires d'abréviations et d'acronymes et des répertoires d'informationsgéographiques.

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Dictionnaires etencyclopédies

Une sélection effectuée par le personnel de la BnF.

= YourDictionary.com

Créé par Robert Beard en 1999, dans le prolongement de son ancien site "A Webof Online Dictionaries" maintenant intégré à celui-ci. Ce portail majeur recenseles meilleurs dictionnaires (1.800 dictionnaires dans plus de 250 langues enjuin 2001) et divers outils linguistiques: vocabulaires, grammaires, méthodesd'apprentissage des langues, etc. En tant que portail de toutes les langues sansexception, il accorde une importance particulière aux langues minoritaires etmenacées.

= Travlang's Translating Dictionaries

Créé par Michael C. Martin, ce site, consacré aux voyages et aux langues,offre une section permettant l'accès à de nombreux dictionnaires de languesdestinés au grand public.

#Editeurs: répertoires

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Editeurs

Géré par le personnel de la BnF, un répertoire d'éditeurs en trois rubriques:liste d'éditeurs français ou francophones, répertoires d'éditeurs français oufrancophones, répertoires d'éditeurs étrangers.

= France Edition - Editeurs adhérents

Le répertoire des 250 éditeurs membres de France Edition, organisme depromotion de l'édition française à l'étranger.

= AcqWeb's Directory of Publishers and Vendors

Un répertoire international d'éditeurs et de diffuseurs sur le site de labibliothèque de la Vanderbilt University (Tennessee, Etats-Unis).

= Publishers' Catalogues Home Page

Par Northern Lights Internet Solutions, organisme basé à Saskatoon(Saskatchewan, Canada), un répertoire international de 7.000 éditeurs, avecrecherche possible par ville, état/province, pays, sujet et type de publication(livres, magazines, etc.).

= WWW Virtual Library (The) - Publishers

Le répertoire international d'éditeurs de la WWW Virtual Library est tenu àjour par Jonathan Bowen, du Oxford University Computing Laboratory(Royaume-Uni).

#Langue française: promotion

= Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF)

L'AIF est l'opérateur principal de l'Organisation internationale de lafrancophonie (OIF) regroupant 49 états et gouvernements "qui, unis par la mêmelangue, souhaitent, par des actions de coopération multilatérale, utiliser cesliens au service de la paix, du dialogue des cultures et du développement".Situé à Bordeaux, le Centre international francophone de documentation etd'information (CIFDI) est rattaché à l'Institut francophone des nouvellestechnologies de l'information et de la formation (INTIF), organe subsidiaire del'AIF.

= Agence universitaire de la francophonie (AUF)

L'AUF, connue aussi sous le nom d'AUPELF-UREF, s'attache à renforcer un espacescientifique de langue française animé par ses principaux acteurs:établissem*nts d'enseignement, enseignants, chercheurs et étudiants.

= Délégation générale à la langue française (DGLF)

La DGLF a pour mission de veiller à l'emploi et à la promotion du français enFrance, favoriser son utilisation comme langue de communication internationale,et développer le plurilinguisme, garant de la diversité culturelle.

= Maison de la Francité

Association subventionnée par la Commission communautaire française, la Maisonde la Francité agit pour la défense et la promotion de la langue française àBruxelles et au sein de la communauté française Wallonie-Bruxelles.

= Office de la langue française (OLF)

Le mandat de cet organisme gouvernemental québécois est de veiller àl'implantation et au maintien du français dans les milieux de travail, desaffaires et de l'administration, et de définir et conduire la politiquequébécoise en matière de linguistique et de terminologie.

= Analyses et traitements informatisés du lexique français (ATILF)

Branche du CNRS (Centre national de la recherche scientifique, France),l'ATILF développe des programmes de recherche sur la langue française,principalement son vocabulaire. Les données - lexicales et textuelles - portentsur divers registres du français: langue littéraire (14e-20e siècles), languecourante (écrite, parlée), langue scientifique et technique (terminologies), etrégionalismes. L'ATILF a remplacé en 2001 l'INaLF (Institut national de lalangue française), scindée en deux organismes: l'ATILF et l'ILF (Institut delinguistique française).

#Langues: localisation et internationalisation

= Consortium Unicode

Une organisation dont le but est de promouvoir l'utilisation d'Unicode, unsystème de codage créé en 1998 afin de favoriser le multilinguisme. Unicodespécifie un nombre unique pour chaque caractère, quels que soient laplate-forme, le logiciel et la langue utilisés. Chaque caractère étant traduiten 16 bits, Unicode peut prendre en compte plus de 65.000 caractères uniques, etdonc traiter informatiquement tous les systèmes d'écriture de la planète.

= Languages of the World by Computers and the Internet (The)

Créé par Yoshi Mikami, ce site donne, pour chaque langue, son systèmed'écriture, son jeu de caractères et la configuration du clavier pourl'utilisation de programmes informatiques et de l'internet.

= Localisation Industry Standard Association (LISA)

Spécialisés dans l'industrie de la localisation et de l'internationalisation,les 240 membres de LISA comprennent des éditeurs de logiciels, des fabricants dematériel, des vendeurs de services de localisation, et un nombre croissant desociétés venant des secteurs voisins des technologies de l'information.

= W3C Internationalization / Localization

Sur le site du Consortium W3, consortium industriel international quitravaille au développement des protocoles communs du web, une section proposantnotamment une définition des protocoles utilisés pour l'internationalisation etla localisation ainsi que des conseils pour créer un site multilingue.

#Langues: répertoires

= Ethnologue: Languages of the World

Cette encyclopédie très documentée, qui en est à sa 14e édition, existe enversion web, sur CD-Rom et en version imprimée. Elle répertorie 6.800 langues,avec de multiples critères de recherche.

= European Minority Languages

Sur le site de l'Université Sabhal Mór Ostaig (île de Skye, Ecosse), principalsite d'information sur le gaélique écossais, une liste de langues minoritairestenue à jour par Caoimhín P. Ó Donnaíle en gaélique et en anglais. Cette listeest classée par ordre alphabétique de langues et par famille linguistique.

= C&IT (Communications & Information Technology) Centre

Rattaché à l'Institut des langues de l'Université d'Hull (Royaume-Uni), cecentre vise à promouvoir l'utilisation des ordinateurs dans l'apprentissage etl'enseignement des langues, notamment en sélectionnant des informations(Internet Resources for Language Teachers and Learners) à destination desprofesseurs.

= iLoveLanguages

Ouvert en 2001, ce site résulte de la fusion entre le site de Tyler Chambersconsacré aux langues (The Human-Languages Page) et celui de la WWW VirtualLibrary (Languages Catalog). Il s'agit d'un catalogue répertoriant 2.000ressources linguistiques dans plus de 100 langues différentes. Ces ressourcessont réparties en différentes sections: langues et littérature, écoles etinstitutions, ressources linguistiques, produits et services, organismes,emplois et stages, dictionnaires et cours de langues.

= Linguist List (The)

Le site de la Linguist List propose une série de liens sur la profession delinguiste (conférences, associations linguistiques, programmes), la recherche(articles, résumés de mémoires, projets, bibliographies, dossiers, textes), lespublications, la pédagogie, les ressources linguistiques (langues, familleslinguistiques, dictionnaires, information régionale) et les ressourcesinformatiques (polices de caractères et logiciels).

= Web Enhanced Language Learning (WELL)

Destiné à l'enseignement supérieur au Royaume-Uni, ce programme vise àdévelopper l'utilisation du web pour l'apprentissage des langues et àsensibiliser les professeurs sur les possibilités offertes par les nouvellestechnologies. Le site permet l'accès à des ressources web de qualité dans douzelangues différentes. Sélectionnées et décrites par des experts, ces ressourcessont complétées par des exemples sur la manière de les utiliser pourl'enseignement ou l'apprentissage d'une langue.

#Langues: traitement informatique

= Association européenne pour les ressources linguistiques (ELRA)

L'ELRA (European Language Resources Association) a pour but de fournir uneorganisation centralisée pour la validation, la gestion et la distribution desressources et outils linguistiques (parole, texte et terminologie), et depromouvoir leur utilisation auprès des organismes européens s'occupant de R&D(recherche et développement) en télématique.

= FRANCIL (Réseau francophone de l'ingénierie de la langue)

FRANCIL est un programme de l'AUPELF-UREF (Agence universitaire de lafrancophonie) destiné à renforcer ses activités dans le domaine du génielinguistique, notamment le traitement automatique des langues.

= Institut Dalle Molle pour les études sémantiques et cognitives (ISSCO)

Rattaché à l'Université de Genève, l'ISSCO mène des recherches théoriques etappliquées en linguistique computationnelle et en intelligence artificielle.L'institut est spécialisé dans le traitement multilingue des langues dans lesdomaines suivants: traduction automatique, environnement linguistique,génération multilingue, traitement du discours, collection de données, etc.

= Laboratoire de recherche appliquée en linguistique informatique (RALI)

Basé à Montréal, le RALI regroupe des informaticiens et des linguistes menantdes recherches dans le traitement automatique de la langue. Ses domaines decompétence sont les outils d'aide à la traduction, la production et letraitement des textes, et le repérage d'information.

= Association for Computational Linguistics (ACL)

A la fois scientifique et professionnel, cet organisme international rassembleles spécialistes de la langue naturelle et de la computation. Publiée par la MIT(Massachusetts Institute of Technology) Press, la revue trimestrielle de l'ACL,Computational Linguistics, est un forum de premier plan dans le domaine de lalinguistique computationnelle et du traitement de la langue naturelle.

= Natural Language Group (The)

Au sein de l'Institut en sciences de l'information (ISI) de l'Université deCalifornie du Sud (USC), ce centre de recherche traite de plusieurs aspects dutraitement de la langue naturelle: traduction automatique, résumé automatique detexte, accès multilingue aux verbes et gestion du texte, développement detaxonomies de concepts (ontologies), discours et génération de texte,élaboration de grands lexiques pour plusieurs langues, communication multimédia.

= Text Encoding Initiative (TEI) Consortium

Créé par trois sponsors (Association for Computers and the Humanities,Association for Computational Linguistics, Association for Literary andLinguistic Computing), ce projet international a pour but d'établir desdirectives sur l'encodage des textes électroniques à destination de larecherche.

#Librairies: répertoires

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Libraires

Par le personnel de la BnF, un répertoire des libraires français (généralisteset spécialisés) et des libraires étrangers.

= Livre-rare-book

Créé en novembre 1995 par Pascal Chartier, gérant de la librairie du Bâtd'Argent (Lyon), un site professionnel des livres d'occasion, qui comprend uncatalogue de livres anciens et de livres d'occasion classé par sujet et parlibrairie (environ 110 librairies et 300.000 livres en juillet 2001) et unannuaire électronique international des librairies d'occasion.

= Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM)

Le site du SLAM, qui regroupe la majorité des libraires français de livresanciens. On y trouve des catalogues en ligne à prix marqué (avec moteur derecherche), un service de recherche de livres épuisés ou rares, un annuaire deslibraires avec leurs spécialités, un guide des termes techniques employés parles professionnels et bibliophiles, etc.

= France Antiques

Basé à Amboise (Loire), ce site se veut celui de tous les professionnels dumarché de l'art ancien français: antiquaires, libraires, commissaires-priseurs,éditeurs d'art, fournisseurs et artisans d'art, etc. Il propose un répertoire decatalogues et un annuaire de librairies d'ancien, ainsi qu'un service gratuit derecherche de livres.

#Livre électronique: modèles

= @folio

Conçu par Pierre Schweitzer, architecte designer à Strasbourg, @folio(prononcer a-folio) est un support numérique de lecture nomade permettantd'aller lire n'importe où des textes glanés sur l'internet. Sa commercialisationest très attendue par ceux qui prônent un "livre électronique" pratique et bonmarché.

= Cybook (Cytale)

Conçu par la société Cytale, le Cybook, premier livre électronique européen àêtre mis sur le marché, est commercialisé depuis le 23 janvier 2001.

= eBookMan (Franklin)

Créé par Franklin, société leader spécialisée dans les PDA (personal digitalassistants) et les dictionnaires de poche, le eBookMan reçoit le 20 octobre 2000le eBook Technology Award de la Foire internationale du livre de Francfort. Leslogiciels de lecture utilisés sont le Franklin Reader et le Microsoft Reader. Ilest commercialisé en janvier 2001.

= Gemstar eBook

Le Gemstar eBook est le successeur du Rocket eBook (de NuvoMedia) et duSoftbook Reader (de SoftBook Press), suite au rachat de leurs sociétés parGemstar en janvier 2000. Commercialisés en novembre 2000 aux Etats-Unis, lesdeux modèles (REB1100 et REB1200) sont construits et vendus sous le label RCA(appartenant à Thomson Multimedia). La commercialisation en Europe est prévuepour 2001.

#Presse: répertoires

= Agence France Presse (AFP) - Médias

Pour la France, un répertoire des quotidiens, périodiques, presse régionale,chaînes de télévision, radios et journaux électroniques. Pour la communautéfrancophone ou non, un répertoire des titres français classés par pays. Dessections aussi pour les médias germanophones, anglophones, hispanophones etlusophones (en portugais).

= Courrier international - Kiosque en ligne

Le guide mondial de la presse en ligne, avec recherche par lieu géographiqueet par ordre alphabétique.

= Internet Public Library (IPL) - Online Newspapers / Online Serials

Réalisée par le personnel de l'IPL, une sélection de journaux en ligne (parcontinents et pays) et de magazines en ligne (3.000 titres par titres etsujets).

= Michigan Electronic Library - News, Media & Periodicals

Un répertoire des répertoires (y compris des répertoires d'index).

= PresseWeb

Par Gérard Verdon, un répertoire international qui recense tous les médiasprésents sur le web, y compris la presse spécialisée, la radio et la télévision.

= Repères de Jean-Pierre Cloutier

Par l'auteur des Chroniques de Cybérie, chronique hebdomadaire des actualitésde l'internet, ses repères en six rubriques: a) recherche / répertoires /portails, b) actualité WWW et technologique, c) nouvelles et actualités, d)ressources pour journalistes, e) journalistes, chroniqueurs, f) listes dediffusion.

#Propriété intellectuelle

= GNU (GNU's Not Unix) General Public Licence (GPL)

Le document officiel de la Free Software Foundation (FSF) sur la licencepublique, qui sert de fondement à Linux pour les logiciels libres. Unetraduction en français est disponible.

= Lex Mercatoria: Intellectual Property

Le répertoire de la Lex Mercatoria sur la protection de la propriétéintellectuelle.

= Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)

L'OMPI a pour tâche de promouvoir la protection de la propriété intellectuelleà travers le monde grâce à la coopération entre les états. Elle assure aussil'administration de divers traités multilatéraux relatifs aux aspects juridiqueset administratifs de la propriété intellectuelle. Créé en 1994, le Centred'arbitrage et de médiation de l'OMPI tente de régler des litiges commerciauxinternationaux entre particuliers ou entreprises privées, notamment des litigesliés à l'enregistrement et à l'utilisation des noms de domaine.

#Sciences de l'information: sites francophones

= Association des professionnels de l'information et de la documentation (ADBS)

Avec ses 5.600 adhérents, l'ADBS se place au premier rang européen desassociations de spécialistes de l'information.

= ADBS-info

Une liste de diffusion (5.000 abonnés en juillet 2001) dont l'objectif est de"faciliter les échanges d'informations, d'idées et d'expériences au sein de lacommunauté des professionnels de l'information et de la documentation, notammentpar rapport au développement des accès électroniques à l'information".

= Biblio-fr

Créée en 1993, la liste de diffusion Biblio-fr regroupe des bibliothécaires etdocumentalistes francophones, et tous ceux qui sont intéressés par la diffusionélectronique de l'information documentaire. Modérée par Hervé Le Crosnier,professeur à l'Université de Caen (Normandie), elle "se fixe comme objectifd'assurer la présence sur le réseau informatique mondial d'un regardfrancophone, notamment dans les domaines touchant à la circulation del'information".

= Biblio On Line

Conçu par la société de services informatiques Quick Soft Ingénierie, un siteà destination des bibliothèques et de leur public.

= Ecole nationale des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB)

Une mine d'informations. Voir notamment les pages de la bibliothèque del'ENSSIB et le Bulletin des bibliothèques de France (BBF).

= Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les) - Sciences del'information

Gérée par le personnel de la BnF, la section "Sciences de l'information ethistoire du livre" comprend sept rubriques: livre et lecture (institutions,bibliothéconomie et sciences de l'information), formation aux métiers du livreet de la documentation, histoire du livre, histoire de la presse, livre pourenfants, conservation et techniques du livre.

#Sciences de l'information: sites anglophones

= American Society for Information Science and Technology (ASIST)

L'ASIST, association pilote dans le domaine des nouvelles technologies,regroupe 4.000 professionnels de l'information.

= Association of Research Libraries (ARL)

L'ARL regroupe les bibliothèques des institutions de recherchenord-américaines. Forum pour les échanges d'idées, l'association favorise uneaction collective visant à développer la communication dans le domaine de larecherche.

= International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA)

L'IFLA, organisme international indépendant à destination des bibliothécairesdu monde entier, est un carrefour pour échanger des idées et promouvoir lacoopération internationale et la recherche.

= Internet Public Library (IPL) Services for Librarians

Gérée par le personnel de l'IPL, une section destinée aux professionnels de ladocumentation, avec sélection, descriptif et catalogage des ressourcesdisponibles sur le web.

= Library Journal

Publiée par Cahners, une revue professionnelle de référence lue par 100.000abonnés, et connue notamment pour ses analyses de documents (livres, documentsaudio, documents vidéo, CD-Rom, sites web, magazines, etc.), souvent disponiblesavant la parution des dits documents.

#Traduction

= Aquarius

Par Language Networks (Amsterdam), un répertoire international de 20.000traducteurs et interprètes.

= Fédération internationale des traducteurs (FIT)

Sur le site, la liste complète des membres et des divers comités, lespublications de la FIT, les statuts et autres documents officiels.

= Language today

Un magazine en ligne de référence pour les linguistes: traducteurs,interprètes, terminologues, lexicographes et rédacteurs techniques. Ce magazineest une réalisation commune de Logos, société de traduction italienne (quiprocure le site web), et Praetorius, société britannique de traduction et deservices d'expertise dans les langues appliquées.

#Traitement de l'information: fournisseurs de services

= Blackwell's

Blackwell est un fournisseur international de livres, abonnements, bases dedonnées bibliographiques et contrôle d'autorités à destination des bibliothèquesuniversitaires, bibliothèques de recherche et grandes bibliothèques publiques dumonde entier. Anglaise à l'origine, la société a conquis le marché américainpuis mondial.

= Dawson

Spécialiste du traitement de l'information (abonnements, livres et nouvellestechnologies) à destination des professionnels de la documentation, Dawson estla principale société européenne d'abonnements, et le plus grand fournisseureuropéen de livres à destination des entreprises et des universités.

= Dialog Web

Le site web permettant d'accéder à la base Dialog, gérée par Knight-RidderInformation. Dialog regroupe 600 bases de données dans les domaines suivants:affaires, industrie, actualités (pays, gouvernements, monde), droits et brevets,chimie, environnement, sciences et techniques, référence.

= Ingenta

Ingenta (qui a fusionné avec UnCover) est un service payant qui délivre despublications (26.000 publications) et articles (11 millions d'articles provenantde 18.000 périodiques rassemblés depuis l'automne 1988). Si l'envoi desdocuments est payant, la recherche dans les bases de données est gratuite.

= Lexis-Nexis & lexisONE

Division du groupe Reed Elsevier, Lexis-Nexis, fournisseur international dedocuments légaux, vise en priorité les professionnels du droit, des affaires etdes nouvelles technologies. Ses bases de données et ses outils de gestion enligne lui permettent de fournir les documents les plus "pointus" par voieélectronique, sur CD-Rom ou sur papier. Avec des clients dans plus de soixantepays, la société est connue pour son professionnalisme, ainsi que pour le coûtde ses services. Durant l'été 2000, Lexis-Nexis lance lexisONE, un servicegratuit (avec inscription requise) à destination des particuliers et des petitessociétés.

= Online Computer Library Center (OCLC)

OCLC gère notamment l'Online Union Catalog, appelé aussi WorldCat, qui est leplus grand catalogue collectif mondial avec ses 46 millions de notices en 400langues (avec translitération pour les caractères non-romains) produites ouutilisées par des milliers de bibliothèques adhérentes.

= Research Libraries Information Network (RLIN)

Créé par le Research Library Group (RLG), RLIN, accessible par abonnement, estun catalogue collectif comprenant des millions de notices en 365 langues, avecplusieurs notices pour le même document, alors que l'Online Union Catalog d'OCLC(décrit dans la notice qui précède) ne propose qu'une notice par document. RLINest particulièrement utile pour ses notices de livres anciens, documentsiconographiques et ouvrages en caractères non latins.

21. GLOSSAIRE

= 3D (3 dimensions)

Utilisé pour définir les images de synthèse défilant à l'écran, parce qu'ellesdonnent l'illusion du relief.

= AACR2 (Anglo-American cataloguing rules 2 - règles de catalogageanglo-américaines, version 2)

Les normes de catalogage des bibliothécaires-documentalistes anglo-saxons.

= Adresse électronique

Adresse utilisée sur le réseau internet pour envoyer et recevoir du courrierélectronique.

= Adresse web

Adresse composée d'une série de chiffres permettant d'identifier un serveursur le réseau.

= Agent intelligent

Logiciel programmable permettant d'effectuer une recherche d'informations àpartir d'une demande spécifique exprimée en langage courant.

= Analogique

Définit un signal de valeur continue, par opposition au signal numérique quine peut prendre que quelques valeurs définies ( par ex. 0 ou 1 en langagebinaire).

= Annuaire

Vise à recenser les sites web et à en proposer un classem*nt thématique, unelourde tâche qui s'avère de plus en plus difficile étant donné la vitesseexponentielle à laquelle croît le web. Le précurseur fut Yahoo!, qu'il n'est pasutile de présenter.

= Applet Java

Ecrite en langage Java, une mini-application envoyée par un site sur unordinateur afin que celui-ci renvoie à son tour des données vers le site dedépart. Utilisé pour cerner les centres d'intérêt de l'internaute (point de vuedu commerçant) ou pour le "fliquer" (point de vue de certains clients).

= Archie

Diminutif du terme "archives". Il s'agit d'un service de recherche de fichiersdans les archives de l'internet.

= ASCII (American standard code for information interchange)

Standard minimal de 128 caractères alphanumériques utilisé pour les échangesd'information texte. Binaire, le code ASCII de chaque lettre est composé de septbits (A=1000001, B=1000010, etc.). Les alphabets européens sont représentés pardes versions étendues de l'ASCII codées sur huit bits, afin de prendre en compteles caractères accentués. L'extension pour le français est la norme ISO-Latin-1.

= Asynchrone

Définit un mode de communication permettant la non-simultanéité de l'émissionet de la réception des informations (par exemple le courrier électronique),contrairement à une communication synchrone qui exige la simultanéité del'émission et de la réception (par exemple le téléphone).

= ATM (asynchronous transfer mode - mode de transfert asynchrone)

Protocole pouvant transmettre tout type d'information, y compris la voix et lavidéo. Ce protocole permet l'acheminement indépendant de l'informationfragmentée en de multiples paquets et reconstituée à l'arrivée pour recomposerl'information initiale, le tout dans un délai donné.

= Autoroute de l'information

Appelé aussi "inforoute" par souci de concision. Il s'agit de l'ensemble desréseaux de communication par câble ou satellite, permettant la transmissionrapide d'informations de toute nature. Inclut la télématique, la télévisionnumérique et les câblages informatiques.

= AZERTY

Sigle correspondant aux premières touches des caractères alphabétiques duclavier français. A l'exception de la France, les utilisateurs des languesindo-européennes disposent en général d'un clavier QWERTY.

= Bande passante

Ce terme désigne le débit supporté par une ligne de communication. La bandepassante peut être étroite (fils de cuivre de la ligne téléphonique classique),moyenne (RNIS - réseau numérique à intégration de services ou DSL - digitalsubscriber line) ou large (fibres optiques).

= BBS (bulletin board system)

Un système informatisé reliant les utilisateurs d'un même groupe d'intérêt(association, entreprise, organisme public, etc.) pour des annonces,discussions, messages, programmes, ainsi que pour le transfert de fichiers, lavisioconférence, etc. Appelé babillard par les Québécois.

= Binaire

A base deux, et qui utilise donc uniquement les éléments 0 et 1. En code
ASCII, cela donne: A=1000001, B=1000010, etc.

= Bit

Acronyme de "binary digit". Unité de numération binaire (0 ou 1).

= CD (compact disc)

Disque optique permettant l'enregistrement de sons (CD-audio), de données
(CD-Rom) ou de vidéos (CD-vidéo).

= CD-I (compact disc interactive)

Disque permettant de stocker un ensemble de textes, images et documents audioou vidéo. Consultable sur un téléviseur au moyen d'un lecteur adapté connecté auposte.

= CD-Rom (compact disc-read only memory)

Apparu en 1984, un disque compact stockant des textes, images et sons sousforme numérisée. Sa grande capacité de stockage (650 mégaoctets, soitl'équivalent de 600 disquettes informatiques, 200.000 pages de texte ou 1.000photos de définition moyenne) convient particulièrement pour les encyclopédies,les catalogues, les manuels techniques et les jeux. Le CD-Rom fut le premieroutil multimédia permettant l'application grand public des techniques numériquesà l'image. Son successeur est le DVD (digital video disc).

= Cédérom

L'orthographe préconisée par l'Académie française pour CD-Rom.

= Client

Dans l'architecture client/serveur, ce terme désigne la machine permettantd'utiliser les données ou les programmes disponibles sur un serveur.

= Commerce électronique

L'ensemble des transactions à distance faites sur le réseau, avec paiementélectronique sécurisé. Appelé aussi cyber-commerce.

= Cookie

Chaîne de caractères qui constitue un numéro d'identification attribué par lesite à un internaute. Le cookie permet donc de noter les visites de l'internauteet de définir ainsi ses centres d'intérêt: sports, voyages, musique, livres,etc. L'existence de cookies est signalée par les versions récentes desnavigateurs, et l'internaute peut donc les désactiver s'il le souhaite.

= Courriel

Terme utilisé par les Québécois pour le courrier électronique.

= Courrier électronique

Ensemble des messages envoyés électroniquement d'un ordinateur à l'autre àtravers le réseau internet, dont il représenterait 60% du trafic.

= Cyberespace

Traduction de "cyberspace", terme inventé par William Gibson dans
Neuromancien, roman de science-fiction paru en 1984.

= Disque dur

Support de stockage des données dans un ordinateur.

= Disquette

Support magnétique permettant de transférer ou de conserver des donnéesinformatiques.

= DOS (disk operating system - système d'exploitation à disque)

Système permettant à l'ordinateur de stocker des informations sur le disquedur et de communiquer avec ses périphériques: écran, clavier, souris,imprimante, etc.

= DSL (digital subscriber line - ligne d'abonné numérique)

Procédé permettant d'augmenter considérablement (cent fois plus vite que laligne téléphonique selon certaines publicités) la vitesse de transmission desdonnées sur les lignes téléphoniques standard tout en préservant la circulationde la voix et du fax (appelé aussi télécopie).

= DTD (definition of type of document - définition du type de document)

Description de la structure logique d'un document, correspondant le plussouvent à un format MARC (machine readable catalogue).

= DVD (digital video disc)

Apparu en 1996, fait suite au CD-Rom pour stocker textes, sons et images surun support optique. Sa capacité de stockage varie de 4,7 à 17 gigaoctets (24CD-Rom). Un film de deux heures peut être stocké sur une face de DVD. Lesdifférentes versions sont le DVD-vidéo, le DVD-Rom, le DVD-Ram (ré-enregistrableune fois) et le DVD-E (ré-enregistrable plusieurs fois). Le DVD vaprogressivement remplacer les cassettes audio et vidéo et les disques optiques.

= E-book

Anglicisme utilisé aussi bien pour le livre numérique (version numérisée d'unlivre) que pour le livre électronique (appareil de lecture permettant de lire àl'écran des livres numériques).

= EDI (electronic date interchange - échange de données informatisé)

Utilisé dans le commerce électronique inter-entreprises.

= En ligne

Définit les services et réseaux accessibles par le biais d'un modem ou d'uneliaison télématique. Correspond au terme anglais "on line".

= Ethernet

Réseau local à débit très rapide, permettant par exemple de relier entre euxles différents services d'une même université ou d'une même entreprise.

= Extranet

Réseau propre à une communauté et fonctionnant selon le même principe quel'internet. Permet par exemple de relier tous les clients d'une entreprise.

= FAQ (frequently asked questions - foire aux questions)

Souvent présente sur un site, la liste des questions les plus fréquentes quese posent les nouveaux arrivants et les réponses-types.

= Favori

Permet de conserver l'adresse d'un site dans un répertoire spécifique dulogiciel de navigation. Appelé aussi signet.

= Fibre optique

Support autorisant le transfert de données numériques à très haut débit sur delongues distances.

= Forum de discussion

Lieu d'échange sur l'internet par le biais du courrier électronique. Souventthématique, un forum est lisible par tous et chacun peut y participer.

= Fournisseur d'accès internet

Permet de se connecter à l'internet moyennant un abonnement. En France, lesfournisseurs les plus connus sont Wanadoo (France Télécom), Club-Internet(Groupe Hachette) et AOL (filiale de America Online). Depuis 1999, de nouveauxfournisseurs offrent des services gratuits.

= Freeware

Logiciel gratuit. Selon les cas, il appartient au domaine public ou bien sonauteur en conserve le copyright. Ne pas confondre avec shareware (un logicieltéléchargeable qui doit être acheté à l'auteur après une période d'essaigratuite). Les défenseurs inconditionnels de la langue française utilisent leterme de gratuiciel.

= FTP (file transfer protocol - protocole de transfert de fichier)

Protocole définissant les règles de transfert de fichiers entre deuxordinateurs.

= Gopher

Le gopher est un système d'information à base de menus textuels à plusieursniveaux. Dans le cas des bibliothèques numériques de première génération, ils'agissait d'un ensemble d'index permettant l'accès au texte intégral desdocuments.

= Hors ligne

Définit les applications disponibles en utilisation locale, comme les CD-Rom.
Correspond au terme anglais "off line".

= HTML (hypertext markup language)

Langage de marquage utilisé pour créer ou mettre en forme des documentsdestinés au web. Permet notamment de proposer des liens hypertextes ouhypermédias vers d'autres documents, et d'inclure des images et documentssonores.

= HTTP (hypertext transfer protocol)

Protocole de transfert des pages hypertextes sur le web.

= Hyperlien

Un hyperlien peut être un lien hypertexte ou un lien hypermédia.

= Hypermédia

Système utilisant des liens - appelés donc liens hypermédias - permettantl'accès à des graphiques, des documents audio et vidéo, et des images animées,de la même façon que les liens hypertextes relient entre eux des textes ou desimages.

= Hypertexte

Principe de base du web. Système permettant de relier entre eux des documentstextuels au moyen de liens hypertextes qui, d'un simple clic de souris,permettent l'accès à un autre document. Les liens hypertextes sont en généralsoulignés et d'une couleur différente de celle du texte.

= Infographie

Procédé de création de graphiques et d'images assistée par ordinateur.

= Inforoute

Synonyme d'autoroute de l'information.

= Interactivité

Mode de communication basé sur un dialogue individualisé permettant àl'utilisateur de décider lui-même du déroulement des opérations.

= Interface

Partie du programme permettant la communication entre l'utilisateur et sonordinateur, par exemple les textes (interface texte) et les images (interfacegraphique). Définit aussi l'élément permettant la communication entre deuxappareils, par exemple un ordinateur et un modem.

= Internaute

Utilisateur de l'internet.

= Internet

Le réseau des réseaux qui, outre le web, inclut de nombreux services: courrierélectronique, forums de discussion, IRC (Internet relay chat), TCP (transmissioncontrol protocol), visioconférence, etc.

= Intranet

Réseau interne propre à un organisme, l'intranet utilise la technologie del'internet (protocoles et applications TCP/IP).

= IP (Internet protocol)

Protocole de communication permettant d'acheminer les données en mode paquetnon connecté.

= IRC (Internet relay chat)

Système qui permet à deux ou plusieurs utilisateurs de discuter sur le réseauen mode texte et en temps réel.

= ISBD (international standard bibliographical description)

Cette norme pour la notice bibliographique d'un document a été conçue parl'IFLA (International Federation of Library Associations and Institutions) en1977 pour l'échange de données bibliographiques à l'échelon international.

= ISBN (international standard book number)

Formé de dix chiffres, ce code numérique se présente avec ou sans tirets.Voici un exemple: Le cybermarketing, d'Arnaud Dufour a été publié par les PUF(Presses universitaires de France) à Paris en 1997 dans la collection "Quesais-je?" (n° 3186) et son ISBN est 2-13-048352-6. Ce code numérique regroupeles éléments suivants : code du pays de publication (2 pour la France), code del'éditeur (13 pour les PUF), code propre au livre (048352 pour ce titre),chiffre de contrôle (6 pour le même livre). L'ISBN permet d'identifier le livredans le monde entier pour commande ou classem*nt. Il est également souventtranscrit au dos du livre sous forme de code-barre.

= ISO (International Organization for Standardization - Organisationinternationale de normalisation)

L'ISO définit les normes permettant de faciliter l'échange international debiens et de services, et de développer la coopération internationale dans diversdomaines: économique, intellectuel, scientifique et technologique. Par exemple,la norme ISO-Latin-1 définit l'extension des caractères ASCII pour le français.

= ISSN (international standard serial number)

Code numérique de 8 chiffres permettant d'identifier toute publication ensérie (périodique, série, collection, etc.). Il se présente sous forme de deuxgroupes de quatre chiffres séparés par un tiret. Le huitième chiffre est unchiffre de contrôle.

= JACKPHY

Un sigle regroupant les premières lettres des langues suivantes: Japanese(japonais), Arabic (arabe), Chinese (chinois), Korean (coréen), Persian(persan), Hebrew (hébreu) et Yiddish (yiddish). Utilisé dans la description decatalogues de bibliothèques pour indiquer la présence de notices translitéréesde documents dans ces langues.

= Java

Langage de programmation HTML créé par Sun en 1995 pour permettre des imagesanimées, ce qui a rendu les pages web beaucoup plus vivantes que par le passé,mais n'a pas toujours contribué à leur clarté.

= Kiosque

Ordinateur utilisé comme centre d'information dans un lieu public, par exempleune borne interactive dans un musée ou un écran d'accès au catalogue dans unebibliothèque.

= LAN (local area network - réseau local d'entreprise)

Réseau local permettant l'interconnexion d'équipements informatiques dans unrayon inférieur au kilomètre.

= Librairie en ligne

Librairie vendant des livres et autres produits culturels sur l'internet.

= Librairie numérique

Librairie vendant des livres numériques (au format PDF, Acrobat eBook Reader,Microsoft Reader, etc.).

= Linux

Contraction de Linus (Linus Torvalds, son créateur) et d'Unix, le systèmed'exploitation dont Linux est dérivé. Ce système d'exploitation pour ordinateurspersonnels (PC) est un logiciel libre diffusé gratuitement sur l'internet, cequi permet à tout programmeur de participer à son élaboration. D'abord utilisépar les développeurs de logiciels, les universités et les fournisseurs d'accès àl'internet, il a ensuite gagné les entreprises et le grand public, etconcurrence maintenant le système d'exploitation de Microsoft.

= Livre électronique

Appareil de lecture permettant de lire à l'écran des livres numériques.

= Livre numérique

Version numérisée d'un livre.

= Liste de diffusion

Liste permettant la transmission d'un message par courrier électronique à tousles adhérents.

= MARC (machine readable catalogue)

Format international permettant le stockage et l'échange informatique denotices bibliographiques.

= Mémoire

La mémoire de l'ordinateur comprend une mémoire vive ou mémoire RAM(random-access memory), qui permet de lire et écrire les données, et une mémoiremorte ou mémoire ROM (read-only memory), qui permet le stockage des informationsque l'ordinateur soit allumé ou éteint.

= Messagerie électronique

Service permettant d'envoyer et de recevoir du courrier électronique.

= Microprocesseur

Puce électronique contenant un circuit électronique miniature.

= Minitel

Lancé en 1982 par France Télécom, le minitel est un terminal permettant laconsultation de serveurs à domicile (accès par Télétel, le réseau vidéotexfrançais), consultation fortement encouragée par l'Etat français avec ladistribution gratuite de millions de terminaux. En 2000, 9 millions de minitelssont utilisés par 25 millions de personnes (sur 60 millions d'habitants). Denombreux serveurs minitel ont maintenant leur correspondant sur le web, avec lesavantages qu'offrent la consultation au prix d'une communication téléphoniquelocale, la facilité de navigation et les avantages du multimédia. Mais leminitel reste toujours très utilisé, y compris pour les transactionscommerciales. Certains moteurs de recherche ont ouvert un service minitel(Yahoo!, AltaVista) ou pensent en ouvrir un (Google).

= Modem

Contraction de "modulateur-démodulateur". Appareil permettant de relierl'ordinateur au réseau internet par le biais de la ligne téléphonique. Latransmission des données informatiques est possible grâce à la conversion dessignaux numériques en signaux analogiques. La vitesse du modem standard est de56 Kbit/s.

= Moniteur

Synonyme d'écran.

= Moteur de recherche

Recense informatiquement tous les sites web et les classe par thèmes et parrubriques. Les plus connus sont AltaVista et Google.

= MS-DOS (Microsoft disc operating system)

Système d'exploitation produit par Microsoft pour équiper lesmicro-ordinateurs.

= Multimédia

Outil de communication informatique (ordinateur, logiciel, disque compact,serveur, etc.) combinant des composantes audio et vidéo utilisant texte, son etgraphiques au moyen de séquences fixes et animées.

= Navigateur

Logiciel permettant de rechercher et de visualiser l'information sur le web.
Les deux principaux navigateurs sont Microsoft Explorer et Netscape Navigator.

= Net

Abréviation d'internet.

= Nétiquette

L'étiquette de l'internet. Rassemble les règles de savoir-vivre applicablessur le réseau, notamment pour le courrier électronique et les forums dediscussion.

= Nom de domaine

Partie centrale d'une adresse web, qui permet d'identifier et de situer leserveur.

= NTIC

Sigle utilisé pour "nouvelles technologies de l'information et de lacommunication".

= Numérisation

Codification d'informations (textes, images et sons) en langage généralementbinaire (0 ou 1) pour permettre le traitement de ces informations par voieinformatique (création, enregistrement, combinaison, stockage, recherche ettransmission). Un procédé similaire permet désormais le traitement del'écriture, de la musique et du cinéma alors que, par le passé, ce traitementétait assuré par des procédés différents sur des supports différents (papierpour l'écriture, bande magnétique pour la musique et celluloïd pour le cinéma).

= OCR (optical character recognition - reconnaissance optique de caractères)

Technologie permettant de reconstituer un texte d'après son image numérisée.

= Octet

Groupe de 8 bits représentant un caractère alphabétique ou quelques pointsformant une image. Un mégaoctet représente un million d'octets. Un gigaoctetreprésente un milliard d'octets. Un hexaoctet représente un milliard demilliards d'octets.

= OeB (Open eBook)

Créé en octobre 1998, ce format de livre numérique est basé sur les formatsHTML et XML. La première version (1.0) de la Open eBook Publication Structureest disponible en septembre 1999. Elle est remplacée en juillet 2001 par laversion 1.0.1. Le format OeB est utilisé notamment par le Reader de Microsoft,le Gemstar eBook et le Mobipocket.

= OeBF (Open eBook Forum)

Créé en janvier 2000, le Open eBook Forum (OeBF) a pour tâche de développer etde promouvoir l'Open eBook (OeB) afin qu'il devienne le standard majeur, sinonunique, utilisé pour la publication de livres numériques. Ce consortiuminternational réunit plusieurs dizaines d'entreprises: des fabricants de livresélectroniques, des éditeurs, des fabricants de logiciels et de matériels, deslibraires en ligne, etc.

= OPAC (online public access catalogue - catalogue en ligne d'accès public)

Sigle caractérisant les catalogues de bibliothèques en ligne.

= PAO (publication assistée par ordinateur)

A remplacé l'imprimerie traditionnelle, avec des coûts moindres et un travailplus rapide.

= Paquet

Ensemble de données transitant ensemble sur le réseau. L'informationfragmentée en de multiples paquets est reconstituée à l'arrivée pour recomposerl'information initiale, le tout dans un délai donné.

= PC (personal computer - ordinateur personnel)

Micro-ordinateur à usage personnel utilisé à domicile ou au bureau.

= PDA (personal digital assistant - assistant numérique personnel)

Ordinateur de poche intégrant de nombreuses fonctions de gestion, et servantle plus souvent de complément au PC du domicile ou du bureau.

= PDF (portable document format)

Format de fichier créé par Adobe pour conserver le contenu formaté d'undocument électronique, avec mise en page, graphiques et styles.

= PGP (pretty good privacy)

Logiciel de cryptage. Une clé de 128 bits offrirait un bon niveau de sécurité.

= Pixel

Abrégé de "picture element". Représenté sous forme numérique, il s'agit dupoint constitutif d'une image sur l'écran d'un ordinateur ou d'un téléviseur. Lenombre de pixels définit la qualité de résolution de l'écran.

= Portail

Point d'entrée sur le web, à caractère général ou thématique. Un portail defournisseur d'accès va par exemple comporter les informations du jour, la météo,un moteur de recherche, etc. Un portail peut être aussi thématique, par exempleyourDictionary.com, excellent portail pour les dictionnaires et les langues engénéral.

= Processeur

Cerveau interne de l'ordinateur. La vitesse du processeur est mesurée enmégahertz (MHz).

= Protocole

Définition de normes communes pour les échanges de données entre ordinateurs(TCP/IP, FTP, etc.) par les systèmes de télécommunications. Les normes ISO(Organisation internationale de normalisation) et UIT (Union internationale destélécommunications) permettent une normalisation des protocoles à l'écheloninternational.

= Pull

Se traduit littéralement par "tirer", pour décrire la démarche de l'internautequi va chercher lui-même ses informations sur l'internet, par opposition au"push" (pousser), technologie qui lui permet d'avoir à sa disposition desinformations automatiquement sélectionnées.

= Push

Apparue en 1996, une technologie permettant d'envoyer vers l'internaute desinformations automatiquement sélectionnées en fonction de ses centres d'intérêt.On parle donc de "pull-push", à savoir la technologie du pousser-tirer.

= QWERTY

Sigle correspondant aux premières touches des caractères alphabétiques duclavier. Caractérise le clavier standard utilisé par la plupart des utilisateursde langues indo-européennes. La France fait exception puisque son clavierstandard est l'AZERTY.

= RAM (random-access memory)

Mémoire vive de l'ordinateur, qui permet de lire et écrire des données, et quifonctionne seulement lorsque celui-ci est allumé, contrairement à la ROM(read-only memory) qui permet le stockage des informations que l'ordinateur soitallumé ou éteint. La RAM se mesure en mégaoctets (Mo).

= RAMEAU (répertoire d'autorités matières encyclopédique et alphabétique unifié)

Utilisé à la Bibliothèque nationale de France (BnF) et dans nombre debibliothèques françaises, cet ensemble hiérarchisé de mots-clés permet d'indexerles documents d'une bibliothèque afin de pouvoir ensuite les retrouver parsujets.

= Réalité virtuelle

Définit une technologie permettant d'offrir à l'utilisateur un environnementvirtuel en trois dimensions (3D).

= Réseau

Système permettant la communication de données entre des ordinateurs reliésles uns aux autres, soit localement au moyen de câbles spéciaux, soit en longuedistance par le réseau téléphonique ou les câbles à fibre optique.

= RNIS (réseau numérique à intégration de services)

Réseau fonctionnant par câble téléphonique avec services de téléphonie,télécopie (fax) et transfert de données. Le réseau RNIS français est Numéris.

= ROM (read-only memory)

Mémoire morte de l'ordinateur, qui permet de stocker les informations quel'ordinateur soit allumé ou éteint, contrairement à la mémoire vive, dénomméemémoire RAM (random-access memory), utilisée uniquement lorsque l'ordinateur estsous tension, pour la lecture et l'écriture de données.

= RTF (rich text format)

Créé par Microsoft, un format de fichier destiné à faciliter l'échange dedocuments entre différents programmes de traitement de texte, tout en conservantle formatage du texte (polices de caractère, paragraphes, etc.) lors dutransfert d'un programme à un autre.

= Serveur

Dans l'architecture client/serveur, c'est l'ordinateur servant de distributeurd'informations consultables à distance au moyen d'autres ordinateurs appelésclients.

= Serveur proxy

Serveur hébergeant un double du site pour diminuer le temps d'accès à ce sitedans une zone géographique donnée.

= Serveur web

Serveur stockant les informations affichées dans le site web correspondant.

= SGML (standard generalized markup language)

Norme ISO identifiant la structure d'un texte, avec ses caractéristiquestelles que en-têtes, colonnes, marges ou tableaux, afin de conserver cettestructure lors d'applications telles que la PAO (publication assistée parordinateur) ou l'édition électronique. Le SGML comprend notamment les langagesHTML (hypertext markup language) et VRML (virtual reality markup language).

= Shareware

Logiciel téléchargeable soumis au copyright et qui doit être acheté àl'auteur, le plus souvent à prix modique, après une période d'essai gratuite. Nepas confondre avec freeware (qui est un logiciel gratuit appartenant au domainepublic ou dont l'auteur conserve le copyright). Les défenseurs inconditionnelsde la langue française utilisent le terme de partagiciel.

= Signet

Permet de conserver l'adresse d'un site dans un répertoire spécifique dulogiciel de navigation. Appelé aussi favori.

= Site web

Défini par une adresse web, appelée aussi URL (uniform service locator), unensemble de textes, images et sons reliés entre eux par des liens permettantd'aller d'un document à l'autre.

= Smiley

Marque typographique permettant à l'internaute d'exprimer son humeur :-)

= Spam

Message électronique non sollicité. L'envoi de spams est interdit par lanétiquette. L'Etat de Washington a été le premier à proposer une loianti-spamming en avril 1998.

= Système d'exploitation

Programme de base permettant à l'ordinateur de contrôler ses périphériques(écran, clavier, souris, imprimante, etc.), d'organiser le système de classem*ntde son disque dur et de faire fonctionner d'autres programmes. Linux ou Windowspar exemple sont les systèmes d'exploitation des ordinateurs personnels (PC).

= TCP (transmission control protocol)

Protocole de transport utilisé dans la plupart des applications internet.

= TCP/IP (transmission control protocol/internet protocol)

Ensemble de protocoles permettant le transport de données sur l'internet.

= Téléchargement

Transfert d'un fichier à distance depuis l'internet sur son propre ordinateur,y compris par FTP (file transfer protocol).

= Télétravail

Travail exercé à distance à temps plein ou partiel en utilisant les modes decommunication électroniques, informatiques et télématiques (réseau informatique,téléphone, télécopieur, etc.).

= Telnet (terminal network protocol)

Protocole d'application définissant l'émulation d'un terminal sur l'internet.Il permet d'ouvrir une connexion avec un serveur à distance comme si on leconsultait sur place. Avant d'être possible directement sur le web, laconsultation à distance des catalogues de bibliothèques a d'abord été effectuéepar le biais de Telnet.

= Terminal

Poste avec écran, clavier et circuit simple permettant de se connecter à unordinateur ou à un serveur extérieur.

= TI (technologies de l'information)

Correspond à l'anglais IT (information technologies). En français, on utilisedavantage TIC ou NTIC.

= TIC (technologies de l'information et de la communication)

Synonyme de NTIC (nouvelles technologies de l'information et de lacommunication). Les TICE sont les technologies de l'information et de lacommunication pour l'éducation.

= Toile

Traduction littérale de l'anglais "web", ce terme est parfois utilisé par lesfrancophones pour désigner le réseau.

= Transpac

Réseau de France Télécom pour la transmission numérique de données.

= Unicode

Système de codage créé en 1998, Unicode spécifie un nombre unique pour chaquecaractère, quels que soient la plate-forme, le logiciel et la langue utilisés.Alors que l'ASCII étendu à 8 bits pouvait prendre en compte un maximum de 256caractères, Unicode traduit chaque caractère en 16 bits et peut donc prendre encompte plus de 65.000 caractères uniques, et traiter informatiquement tous lessystèmes d'écriture de la planète.

= Unix

Système d'exploitation multi-tâche et multi-utilisateur très répandu dans ledomaine scientifique.

= URL (uniform resource locator)

Sigle synonyme d'adresse web.

= Usenet

Acronyme de "users' network". Il s'agit du plus grand BBS (bulletin boardservice) du monde, à savoir une plate-forme d'échange composée de listes demessages électroniques et de sujets abordés dans des forums de discussion. Noncensuré, Usenet est gouverné par les règles de la nétiquette.

= Virtuel

Par opposition à "réel", concerne tout ce qui est créé de manière artificiellegrâce aux techniques informatiques, par exemple l'univers virtuel. Dans le casd'entités qui sont bien réelles quoique numériques, il semble préférabled'utiliser le terme "cyber".

= Visioconférence

Conférence à distance au moyen d'un réseau d'ordinateurs équipés de caméras.

= VRML (virtual reality modeling language)

Langage permettant de créer sur une page web des images en 3 dimensions (3D),qui sont donc des espaces virtuels dans lesquels l'internaute peut se déplacer.

= W3 (World Wide Web)

Synonyme de WWW.

= WAIS (wide area information service)

Système permettant de classer, chercher et récupérer des documents dans desbases de données interrogeables au moyen de mots-clés.

= Web

Développé en 1989-90 par Tim Berners-Lee au CERN (Laboratoire européen pour laphysique des particules) à Genève, un système multimédia international basé surl'hyperlien. Appelé aussi World Wide Web (son nom d'origine), WWW, W3, ou encore"toile" par certains francophones, le web est un sous-ensemble de l'internet.

= Webmestre

Responsable du site web et administrateur de système du serveur web.

= Windows

Créé par Microsoft, un système d'exploitation pour les PC. Son correspondantprofessionnel pour serveurs et stations de travail est Windows NT.

= Z3950

Une norme définissant un protocole pour la recherche documentaire d'unordinateur à un autre. Elle permet à l'utilisateur d'un système de rechercherdes informations chez les utilisateurs d'autres systèmes utilisant la même normesans devoir connaître la syntaxe de recherche utilisée par ces systèmes.

22. PERSONNES CITEES

Ce livre doit beaucoup à ces 76 professionnels du livre ou de la presse, ouapparentés, qui ont accepté de prendre de leur temps pour répondre à mesquestions, dont certains à plusieurs reprises depuis l'été 1998.

Nicolas Ancion (Madrid), écrivain et responsable éditorial de Luc Pireélectronique

Alex Andrachmes (Europe), producteur audiovisuel, écrivain et explorateurd'hypertexte

Guy Antoine (New Jersey), créateur de Windows on Haiti, site de référence sur laculture haïtienne

Silvaine Arabo (Poitou-Charentes), poète et plasticienne, créatrice de lacyber-revue Poésie d'hier et d'aujourd'hui

Arlette Attali (Paris), responsable de l'équipe "Recherche et projets internet"à l'Institut national de la langue française (INaLF)

Jean-Pierre Balpe (Paris), directeur du département hypermédias de l'Université
Paris 8

Emmanuel Barthe (Paris), documentaliste juridique chez Coutrelis & Associés,cabinet d'avocats, et modérateur de la liste de discussion Juriconnexion

Robert Beard (Pennsylvanie), co-fondateur de yourDictionary.com, portail deréférence pour les langues

Michel Benoît (Montréal), écrivain, utilise l'internet comme outil de recherche,de communication et d'ouverture au monde

Guy Bertrand (Montréal), directeur scientifique du Centre d'expertise et deveille inforoutes et langues (CEVEIL)

Olivier Bogros (Lisieux, Normandie), créateur de la bibliothèque électronique de
Lisieux et directeur de la bibliothèque municipale

Bernard Boudic (Rennes), responsable éditorial du serveur internet du quotidien
Ouest-France

Bakayoko Bourahima (Abidjan), documentaliste à l'Ecole nationale supérieure destatistique et d'économie appliquée (ENSEA)

Marie-Aude Bourson (Lyon), créatrice de la Grenouille Bleue et de Gloupsy, siteslittéraires destinés aux nouveaux auteurs

Lucie de Boutiny (Paris), écrivain papier et pixel, auteur de NON, romanmultimédia publié en feuilleton sur le web

Anne-Cécile Brandenbourger (Bruxelles), auteur de La malédiction du parasol,hyper-roman publié aux éditions 00h00.com

Alain Bron (Paris), consultant en systèmes d'information et écrivain. L'internetest un des personnages de Sanguine sur toile, son dernier roman.

Patrice Cailleaud (Paris), membre fondateur et directeur de la communication de
HandiCaPZéro

Pascal Chartier (Lyon), créateur de Livre-rare-book, site professionnel delivres d'occasion

Richard Chotin (Paris), professeur à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de
Lille

Alain Clavet (Ottawa), analyste de politiques au Commissariat aux languesofficielles du Canada

Jean-Pierre Cloutier (Montréal), auteur des Chroniques de Cybérie, chroniquehebdomadaire des actualités de l'internet

Luc Dall'Armellina (Paris), co-auteur et webmestre d'oVosite, espace d'écritureshypermédias

Cynthia Delisle (Montréal), consultante au Centre d'expertise et de veilleinforoutes et langues (CEVEIL) (entretien conjoint avec celui de Guy Bertrand)

Emilie Devriendt (Paris), élève professeur à l'Ecole normale supérieure de Pariset doctorante à l'Université de Paris 4-Sorbonne

Bruno Didier (Paris), webmestre de la bibliothèque de l'Institut Pasteur

Catherine Domain (Paris), créatrice de la librairie Ulysse, la plus anciennelibrairie de voyage au monde

Bill Dunlap (Paris & San Francisco), fondateur de Global Reach, société quifavorise le marketing international en ligne

Pierre-Noël Favennec (Paris & Lannion, Bretagne), expert à la directionscientifique de France Télécom R&D et directeur de la collection technique etscientifique des télécommunications

Gérard Fourestier (Nice), créateur de Rubriques à Bac, bases de donnéesdestinées aux étudiants du premier cycle universitaire

Pierre François Gagnon (Montréal), créateur d'Editel, pionnier de l'éditionlittéraire francophone en ligne

Olivier Gainon (Paris), fondateur et gérant de CyLibris, maison d'éditionlittéraire en ligne

Jacques Gauchey (San Francisco), spécialiste en industrie des technologies del'information, "facilitator" entre les Etats-Unis et l'Europe, et journaliste

Raymond Godefroy (Valognes, Normandie), écrivain-paysan, publie son recueil
Fables pour l'années 2000 sur le web avant de le publier sur papier

Marcel Grangier (Berne), responsable de la section française des serviceslinguistiques centraux de l'Administration fédérale suisse

Barbara Grimes (Hawaii), directrice de publication de l'Ethnologue, uneencyclopédie des langues

Michael Hart (Illinois), fondateur du Project Gutenberg, la plus anciennebibliothèque numérique sur l'internet

Randy Hobler (Dobbs Ferry, New York), consultant en marketing internet,notamment chez Globalink, société spécialisée en produits et services detraduction

Eduard Hovy (Marina del Rey, Californie), directeur du Natural Language Group del'Université de Californie du Sud

Christiane Jadelot (Nancy), ingénieur d'études à l'Institut national de lalangue française (INaLF)

Gérard Jean-François (Caen), directeur du centre de ressources informatiques del'Université de Caen

Jean-Paul (Paris), webmestre du site des cotres furtifs, qui raconte deshistoires en 3D

Anne-Bénédicte Joly (Antony, région parisienne), écrivain auto-éditant sesoeuvres et utilisant le web pour les faire connaître

Steven Krauwer (Utrecht, Pays-Bas), coordinateur d'ELSNET (European Network of
Excellence in Human Language Technologies)

Gaëlle Lacaze (Paris), ethnologue et professeur d'écrit électronique dans uninstitut universitaire professionnel

Hélène Larroche (Paris), gérante de la librairie Itinéraires, spécialisée dansles voyages

Pierre Le Loarer (Grenoble), directeur du centre de documentation de l'Institutd'études politiques de Grenoble et chargé de mission TICE (technologies del'information et de la communication pour l'éducation)

Fabrice Lhomme (Bretagne), créateur d'Une Autre Terre, site consacré à lascience-fiction

Naomi Lipson (Paris et Tel-Aviv), écrivain multimédia, traductrice et peintre

Philippe Loubière (Paris), traducteur littéraire et dramatique, spécialiste dela Roumanie

Tim McKenna (Genève), écrivain, s'interroge sur la notion complexe de "vérité"dans un monde en mutation constante

Pierre Magnenat (Lausanne), responsable de la cellule "gestion et prospective"du centre informatique de l'Université de Lausanne

Xavier Malbreil (Ariège, Midi-Pyrénées), auteur multimédia, créateur du sitewww.0m1.com et modérateur de la liste e-critures

Alain Marchiset (Paris), président du Syndicat de la librairie ancienne etmoderne (SLAM)

Maria Victoria Marinetti (Annecy), professeur d'espagnol en entreprise ettraductrice

Jacky Minier (Orléans), créateur de Diamedit, site de promotion d'inéditsartistiques et littéraires

Jean-Philippe Mouton (Paris), fondateur et gérant de la société d'ingénierie
Isayas

John Mark Ockerbloom (Pennsylvanie), fondateur de The On-Line Books Page,répertoire de livres en ligne disponibles gratuitement

Caoimhín Ó Donnaíle (Ile de Skye, Ecosse), webmestre du principal sited'information en gaélique écossais, avec une section sur les langues européennesminoritaires

Jacques Pataillot (Paris), conseiller en management chez Cap Gemini Ernst &
Young

Nicolas Pewny (Annecy), créateur des éditions du Choucas

Olivier Pujol (Paris), PDG de la société Cytale et promoteur du Cybook, livreélectronique

Anissa Rachef (Londres), bibliothécaire et professeur de français langueétrangère à l'Institut français de Londres

Peter Raggett (Paris), directeur du centre de documentation et d'information
(CDI) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Patrick Rebollar (Tokyo), professeur de littérature française, créateur d'unsite web de recherches et activités littéraires et modérateur de la liste dediffusion LITOR (littérature et ordinateur)

Blaise Rosnay (Paris), webmestre du site du Club des Poètes

Pierre Schweitzer (Strasbourg), architecte designer, concepteur d'@folio(support de lecture nomade) et de Mot@mot (passerelle vers les bibliothèquesnumériques)

Henri Slettenhaar (Genève), professeur en technologies de la communication à la
Webster University

Murray Suid (Palo Alto, Californie), écrivain, travaille pour EDVantage
Software, société internet de logiciels éducatifs

Jacques Trahand (Grenoble), vice-président de l'Université Pierre Mendès France,chargé de l'enseignement à distance et des TICE (technologies de l'informationet de la communication pour l'éducation)

Paul Treanor (Pays-Bas), gère sur son site personnel une section consacrée àl'avenir des langues en Europe

Zina Tucsnak (Nancy), ingénieur d'études en informatique à l'ATILF (Analyses ettraitements informatiques du lexique français)

François Vadrot (Paris), fondateur et PDG de FTPress (French Touch Press),société de cyberpresse

Christian Vandendorpe (Ottawa), professeur à l'Université d'Ottawa etspécialiste des théories de la lecture

Russon Wooldridge (Toronto), professeur au département d'études françaises del'Université de Toronto et créateur de ressources littéraires librementaccessibles en ligne

Denis Zwirn (Paris), co-fondateur et PDG de Numilog, librairie en ligne delivres numériques

23. ADRESSES WEB

Cette liste d'adresses recense des sites (et pages) web relatifs aux sujetstraités dans ce livre. 100 sites sont présentés en détail dans le répertoire desites web.

@folio: http://www.atfolio.net/

@graph: http://www.agraph.org/

00h00.com: http://www.00h00.com/

ABU: la bibliothèque universelle: http://abu.cnam.fr/

AcqWeb's Directory of Publishers and Vendors:http://acqweb.library.vanderbilt.edu/acqweb/pubr.html

ADBS-info: http://listes.cru.fr/wws/info/adbs-info

Administration fédérale suisse - Dictionnaires électroniques:http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/dicos/dicos.html

Adobe: http://www.adobe.fr/

Adobe Acrobat: http://www.adobe.fr/products/acrobat/

Adobe eBook Reader: http://www.adobe.com/products/ebookreader/

Adobe eBooks Central: http://www.adobe.com/epaper/ebooks/

Agence France Presse (AFP) - Médias:http://www.afp.com/francais/links/?cat=links

Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF):http://agence.francophonie.org/

Agence universitaire de la francophonie (AUF): http://www.aupelf-uref.org/

Alapage: http://www.alapage.com/

Alis Technologies: http://www.alis.com/

Alliance of New Economy Workers (ANEW): http://www.anewunion.org/

Amazon.com: http://www.amazon.com/

American Society for Information Science and Technology (ASIST):http://www.asis.org/

Anacoluthe: http://www.anacoluthe.com/

Analyse et traitements informatiques du lexique français (ATILF):http://www.inalf.fr/atilf/

Ancion, Nicolas (site): http://ibelgique.ifrance.com/ancion/

Andrachmes, Alex (site): http://homeusers.brutele.be/acmahaux/andrachmes/

Aquarius: http://aquarius.net/

ARTFL (American and French Research on the Treasury of the French Language)
Project: http://humanities.uchicago.edu/ARTFL/ARTFL.html

Association des professionnels de l'information et de la documentation (ADBS):http://www.adbs.fr/

Association européenne pour les ressources linguistiques (ELRA):http://www.icp.grenet.fr/ELRA/fr/

Association for Computational Linguistics (ACL):http://www.cs.columbia.edu/~acl/

Association of Research Libraries (ARL): http://www.arl.org/

Athena: http://un2sg4.unige.ch/athena/

Athena Literature Resources: http://un2sg4.unige.ch/athena/html/booksite.html

Autre Terre (Une): http://www.acdev.com/~fabrice/

Barnes & Noble: http://www.bn.com/

Barnes & Noble Digital: http://ebooks.barnesandnoble.com/bn_digital

Barnes & Noble - eBook Store: http://ebooks.barnesandnoble.com/

Bertelsmann: http://www.bertelsmann.de/

Bible de Gutenberg: http://prodigi.bl.uk/gutenbg/

Biblio-fr: http://www.cru.fr/Listes/biblio-fr@cru.fr/

Biblio On Line: http://www.biblionline.com/

Bibliopolis: http://www.bibliopolis.fr/

Bibliothèque de l'Institut Pasteur: http://www.pasteur.fr/infosci/biblio/

Bibliothèque du Centre Pompidou: http://www.bpi.fr/

Bibliothèque du Centre Pompidou - Catalogue: http://sbib.ck.bpi.fr/

Bibliothèque électronique de Lisieux (La): http://www.bmlisieux.com/

Bibliothèque municipale de Lyon: http://www.bm-lyon.fr/

Bibliothèque municipale de Lyon - Enluminures:http://sgedh.si.bm-lyon.fr/dipweb2/phot/enlum.htm

Bibliothèque nationale de France (BnF): http://www.bnf.fr/

Bibliothèque nationale de France (BnF) - Catalogues:http://www.bnf.fr/web-bnf/catalog/

Bibliothèque nationale de France (BnF) - Signets (Les):http://www.bnf.fr/web-bnf/liens/

Bibliothèque nationale du Québec (BNQ): http://www2.biblinat.gouv.qc.ca/

Bibliothèque nationale du Québec (BNQ) - Catalogue multimédia:http://www.biblinat.gouv.qc.ca:6611/

Bitout, Claude (site): http://www.multimania.com/mirra/

Blackwell's Book Services: http://www.blackwell.com/

Bol.fr: http://www.bol.fr/

Boutiny, Lucie de (site): http://www.synesthesie.com/boutiny/

BrailleNet: http://www.braillenet.jussieu.fr/

BrailleNet - Base de données Hélène: http://www.braillenet.jussieu.fr/bv/helene/

BrailleNet - Bibliothèque virtuelle: http://www.inrialpes.fr/braillenet/BV/

BrailleNote: http://www.braillenote.com/

Brandenbourger, Anne-Cécile (site): http://www.anacoluthe.com/

British Library (The): http://www.bl.uk/

British Library Public Catalogue (BLPC) (The): http://blpc.bl.uk/

Bureau international du travail (BIT):http://www.ilo.org/public/french/index.htm

C&IT (Communications & Information Technology) Centre:http://www.hull.ac.uk/Hull/CTI_Web/

Cap Gemini Ernst & Young: http://www.cgey.com/

Captain-doc: http://www.captaindoc.com/

Catalogue collectif de France (CCFr): http://www.ccfr.bnf.fr/

Cdiscount.com: http://www.cdiscount.com/

Centre d'expertise et de veille inforoutes et langues (CEVEIL):http://www.ceveil.qc.ca/

Centre international francophone de documentation et d'information (CIFDI):http://cifdi.francophonie.org/

Choucas (Le): http://www.choucas.com/

Chroniques de Cybérie (Les): http://cyberie.qc.ca/chronik/

Cloutier, Jean-Pierre (site): http://cyberie.qc.ca/jpc/

Club des poètes: http://www.franceweb.fr/poesie/

Commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada: http://www.ocol-clo.gc.ca/

Consortium DAISY (Digital Audio Information System): http://www.daisy.org/

Consortium Unicode: http://www.unicode.org/

Consortium W3C: http://www.w3.org/

Consortium W3C - Internationalization / Localization:http://www.w3.org/International/

Cotres furtifs (des): http://www.cotres.net/

Courrier international - Kiosque en ligne:http://www.courrierinternational.com/kiosk/kiosq.htm

CyLibris: http://www.editions-cylibris.fr/

Cytale: http://www.cytale.com/

Dall'Armellina, Luc (site): http://lucdall.free.fr/

Dawson: http://www.dawson.co.uk/

Délégation générale à la langue française (DGLF):http://www.culture.fr/culture/dglf/

DialogWeb: http://www.dialogweb.com/

Diamedit: http://www.royalement-votre.com/diamedit/

Dicorama: http://www.dicorama.com/

Dictionnaire universel francophone en ligne:http://www.francophonie.hachette-livre.fr/

Dictionnaires électroniques: http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/dicos/dicos.html

DictSearch: http://www.foreignword.com/Tools/dictsrch.htm

Digital Audio Information System (DAISY): http://www.daisy.org/

Documentaliste - Sciences de l'information:http://www.adbs.fr/adbs/prodserv/document/html/

eBookMan (Franklin): http://www.franklin.com/ebookman/

Ecole d'architecture de Strasbourg (EAS): http://www.strasbourg.archi.fr/eas/

Ecole nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg (ENSAIS):http://www-ensais.u-strasbg.fr/

Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques
(ENSSIB): http://www.enssib.fr/

Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSEA)d'Abidjan: http://www.ensea.refer.ci/

Ecole normale supérieure de Paris: http://www.ens.fr/

Ecole supérieure des affaires (ESA) de Lille: http://www2.univ-lille2.fr/esa/

E-critures: http://www.egroups.fr/group/e-critures

Editel: http://www.editel.com/

Edition-actu: http://www.editions-cylibris.fr/bar_lettres.html

Editions: voir au nom de l'éditeur

EDVantage Software: http://www.edvantage.com/

E Ink: http://www.eink.com/

Electre: http://www.electre.com/

Electronic Arts: http://www.ea.com/

Electronic Book Exchange (EBX) Working Group: http://www.ebxwg.org/

Electronic Paper Project: http://www.media.mit.edu/micromedia/elecpaper.html

Encarta: http://encarta.msn.com/

Encyclopaedia Britannica: http://www.britannica.com/

Encylopaedia Universalis: http://www.universalis-edu.com/

Ethnologue: Languages of the World: http://gamma.sil.org/ethnologue/

Eurodicautom: http://eurodic.ip.lu/cgi-bin/edicbin/EuroDicWWW.pl

European Association for Machine Translation (EAMT): http://www.lim.nl/eamt/

European Minority Languages:http://www.smo.uhi.ac.uk/saoghal/mion-chanain/Failte_en.html

European Network of Excellence in Human Language Technologies (ELSNET):http://www.elsnet.org/

Fables pour l'an 2000: http://www.choucas.com/legend.html

Fédération nationale de la presse française (FNPF): http://www.fedepresse.org/

Fédération internationale des journalistes (IFJ): http://www.ifj.org/

Fédération internationale des traducteurs (FIT): http://www.fit-ift.org/

Foire internationale du livre de Francfort: http://www.frankfurt-book-fair.com/

Forsyth, Frederick (site): http://www.onlineoriginals.com/quintet.html

France Antiques: http://www.franceantiq.fr/home_fr.htm

France Edition - Editeurs adhérents: http://franceedition.org/editeurs/

France Télécom R&D (collection):http://www.rd.francetelecom.fr/fr/frameset/fr_direct_pubcoll.htm

FRANCIL (Réseau francophone de l'ingénierie de la langue):http://www.limsi.fr/Recherche/FRANCIL/frcl.html

Franklin: http://www.franklin.com/

Frantext: http://www.inalf.fr/frantext.htm

FTPress (French Touch Press): http://www.ftpress.com/

G.a Communications: http://hometown.aol.com/jgauchey

Gabriel (Gateway to Europe's National Libraries):http://portico.bl.uk/gabriel/fr/

Gallica: http://gallica.bnf.fr/

Gemstar: http://www.gemstarebook.com/

Gemstar France: http://www.gemstar.com.fr/

Global Internet Statistics (by language): http://www.glreach.com/globstats/

Global Reach: http://www.glreach.com/

Gloupsy: http://www.gloupsy.com/

GNU General Public Licence (GPL): http://www.gnu.org/copyleft/

Godefroy, Raymond (site): http://www.choucas.com/legend.html

Grand dictionnaire terminologique (GDT): http://www.granddictionnaire.com/

Groupe d'étude pour la traduction automatique (GETA):http://www-clips.imag.fr/geta/

Gutenberg Bible (The): http://prodigi.bl.uk/gutenbg/

HandiCaPZéro: http://www.handicapzero.org/

Harry-auf-Deutsch-Community: http://www.harry-auf-deutsch.de/

Harry Potter (Bloomsbury: http://www.bloomsburymagazine.com/harrypotter/

Harry Potter (Carlsen Verlag): http://www.harrypotter.de/

Harry Potter (Gallimard): http://www.harrypotter.gallimard-jeunesse.fr/

Harry Potter (Scholastic): http://www.scholastic.com/harrypotter/

Harry Potter (Warner Bros): http://harrypotter.warnerbros.com/

HLTCentral (HLT: Human Language Technologies): http://www.hltcentral.org/

IBM: http://www.fr.ibm.com/

IBM WebSphere Translation Server:http://www-4.ibm.com/software/speech/enterprise/ep_8.html

iLoveLanguages: http://www.ilovelanguages.com/

Ingenta: http://www.ingenta.com/

Institut Dalle Molle pour les études sémantiques et cognitives (ISSCO):http://issco-www.unige.ch/french.html

Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble:http://www-sciences-po.upmf-grenoble.fr/fr/

Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble - Centre de documentation:http://www-sciences-po.upmf-grenoble.fr/fr/doc/document.htm

Institut français de Londres:http://www.institut.ambafrance.org.uk/institut/institut.html

Institut français de Londres - Médiathèque:http://www.institut.ambafrance.org.uk/library/library.html

Institut francophone des nouvelles technologies de l'information et de laformation (INTIF): http://intif.francophonie.org/

Institut national de l'audiovisuel (INA): http://www.ina.fr/

Institut national de la langue française (INaLF, Paris): http://www.inalf.fr/

Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA):http://www.inria.fr/

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM):http://www.inserm.fr/

Institut Pasteur: http://www.pasteur.fr/

Institut Pasteur - Médiathèque: http://www.pasteur.fr/infosci/biblio/

International Committee on Computational Linguistics (ICCL):http://www.dcs.shef.ac.uk/research/ilash/iccl/

International Federation of Library Associations and Institutions (IFLA):http://www.ifla.org/

Internet Actu: http://www.internetactu.com/

Internet Public Library (IPL): http://www.ipl.org/

Internet Public Library (IPL) - Online Newspapers:http://www.ipl.org/reading/news/

Internet Public Library (IPL) - Online Serials:http://www.ipl.org/reading/serials/

Internet Public Library (IPL) - Services for Librarians:http://www.ipl.org/svcs/

Internet Dictionary Project (The): http://www.june29.com/IDP/

Isayas: http://www.isayas.com/

iUniverse: http://www.iuniverse.com/

Jean-Paul (site): http://www.cotres.net/

Joly, Anne-Bénédicte (site): http://ab.joly.free.fr/

Jupiter MMXI: http://fr.jupitermmxi.com/home.jsp

Juriconnexion: http://www.juriconnexion.org/

King, Stephen (site): http://www.stephenking.com/

Laboratoire de recherche appliquée en linguistique informatique (RALI):http://www-rali.iro.umontreal.ca/Accueil.fr.html

Language futures Europe: http://web.inter.nl.net/users/Paul.Treanor/eulang.html

Language Today: http://www.logos.it/owa-s/dictionary_dba.sp_lt

Languages of the World by Computers and the Internet (The):http://www.threeweb.ad.jp/logos/

Langue du 19e siècle (Université de Toronto):http://www.chass.utoronto.ca/epc/langueXIX/

Lernout & Hauspie (L&H): http://www.lhsl.com/fr/

Lex Mercatoria: Intellectual Property:http://www.jus.uio.no/lm/intellectual.property/

Lexis-Nexis: http://www.lexisnexis.com/

LexisONE: http://www.lexisone.com/

LexoTor: http://www.chass.utoronto.ca/epc/langueXIX/lexotor/

Libération - Multimédia: http://www.liberation.com/multi/index.html

Librairie Decitre: http://www.decitre.fr/

Librairie Itinéraires: http://www.itineraires.com/

Librairie Ulysse: http://www.ulysse.fr/

Librarians' Index to the Internet: http://lii.org/

Library Journal: http://libraryjournal.reviewsnews.com/

Library of Congress: http://www.lcweb.loc.gov/

National Library Service for the Blind and Physically Handicapped (NLS):http://www.loc.gov/nls/

Library of Congress - Online Catalogs: http://www.lcweb.loc.gov/catalog/

Libweb: Library Servers via WWW: http://sunsite.berkeley.edu/Libweb/

Ligue internationale de la librairie ancienne (LILA): http://www.ilab-lila.com

Linguist List (The): http://www.linguistlist.org/

Lipson, Naomi (site): http://www.multimania.com/chimere21/

LITOR (Liste de diffusion sur les études littéraires et l'ordinateur):http://www.cavi.univ-paris3.fr/phalese/litor1.htm

Livre-rare-book: http://www.livre-rare-book.com/

Localisation Industry Standard Association (LISA): http://www.lisa.org/

Logos Dictionary: http://www.logos.it/dictionary/owa/sp?lg=EN

Luc Pire électronique: http://www.lucpire.be/

Maison de la Francité: http://www.synec-doc.be/francite/

Malbreil, Xavier (site): http://www.0m1.com/

Massachusetts Institute of Technology (MIT): http://www.mit.edu/

Massachusetts Institute of Technology (MIT) - Media Lab:http://www.media.mit.edu/

Media Lab du MIT: http://www.media.mit.edu/

Merriam-Webster OnLine: http://www.m-w.com/

Michigan Electronic Library - News, Media & Periodicals:http://mel.lib.mi.us/news/news-index.html

Microsoft: http://www.microsoft.com/

Microsoft Reader: http://www.microsoft.com/reader/

MightyWords: http://www.mightywords.com/

Ministère de la Culture - Guide de l'internet culturel:http://www.portail.culture.fr/sdx/pic/culture/int/index.htm

Miscellanées: http://www.miscellanees.com/

Mobipocket: http://www.mobipocket.com/fr/HomePage/

Molecular Machines Research Group: http://www.media.mit.edu/nanomedia/

Monde diplomatique (Le): http://www.monde-diplomatique.fr/

Monde interactif (Le): http://interactif.lemonde.fr/

Mot@Mot : http://atfolio.u-strasbg.fr/logiciel/motamot.html

Multilingual Information Society (MLIS) Programme:http://158.169.50.95:10080/mlis/fr/

National Braille Press (NBP): http://www.nbp.org/

National Library Service for the Blind and Physically Handicapped (NLS/BPH):http://www.loc.gov/nls/

Natural Language Group at ISI (Information Sciences Institute) (The):http://www.isi.edu/natural-language/nlp-at-isi.html

Net des études françaises (Le): http://www.etudes-francaises.net/

NON_roman: http://www.synesthesie.com/boutiny/

Numilog.com: http://www.numilog.com/

Office de la langue française du Québec: http://www.olf.gouv.qc.ca/

OneLook Dictionaries: http://www.onelook.com/

On-Line Books Page (The): http://digital.library.upenn.edu/books/

Online Computer Library Center (OCLC): http://www.oclc.org/home/

Online Originals: http://www.onlineoriginals.com/

Open eBook (OeB): http://www.openebook.org/

Organisation internationale de la francophonie (OIT):http://www.francophonie.org/oif.cfm

Organisation internationale du travail (OIT):http://www.ilo.org/public/french/index.htm

Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI):http://www.wipo.int/index.html.fr

Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) - Centre d'arbitrageet de médiation: http://arbiter.wipo.int/center/index-fr.html

Organisation mondiale de la santé (OMS): http://www.who.int/

Organisation mondiale de la santé (OMS/WHO) - Library Catalogue:http://saturn.who.ch/

Oriente-Express (L'): http://www.bpi.fr/4/orient/

Ouest-France: http://www.ouest-france.fr/

oVosite: http://hypermedia.univ-paris8.fr/oVosite/

Oxford English Dictionary: http://www.oed.com/

Pérez-Reverte, Arturo (site): http://capitanalatriste.inicia.es/

Poésie d'hier et d'aujourd'hui: http://www.multimania.com/mirra/

PresseWeb: http://www.presseweb.ch/

Presses universitaires de France (PUF): http://puf.ornis.fr/

Prewitt Organizing Fund: http://www.organizingfund.org/

Project Gutenberg: https://www.gutenberg.org/

Publishers' Catalogues Home Page: http://www.lights.com/publisher/

PubMed: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/PubMed/

Pulse Data: http://www.pulsedata.co.nz/

Quid: http://www.quid.fr/

Random House: http://www.randomhouse.com/

Rebollar, Patrick (site): http://www.twics.com/~berlol/

Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM):http://www.cam.org/~raamm/

Research Libraries Information Network (RLIN): http://www.rlg.org/rlin.html

Rowling, J.K. (site): http://www.jkrowling.com/

Rubriques à Bac: http://rabac.com/

Salon du Livre 2001, Paris: http://www.ebook-europe.com/

Semantix: http://www.semantix.com/francais/

Services linguistiques centraux de l'administration fédérale suisse (Les):http://www.admin.ch/ch/f/bk/sp/

Signet (Le): http://w3.olf.gouv.qc.ca/banque/

Silicon Valley Association (SVA, Suisse): http://www.siliconvalley.ch/

SimonSays.com (Simon & Schuster): http://www.simonsays.com/

SiteBib: http://www.abf.asso.fr/sitebib/

Société des gens de lettres (SGDL): http://www.sdgl.org/

Softissimo: http://www.softissimo.com/

SUD-PTT: http://www.multimania.com/sudptt44/

Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM): http://www.slam-livre.fr/

Syndicat national de l'édition (SNE): http://www.snedition.fr/

Système universitaire de documentation (SUDOC): http://www.sudoc.abes.fr/

Systran: http://www.systransoft.com/

TACTweb: http://tactweb.humanities.mcmaster.ca/tactweb/doc/tact.htm

TERMITE (ITU Telecommunication Terminology Database):http://www.itu.int/search/wais/Termite/

Travlang: http://www.travlang.com/

Travlang - Foreign Languages for Travelers: http://www.travlang.com/languages/

Travlang - Translating Dictionaries: http://dictionaries.travlang.com/

Treanor, Paul (site): http://web.inter.nl.net/users/Paul.Treanor/

TTT.org -Translation, Theory and Technology: http://www.ttt.org/

UNCAPS (United Nations System): http://uncaps.unsystem.org/

Unesco Libraries Portal: http://www.unesco.org/webworld/portal_bib/

Unicode: http://www.unicode.org/

Union internationale des télécommunications (UIT):http://www.itu.int/home/index-fr.html

Universal Networking Language Programme (UNLP): http://www.unl.ias.unu.edu/

Université de Berkeley: http://www.berkeley.edu/

Université de Caen: http://www.unicaen.fr/

Université de Lausanne: http://www.unil.ch/

Université d'Ottawa: http://www.uottawa.ca/

Université de Paris 4-Sorbonne: http://www.paris4.sorbonne.fr/

Université de Paris 8: http://www.univ-paris8.fr/

Université de Paris 8 - Département hypermédias:http://hypermedia.univ-paris8.fr/

Université Pierre Mendès France (Grenoble): http://www.upmf-grenoble.fr/upmf/

Université de Toronto: http://www.chass.utoronto.ca/

Université de Toronto - Département d'études françaises:http://www.chass.utoronto.ca/french/

Voir Plus: http://www.voirplus.net/

W3C: http://www.w3.org/

W3C - Internationalization / Localization: http://www.w3.org/International/

WebEncyclo: http://www.webencyclo.com/

Web Enhanced Language Learning (WELL): http://www.well.ac.uk/

Webster University (Genève): http://www.webster.ch/

Windows on Haiti: http://www.windowsonhaiti.com/

Wired: http://www.wired.com/

Wooldridge, Russon (site): http://www.chass.utoronto.ca/~wulfric/

WorldWide Language Institute (WWLI): http://www.wwli.com/

www.0m1.com: http://www.0m1.com/

WWW Virtual Library (The): http://vlib.org/

WWW Virtual Library (The) - Publishers:http://archive.museophile.sbu.ac.uk/publishers/

Xerox Palo Alto Research Center (PARC): http://www.parc.xerox.com/

Xerox Palo Alto Research Center (PARC) - Electronic Reusable Paper:http://www.parc.xerox.com/dhl/projects/gyricon/

Xerox Research Centre Europe (XRCE): http://www.rxrc.xerox.com/home.fr.html

Yeux du labyrinthe (Les): http://homeusers.brutele.be/acmahaux/andrachmes/

yourDictionary.com (YDC): http://www.yourdictionary.com/

Zazieweb: http://www.zazieweb.com/

Zazieweb - Annuaire des sites: http://www.zazieweb.com/annuaire.php

24. INDEX

[*9.5 = chapitre.section]

Accessibilité du web 9.5

Annuaires spécialisés 20.1

Auteurs 3, 13.1, 17.2, 18.1, 18.2, 19.1

Auteurs multimédias et hypermédias 3.2

Avenir 6.4, 8.2, 9.2, 12.4, 17

Bases de données 12.2

Best-sellers 16.2, 16.3

Bibliothécaires 11, 13.2, 18.1, 18.2, 19.2

Bibliothèques 8.2, 11

Bibliothèques numériques 11.1, 20.4

Bibliothèques traditionnelles 11.3, 20.2, 20.3

Chronologie 2

Conditions de travail 17.1

Convergence multimédia 17.1

Cryptage 5.5

Cyberespace 18.1

Cyberpresse 4, 9.4, 20.13

Dictionnaires 12.1, 20.5

Documentaires hypertexte et hypermédia 6.4

Documentalistes 11, 13.2, 18.1, 18.2, 19.2

Documentation juridique 11.1

Droit d'auteur 5, 20.14

Ecriture 3.1, 3.2, 3.2

Editeurs 6, 7.2, 13.3, 18.1, 18.2, 19.5

Edition 6, 7.2, 20.6

Edition braille 9.1

Edition classique 6.2

Edition électronique 6

Encre électronique 8.2

Encyclopédies 12.1

Enseignement 12

Feuilletons hypermédias 3.2

Fournisseurs de services 20.18

Gestionnaires 13.4, 17.4, 18.1, 19.6

Hypermédia 3.2, 6.4

Hyper-romans 3.2

Hypertexte 3.2, 6.4

Imprimé 13

Internationalisation 20.8

Journalistes 4, 17.1

Langue anglaise 14.3

Langue française 14.4, 20.7

Langues 14, 15, 20.8, 20.9, 20.10

Langues minoritaires 14.6

Législation 5.6

Libraires 10, 19.7

Librairies 7.2, 10, 20.11

Librairies classiques 10.1

Librairies d'ancien 10.1

Librairies de voyage 10.1

Librairies en ligne 10.2

Librairies numériques 10.3

Linguistes 13.5, 14, 15, 18.1, 18.2, 19.8

Linguistique computationnelle 15, 20.10

Littérature 3, 6, 13.1

Littérature hypertexte et hypermédia 3.2, 6.4, 13.1

Livre électronique 8, 20.12

Livre numérique 7, 9.2, 9.3

Livre numérique braille 9.2

Livre numérique vocal 9.3

Livre pour enfants 16.2

Localisation 20.8

Moteurs de recherche 12.1, 12.2, 14.7

Multilinguisme 14, 20.8

Multimédia 3.2

Multinationales 5.8

Numérisation 11.2

Papier 13

Papier électronique 8.2

Perspectives 6.4, 8.2, 9.2, 12.4, 17

Piratage 5.4

Plagiat 5.4

Presse 4, 9.4

Presse en ligne 4, 17.1, 20.13

Professeurs 12, 13.6, 18.1, 18.2, 19.9

Propriété intellectuelle 5, 20.14

Publiphone 9.4

Romans 3.1, 3.2

Sciences de l'information 11, 20.15, 20.16

Société de l'information 18.2

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Copyright © 2001 Marie Lebert

End of Project Gutenberg's Le Livre 010101: Enquête, by Marie Lebert

*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE LIVRE 010101: ENQUÊTE ***

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Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™

Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution ofelectronic works in formats readable by the widest variety ofcomputers including obsolete, old, middle-aged and new computers. Itexists because of the efforts of hundreds of volunteers and donationsfrom people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with theassistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’sgoals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection willremain freely available for generations to come. In 2001, the ProjectGutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secureand permanent future for Project Gutenberg™ and futuregenerations. To learn more about the Project Gutenberg LiteraryArchive Foundation and how your efforts and donations can help, seeSections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.

Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit501(c)(3) educational corporation organized under the laws of thestate of Mississippi and granted tax exempt status by the InternalRevenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identificationnumber is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg LiteraryArchive Foundation are tax deductible to the full extent permitted byU.S. federal laws and your state’s laws.

The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West,Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and upto date contact information can be found at the Foundation’s websiteand official page at www.gutenberg.org/contact

Section 4. Information about Donations to the Project GutenbergLiterary Archive Foundation

Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespreadpublic support and donations to carry out its mission ofincreasing the number of public domain and licensed works that can befreely distributed in machine-readable form accessible by the widestarray of equipment including outdated equipment. Many small donations($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exemptstatus with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulatingcharities and charitable donations in all 50 states of the UnitedStates. Compliance requirements are not uniform and it takes aconsiderable effort, much paperwork and many fees to meet and keep upwith these requirements. We do not solicit donations in locationswhere we have not received written confirmation of compliance. To SENDDONATIONS or determine the status of compliance for any particular statevisit www.gutenberg.org/donate.

While we cannot and do not solicit contributions from states where wehave not met the solicitation requirements, we know of no prohibitionagainst accepting unsolicited donations from donors in such states whoapproach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot makeany statements concerning tax treatment of donations received fromoutside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg web pages for current donationmethods and addresses. Donations are accepted in a number of otherways including checks, online payments and credit card donations. Todonate, please visit: www.gutenberg.org/donate.

Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works

Professor Michael S. Hart was the originator of the ProjectGutenberg™ concept of a library of electronic works that could befreely shared with anyone. For forty years, he produced anddistributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network ofvolunteer support.

Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printededitions, all of which are confirmed as not protected by copyright inthe U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do notnecessarily keep eBooks in compliance with any particular paperedition.

Most people start at our website which has the main PG searchfacility: www.gutenberg.org.

This website includes information about Project Gutenberg™,including how to make donations to the Project Gutenberg LiteraryArchive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how tosubscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.

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Name: Merrill Bechtelar CPA

Birthday: 1996-05-19

Address: Apt. 114 873 White Lodge, Libbyfurt, CA 93006

Phone: +5983010455207

Job: Legacy Representative

Hobby: Blacksmithing, Urban exploration, Sudoku, Slacklining, Creative writing, Community, Letterboxing

Introduction: My name is Merrill Bechtelar CPA, I am a clean, agreeable, glorious, magnificent, witty, enchanting, comfortable person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.